Bea Tristan - Y S'Passait Rien
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Je ne suis pas faite pour observer le lent écoulement des jours au travers d'un encadrement de fenêtre...
Tout se fond dans l'informe, uniforme! Je me lasse de ce petit bout de ciel, aussi changeant puisse t-il être ! J'ai un besoin vital d'horizons nouveaux, d'espaces inconnus surtout quand l'hiver approche, traînant ses heures froides, sombres, interminables de puits sans fond. Je crains la petite mort de cette morne saison, celle qui jette sur les rêves des pelletées de mélancolie.
in De la vie et de l'amour, inédit 1989
Morceaux choisis et lus par moi-même.
Une brèche dans la tapisserie des ombres est sorti aux éd. du Cygne en 2019.
nous avons brisé nos mâts de cocagne axe de rêve autour duquel tournait le monde nous avons trop cru au réel à notre idée confortable et rassurante du réel à présent il retourne notre peau à l’intérieur du miroir il faudrait trouver la prière pour invoquer qui nous sommes le sommer de revenir dans le cœur de la matière
in Une brèche dans la tapisserie des ombres
éditions Inculte, 6 janvier 2021
300 pages, 18,90 €.
Jérôme Bonnetto nous livre ici un remarquable roman, aussi drôle que fin et touchant. Remarquable sur le plan littéraire et savoureux pour le lecteur qu’il entraine avec virtuosité dans l’aventure de son narrateur : Paul Solveig, informaticien, qui pour échapper à la pente dépressive qui le guette, joue son destin au dé après avoir trouvé une photo qu’un pseudo plombier tchèque a laissé tomber dans sa cuisine. Apprenant par ce dernier, qu’il s’agit d’une photo de sa mère disparue pendant le régime communiste, Paul Solveig s’organise expressément pour partir sans date de retour vers une Moravie dont il ignore tout. Certes sous le prétexte de rechercher des traces de la mère et de son photographe, dont la touche artistique le trouble beaucoup, mais aussi et surtout pour fuir la réalité d’une séparation avec Pauline, qui est sur le point de le quitter après 10 ans de vie commune. Fuir avant même d’en avoir la certitude.
« La chose me tentait bien. Ma vie parisienne ressemblait à ces vieilles vestes tellement usées qu’on n’ose même pas les donner aux bonnes œuvres. Pauline me torturait, le boulot me vidait. L’horizon me manquait. Je ne pouvais rester sans réagir et regarder ma vie se déliter, mais la Moravie tout de même… Qu’allais-je faire là-bas ? »
On retrouve dans Le silence des carpes, l’art de l’auteur pour peindre avec douceur et finesse ses personnages. Déjà à l’œuvre dans La certitude des pierres, ce talent se confirme ici dans une pleine maturité tout comme cette capacité à immerger le lecteur dans un lieu original hors des sentiers trop battus : dans La certitude des pierres, un petit village perdu de montagne, dans Le silence des carpes, une petite ville au cœur de la Moravie au nom aussi improbable que Blednice, sans doute un détournement de la bien réelle Lednice.
Le silence des carpes est construit en deux parties qui se font écho : la première, bien plus courte, commence en prologue, elle ponctue l’ensemble comme un mystérieux ricochet. Les prénoms des protagonistes y évoquent un pays de l’Europe centrale. Il y est question d‘une pêche impossible, de carpes d’amour et d’un étang énigmatique, donc la magie va céder à l’inquiétant quand il apparait que certains qui s’en approchent de trop près disparaissent.
De même sous la surface plutôt légère et pleine d’humour du roman, portée par le récit du narrateur et sa capacité à l’autodérision féroce et hilarante, on devine peu à peu une profondeur bien plus sombre, en lien avec l’Histoire de l’ancien bloc communiste et son régime totalitaire.
Le lien entre les deux parties qui alternent se dévoile peu à peu, par petites touches très subtiles.
Le silence des carpes est, au-delà d’une enquête qui semble vouée à l’échec, de toute évidence un hommage au pays d’accueil de l’auteur qui vit à Prague ; une ode aux doux paysages de Moravie et à la culture artistique tchèque et en particulier son cinéma, via la cinéphile et insaisissable Míla qui va aider Paul Solveig dans ses recherches. On peut y voir très certainement un clin d’œil aussi à l’artiste sculpteur monumental Aleš Veselý décédé en 2015, avec Veselý, l’artiste, sculpteur lui aussi d’œuvres monumentales, qui reçoit Paul Solveig avec un profond et authentique sens de l’amitié et de l’hospitalité, lui ouvrant ainsi les portes d’un pays qui a lui-même quitté depuis longtemps.
Le silence des carpes est une belle œuvre humaine, d’une écriture vive et cocasse dont on ne peut que se délecter, mais empreinte cependant aussi de délicatesse, de poésie et d’une pointe de mystère. Ce deuxième roman est aussi la confirmation d’un talent qui se déploie, vivement le troisième !
Cathy Garcia Canalès
Jérôme Bonnetto est né à Nice en 1977, il vit désormais à Prague où il enseigne le français. Après La certitude des pierres, Le silence des carpes est son deuxième roman publié chez inculte.
Voir ma note sur La certitude des pierres :
OFNI franco-mexicain.....
que le jeu prenne place et grippe les rouages des machines à cadavres si il ne l’enraie point maintienne pour le moins un espace sensible au centre des émotions mortes
in Une brèche dans la tapisserie des ombres
voyageurs des limbes
hissons les voiles de l'oubli
traversons le Léthé
cherchons le bleu des mers
sous la cendre des volcans
voyageurs perpétuels
entre la vie et la mort
derrière nos masques
nous n'avons pas d'autre visage
que celui que nous prête
l'imagination des mouettes.
in D'ombres, à tire d'ailes 2017
puis sentir et goûter le monde le renifler à plein désert le faire descendre sous la peau comme au cœur d’une mine obscure l’écouter le savourer plénitude du chant retrouvé
in Une brèche dans la tapisserie des ombres
Voilà que je rêve haut et fort, mais pas encore assez pour me faire entendre. Le temps viendra, peut-être, sûrement ! Tout finit par venir à celui dont l'attente est pleine... Attendre, comme les graines et les fleurs attendent le printemps, sans pour autant avoir cessé d'exister, la force vive est intacte sous la terre. Je ne laisserai pas, ou plus, les autres me détourner ou simplement barrer ma voie. Mon ange ? Non, je ne suis pas folle, simplement un peu trop en avance, mais sur quoi ? Sur le temps ? Sur les humains en général, aucun en particulier... Simplement en avance sur les pensées de mon entourage. Il me semble avoir toujours vécu avec cette sensation de décalage, de distance à la fois fascinante et douloureuse.
in Journal 1996