René Le Bègue - Esquisse, 1906
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Moi j’aimais bien me tenir dans la clairière du sanctuaire, les yeux fermés j’écoutais le chant des oiseaux, les insectes et le bruissement des feuilles, je respirais l’odeur de la forêt, un mélange de feuilles mortes, de terre, d’eau, de fleurs et d’écorce d’arbre, je sentais que les divinités de la forêt sacrée me regardaient. Je restais debout et j’avais l’impression de devenir un arbre ou une plante, mon corps bourgeonnait ici et là, des fleurs s’épanouissaient au bout de mes doigts, je devenais légère comme un voile de mariée, prêt à s’envoler, c’était comme si mon corps se déployait pour se mêler à la forêt. Je pouvais passer des heures là-bas sans m’en lasser.
in L’âme de Kôtarô contemplait la mer
Depuis hier soir, je lis un bouquin sur la vie et l’œuvre de Charles Duits et l’exploration du peyotl dans la littérature. J’y retrouve le bouddhisme, Gurdjieff, Michaux et les tourments de l’écriture. J’y retrouve certains des questionnements et tourments de mon esprit occidental.
Si j’étais une visionnaire, en quoi cela répondrait-il à mon trop plein de questions ?
La réponse est là, toute proche. Suffit de tendre le bras, d’ouvrir les yeux, oui mais lesquels ?
cg in Journal 1999
Les lois des livres et le pouvoir des fusils
n’enseigneront jamais les manières de faire avec les humains.
in Notre quelque part
Poète funambule danseur de corde
sur la ligne de vie nul ne sait
si le balancier dépend du poids de ta peine
Voltige n’est pas le contraire de profondeur
in La sagesse est toujours en retard (Rougerie mars 2016)
traduit de l’espagnol (Colombie) par René Solis
Ed. Métailié, 17 mars 2016
272 pages, 20 €.
Entre polar de bras cassés, drame socio-psychologique et conte de fée, ce roman est un tissage de genres aux contours floutés, où chaque personnage, quelque soit son statut, sa classe sociale, son rêve ou son opiniâtreté, ne pourra jamais accéder au bonheur.
Mono, l’antihéros est l’un des personnages centraux de l’histoire. Enfant des quartiers modestes devenu petit caïd trentenaire et ambitieux, il est obsédé depuis son plus jeune âge par Isolda, la fille du château. El Castillo, cette improbable copie de château-fort, qu’a fait construire sur les hauteurs de Medellin, Don Diego Echavarría Misas, issu d’une très riche famille colombienne et compagnon de Dita, une allemande qui n’a jamais voulu se marier. Isolda est leur fille unique.
Isolda a grandi à l’abri du monde extérieur, derrière les murs du château, mais elle s’échappe aussi souvent qu’elle le peut dans la forêt tropicale du parc qui l’entoure. C’est de là qu’elle ressort avec d’extraordinaires et mystérieuses coiffures, joliment décorées d’herbes et de fleurs. C’est aussi dans ce parc, que Mono et ses copains savent se faufiler pour observer en cachette cette jolie fillette, puis jeune adolescente, si différente d’eux.
La trame de l’histoire alterne le présent, où Don Diego est retenu dans un chalet isolé, après avoir été kidnappé par Mono et ses complices et des retours dans le passé, entre les souvenirs de Mono et ce que raconte le narrateur lui-même, notamment la vie à Berlin, l’après-guerre, le contexte politique, la rencontre de Don Diego et Dita, la construction du château….
Isolda s’y ennuie profondément, engoncée dans ses robes de poupées, il n’y a que la forêt qui l’attire et une mini-jupe rouge trouvée dans la cabine d’essayage de la couturière. Cette jupe lui vaudra d’être éloignée dans un pensionnat et la mélancolie de sa mère, qui a toujours eu du mal à se faire à la vie de cette ville, si éloignée de son Allemagne natale, ne fera qu’empirer et l’enfermer elle aussi toujours plus, coupée du monde.
Mono est obsédée par Isolda, un amour qui se veut pur, chevaleresque. Mono couche aussi avec le garçon, un jeune et très beau garçon, qui profite, se fait couvrir de cadeaux de plus en plus coûteux et Mono, qui vit toujours chez sa mère, dilapide pour lui l’argent provenant des casses et ce dans le dos de ses complices. Des gars pas très brillants, les complices, qui espèrent juste se sortir de la misère. L’un d’eux sera tué par la police, un autre deviendra fou, aucun en tout cas ne verra ses rêves se réaliser. Twiggy, la bimbo de la bande, est amoureuse de Mono, elle lui sert de couverture pour que nul ne devine sa réelle orientation sexuelle. Tous espèrent échapper à leur vie minable grâce à la rançon de ce coup magistral : le kidnapping de Don Diego.
Mais nul dans ce roman n’obtiendra satisfaction et ce quelle que soit sa richesse, bien ou mal acquise, la différence étant d’ailleurs parfois très floue. Quelque chose plane sur cette Medellin de 1971, qui augure de la violence dans laquelle elle ne va pas tarder à basculer. D’ailleurs cette histoire qui baigne souvent dans une atmosphère irréelle, s’inspire pourtant de faits, de lieux et de personnages réels et l’un des complices du véritable Mono, s’appelait Pablo Escobar.
Le monde extérieur est un roman atypique, noir, poétique, étouffant, difficile à cerner, un peu comme les contours d’une forêt, mystérieuse et féérique ou jungle humaine sans pitié.
Cathy Garcia
Jorge Franco est né à Medellín en 1962. Il a étudié la mise en scène à l’école internationale du film de Londres et la littérature à la Pontificia Universidad Javeriana de Bogota. Il a également été membre de l’Atelier Littéraire dirigé par Manuel Mejía Vallejo à la bibliothèque municipale pilote de Medellín ; et membre de l’atelier d’écriture de l’Université Centrale dirigé par Isaías Peña Gutierrez. En 1996, il est sélectionné pour la septième édition du Prix Carlos Castro Saavedra de la nouvelle, pour Viaje Gratis ; la même année, il est récompensé par le Prix National Pedro Gómez Valderrama du roman pour son livre de nouvelles Maldito Amor ; et en 1997, il remporte le prix national de la Ville de Pereira avec son roman Mala Noche. Son troisième livre, La Fille aux ciseaux, a connu un très grand succès et a été adapté au cinéma sous le titre de Rosario.
J'ai si longtemps respiré l'air des forêts, l'air vibrant de neige, je me suis si souvent mêlée aux
Blancheurs vastes et désertes, que mon âme est un peu l'âme des louves fuyantes.
La Terre misère, truand à vaches
À l’infortune, tout le bétail
Qui dégouline, passe sous le ciel
Pour des étoiles, qui tiennent foire
in Little Monde
Ma queue éclatait sous tes lèvres
Comme une prune de Juillet
La plume au vent qu’on taille en rêve
N’est pas plus folle je le sais
Que la volage aux amours brèves
Il me souvient de Félicie
Que je connus le jour de Pâques
Et dont la moniche roussie
S’ouvrait en coquille Saint-Jacques
De septembre à la fin Avril
Il me souvient de la Dona
Qui faisait l’amour en cadence
Et dont la figue distilla
Un alcool d’une violence
Mais je ne vous dis que cela.
in Poésies libres