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  • Marc Tison - Des abribus pour l’exode

     

    images et peintures de Raymond Majchrzak

    éditions Le Citron Gare, novembre 2017

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    82 pages, 10 €.

     

    Sensations vivaces qui imprègnent le mental, maintiennent sous tension le réseau de nerfs, scarifications émotionnelles sur le corps de la mémoire qui n’accepte pas la reddition, ni la soumission. Mémoire du corps jamais rassasiée de cette ivresse qui nous propulse dans le corps de l’autre. Sexe, musique, jeunesse, pures sensations qui lancent les rêves à l’assaut des horizons, pied sur l’accélérateur.

     

    On ne va plus dans les étoiles. Les fusées sont dépiécées. La tête en feu de joie c’était pourtant bien là, claquant le réel à l’enchantement du voyage.

     

    Il y a si peu de temps. Il y a si peu de soi.

     

    Mémoire du corps accro à l’intensité, à la sensation de liberté, aussi illusoire soit-elle.

     

    Il y a tant d’espaces délabrés que tu revisites plein d’espoir, incrédule. L’avant ne s’est pas peint d’éternité.

     

    Le passé n’existe plus, mais le monde a-t-il mieux à offrir ? Tel est le questionnement qui sourd de ce recueil de Marc Tison. Abribus pour l’exode, tentations en lignes de fuite.

     

    L’alcool me flambe toujours au crépuscule

    pour saluer les jours brûlés à l’ennui.

    Je ne suis pas si fragile

     

    Un recueil pas tout à fait nostalgique, ou pas seulement, même lors d’un retour dans le Nord, à Denain.

     

    « Je reviens à mon pays, intérieur, affranchi, en orpailleur. (…) Entre les usines désarmées, les terrils décapités, il reste sur les bars de poussière, les traces rondes des bocks de bières. Les jukebox remisés chuchotent mémoriels des Ep gravés pour des bals rock et ouvriers. »

     

    Le poète pratique un art magique. Avec ses mots, il peut souffler sur les braises, réanimer à volonté la flamme. Ce n’est pas sans danger d’user de ce pouvoir et l’hypersensibilité permanente lui interdit de s’abrutir dans un confort étanche. Convocation lucide de sensations dont le corps ne parvient pas à se défaire au point parfois de ne pouvoir dormir. La révolte est intacte, la conscience vive et les injustices demeurent insupportables.

     

    « Au cœur de l’Europe chrétienne on aime son prochain. (…) Ha qu’est ce qu’on l’aime son prochain quand il est courageux et qu’il reste noyé dans la mer. »

     

    Insupportable comme la tiédeur, la médiocrité, l’hypocrisie, le mensonge, le vide de sens contemporain.

     

    « Les animateurs des émissions d’actualité et de divertissement des chaines de télévision ont des trous dans leurs mots. A travers passent d’immenses tristesses de rien. Alors les téléspectateurs tombent dedans.

    Ceux qui n’ont pas de parachute s’écrasent méchamment le dedans de la tête. »

     

    Même la musique est creuse. « Les notes juteuses - qui touchent le corps – se sont tirées des clips maniérés. Parties continuer la fête ailleurs.

     

    (…) Nous appelons alors musiques les dérangements sonores qui habillent les cliquetis des caisses enregistreuses des supermarchés. »

     

    « Au quotidien on se fait à toutes les crapuleries (!?!) » Ce n’est pas un constat résigné, mais un « !?! », car non poète, tant que ton corps est vivant, il vibre ! Il n’est pas dupe mais il sait encore ressentir.

     

    « Prends le matin nu en embrassade. Tu l’effleures et tu lui souffles des siroccos. Ta bouche pleine du sucre des figues fraîches de l’aube.

     

    Fais l’amour, alors fais l’amour comme se maquillent les rêves. Dans tes yeux explosent des couleurs, des rouges mélangées de jaunes et d’ailleurs. »

     

    Mais il faut savoir qu’après chaque shoot de sensations intenses, il y a la redescente. Amertume et dégoût guettent l’insurgé, les focus sur le monde attisent la rage et la nuit, seul espace de rêve, exige l’insomnie.

     

    « Une communication interlope avec les fantômes de tes désirs. (…) Le sommeil t’attend. Tu n’en veux pas. Pourtant les draps frais sentent si près la mélancolie de l’enfant. Cet état qui t’apeure.

    Comme un licol sur l’encolure d’un mustang. »

     

    Le poète est en cavale, ce n’est pas la mort qu’il fuit, ni même la vieillesse, mais bien ce licol à l’encolure. Semant au vent ses brassées de mots indomptables, cet « autochtone des plaines d’exodes » ne se rendra jamais, parce qu’ayant su saisir l’essentiel de sa vie et de ses folies, il le convoque autant qu’il lui plait pour des fêtes intimes subtiles qui passent au travers des mailles de n’importe quel filet.  De toutes les pertes, il sort vainqueur. Il a gagné la plus belle des libertés, sa liberté intérieure.

     

    « J’abandonne le champ des batailles en friches. J’abandonne la routine des ultimes charges.

     

    J’en reviens à l’absolu.

     

    L’absolu silence. D’où se recompose le mystère. La parole et le chant.

     

    L’absolue virginité. D’où nait l’amour. La complexité absolue du vivant.

     

    L’absolu lointain. D’où se mesure l’avenir. Son effacement conjuré de promesses.

     

    (…) Toute disparition fera un renouvellement.

     

     

    Pas de nostalgie donc, ou pas seulement. Trop de saveur encore dans la bouche, pour cultiver les regrets.

     

    (…) Dans l’espace existentiel de millions d’années lumières, je ne saurais pas l’omniscience. Ça n’a pas d’importance.

     

    Ma vie idiote est une merveille. »

     

     

    Et quand c’est l’âme qui jouit, il n’y a plus aucune limite.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    tison nb_031433651bfd190a9d553ddfeb391298.jpgMarc Tison est né en 1956 entre les usines et les terrils, dans le nord de la France. Fondamental. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières. Engagé tôt dans le monde du travail. Il a pratiqué dans un premier temps de multiples jobs : de chauffeur poids-lourd à rédacteur de pages culturelles, en passant par la régie d’exposition (notamment H. Cartier Bresson) et la position du chanteur de rock. Puis il s’est spécialisé dans la gestion et l’accompagnement de projets culturels et d’artistes. S’est mis à l’écriture de poésie très tôt comme la juste expression des sensations vivaces. Habite maintenant dans le Tarn où il continue, heureusement troublé, l’exploration des univers à réinventer.

      

    Raymond Majchrzak est né en 1955 à Escaudain (59), pays minier et industriel, à quelques kilomètres de Denain. Il a fait les beaux arts à Valenciennes. Il peint et travaille des images numériques. Il déroule aussi de longues improvisations musicales plus ou moins électroniques pour lui même à longueur de temps. 

     

    Pour commander le recueil auprès de l'association le Citron Gare, p.maltaverne@orange.fr

     

     

  • Revue Nouveaux Délits - Mon édito du numéro 59 - Janvier 2018

     

     

    tu ne pourras fuir.jpg

    illustration d'Arnaud Martin


     

    Eh bien voilà revenue l’année nouvelle ! Nous savons que ça ne veut pas dire grand chose, mais si ça peut nous permettre de nous sentir de même un tant soit peu neufs, décidés à laisser derrière nous le pesant et l’obsolète... Une nouvelle chance, un nouveau départ, un peu de poudre de perlimpinpin qui brille, une virginité en toc, un lustre qui disparaitra en deux coups d’éponge, mais quelques secondes de rêve, ce n’est pas rien, alors on ne va pas se les gâcher en faisant du mauvais esprit, surtout quand on s’appelle « Nouveaux Délits ».

     

    Si la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil, comme l’écrivait Char, alors elle est au soleil pendant que d’autres sont au bureau, aussi spacieux soit-il. Alors, fait-elle vraiment souffrir cette lucidité ? Et si elle était justement la garante du rêve ? Entre la transparence et l’opacité, il y a la beauté de la translucidité, ce qui n’est pas sans rapport avec la poésie.

     

    Aussi, je vous invite sans plus de blabla à la découverte des poètes de ce nouveau numéro. Je les ai choisis avec mon meilleur mauvais goût, clin d’œil à de pauvres petites idées fixes et préconçues et donc pas très neuves, de ce qu’est, doit être et ne peut pas être la poésie. Ne cherchez pas, la poésie n’y est déjà plus ! Souhaitons-nous plutôt de tirer le meilleur jus de cette année inédite et de le boire en chantant à tue-tête. Soyons sérieux : rions beaucoup et aimons plus encore !

     

    Bonne année 2018 à vous toutes et tous et que la paix ferme le bec des imbéciles qui ne laissent pas passer la lumière.

     

    CG

     

     

    La poésie n’est pas un art pur, indépendant. Elle n’est que révélatrice. La poésie n’a pas besoin d’être, c’est tout le reste qui n’est pas, sans elle.

    Cathy Garcia in Qué wonderful monde

    (Nouveaux délits, coll. Les délits vrais éd. 2012)

     

     

     

  • 2018, nos cœurs qui battent

    JMA 2017_n.jpg

     

    à toutes celles et ceux qui savent déjà à quel point elles-ils sont précieux à mon cœur, aux poètes et artistes de la toile, aux ami-e-s du présent, aux ami-e-s du passé (j'ai une mémoire très inclusive), aux ami-e-s du futur, à vous inconnu-e-s

     à vous toutes et tous, que cette année 2018 soit une année que vous n'oublierez pas, une année où vous serez plus que jamais vous-même, plus que jamais à l'écoute de ce qui vibre et résonne juste pour vous, une année à cœurs ouverts, rythmée par leur belle et irremplaçable musique...

     

     

     

     

     

     

  • Black Elk

     

    Tandis que je me tenais là, je vis plus de choses que je puis raconter, et je compris plus que je ne vis. Car je voyais les formes véritables de toutes choses, l'esprit de toutes choses et la forme de toutes les formes vivant ensemble comme un seul Être.