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  • Claude Ber

     

    Les matins nous sautaient au visage par volée d’oiseaux. Doigts entrelacées à des herbes inventées. Cheveux noués à ces fils d’ambre qui, entre chien et loup, font à l’air comme un pelage.

     

     

     

  • Kahil Gibran

     

    Et dans ma folie, j’ai retrouvé à la fois ma liberté et ma sécurité ; la liberté d’être seul et la sécurité de n’être pas compris ; car ceux qui nous comprennent nous asservissent de quelque manière.

     

    in Le Fou

     

     

     

  • André Beem

     

    à nouveau

    blesser le silence

     

    inciser

    sa chair insonore

     

    déchirer

    à vif l’être muet

     

    lui tailler

    de nouvelles lèvres

     

    qu’à nouveau

    coule un sang de sens

     

    à quoi bon

     

    tout mot n’est

    qu’une cicatrice

     

    taciturne

    de nous se détourne

     

    à nouveau

    le tout qui nous pense

     

    in La traversée d’ici

     

     

     

  • André Beem

     

    Avant que la mort t’anéantisse, pourquoi te priver du plaisir de disparaître sous des formes nombreuses et variées ? Ce me semblerait d’un homme vraiment digne de ce nom, que de mourir aussi multiple qu’il est né.

     

    in Loxias

     

     

  • L’Incroyable Histoire de Wheeler Burden de Selden Edwards

     

    traduit de l’anglais (États-Unis) par Hubert Tézénas

     

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    Cherche Midi, janvier 2014

    650 pages, 20€.

     

       

    Ce roman à la construction extrêmement élaborée, d’une densité vertigineuse, nous emporte avec son personnage principal dans un tourbillon d’évènements, dont une bonne partie a pour théâtre la ville de Vienne. Frank Standish Burden III, alias Wheeler Burden, champion de base-ball dans ses années étudiantes comme son père avant lui, puis célèbre musicien de rock des années 70, a abandonné la musique pour consacrer une dizaine d’années à l’écriture d’un livre. C’est suite à la sortie de ce livre, en 1988 donc, que Wheeler rentrant d’une soirée qui lui était consacrée, se retrouve tout d’un coup à Vienne ! Ce fait est déjà fort surprenant, mais le plus incroyable, c’est que la Vienne dans laquelle il se retrouve ainsi transporté, est la Vienne de 1897 ! Un inexplicable et soudain bond en arrière qui marque le début d’une aventure tout aussi impensable.

     

    Ce roman labyrinthique s’articule donc autour de nombreux aller-retour dans le temps et dans la vie de Wheeler Burden mais aussi de plusieurs autres membres de sa famille et quelques autres personnages qui ont tous en commun la ville de Vienne. Wheeler Burden la connaissait sans jamais y avoir mis les pieds et tout particulièrement la Vienne étincelante de la fin du XIXème, grâce aux récits passionnés du vénérable Haze, lui-même viennois d’origine. D’ailleurs le livre que Wheeler venait de faire paraître avant d’être catapulté dans le temps, était en fait la mise au propre des innombrables notes que ce bien-aimé professeur d’Histoire de St Grégory lui avait bizarrement léguées. Haze avait eu aussi pour élève le père de Wheeler, qui de même que son grand-père, avait étudié dans cet établissement privé très chic pour garçons des environs de Boston. Wheeler, bien que n’ayant pas le profil habituel, y était entré grâce à sa grand-mère, Eleanor Burden, dont Haze était un ami proche. Il avait pu ainsi entrer par la suite à Harvard, toujours sur les traces de ses illustres père et grand-père.

     

    La Vienne de cet automne 1897, capitale de l’Empire austro-hongrois, c’est une Vienne en pleine ébullition, qui privilégie le faste des fêtes, du théâtre et de la musique, avec son célèbre Ring, grand et chic boulevard annulaire bordé de platanes où la population aisée se presse pour aller se divertir. C’est aussi la Vienne de jeunes intellectuels et artistes qui se retrouvent au Café Central pour refaire la société : la Jung Wien que fréquentait le jeune Arnauld Esterhazy, le futur professeur Haze, mais cette Vienne est aussi celle qui ne se préoccupe pas de sa population la plus miséreuse et celle d’un tout nouveau maire, Karl Lueger, qui assoit sa popularité en exploitant les idées nauséabondes d’un antisémitisme insidieux et montant.

     

    Il semble très vite évident à Wheeler, alors âgé d’une cinquantaine d’années, que ce voyage dans le temps, bien que des plus improbables, ne s’est pas fait complètement au hasard. Cela deviendra une évidence, bien que toujours plus ahurissante, quand on découvrira en même temps que Wheeler, que bien des personnes auxquelles il est apparenté, sont également à Vienne à ce moment là. En effet, l’Américain dans la chambre d’hôtel duquel il va dérober vêtements et argent juste après sa rocambolesque arrivée, n’est autre que son futur grand-père et Weezie, la jeune américaine dont il va tomber follement amoureux, n’est autre que sa future grand-mère, le jeune Haze y est également. Plus fou encore, Wheeler va y rencontrer Dilly, son père, qui lui aussi vient de voyager dans le temps pour arriver au même lieu, en cet automne 1897, alors qu’il était en 1944, mourant aux mains de la Gestapo, après avoir été arrêté et torturé. Il travaillait pour les services anglais en aidant la résistance française et détenait des informations aussi cruciales que la date et le lieu du débarquement. Son fils Wheeler qu’il avait eu avec Flora, une anglaise militante et pacifiste, avait alors 3 ans.

      

    Selden Edwards pour un premier roman, nous offre donc un spectaculaire enchevêtrement d’histoires, un tissage réalisé de main de maître dont le motif apparaîtra peu à peu dans son ensemble et révélera bien des secrets d’une famille peu ordinaire, c’est le moins qu’on puisse dire, elle-même directement liée aux grand évènements de l’Histoire et dans lequel apparaissent d’autres personnages tel que Freud, le seul à qui Wheeler racontera toute la vérité, sachant qu’il ne le croirait pas mais serait suffisamment intéressé par les mécanismes inconscients pouvant pousser un homme à raconter de telles invraisemblances, pour lui procurer en échange le gite et la nourriture, mais aussi le compositeur Gustav Mahler, le peintre Klimt et l’écrivain américain Mark Twain sans oublier Adolf Hitler, que Dilly veut absolument retrouver, qui vit alors dans un village non loin de Vienne. C’est encore un enfant de 6 ans, maltraité par son père.

      

    Plein de suspens et de rebondissements, c’est un roman qui ne cessera de nous étonner tout en nous faisant parcourir un pan entier de l’Histoire contemporaine avec ses dessous plus ou moins reluisants. Il ouvre un abime de réflexion sur la place du temps, de la fatalité, de la mort et du risque ou pas de changer les évènements en se retrouvant comme Wheeler et son père dans un temps antérieur à leur propre naissance.  C’est un roman impossible à résumer, à la fois très documenté, doté d’une époustouflante inventivité, qui en racontant le destin de personnages pris dans le flux de plusieurs époques, idées, principes et croyances, interroge aussi et surtout les tréfonds de l’humain et les valeurs auxquelles nous nous accrochons, ouvrant grand la porte à la réflexion sur le sens que chacun des personnages peut ou veut donner à sa vie.

     

    Cathy Garcia

     

      

    selden_edwards-18950.jpgNé en 1945, Selden Edwards est professeur. Il vit en Californie, à Santa Barbara. L’Incroyable Histoire de Wheeler Burden est son premier roman. Il y a travaillé pendant près de trente ans.

     

     

     

     

     

     

     

     

     Cet article sera en ligne sur le site de la Cause Littéraire.