Allégorie de la Peste - Peinture anonyme du XVe siècle
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Ces misérables voient reluire les trésors du tyran ; ils admirent, tout ébahis, les éclats de sa magnificence ; alléchés par cette lueur, ils s'approchent sans s'apercevoir qu'ils se jettent dans une flamme qui ne peut manquer de les dévorer.
in Discours de la servitude volontaire (1549)
Ma lèvre tremble, le ciel est tombé en cataracte de verre.
En granit fracassé à la mer.
cg in Fugitive (Cardère, 2014)
J’espérais pouvoir raconter dans dix mille ans tout ce que j’avais vu, simplement raconter ce roulement des vagues terrestres qui vont successivement, dans une belle lenteur, se renouveler entre les lèvres flamboyantes du soleil couchant.
Je voulais être cet œil, cette mémoire, le parchemin sur lequel cela se trace d’instant en instant. J’étais une âme en pleine commémoration.
in Marguerite de Porète
***
Alain Cotten
Zinzoline, revue incertaine d'art et de littérature
La revue Spered Gouez vous adresse tous ses meilleurs voeux pour 2018
***
Pascale de Trazegnies
lit un de ses poèmes sur une musique d’Alain Kremski ( « Sous les Étoiles silencieuses »).
Avec les peintures de Picha (Galerie Forêt Verte).
***
Anne Jullien
***
Lionel Lefèvre
Rendez vous avec « Anicet » sur vocabullanicet.com
***
Du sort…
lui-même inconstant
le sort vacillera sur son erre
ne saura du lendemain projeté
poursuivre sur sa lancée d’une ère
momentanément encalminée…
car il est toujours temps
avant que l’avenir ne s’assigne
suspendre de vains dieux
non seulement l’ire mais le signe
avant-coureur de destinée…
celle que suspicieux
en d’inexplicables options
ces bienfaits nous assènent
confondant ellipses et lunaisons
selon nos diapasons…
car il est toujours temps
en cette heure où les vœux courent
d’un manquement à leurs idéaux
modifier ces trajets qui concourent
à des cieux infernaux…
Henri Cachau
Avec nos meilleurs vœux
2018
***
2018
Excellente fin d'année 2017, prenez soin de vous en 2018...
"Je suis comme un agenda ouvert sur l’écho des paroles
Envolées depuis cent mille années
Je suis comme un dictionnaire en attente de mots neufs,
De mots gourmands de vie, de mots rares et précieux
Une échelle et vite, me voilà dans les mots alizés
Dans les mots nuages, dans les mots soleils
Là-haut, dans les nuées, une quiétude, un silence,
une sérénité qui transparait en instant d’éternité
Ici-bas, trop souvent, les mots cages, les mots sourds
Les mots lourds, les mots dévoreurs de vie
Entre nous deux, le silence, l’incompréhension, la douleur…
Ici-bas, aussi, les mots gestes, les mots regards
Les mots sourires, les mots dialogues
Entre nous deux, l’échange, le partage, la tolérance,
Un silence de douceur loquace…
Ils dorment, les mots, ils dorment au large des bouches
Ils dorment au large des baies des langues
Emportés par le flot et la houle
Ou bercés par le vent timide de la parole.
Imagine, voyageur, la splendeur
D’un monde autre que le tien..."
extrait "Voyage au centre du mot" spectacle poético-scientifique d'Yves Béal, Heiko Buchholz et François Thollet - direction d'acteurs Alexandre Del Perugia.
***
***
Aujourd’hui je n’ai rien fait
(Hoy no he hecho nada)
Aujourd’hui je n’ai rien fait.
Mais bien des choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n’existent pas
ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leurs corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
sauve parfois l’équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi pèse
sur le plateau vide de la balance.
Roberto Juarroz (1925-1995)
[« Treizième poésie verticale », 1992]
***
Le village de Port Berrío est situé au bord du río Magdalena, en Colombie. Pendant plus de trente ans ses habitants ont retrouvé des corps ou des morceaux de corps des victimes de la violence, jetés dans la rivière pour les faire disparaître. Ces cadavres sans identification, connus comme NN (Ningún Nombre, sans nom) étaient destinés à une fosse commune. Cependant, durant des décennies, les habitants de Port Berrío les ont adoptés, en leur donnant des noms, en décorant leurs tombes et en leur portant de l'eau, des offrandes et des fleurs. Selon la croyance, les âmes de ceux qui sont morts ainsi, récompensent les vivants en leur donnant une protection et en leur accordant des faveurs. Certains des adoptants les baptisent même de leurs propres noms et noms de famille. À travers ce rituel collectif, je pense que les habitants de Port Berrío disent à ceux qui perpétuent la violence : "Dans notre communauté nous ne permettons pas que ses victimes disparaissent; nous ne savons pas qui ils sont, mais nous les faisons nôtres"
Juan Manuel Echavarría, photographe, auteur, réalisateur
à propos :
le film complet :
Métailié, collection Noir, 5 octobre 2017
240 pages, 18 €
Des régions désertiques du nord du Mali au Limousin, en passant par l’Italie, Serge Quadruppani nous invite dans un polar d’une brûlante actualité et sans doute pas si rocambolesque qu’il n’y parait. L’auteur prend plaisir cependant à appuyer sur le grand guignolesque de la brutalité des comportements humains, qui font ressortir la sagesse de quelques personnages plus simples, plus droits, plus proches de la nature et des animaux : chat, poules, choucas, ânes, blaireaux, abeilles... qui eux aussi savent faire preuve d’une certaine noblesse.
Ce polar est à la fois cruel et drôle, cruel comme le sont les hommes et drôle comme ils peuvent l’être quand il n’y a plus de limite au ridicule de leur arrogance. Il y a une vraie morale qui sous-tend ce polar, entre farce et fable. L’humour avec lequel l’auteur s’empare du sujet ne rend pas moins efficace la critique sous-jacente et soulève des questionnements concernant les nouvelles technologies mises au service de soi-disant guerres menées contre le terrorisme et l’opacité des agissements de différents services à la solde de pouvoirs, mais aussi concernant notre rapport à la nature et notamment à la destruction méthodique d’animaux qualifiés de nuisibles. Et question méthode, des animaux à l’homme, le pas a déjà été franchi.
Pierre Dhiboun, capitaine surentrainé des forces spéciales françaises infiltré dans un groupe djihadiste au Nord du Mali, a soudain déserté sans qu’on sache de quel camp, pour disparaitre de la circulation et réapparaitre dans le Limousin, chez une éthologue anglaise, une séduisante et récente veuve, spécialiste des comportements et routines humaines, qui travaille pour une base militaire aux activités énigmatiques. Pierre Dhiboun est un personnage central, ambigu et intéressant autour duquel plusieurs filets se resserrent et derrière lesquels opèrent différents services plus ou moins officiels, avec toute la discrétion et la bassesse que les magouilles et conflits de pouvoir exigent.
Entre le plateau des Millevaches et le bord de Vienne, un territoire peuplé principalement de retraités et de quelques marginaux et fortes têtes, le chemin de deux loups solitaires vont se croiser. L’un des deux est un homme.
Serge Quadruppani, auteur de L'Anti-terrorisme en France ou la terreur intégrée (1989), connait son sujet en profondeur, ce qui lui donne une base très solide sur laquelle il peut se permettre d’ironiser car il vise juste et vu la lourdeur justement du sujet, pouvoir en rire un peu est salutaire. La course-poursuite finale est carrément hilarante, un vrai sas de décompression.
« Francis n’a aucune idée de ce dont parle ce type en short et chemise ouverte sur le poitrail qui descend de la cabine pour venir contempler, mains aux hanches, le véhicule qui s’enfonce toujours dans la tourbière. Cependant, en raison du trop grand nombre d’erreurs et de contentieux subséquents qui ont marqué ces dernières années son secteur d’activité, il a été entrainé à ne tirer sur les formes de vie incompréhensibles qu’en cas d’hostilité manifeste.
(…)
C’est ainsi qu’un commando de contractants surentrainés qui a participé à la reprise de Falloujah maison pas maison, affronté les talibans dans la passe de Khyber durant une tempête de neige empêchant toute couverture aérienne et, à cent contre un, les hommes de l’État islamique sur le rivage des Syrtes, fut ce jour là transporté dans la benne à Juju. »
Il y a un parti pris dans ce polar habile qui ne plaira pas à tout le monde, mais c’est ce qui lui donne sa force et son sens. S’il y a un enseignement à tirer des loups solitaires, c’est que ce qui importe pour la survie, plus encore que l’équipement, c’est une vraie connaissance du terrain.
Et pour connaître véritablement un terrain, il faut l’aimer et le respecter.
Cathy Garcia
Né en 1952 dans le Var, Serge Quadruppani vit dans le Limousin. Après avoir publié des essais, des enquêtes et deux romans historiques, il a surtout écrit des romans noirs. Il a participé à la création du personnage du Poulpe et au lancement de la collection afférente aux éditions de la Baleine, et a créé la collection “Alias” au Fleuve noir. Depuis 1999, avec Giancarlo De Cataldo et Andrea Camilleri, puis d’autres, comme Gioacchino Criaco, Wu Ming, Carlo Lucarelli, Valerio Evangelisti, Sandrone Dazieri, Massimo Carlotto, Marcello Fois, Giuseppe Montesano, il a donné une nouvelle dimension à son activité de traducteur en faisant connaître des auteurs italiens en France. Il dirige la Bibliothèque italienne aux Éditions Métailié. La Nuit de la dinde a reçu le Prix du roman du Var 2003 et le Prix interlycées professionnels de Nantes 2004. L'auteur a également reçu le Prix des lecteurs du festival Quais du polar en 2011 pour son livre Saturne (Éditions du Masque).
Curieuse mer dans laquelle nous enterrons nos morts, dans laquelle les arbres vont pourrir, où reviennent tous les vivants comme à leur patrie. Elle les retourne au printemps, les ramène à la surface verdissante pour leur ensoleillement, elle les reprend et les remonte dans la lumière afin qu’ils donnent leurs semences dans les ruées de la jouissance, puis qu’ils s’évanouissent sur sa peau terreuse et disparaissent dans ses entrailles.
Un grand roulement de rouleaux qui retournent les ingrédients dans l’obscurité pour les offrir à nouveau à la lumière dans des recompositions sans cesse différentes.
in Marguerite de Porète