impro vocale et sitar électrique
la voix de Cathy Garcia entendue par Gaëlle Josse
Les femmes avaient allumé un feu ; elles avaient nourri les bêtes entravées pour la nuit, encloses dans leur odeur de bêtes.
Elles avaient tiré de l’eau au puits, et nourri les hommes de galettes cuites sous la cendre, puis les enfants, qui avaient ensuite rejoint leurs rêves, sous de lourdes étoffes drapées dans le sombre des tentes amarrées au sable.
Elles avaient gardé auprès d’elle les plus jeunes, accrochés au sein, aux jupes, rivés au cercle obscur et rassurant que leur présence dessinait autour d’elles, et veillèrent sur leur sommeil. Puis elles mangèrent à leur tour, en partageant ce qui restait.
dans les dunes aquarelles de jlmi
Nomade, celui qui marche son royaume est une dune une steppe une tente & le vent toujours & des troupeaux de chevaux fiévreux enflammés
Ensemble elles chantèrent des airs venus de très loin, venus des profondeurs de leurs corps et des replis les plus secrets de leurs mémoires, et elles les offrirent à la nuit.
Ensemble elles dirent ce qu’elles savaient des joies et des peines qui se déposent sur le fil des jours, des peurs qui se dressent à la nuit venue, comme des montagnes qu’il faut gravir chaque matin.
Elles parlèrent de leurs sangs et des enfants qui croissent dans le ventre comme des fleurs de chair, et des musiques qui les apaisent.
Nomade, celui qui rêve de caravansérails de feu partagé de thé sucré & amer, de chevelures lourdes, de peaux mates, de vulves impatientes où s’affranchir de toutes les solitudes
Elles parlèrent des puits d’où l’on tire l’eau fraîche qui abandonne ses arabesques sur la peau, des puits à l’eau miroir, des puits dont on ne sait le fond.
Elles parlèrent du désir des hommes et de leur désir à elles et de ces cris et de ces tremblements et de leurs corps nus si beaux si fragiles.
Nomade, celui qui jette les dés chaque matin caravane de sel en marche & s’arrête là où la nuit descend & la Croix du Sud qui veille
Elles parlèrent du monde, du si peu d’amour qu’on y trouve, et de tout l’amour qu’il faut recueillir avec patience pour parvenir à vivre, et des traces que l’on suit sans savoir où elles mènent, des exils chaque jour recommencés, des pierres qui marquent les tombes, des paroles qui guérissent, du vol des nuages, de la course des étoiles et des bêtes qu’il faut tenir en respect.
Nomade, celui qui se nourrit de vent de sable & rêve de Samarcande, d’un étalon dressé, dents et sabots, d’une selle incrustée d’ivoire, de bijoux lourds comme des chaînes
La nuit apportait avec elle des ombres claires, des silhouettes de silence et de mystère. Salomé et la Reine de Saba surgirent des sables d’ocre et de rose.
Elles dansèrent dans la houle de leurs cheveux et elles burent du vin, car l’heure était à se réjouir. Elles retirèrent leurs bijoux, déposèrent leurs parures et le sable froid frémit sous leurs pieds, et elles se mirent à rire autour du grand feu.
Nomade, & des départs & le vent toujours
Puis le jour vint faire l’offrande de ses couleurs, comme chaque jour. Les femmes se mirent en marche, et les enfants marchèrent avec elles.
Longtemps on les entendit chanter dans les lointains, sur les chemins qu’elles avaient vus en songe et qui s’effaçaient sous leurs pas, recouverts par le vent.
http://jlmi22.hautetfort.com/archive/2012/10/23/l-oreille-la-plume-il-etait-une-fois.html