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  • Marguerite Yourcenar

     

    Respect pour les hommes, respect pour leurs âmes invisibles, ou si rarement, si pathétiquement devinées ; respect pour leurs tristes corps qu’eux-mêmes ne respectent pas, se contentant de les chérir, de les torturer, ou de les nier. Respect pour les choses dont les hommes abusent avec plus d’inconscience encore, et qu’ils traitent plus mal qu’ils ne le font de leur propre cœur. Respect pour le silence, plein de pressentiments des voix futures ; respect pour le passé, qui est présent, comme dans l’écrin, la marque laissée par la bague disparue, et respect pour l’instant présent, qui ira bientôt s’ajouter au passé, attiré par l’aimantation du Temps. Respect pour les anges qui sont nos gardiens et sont peut-être nos âmes ; respect pour nos démons aussi, qui ne sont que l’ombre portée par nos anges. Respect pour Dieu, même s’il n’est pas, parce que ne pas être n’est après tout qu’une manière un peu plus noble et plus pure d’exister, et parce que nous le possédons du moins sous forme de désir et d’attente. Respect pour l’amour, que les hommes et les femmes ne respectent plus, parce qu’ils ont peur qu’on les oblige à en être dignes.  


    Extrait d’un hommage à Reiner Maria Rilke, 1936

     

     

     

  • Noam Chomsky

     

    Au XXe siècle, les théoriciens de la démocratie recommandent “de mettre la masse à sa place”, de sorte que les "hommes responsables” puissent “vivre à l’écart du piétinement et des rugissements du troupeau dérouté”, des “marginaux ignorants qui fourrent leur nez partout”, dont le “rôle” doit se limiter à “assister en spectateurs intéressés aux évènements qui se déroulent”, sans vraiment y prendre part. Périodiquement, le temps d’une élection, ils doivent soutenir l’un ou l’autre membre de la classe dominante, pour retourner ensuite à leurs affaires privées.

     

    in L’An 501, la conquête continue, 1993

     

     

     

  • Marc Tison - Des nuits au mixeur

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    Maquette et graphismes par Jean-Jacques Tachdjian

    La Chienne éditions, collection Nonosse, Roubaix, 2019.

     

    Je manque de temps pour faire des notes de lectures comme je voudrais et il y aurait bien du bien à dire de ces nuits au mixeur de Marc Tison, mais sa poésie parle d'elle-même, lisez plutôt : 

     

     

    Tu sais ce qui nous attend

    dans les révolutions borderline

    l’équilibre se fait sauter le caisson

     

    (…)

     

    C’est d’une importance extraordinaire

    d’aller vers ce qui éclaire l’immensité en soi

     

    (…)

     

    On partira à l’aube sur les océans

    On part toujours à l’aube

    Dans la pureté des promesses

    Avant l’ouverture des supercheries marchandes

     

    (…)

     

    Des bars comme des Sirius

    Des signes comme des toiles de Tapies

    Et la nuit qui gueule habitée

    Plus sûrement que les jours des quartiers d’affaires

    Et la nuit qui chante en abîme des romances tristes

    De matin de grisaille

     

    (…)

     

    Je ne descends plus des grands singes

    La lignée est éteinte

    Exterminée dans les salons climatisés des banques d’investissement

    Je n’enfante plus des gens sauvages

    Mon sperme est défolié, il est minable et minuscule

     

    (…)

     

    L’odeur ça pue le vrai, ça n’est pas permis

     

    (…)

     

    Les algorithmes qui tracent les désirs sont des menottes

    Aux radiateurs des polices du comportement

     

    (…)

     

    On a tordu le ciel qui était beau

     

    (…)

     

    Des nuits au mixer

    À courir éventré l’ennui au cul

    Comme la mort

     

    (…)

     

    L’affolement en moteur de désir

    Et la route qui se barre en chewing-gum

    La vrille

    Les pieds sur le vide

    Plongeons profonds dans l’univers

     

    (…)

     

    Les enfants dansaient comme des derviches défoncés

    Sur les débris des usines

    Les tapis de ferrailles rouillées

     

    (…)

     

    Tes mains sur les marbres de nerfs

    Mets tes paumes de paix

    sur les pensées en charpie

     

    Ne rassure pas

    Ne console pas

    Aime

     

    (…)

     

    Personne ne sait combien j’ai peur

    tout le temps. Pas même moi sous

    mon parapluie de confiture. Il fond

    sous la pluie d’orage que j’invente.

    Je lèche ce qui coule comme un sexe

    qui dégouline. Je ne le sais pas que

    c’est un sexe qui dégouline que je

    lèche tout le temps quand j’ai peur.

    La pluie me dégoutte.

     

    (…)

     

     

     

     

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