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FUSIONS "CALEPINS VOYAGEURS" - Page 8

  • Sally Gall - Between Worlds - 1997

     

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    Difficile de faire le vide. Tout me porte à croire pourtant que le vide est la seule chose dont nous ayons réellement besoin.

    Plus les années passent, plus je prends conscience de la perversité de quelques pièges inévitables. Cela me remplit de tristesse, mais c'est aussi un coup de fouet au cœur… Pas une seconde qui ne soit extraordinaire ! Pur mystère de vivre !

     

    cg, février 1997, sur la route de Bergamo, Italie

     in Calepins voyageurs et après ?

     

     

     

     

  • Cathy Garcia - Phnom Penh - Cambodge - 1999

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    Phnom Penh, Cambodge

     

    Jamais auparavant je n’avais éprouvé aussi fortement ce sentiment : celui d'être une étrangère. Expérience que je souhaite à tout le monde au moins une fois.

     

    Phnom Penh ! Capitale aux ruelles de terre, jonchées de détritus, de bouis-bouis enchevêtrés, parfums, relents et miasmes douceâtres. Des rues transformées en marécage à la moindre pluie, la moindre pluie étant torrentielle. Atmosphère lourde, parfois suffocante. Mototaxis et autres petits véhicules, en nombre incalculable, vrombissent dans un formidable désordre, soulevant des nuages de poussière, tassés sous les chargements divers jusqu’aux plus invraisemblables : cochons, matelas, empilement de plats cuisinés défiant l’équilibre...

     

    Phnom Penh et ses étals de fruits multicolores, si appétissants mais parfois risqués... Tant pis ! Les gens sont vêtus simplement, couleurs neutres. Manches et pantalons longs protègent des morsures du soleil et des moustiques, quoiqu’en ville il n’y ait pas de quoi être parano. Cela évite aussi probablement de se brûler sur les pots d'échappement des meutes de mototaxis, ce que je n’ai pas manqué de faire à deux reprises, une pour chaque mollet… Les têtes se protègent du soleil avec toutes sortes de couvre-chefs dont le fameux krama, foulard à petits carreaux en divers coloris vendu un dollar les dix sur les marchés.

     

    Il n’est pas nécessaire de s'agiter partout pour voir, simplement s'asseoir dans un coin et affûter son regard afin de le rendre le plus dépouillé possible de toute image préconçue. S’asseoir au pied d’une colline miniature où se dresse un temple, observer l’éléphant triste qui en fait le tour pour les rares visiteurs. S’arrêter auprès d’un arbre de légende, au tronc immensément large, qui abrite dans l’entrelacs de ses racines, d’un côté un temple miniature où fument des bâtonnets d’encens, et de l’autre un petit bouddha en lotus sur un socle, orné de couleurs si vives à dominance rose, que l’on pourrait croire à une pâtisserie orientale. Il y a aussi une grande coupe peinte, en forme de fleur de lotus et des offrandes. Surtout ne pas y toucher. Respecter ce qui est sacré pour autrui, même si nous ne comprenons pas, nous pouvons au moins saisir la beauté, elle transcende les cultures. Moi, j’y cherche les traces de ce que je ne connais que par des lectures et quelques années de yoga. Je cherche.

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    Parcourir lentement un cimetière vaste et vivant comme un village, passer la main sur la pierre lisse des innombrables stupas aux formes admirables. Certains ont été peints en blanc ou safran flamboyant. Contre une bâtisse, il y a de longues barques retournées en attente d’être réparées, leur coque rouge est joliment décorée de motifs polychromes. Il y a du linge étendu un peu partout, des jarres immenses pour recueillir l’eau. Bouddha omniprésent, en lotus, en pierre ou en peinture, toujours paisible, sourit parmi les volées d’enfants pépiant. Sentiment d'une paix presque trop palpable, d'une douceur qui cacherait mille petites violences... De jeunes moines safranés vivent là. J'en croise un, tout juste adolescent, qui fume une cigarette. Peut-être une cigarette « Alain Delon », pour lesquelles certains murs de la ville font de la publicité. Nos stars nous étonneront toujours…

     

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    Dans les rues, le jour, la nuit, de petits princes en guenilles aux sourires éblouissants ramassent des restes de nourriture dans des poches en plastique. Il y en a un que j’ai revu plus d’une fois et que je n’oublierai pas, pas plus que je n’ai oublié certains gamins de Sao Paolo, Rio ou Belo Horizonte. Il y a cette gamine aussi, sale, turbulente et pleine de vie qui traîne toute la journée avec des garçons de son âge du côté du stade, c’est elle la plus effrontée. Elle me fascine, une petite « rom » cambodgienne ! Sept ans, huit ans ? Trop fière pour accepter des friandises de la part d’un homme étranger, même s’il parle sa langue, mais déjà femme en acceptant de garder mon chapeau. Il lui va si bien et je la vois les jours suivants, galoper pieds nus avec le chapeau sur la tête, elle ne le quitte plus. Et moi c’est son regard de sauvageonne qui ne me quitte plus ! Je ne peux m’empêcher de me demander ce que la vie lui réserve… 

     

    Il y a aussi ces enfants qui jouent toute la nuit pendant que leurs parents dorment sur le trottoir, un jeu avec des chaussures, les règles semblent très précises. Je peux les voir de la fenêtre de ma chambre. Je les observe, longtemps. Il y a encore cette adolescente vietnamienne qui vend des hamacs filets, chaque jour devant la porte de l’hôtel. Elle non plus, je ne l’oublierai pas. A tous les coins de rue, le regard s’éblouit sur des jeunes filles d’une beauté incomparable, sans artifice. La pauvreté n'est pas exempte de dignité, c’est la misère qui est inacceptable ! Des hommes, des femmes, des enfants mutilés, il y en a beaucoup, les mines... De fabrication française peut-être ? Ces gens là mendient dans les rues. Que pourraient-ils faire d'autre, dans cette société encore essentiellement rurale, où les mains et la sueur sont les outils de la survie ?

     

    Donner ! Donner car « tout ce qui n'est pas donné est perdu » mais plus je donne et plus il y en a à qui donner, de quoi en avoir le vertige. Je n’ai pas la prétention de sauver le monde, je n'ai pas de mauvaise conscience à mettre en paix, simplement un peu d’amour et la chance d’être née du bon côté.

      

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     J'ai vu les rizières où les enfants se baignent, frêles tiges de peau brune, pleines de joie et de soleil. J’ai vu les buffles couleur parchemin et les paysans avec leurs grands chapeaux de paille, qui lentement à travers les siècles et les rizières, s’acharnent à pousser la charrue. Juste de quoi assurer la subsistance d’une famille mais jamais plus et trop souvent pas assez… J’ai passé ma main sur les côtes douces et efflanquées d’un bufflon, couché au milieu d’un chemin, dans ce hameau, ce campement dans la forêt près des rizières, où une jeune adolescente rêve de vivre à la ville et ne choisira probablement pas son mari ; où les enfants s’inquiètent de ces étranges étrangers venus acheter des feux d’artifices artisanaux fabriqués là en famille pour les fêtes populaires. Insolite est un mot trop faible pour décrire la situation. Unique ! Je ne suis pas prête d’oublier.

     

    J’ai vu aussi le large Mékong, -ai-je fait un vœu ?- ses eaux boueuses, ses rives sauvages où les bateaux amarrés m’évoquent d'anciennes gravures. Ces bateaux dispersés tout au long, où s’entassent les familles et où les filles attendent le client, parfois un étranger de passage… Combien y a t'il de petites fleurs trop vite fanées en Asie, quand bien même les femmes là-bas seraient différentes des Occidentales ? Elles seules pourraient répondre, mais qui les interrogera ?

     

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    Un repas chez l’attaché culturel, nous sommes nombreux, Français et Cambodgiens. Soirée chaleureuse, émouvante, fort agréable, dont je repartirai pieds nus, mes tongs bleu électrique ayant dû plaire à quelqu’un d’autre. Ennuyeux mais cocasse, même si j’ai certainement râlé sur l’instant. A l’occasion de cette soirée, rencontre avec la musique et la danse traditionnelle. Je suis fascinée par la souplesse des doigts des fillettes, dessinant une trame où érotisme et sacré se rejoignent. Plaisir d'essayer bien-sûr, mais je ne peux éviter de penser à nouveau au violent contraste qui existe entre la beauté de cet art et le sexe rapide, banalisé, vendu tout au long des routes défoncées, des chemins de boues et sur les rives troubles du Mékong où patauge la misère.

     

    Phnom Penh. Dépaysement total accompagné parfois d'étranges solitudes, d’amibes musclées et d’une herbe locale puissante, utilisé comme condiment dans la cuisine khmère et vendue discrètement par de vieilles femmes sur les marchés. Et par-dessus tout, ce qui frappe aux yeux et frappe au cœur, c'est le sourire ! Ce sourire empreint de douceur et de patience qui fleurit sans cesse sur les visages des Cambodgiens, un sourire qui recouvre de bien profondes douleurs. L’impossible oubli d’un génocide dont ils préfèrent ne pas parler. La haine vaincue se dissout au fin fond des forêts mais les traces griffues de l'Histoire ne s'effacent pas comme ça.

     

      

    Cg, mai 1999

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  • Marc Ferrez - Entrada da barra do Rio de Janeiro vista de fora - 1875

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    Et encore une fois, le Brésil...

     

    Aéroport de Sao Paulo sous la pluie, escale avant Rio, et l'avion redécolle. Musique latino sur les oreilles. Je ne sais pas encore que je suis au Brésil. Manque de sommeil, angoisse, je suis presque maussade. Appréhension. Non, je n'ai vraiment pas encore réalisé que ce que je vois là en bas, à travers le hublot, c'est le Brésil ! Pour la quatrième fois !

     

    Chaud le Brésil, une chaleur qui dilate le cœur, qui enfièvre les regards, une chaleur lourde et lascive qui ruisselle entre les cuisses. Bouffées douces de maconha, frisson vert acidulé des caïpirinhas, déloyales et délicieuses. Chaud et le temps s'étire, tout en longueur, en langueurs moites et palpables, traversées de violents éclairs qui déchirent l'atmosphère toute imprégnée de sensualité. Le cœur est à l'orage.

     

    Chaud et pourtant demeure le qui-vive, l'urgence, le vacarme des rues, le grondement des moteurs, les cris, les sifflements, le crissement des pneus sur l'asphalte. Au coin d’une rue, sur le trottoir, des fleurs, des bougies dont la cire a coulé, des fruits, rituels macumba. Les postes de radio égrainent leur musique, rythmes salsa qui font danser des oreilles aux orteils. Poussière humide, friture et jasmin, étalages bariolés de fruits charnus et sucrés. Le son des voix se confond avec le reste, séduction de la langue, musique de vie !

     

    La magie suinte de la terre et des murs fendillés, magie blanche, magie noire, magie du sang mêlé. Mulato, caboclo, cafuzo… Petits chats sauvages, rapazes, pivetes, enfants des favelas. La vie est à ce point tordue qu’on va jusqu’à donner aux bidons-villes un nom de fleur sauvage. La favela est une fleur qui poussait sur les mornes… Y fleurit-elle encore entre les entassements d’ordures, de tôles et les coulées de boue ? Favela da Rocinha, Morro da Babilônia... Multitude d'enfants aux corps têtus et fragiles. Leurs peaux crasseuses gorgées de soleil. Leur regard fier et farouche, brûlant de hardiesse, de curiosité. Ces enfants me fascinent et la violence de leur enfer encore une fois me révolte.

     

    (...)

     

    Chaud… et la chaleur boit à même les corps, en extrait les plus intimes parfums pour les répandre ensuite, huiles saintes sur la terre. Terre de feu, de sang, qui rend fou, vivant, obscène et entier, tellement la mort est omniprésente ! Une terre où les sans-terres luttent sans arme, une terre où l’enfant sans père, ni mère, voudrait bien pouvoir laisser couler des larmes. Trop grandes richesses côtoient trop grande détresse.

     

     

    Terre de bois rouge, ma terre-aimant ! C'est encore toi que je vois à travers le hublot, mais c'est déjà le retour et comme à chaque fois, je n'ai pu que vivre, vivre vite et beaucoup, même trop parfois. Et maintenant en escale à Sao Paulo, sans quitter l'avion, je pense à quoi ? Je sais que je reviendrai un jour, dans six mois, dans un an, je n'en sais rien et cela n'a aucune importance.

     

     

    cg, janvier 1999, Brésil

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  • Marc Ferrez - Entrada da baía de Guanabara, Niterói, Rio de Janeio, Brésil - 1880

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    Je vois le vaste océan là-bas, qui lèche et sanctifie le rivage de ses langues d'écumes, raconte en boucle sa longue histoire, ses peines infinies. Le vieil océan qui pour combler sa solitude, à l’heure où le soleil chavire, berce la lumière moribonde, pendue aux flots de la baie de Guanabara. C’est Iemanja la déesse, qui nous protège et charrie nos débris, nos ordures, nos scories. Une fois l’an, pour l’honorer, les fidèles vêtus de blancs de l’umbanda, jette dans ses bras bleus des brassées de glaïeuls et plantent des milliers de petits soleils sur ses flancs ensablés.

     

     

     

     

    cg, janvier 1999, Rio, Brésil

     

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  • Félix Thiollier - Usines au bord de l'Ondaine, environs de Firminy - 1895 - 1910

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    A l'horizon, que l'on ne distingue pas, des petits volcans fument noir et les maisons toussent et pleurent, perdues dans la brume corrosive, mais personne ne les entend, car tout le monde sait bien qu'une maison ni ne tousse, ni ne pleure…

     

    cg, novembre 1997, en route pour Glasgow

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  • Garry Winogrand

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    Un rêve a traversé ma vie sans prévenir, il m'a coupée en deux et s'en est allé sans se retourner. J'en garde une pincée de lumière salée au fond des yeux. La douceur des illusions qui font vivre. Le hasard nous harcèle sans cesse, jette des signes sous nos pieds pour nous faire trébucher. Un espace s’est creusé en moi, le chaos s’y est engouffré.

     

    cg, août 1998

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  • Meggan Gould - Crows

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    Retour de Maastricht, c'est la nuit.

     

    Grises arabesques, pluie silencieuse sur paupières alourdies.

    Les carreaux pleurent.

    Se complaire dans ce cocon miniature, se laisser porter sur la terre bâillonnée de bitume, qui file, défile sous le ventre de l'autobus. Laisser passer les mauvaises pensées s'il y en a, les laisser partir avec les nuées de corbeaux dans le ciel d'automne.

     

     

    Cg, octobre 1998

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  • Zdzislaw Beksinski - 1976

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    Il y a des créatures immondes qui s'agitent dans la boue, un cauchemar dans lequel on ne peut même pas hurler. Des éclaboussures épaisses en dégueulis sur les cœurs, âcres, noires, fétides. Cavernes, trous de rats, sans paillasse, sans lumière, des barreaux imprimés, code-barres... Quelque chose qui nous tire par les pieds, bras invisibles qui nous entraînent du côté des mourants, de la vermine et du suintant, dans la sale gueule d'une folie pas remboursée par la sécurité sociale.

     

     

    Cg à Geleen, Limbourg, Hollande, août 1997

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  • Ivan Konstantinovich Aivazovsky

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    Même au travers d'une vitre d'autobus, le spectacle de la nature a encore ce pouvoir de m'arracher à la pesanteur. Le ciel, surtout. Appel vers cet innommable qui nous transcende. Le soleil incendie les crêtes des ultimes contreforts, avant le bleu miroir de la mer parcouru de moutons frissonnants.J’aperçois dans les nuages, les squelettes blanchis d'un bestiaire fantastique. Arrêt pipi. Café. Crépuscule et nous passons en France.

     

    cg, février 1997, au retour de Milan

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  • Masao Yamamoto

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    Qui dit trouble, dit manque de clarté, pénombre, nombrils de chair qui se parlent en leur langage moite. Mettre des mots sur l’amour, de l’amour dans les mots. Parler du désir, de la fuite éperdue pour échapper à l’autre, du cercle qui nous y ramène toujours tant le potier est habile.

     

    cg, août 2001, sur une route en Allemagne

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