Anna Maria Celli
Lorsqu’on l’appelle
Entre ses cuisses froides
S’ouvre un oursin
Profond et noir
Qui luit
Et nous regarde
in Prémonitoires
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Lorsqu’on l’appelle
Entre ses cuisses froides
S’ouvre un oursin
Profond et noir
Qui luit
Et nous regarde
in Prémonitoires
J’ai gravi bien des escaliers, j’ai pleuré sur bien des tombes
Je me suis sentie espionnées, comme par l’œil d’un poisson mort.
La belle pluie bleue m’a lavée de tous ces mystères, m’a défaite comme une fleur.
Maintenant qu’il fait nuit, dans la compagnie d’un chat blanc et roux,
j’égrène des fruits de mémoire, je tâche d’attendre le jour.
Il viendra avec ses voitures et ses paroles déchirant le foulard d’un songe,
crevant la rue de klaxons et de détritus.
in Traction Brabant n°65
Élégie
Je me suis déchaussé pour entrer dans la maison
du passé, j'ai ouvert le piano aux dents jaunes
j'ai essayé ma voix comme un couteau cassé
ce n'est rien. Je vous dis que ce n'est rien. À peine
un souffle qui pourrait éteindre une bougie
un cœur usé qui craint les escaliers raidis
une main qui tâtonne pour trouver une clé
qui n'ouvre rien qui ne soit déjà ouvert depuis
longtemps, une molle jambe qui fait sur le tapis
des traces.
Mon plaisir est encore d’accompagner le ruisseau,
De marcher le long des berges, dans le bon sens, dans le sens de l’eau qui coule, de l’eau qui mène la vie ailleurs, au village voisin. Mon « ailleurs » ne va pas plus loin.
Triste petit train de vie
Celle qui pourrit dans mon cœur
c'est la lueur qui se nourrit des peurs
qui rôdent chantant le malheur,
en haut, en bas, toujours.
Nuit sur la nuit, c'est fête, enfonçons la
détresse
sous l'ouate d'une joie épaisse ;
nuit sur la nuit, c'est la faiblesse
du cœur brisé
La pourriture est dans mon souffle et ce
vent
c'est le siffleur fascinant, c'est la dent,
c'est le goût de saumure de ce gouffre avant
la fuite en bas.
Plaie du jour à mon flanc !
la nuit, c'est mon sang
qui s'enfuit par ce trou blanc,
soleil qui me baigne jusqu'au petit matin,
m'ôte la faim
au petit matin de ma fin,
personne n'entend, personne,
personne ne tend la main,
je suis l'aiguille,
l'aiguille dans le tas de foin,
le foin sans fin, l'étouffeur à la fin...
personne ne vient, personne ne pleure,
sauf toujours la même, la terreur.
in Le Contre-Ciel
et la morale de ceci, c'est : Soyez ce que vous voudriez avoir l'air d'être ; ou, pour parler plus simplement : Ne vous imaginez pas être différente de ce qu'il eût pu sembler à autrui que vous fussiez ou eussiez pu être en restant identique à ce que vous fûtes sans jamais paraître autre que vous n'étiez avant d'être devenue ce que vous êtes.
in Les Aventures d'Alice au Pays des Merveilles, trad. Henri Parisot