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CATHY GARCIA-CANALES - Page 1355

  • La Fissure

    Un webdocu d’Annabelle Lourenço et Cyprien Nozières sur le Japon de l’après-Fukushima

     

    Article de Cathy Garcia paru dans le journal Le Lot en Action n°56

    http://www.lelotenaction.org/

     

    Un homme pêche près d’une maison renversée, presqu’ïle d’Oshika (Annabelle Lourenço)la_fissure3_0.jpg

     

    Annabelle Lourenço est photographe et Cyprien Nozières* réalisateur-animateur. Ils sont partis tous les deux au Japon, dans un esprit de totale indépendance et par conséquent peu de moyens, pour récolter des témoignages et des photos de l’après Fukushima, neuf mois, chiffre on ne peut plus symbolique, après la tragique catastrophe du 11 mars. Accueillis à Tokyo par le frère de Cyprien et son épouse japonaise, ils sont restés au Japon trois semaines, pour rencontrer les gens et les lieux : la préfecture de Miyagi à la pointe de la presque île d’Oshika, lieu plus proche de l’épicentre du séisme, Fukushima dont nul aujourd’hui n’ignore, hélas, le nom, et Tokyo donc, la capitale, où l’inquiétude va grandissante.

    « Nous avons réfléchi à un projet commun qui considérerait le problème dans son ensemble. Nous ne voulions pas nous contenter d’aborder uniquement la situation des victimes du tsunami, ni nous concentrer exclusivement sur le problème des radiations. »

    Ainsi est né Fissure, un webdoc que vous pouvez voir ici sur le site d’Annabelle Lourenço : http://annabellelourenco.com/lafissure/

    Le fil conducteur de ce très sensible webdoc, c’est l’eau, des gouttes d’eau qui semblent suinter de l’écran, chacun y verra ce qu’il veut, des larmes, des fuites d’eau contaminée et l’eau nous accompagne aussi parfois en fond sonore. Le webdoc se regarde, se lit et s’écoute. Après une présentation et un rappel des faits, il fait apparaître la carte du Japon où sont indiqués les trois lieux cités plus haut. Une grosse tache sombre s’étale sur la région en partant de Fukushima, la catastrophe après la catastrophe : la centrale, les réacteurs, les radiations. A l’internaute de cliquer ensuite sur la ville de son choix. Commençons par la préfecture de Miyagi. La vidéo présente Ishinomaki, à 90 km de la centrale, la ville a été dévastée par le séisme et le tsunami, 163 000 habitants, 6000 morts et disparus. Une photographie de Tadashi Okubo a immortalisée à jamais une jeune habitante au milieu des décombres, cette inconnue est alors devenue en quelque sorte, et bien malgré elle, l’icône du séisme japonais. Mais ici les images de la ville dévastée sont d’Annabelle Lourenço, la ville, une maison, une fenêtre, des portraits de disparus, des bruits de couverts, on est à table, la voix d’un pêcheur d’un petit village tout proche raconte. Comme tout le monde là-bas, il a perdu des parents, des amis : « Les gens devrait se réjouir d’être en vie. C’est si précieux la vie. ». Retour sur la ville fantôme, les travaux de reconstruction en cours… De ces traces de vie interrompue si brutalement, on ne peut qu’imaginer… Les photos d’Annabelle Lourenço sont très belles et le choix des sujets interpelle. Une espèce de grand silo renversé, rouge vif avec une publicité pour de la viande cuisinée, comme une immense boite de conserve absurde, renversée au milieu des ruines et gravats, des magazines ouverts sur des photos abîmées de jeunes filles nues, allongées, assises, souriantes, aguichantes… Éros contre Thanatos. La voix du pêcheur continue de parler : remercier, être courageux, positif, aller de l’avant, « Si on marche en se retournant, on tourne le dos à la lumière ».

    Les photos disparaissent au profit d’une petite animation très simple mais efficace, pour raconter les secousses, puis le tsunami, la GROSSE goutte d’eau qui a tout balayé.

    Puis des photos de la famille qui reçoit, le pêcheur, son épouse, les parents octogénaires, et l’homme raconte, la vie, maintenant, les problèmes de logement, de reconstruction, l’espoir. Ici point n’est question de radiations, on n’en est pas encore là, trop de choses à faire pour se remettre en selle et il y a déjà tant de morts à garder en mémoire, grâce aux photos que chaque famille a pu récupérer. Un travail de centaines de bénévoles venus d’un peu partout dans le Japon, le webdoc n’en parle pas car il reste centré sur ce témoignage en particulier, qui en dit tout aussi long mais c’est un détail qui me parait suffisamment important pour le mentionner. Et nous quittons la préfecture de Miyagi sur des photos de la grand-mère qui s’est déguisée, un chapeau, des lunettes rigolotes, un nez de clown, et qui chante, qui danse. Quelle belle leçon nous donne cette octogénaire qui a tout perdu mais peut être pas l’essentiel. Elle a eu cette chance, une partie de sa famille est vivante et il faut vivre, et vivre c’est se réjouir !

    Pas de sensationnel morbide, d’apitoiement mais une volonté dans ce webdoc de rendre simplement hommage au courage et à la dignité des survivants, à leur capacité à continuer à vivre malgré tout.

    Retour à la carte, un clic sur Fukushima. Fukushima, neuf mois après, des gens plus que légitimement inquiets et un gouvernement qui minimise, qui dissimule. Apparait Wataru Imata, un jeune homme originaire de Tokyo, membre du groupe Projet 47, un projet visant à fournir des outils de mesure aux habitants de Fukushima afin qu’ils puissent décider par eux-mêmes s’ils doivent évacuer ou pas. Projet 47 s’est associé avec le Réseau citoyen pour sauver les enfants de Fukushima pour créer le CRMS (Citizen’s Radioactivity Monitoring Station), un centre de mesure pour les contrôles citoyens, indépendant de TEPCO et des autorités japonaises.

    Là encore des animations très simples, ludiques, faciles à comprendre pour les enfants, illustrent le propos. La politique de la préfecture de Fukushima pour les déjeuners des écoles, était de « produire local et manger local », quelle belle initiative, on en rêve tous, si seulement il n’y avait pas eu…. la catastrophe après la catastrophe. Le spectre peu appétissant du nucléaire. On peut apprendre ainsi que début mai 2011, soit moins de deux mois après le tsunami et ses terribles conséquences, si on allait dans un supermarché à Fukushima, tout ce qu’on y trouvait était des produits de Fukushima. C’est la CRIIRAD en déplacement sur place qui a fournit au CRMS les instruments nécessaires pour les mesures. Il faut savoir que la ville de Fukushima n’est pas dans le périmètre d’évacuation, donc si les gens voulaient partir, c’était selon leurs propres moyens, aucune aide à attendre de la part de TEPCO. Aujourd’hui on parle de décontamination, mais qu’en est-il vraiment ? On change les chiffres, on rehausse la limite de radiations annuelle de 1 micro sievert, elle est passé soudain à 20 mSv/ an, ceci pour les radiations externes, mais qu’en est-il de l’ingestion d’alimentation contaminée ? Le choix de partir ou de rester est difficile. Les radiations, les habitants ne peuvent pas les voir, ni les sentir, seulement les imaginer et se faire leur propre opinion, sachant que le temps joue contre eux. Wataru Imata est sur place depuis fin avril 2011, il sait que c’est son choix, il peut rester encore ou partir. En toute conscience et nous ne pouvons que saluer son courage.

    Retour à Tokyo, situé à 250 km de la centrale, c’est l’angoisse, l’inquiétude, le doute. Le manque d’informations, c’est ce qui ressort de tous les témoignages, et nous savons bien ou devrions savoir que là-bas comme ici, la transparence en matière de nucléaire est une fiction, à fortiori en cas de catastrophe. Tchernobyl nous avait donné une bonne leçon à ce sujet, mais apparemment elle n’a pas servi à grand-chose. Les parents pensent à leurs enfants, et se regroupent en associations actives pour échanger des informations et se faire entendre des autorités. Sumiko Sasa et son mari, ont une fillette de 3 ans et Sumiko est très impliquée dans l’ « Association pour la défense des enfants du quartier de Kita contre les radiations ». Ce sont de simples citoyens, comme on dit, et surtout des mères de famille, qui font ce qu’ils peuvent pour prévenir autant que possible les risques, pour en informer les autres, pour faire pression sur les conseils municipaux. Ils s’encouragent, se soutiennent et sont de plus en plus nombreux. Les enfants ont des problèmes avérés de santé : thyroïde, saignement de nez, sang dans les urines… Sans doute qu’une véritable conscience anti-nucléaire est en train de grandir au Japon, un pays où les habitants n’avaient pourtant pas été habitués à prendre position contre l’autorité quelle qu’elle soit, mais ce qui ressort de ce webdoc c’est qu’il s’agit surtout de mères de famille, les maris se sentent apparemment moins concernés, ce qui créé des conflits dans les couples. Les hommes sont donc plus conditionnés que les femmes, histoire d’éducation, pour accepter l’inacceptable ? Ce n’est pas le cas de tous en tous cas, je pense entre autre à Laurent Mabesoone*, un français qui vit à Nagano, même distance de la centrale que Tokyo, depuis 19 ans, marié à une japonaise, père d’une fillette de 3 ans, et qui a choisi de rester là-bas. Il publie régulièrement des "chroniques anti-nucléaires" sur le site Netoyens* et participe activement au mouvement anti-nucléaire du Ruban Jaune (Yellow ribbon against nuclear power) au Japon. Ces regroupements de citoyens, comme les mères de famille du quartier de Kita, vont peut-être réussir à se faire entendre à force de persévérance mais tout de même, on ne peut s’empêcher de penser que ce monde marche sur la tête. Heureusement qu’il y a des personnes courageuses et suffisamment concernés par les autres, même à l’autre bout du monde, pour prendre des initiatives et réaliser des projets tel que ce webdoc.Je pense notamment au réalisateur Alain de Halleux et les Récits de Fukushima, visibles ici http://fukushima.arte.tv/#!/4883.

    Nous ne devons pas oublier, car l’horreur de Fukushima n’est pas derrière nous, elle est en cours.

     

    Cathy Garcia

     

    *Voir les vidéos de Cyprien Nozières :http://vimeo.com/cypriennozieres/videos

    *Le site Netoyens : http://www.netoyens.info/index.php/

     

    * On peut lire des haïkus japonais écrits après Fukushima dans les deux derniers numéros de la revue Nouveaux Délits : des extraits d’Après Fukushima, haïkus du Cercle Seegan, présenté par Seegan (Laurent) Mabesoone dans le n°41 et Fukushima Renaissance de Taro Aizu dans le n°42 http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

    Écouter une entrevue avec Laurent Mabesoone : http://www.youtube.com/watch?v=trgdE5KQeSw

     

    Quelques liens pour savoir ce qui se passe aujourd’hui à Fukushima :

    http://www.scoop.it/t/fukushima-informations/

    http://fukushima.over-blog.fr/

    http://www.acro.eu.org/chronoFukushima.html

    On peut aussi écouter le slam du groupe japonais Frying Dutchman qui, les 10 et 11 Mars 2012, ont organisé une grande parade anti-nucléaire "humanERROR" du nom de leur album et morceau éponyme sorti en Aout 2011 : http://www.dailymotion.com/video/xoccwe_frying-dutchman-humanerror_music

     

     

     

     

     

  • Ici comme ailleurs de Lee Seung-U

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/ici-comme-ailleurs-lee-se...

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    Zulma 2012 - Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet – 220 pages – 21 €

     

    Kafkaïen est le premier qualificatif qui vient à l’esprit en lisant ce roman, pour l’univers dans lequel il se déroule et l’absurdité qui émane du parcours du personnage principal. Yu est muté par sa boite, le Gangsan Complex Resort, à Sori, une ville perdue entre un lac et des montagnes à l’Ouest du pays. « Lorsque, dans son guide, il a lu que « la petite ville de Sori, du fait de sa topologie particulière avait servi de lieu de bannissement », son cœur s’est de nouveau mis à balancer ».

     

    L’histoire démarre sur ses mots qui donnent d’emblée le ton :

     

    « Le vent a des hurlements de bête féroce. Au moment de quitter sa voiture, Yu a l’impression qu’un molosse enragé se jette sur lui. Il a un mouvement de recul. Le long des rues, papiers sales et sacs plastique tourbillonnent sous la bourrasque. Quelques véhicules cahotent sur la chaussée éventrée en soulevant des nuages de poussière ocre. Les rares passants, silencieux, font la gueule. »

     

    Ici comme ailleurs est un roman hybride, indéfinissable. Il tient du polar, du roman noir, psychologique, métaphysique, à la limite du fantastique, et on pense à des films de cet extrêmement riche cinéma sud-coréen, en particulier ceux de Kim Ki-Duk, qui de même échappent à toute définition.

     

    Lee Seung-U raconte le parcours d’un homme qui arrive dans une ville inconnue en pensant y travailler et qui y perdra tout ce avec quoi il est venu : sa femme, avant même d’arriver, car elle ne le suivra pas mais retournera dans une autre ville s’occuper d’un ancien amant, son portefeuille, l’accès à son compte, sa voiture, la raison pour laquelle il est là et ainsi de suite, comme si le réel se dissolvait derrière lui à chacun de ses pas. Sori, cette ville grise, froide, venteuse, inhospitalière et même dangereuse est un piège, mais à vrai dire, cet homme là n’avait-il pas déjà tout perdu avant même d’y arriver ? En refermant les dernières pages du livre, où la nature dans une apothéose grandiose, met un point final à tout questionnement, toute corruption, à toute l’absurdité de la condition humaine qui est exprimée ici, c’est la question que l’on se pose. Ce roman est un véritable condensé critique du monde d’aujourd’hui, une allégorie inversée, et finalement c’est un roman initiatique. On se détruit ici-bas et le seul espoir, le seul moyen que les hommes ont trouvé pour ne pas sombrer totalement dans la folie, c’est de quitter ce monde avant que la mort ne les prenne, découvrir par la dépossession, la paix éternelle. La grotte où un vieux fou dénommé Noé construit des maisons de pierre, est le seul lieu par lequel on peut s’échapper, le double enfermement devient matrice. Les vivants sont morts et les morts sont éternellement vivants. Les hommes libres sont piégés par une ville entièrement corrompue dans laquelle ils s’enlisent, ceux qui ont tenté de résister sont enfermés dans une grotte et découvrent dans l’enfermement, la liberté du détachement suprême. Subtile hybridation là aussi entre la pensée occidentale et orientale.

     

    Ce roman austère, minéral, désespérant parfois, offre de par sa lecture elle-même, une étonnante expérience. Parfois, on voudrait poser le livre, le laisser tomber, mais il est impossible d’en sortir avant la fin car on la cherche, comme on cherche une goulée d’air. Par moment on s’ennuie,on se sent morne et même quand la fin arrive, on reste hébété, comme choqué, voire insatisfait. La magie de Lee Seung-U, c’est de provoquer ainsi une réflexion, où soudain on accède à la compréhension de l’ensemble et on ne peut que saluer le génie de l’auteur. Ce n’est pas une lecture facile, une lecture de détente, si au départ nous pouvons être captivés comme on l’est par un polar, vers la fin, on s’enlise comme le protagoniste, on se sent gris. L’auteur nous fait traverser les états d’âme, les sensations de ce qu’il raconte, si bien que nous ne faisons plus qu’un avec ce que nous lisons. Avec le recul, c’est fascinant.

     

    Cathy Garcia

     

    lee seung-u.jpgLee Seung-U est né en 1959 à Jangheung, au sud-est de la péninsule, et a passé son adolescence à Séoul. Suite à une expérience religieuse, il entreprend des études de théologie ("Je ne me sentais pas heureux, je me suis lancé dans cette voie pour fuir ce malheur et cette pression"), bientôt interrompues ("J'ai réalisé que l'on ne pouvait aborder la théologie d'un point de vue mystique ou à la manière d'un refuge."). Le goût retrouvé de l'écriture se concrétise en 1990 par la parution d'un premier roman (Portrait d'Erisichton) qui lui vaut le Prix du jeune espoir littéraire de son pays. Majeure et unique dans la littérature contemporaine, sa voix est celle de l’intranquilité.

     

    Du même auteur :

     

    L’envers de la vie, Zulma, 2000

     

    La vie rêvée des plantes, Zulma, 2007

  • Aller simple, Erri de Luca

    9782070775811.jpg

    Gallimard 2012, édition bilingue, trad. de l’italien par Danièle Valin, 16,50 €

     

    « Aller Simple, des lignes qui vont trop souvent à la ligne », marquées par le point final, le point fatal quelque part entre les deux rives méditerranéennes, cette grande bleue qui sépare le Sud, sa misère, ses tragédies, d’un Nord porteur de rêve, d’opulence et de liberté. C’est sur cet entre-deux que se déroule ce long et poignant poème d’Erri de Luca. Plus qu’un poème, c’est une ode mais aussi hélas un chant funèbre, découpé en voix et en chœur.

    Ce chant prend source là-bas de l’autre côté, de là où les hommes, les femmes, les enfants, partent, quittent, prennent exil comme un oiseau prendrait envol, mais avec la mémoire des fers aux pieds. Ils viennent des « hauts plateaux incendiés par les guerres et non par le soleil », avec en tête une terre espoir, une terre accueil, une terre de paix. Italie, un mot « ouvert, plein d’air »

     

    Finie l’Afrique semelle des fourmis,

    par elles les caravanes apprennent à piétiner.

    Sous un fouet de poussière en colonne

    (…)

    le voyage à pied est une piste d’échines.


    Le Sud, un terme pratique pour y caser tout ce qui attire et en même temps tout ce qui fait peur au Nord, bien confortablement installé dans ses chaussons soi-disant civilisés…

     

    Nous nous détachons de la moitié du monde, non pas du Sud.

     

    Et c’est la mer qui est la première destination, la mer qui accueille, la mer qui porte, la mère qui berce et sauve de l’invivable.

     

    Bien des jours avant de voir la mer, elle était une odeur,

    une sueur salée, chacun imaginait sa forme.

    (…)

    L’ancien près du feu discute avec les marchands

    le prix pour monter sur la mer de personne.

     

    Le prix non discuté de la traversée, c’est l’impossibilité de laisser derrière soi la peur, on embarque avec la mort.

     

    Le marin est armé, il a peur de nous, sortis du désert,

    il a des gestes de menace, les femmes couvrent leurs oreilles.

    (…)

    Ils ont déjà tué, on le sent au relent de leur peur,

    la nuit renforce l’odeur des assassins.

     

    Le temps devient alors incertain comme la terre se fait liquide, il faut faire confiance. Quelque chose est là de l’autre côté, une idée à laquelle il faut se raccrocher.

     

    Nuit de patience, la mer voyage avec nous,

    À l’aube l’horizon coule dans la poche des vagues.

     

    Il n’y a « Pas d’oiseaux, ni de papillons, l’air sur la mer est stérile de vols » mais il y a la fatigue, la faim, la soif.

    « Des poissons d’un saut de queue sortent comme un crachat » et l’on constate que « la mer se referme plus rapide que le désert ».

    Et tout devient signe prémonitoire.

     

    Impératif de sommeil, un de nous s’allonge,

    ils le repoussent au-delà de l’espace interdit.

     

    Ainsi sera la terre de l’arrivée, terrain clos interdit,

    notre sommeil qui se heurte contre elle.

     

    (…)

     

    Nous y arriverons avec des enfants endurcis plus que des cals,

    vagabonds avec leurs pères sur les écorchures de la terre.

     

    La tension monte, Erri de Luca la traduit admirablement bien, sa poésie toute entière mise au service de cette histoire dramatique, une histoire qui se répète, un refrain maudit devrait-on dire, au rythme de la mer qui « monte et cogne, un de nous roule vers eux, l’autre pointe son fusil, le nôtre lève les mains. (…) Sans soir est arrivé son jour ».

    Une violence en entraîne d’autres, et voilà que « Nous sommes sans gardiens et sans guide (…) Le bateau est un bout de terre pris à coups de bêche, les voyageurs dénouent leurs jambes, occupent les mètres ».

    La mort y prend aussi ses aises.

     

    Nous ne mettons pas les morts à la mer, ils servent pour la nuit

    leurs corps préservent du froid, la mer est sans mouches.

     

    (…)

     

    À l’aube nous léchons la rosée sur la toile, sur le bois.

     

    Solidaires et unis par le même espoir, si ténu soit-il, « Nous sommes égaux, la plus stricte égalité, jusqu’à la dernière goutte de buée ».

    Le bateau est un radeau pour les naufragés du monde et arrive le moment où « Des mains m’ont saisi, douaniers du Nord, gants en plastique et masque sur la bouche. Ils séparent les morts des vivants, voici la récolte de la mer, mille de nous enfermés dans un endroit pour cent ».

    La voici donc la terre d’accueil, la terre qui concentre tous les rêves, mais ce n’est même pas encore la véritable terre, c’est une île, un enclos, « une île n’est pas une arrivée ».

    « Surveillés par des gardiens, nous sommes coupables de voyages », alors on en revient aux prières vers l’Orient, « leurs voix est le bruit des abeilles qui remercient les fleurs ».

     

    Levain d’humanité pétri par la douleur,

     

    Nous racontons les routes parcourues,

    Des pas sur des millions de kilomètres finis face aux murs.

     

    (…)

     

    Nos enfants acrobates de voyage,

    clowns, sorciers, petits soldats.

     

    Ce sont eux, les enfants, qui portent ce qui reste de force et de courage, « ils se contentent même de rien (…). Ils brillent de sueur plus acharnés que nous, ce sont des buissons d’épines, la mort ne s’approche pas ».

    Il n’y a donc nulle arrivée, nulle hospitalité, nul havre de paix.

     

    Ils veulent nous renvoyer, ils demandent où j’étais avant

    Quel lieu laissé derrière moi.

     

    Je tourne le dos, c’est tout l’arrière qu’il me reste

     

    (…)

     

    Vous pouvez repousser, non pas ramener,

    le départ n’est que cendre dispersée, nous sommes des allers simples.

     

    Car ils ne sont pas venus pour prendre mais pour offrir, pour s’offrir corps et âme, chair à travail, boucs émissaires.

     

    Vous êtes le cou de la planète, la tête coiffée,

    le nez délicat, sommet de sable de l’humanité.

     

    Nous sommes les pieds en marche pour vous rejoindre,

    nous soutiendrons votre corps, tout frais de nos forces.

     

    Avec la ténacité, l’obstination du désespoir, ils sont les sacrifices humains de notre époque qui se croit au-dessus de ça.

     

    L’un de nous a dit au nom de tous :

    D’accord, je meurs, mais dans trois jours je ressuscite et je reviens.

     

    Après un texte d’une telle force, d’une beauté époustouflante à la hauteur du courage et des souffrances, pourtant innommables, que peuvent endurer celles et ceux que l’on appelle jamais par leur noms, car ce sont les anonymes, les sans-papier, les clandestines et clandestins de la terre, il est sans doute plus difficile d’apprécier à leur juste valeur les textes qui suivent dans la seconde partie de ce livre. Une partie divisée en quatre quartiers avec des poèmes très diversifiés qu’Erri de Luca présente comme des feuilles qui seraient le pays où il a « essayé d’habiter ». Dans le Quartier des pas reclus, il s’agit principalement de poèmes destinés à ce que l’on n’oublie pas ce qui ne doit pas être oublié, avec un hommage au prisonnier Ante Zemjlar, ce poète yougoslave qui au début des années cinquante passa cinq ans « sur l’Île Nue à casser des pierres blanches et les jeter ensuite dans la mer, dans l’Adriatique, car la peine est pure, sans valeur pratique, et la mer ne se remplira pas ». L'Île Nue, Goli Otok, la plus terrible des colonies pénitentiaires sous Tito. On notera aussi l’hommage aux Tsiganes d’Europe partis en fumée dans les camps de haute Silésie, ainsi qu’à d’autres prisonniers de différentes périodes comme Vincenzo Andraous, Paolo Persichetti, extradé en 2002 et condamné à 22 ans de prison pour sa participation aux luttes des années de plomb, mais aussi au poète bosniaque Izet Sarajlic, mort en 2002, qui a vécu le siège de Sarajevo, et bien d‘autres poèmes encore, évoquant aussi bien la seconde guerre mondiale que celle des Balkans.

    Dans le Quartier d’histoires naturelles, Erri de Luca rend hommage aux mineurs du charbon, Courrière, Pas de Calais, 1906, et à la nature.

    Dans le Quartier de l’amour sidéré, ce sont des poèmes d’amour ou à propos d’amour, un hommage à la Femme.

    Et enfin, dans le Quartier du dernier temps, le poème se fait plus métaphysique, pour « serrer dans la bouche un psaume comme les dents du chien sur un os », et un hommage à la simplicité, à l’humilité, à ces valeurs qui font l’homme vrai, humain, « Vis en déserteur d’une guerre, proclame les vaincus non pas le vainqueur, trinque à l’insurrection des cibles », l’humain dans toute sa beauté mais aussi dans sa fragilité, sa chute, « ce soir parmi nous moi j’aime l’ivrogne qui perd le chemin de sa maison ».

    On peut percevoir aussi un hommage à l’utopie dans le plus beau et véritable sens du terme, comme le présentait Théodore Monod, « L'utopie ne signifie pas l'irréalisable, mais l'irréalisé ».

    Cela prend un ton prophétique dans le poème « Après ».

     

    L’humanité sera rare, métisse, bohémienne

    Et elle ira à pied. Elle aura pour butin la vie

    La plus grande richesse à transmettre ses fils.

     

    Quelques poèmes épars encore, dans une dernière partie nommée L’hôte impénitent qui semble avoir été rajoutée au tout dernier moment, où l’on peut croiser aussi bien Chaplin que Guevara. C’est donc aussi toute une époque que l’on revisite à travers ces textes, d’un auteur sans doute aussi volubile que talentueux.

     

    Cathy Garcia

     

    Erri de Luca

    Erri de Luca, né à Naples en 1950, est l’un des écrivains italiens les plus lus dans le monde. Il vit à la campagne, près de Rome.

  • Calepin paisible d'une pâtresse de poules -

     

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    Ed. Nouveaux Délits

    Collection les Délits Vrais - N°2 - 2012

     

     

    "Que c’est bon d’être assise là au soleil, en pâtresse de poules, au sein de toute cette beauté ! Un léger vent, un esprit bienveillant pose sa main sur mon front.
    Le sourire est là, à portée de lèvres. Il affleure comme une source, il vient du cœur. Ce cœur à cajoler, à nicher dans la mousse.

     

    L’hiver se meurt, je le sais, je le sens. Ne pas chercher. Ne plus chercher. Simplement faire de la place pour accueillir."

     

     

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    Poésie postale, timbrée "Nouveaux Délits"
    Tirage signé, numéroté et limité à 50

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    Textes et photos de Cathy Garcia

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    Papier et enveloppe récyclés
    25 pages
    12 €

     

    http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com

     

     


  • Sept façons de tuer un chat de Matias Nespolo

    Sept façons de tuer un chat, Matías Néspolo

    trad. de l’espagnol (Argentine) par Denise Laroutis, 2012, 254 p. 22,30 €

    Edition: Thierry Magnier

     

    Cette histoire est un premier roman plutôt réussi. Un récit nerveux, sec, dense et noir, qui laisse peu de place à la respiration, très vivant aussi grâce aux très nombreux dialogues dans lequel le traducteur retranscrit le style et le ton du lunfardo, l’argot de Buenos Aires. Le Gringo celui qui raconte et Chueco, le Tordu, son copain d’infortune, sont deux adolescents, mais l’âge ici a peu d’importance, on vit vite et on meurt tôt dans ce bidonville en périphérie de la capitale argentine. L’existence est un rouleau compresseur, misère, violence, corruption en guise de sainte trinité, et toute tentative pour sauter hors du bocal est vouée à l’échec. Pas d’espoir pour ceux et celles qui sont nés du mauvais côté, parents perdus très vite, la petite rapine de survie quand elle ne conduit pas au trou, mène en chute libre dans la guerre des dealers. Chueco le Tordu n’y échappera pas. L’amitié ici est fragile, à la merci de n’importe quelle trahison et l’amour n’y a pas sa place. Même sur le point de passer son bac, la jeune Délia dont Le Gringo est amoureux, n’échappera pas au droit de cuissage de Jetita, un chef de gang. Le trottoir et les coups sont la destination souvent finale des filles et femmes de ces quartiers. Drogues, alcool sont les seules et illusoires portes de sortie de cet enfer et Mamina, une vieille, pauvre mais courageuse femme, tente de redonner un peu de dignité à ces gamins de la rue en les recueillant et les élevant comme elle peut.

    « Il y a des choses de Mamina que je ne comprends pas. Le travail inutile par exemple. Mais aussi les attitudes, les façons de réagir… plus je la connais, moins je la comprends. A l’heure qu’il est elle lave le trottoir à grandes eaux. Comme elle le fait un jour sur deux, religieusement. Qu’il pleuve, qu’il tonne ou qu’il grêle, elle lave sa portion de ciment jusqu’à ce qu’elle soit impeccable ».


    Mamina sait bien que peu d’entre ses protégés ne la décevront pas. Le Gringo aimerait bien en faire partie mais comment échapper à la fatalité qui vous poursuit et vous mord au talon pire qu’un chien enragé ? C’est dans un livre qu’il cherche une réponse, un livre que Le Gringo a acheté dans une librairie avec le gain d’un larcin qui coûtera très cher.

     

    « Je ne sais pas ce que je fous, là. Je n’ai jamais lu un livre de ma vie et maintenant j’en achète un. Le comble : c’est donné et je voulais seulement dépenser mon fric ».

     

    Un livre qui l’accompagnera comme quelque chose que l’on poursuit et qu’on n’atteindra jamais : la baleine blanche de Moby Dick.

     

    « Qu’est-ce que je fais ? J’ouvre le livre comme pour y chercher un conseil, en me demandant ce qu’il va me raconter, l’Ismaël, et il me sert une des ses salades… »

     

    En parallèle de cette vie de misère où on en est réduit à bouffer du chat, se prépare en ville une grande manifestation contre le pouvoir en place, ce qui met l’accent sur le décalage entre ceux qui se veulent révolutionnaires, les étudiants, les travailleurs et ces laissés pour compte des bidonvilles qui dès leur plus jeune âge, s’ils l’atteignent, vivent et survivent la peur et la faim au ventre, le doigt sur la gâchette et le nez dans la merde, à des lieues de toute normalité où discours et idéaux auraient encore un sens. Cependant, il arrive un moment où les combats se rejoignent.

     

    « (…) juste au moment où le mégaphone des flics nous ordonne de nous disperser. De dégager la route « gentiment » avant le départ de l’opération, dit le flic. Je connais cette voix. Elle ressemble beaucoup à celle que j’ai entendue l’autre nuit dans le talkie-walkie de Jetita. C’est le commissaire Zanetti, ce fils de la grande pute. Et son « gentiment » me rappelle ce que m’a dit Chueco il y a quelques jours. Cette réflexion qu’il a faite, qu’il y a sept façons de tuer un chat, mais, qu’à l’heure de la baston, il n’y a que deux façons qui vaillent, la gentille ou la dégueulasse. (…) C’est maintenant que le bal commence vraiment. Tout ce qu’il y a de gentiment… »

     

    Cathy Garcia

     

    21689_I_matias_nespolo.jpgMatías Néspolo, dont c’est le premier roman, est né à Buenos Aires en 1975. Il a étudié la littérature, a écrit des poèmes et des nouvelles. Il est aujourd’hui journaliste culturel pour El Mundo et vit à Barcelone.

     

  • Tom Gates, c’est moi ! Liz Pichon

    Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/tom-gates-c-est-moi-liz-p...

     

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    Seuil 2012 - 257 pages - 11 €

     

    Traduit de l’anglais par Natalie Zimmermann, mise en page par Anne-Cécile Ferron.

     

    Entre BD et journal intime, ce « roman animé » a reçu le très mérité Roald Dahl Funny Prize 2011 du meilleur roman humoristique pour la jeunesse.

     

    Tom Gates, doit avoir 11 ou 12 ans et comme tout enfant sensé de son âge, il n’aime pas trop l’école mais il adore les gaufrettes au caramel, lire des bandes-dessinées, faire enrager sa sœur Délia, gribouiller dans ses cahiers et surtout il a des projets : monter un groupe de pop-rock comme les Rodéo 3, son groupe préféré, avec son copain et complice Derek. Le groupe s’appellera Les Clebszombies. Ça en jette, non ? Tom Gates a toujours de bonnes et moins bonnes, voire très, très moins bonnes excuses, pour ne pas faire ses devoirs, mais il tient un journal farci de dessins très, voire très, très réussis, dans lequel il raconte sa vie fort mouvementée. Faut dire qu’il a de la matière, entre des parents sympas mais qui mettent la honte, comme tous les parents, surtout papa qui porte des fringues plus ridicules les unes que les autres et une sœur adolescente qui lui voue une haine passionnée qu’il lui rend bien, « ça m’a fait tellement plaisir que Délia se fasse gronder et priver de sorties que j’en ai oublié mon mal au bras. En fait, ça a sûrement été le MEILLEUR MOMENT de toutes mes vacances. ».

     

    Il y a aussi les grands-parents, les « fossiles » bizarres, surtout la grand-mère, experte en cuisine immangeable genre soupe à l’oignon et à la poire, pizza à la banane, biscuits à la pomme de terre et à la lavande... Et puis des camarades d’école, devant lesquels faut savoir garder prestance, surtout devant Amy Porter qui est super intelligente et super sympa et qu’on aimerait bien impressionner, et d’autres dont il faudrait se débarrasser comme Marcus Meldrou, le plus grand des enquiquineurs (= Marcus crétinus). Oui, il faut être futé quand même et avoir surtout, surtout, beaucoup, beaucoup d’imagination pour surfer sans trop de mal dans un environnement scolaire qui forcément ignore le génie brillantissime de Tom Gates. Un monde peuplé de Mr Fullerman aux yeux de lynx, de Mme Cherington qui a une MOUSTACHE qu’il ne faut pas regarder et encore moins voir, Mr Fana le directeur qui se met très facilement en colère (voir son rouge-o-mètre) et d’épreuves absolument inhumaines comme le jour de la photo individuelle, sans parler de tous les mots d’excuses qu’il faut inventer rédiger.

    « Cher M. Fullerman, le pauvre Tom est enrhumé et ne peut pas faire de sport en extérieur – jamais. Bien à vous, Rita Gates » ou encore « Cher M. Fullerman, Si Tom est en retard pour son devoir, c’est parce que sa sœur a été odieuse avec lui et ne l’a pas laissé utiliser l’ordinateur. Nous l’avons réprimandée. Merci, Frank Gates. »

    Heureusement, de l’imagination, Tom Gates n’en manque pas et à coups d’anecdotes plus hilarantes les unes que les autres, de portraits au vitriol mentholé, il nous fait retomber avec un malin et très jouissif plaisir dans la préadolescence.

    Une écriture fraîche, une mise en page des plus agréables, facile à lire, c’est à la fois très juste et très fin, et vraiment très, très, très drôle. On en redemande !

     

    Cathy Garcia

     

     

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    L’auteur : Après des études de design, Liz Pichon a travaillé comme directrice artistique dans une maison de disques britannique. Depuis 2004, elle s'est lancée dans l'écriture et l'illustration de livres pour enfants.

     

     

     

     

     

     

    La traductrice : en plus de traduire des auteurs reconnus comme John Le Carré, Natalie Zimmermann est l'auteur de nombreux livres pour la jeunesse et a traduit pour le Seuil Jeunesse toute la série du Journal d'un Dégonflé.

  • Dernières nouvelles du sud, Luis Sepulveda et Daniel Mordzinski

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/dernieres-nouvelles-du-sud-luis-sepulveda.html

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    Avril 2012, 160 pages, 19 €

    Edition: Métailié

     

    1996. Le romancier Luis Sepúlveda et son ami photographe, Daniel Mordzinski, partent pour une longue virée sans but précis, ni contrainte de temps, au fin fond du continent américain, au-dessous du 42ème parallèle.

    « Nous avancions lentement sur une route de graviers car, selon la devise des Patagons, se hâter est le plus sûr moyen de ne pas arriver et seuls les fuyards sont pressés ».

    Ils nous livrent ici le concentré, l’essence même de ce qu’est le voyage : la rencontre avec l’autre. Et puis un constat, terrible, le constat d’une disparition. Patagonie, Terre de Feu, des noms qui pourtant évoquent encore tout un univers de mythes, d’aventures et de rêves, tout ça disparaît, comme ont disparu les tout premiers habitants, « Les autres ethnies ont succombé aux règles d’un progrès dont nul n’est capable de définir les fruits », premières victimes d’un engrenage qui broie toujours plus vite, aussi féroce qu’aveugle, un monde emporté dans la grande gueule d’un capitalisme toujours plus vorace. Ainsi de carnet de voyage, le livre devient une sorte d’« inventaire des pertes », et les superbes photos en noir et blanc de Mordzinski appuient sur cet aspect de monde dont il ne resterait que des ombres, un monde à l’abandon, échoué comme une baleine sur les rives d’une mondialisation dévorante et inhumaine.


    « (…) le mot voyageur semble déplacé, peut-être subversif. Nous ne sommes plus des personnes ou des citoyens mais les clients d’un lupanar transparent surveillé par des caméras vidéo ».

    C’est donc bien plus qu’un journal de voyage qui nous est donné à lire ici, mais un véritable témoignage critique et engagé.

    « Pour définir la capacité des armes on parle de pouvoir de destruction. Pour définir la capacité de destruction de certains hommes il faut parler du pouvoir d’achat ».

    Et l’auteur n’hésite pas à citer des noms :

    « Les Benetton prétendaient apporter le progrès dans la région. Ils y ont apporté les clôtures en fil de fer barbelé, empêché la transhumance des gauchos et des rares espèces sauvages encore existantes, imposé des bornes absurdes dans une région où le ciel et la terre sont les seules limites ».

    S’y rajoutent d’autres noms comme celui de Ted Turner, Sylvester Stallone…

    Comme le dit Sepúlveda dans sa préface « A sa naissance, ce livre était la chronique d’un voyage effectué par deux amis mais le temps, la violence des bouleversements économiques et la voracité des vainqueurs en ont fait un recueil de nouvelles posthumes, le roman d’une région disparue ».

    Des visages en émergent, des visages immortalisés par Mordzinski, qui à eux seuls racontent déjà une histoire, une histoire humaine, simple, émouvante. Des visages qui disparaissent aussi. C’est un livre dont on ne sort pas indemne. Le talent de Sepúlveda a fait de chacune de ces histoires un conte, un roman, mais la réalité, comme on dit, dépasse et de loin la fiction. Comme l’histoire d’El Tano, qui cherchait un violon au milieu de la pampa :

    « – Ce violon, quand l’avez-vous perdu, l’ami ?

    – Qui vous a dit ça ? Je ne peux pas l’avoir perdu puisque je ne l’ai pas encore trouvé, déclare-t-il dans une nouvelle démonstration de logique écrasante ».

    Ou encore la magnifique et très bouleversante histoire de doña Delia :

    « Je viens tout juste d’avoir quatre-vingt quinze ans, lui a-t-elle répondu avec une moue coquette.

    – Depuis quand ?

    – Maintenant, c’est aujourd’hui mon anniversaire ».

    Donã Delia, la dame aux miracles :

    « – Comment avez-vous fait ? a demandé mon socio.

    Quoi donc ? s’est étonnée la vieille dame.

    – La fleur, ai-je ajouté en montrant le rameau qui avait fleuri entre ses mains.

    – Je ne sais pas. C’est un don, paraît-il. Tout ce que je touche vit, a-t-elle répondu timidement ».

    On croise donc bien des visages, des personnages qu’on pourrait dire pittoresques tel El Duende, le mystérieux lutin d’El Bolsón, mais néanmoins bien réels, des personnes ayant vécu hier et faisant figure maintenant de légendes locales, tel Martin Sheffield, dit le Shérif, compère de Butch Cassidy et puis des gens bien vivants d’aujourd’hui, pas tous fréquentables d’ailleurs, mais des gens encore et tout simplement humains, il y en a, tels les hommes du rails du Patagonia Express.

    « Ce fut un voyage joyeux, très joyeux, car ce fut Le dernier Voyage du Patagonia Express ».

    Il est donc question de déclin dans ce livre, oui, mais aussi et surtout de dignité, et on se prend encore à espérer qu’il ne soit pas trop tard.

    « On a la nostalgie de ce qu’on vous arrache, non de choses imaginaires ».

    En ce monde dit moderne qui se resserre de plus en plus, jusqu’à nous étouffer, heureusement « Lire ou écrire, c’est une façon de prendre la fuite, la plus pure et la plus légitime des évasions. On en ressort plus forts, régénérés et peut-être meilleurs. Au fond et malgré tant de théories littéraires, nous autres écrivains nous sommes comme ces personnages du cinéma muet qui mettaient une lime dans un gâteau pour permettre au prisonnier de scier les barreaux de sa cellule. Nous favorisons des fugues temporaires ».

     

    Cathy Garcia


     

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    Luis Sepúlveda est un écrivain chilien né le 4 octobre 1949 à Ovalle. Son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui a apporté une renommée internationale. 1975 : il a vingt-quatre ans lorsque, militant à l’Unité populaire (UIP), il est condamné à vingt-huit ans de prison par un tribunal militaire chilien pour trahison et conspiration. Son avocat, commis d’office, est un lieutenant de l’armée. Il venait de passer deux ans dans une prison pour détenus politiques. Libéré en 1977 grâce à Amnesty International, il voit sa peine commuée en huit ans d’exil en Suède. Il n’ira jamais, s’arrêtant à l’escale argentine du vol. Sepúlveda va arpenter l’Amérique latine : Équateur, Pérou, Colombie, Nicaragua. Il n’abandonne pas la politique : un an avec les Indiens shuars en 1978 pour étudier l’impact des colonisations, engagement aux côtés des sandinistes de la Brigade internationale Simon-Bolivar en 1979. Il devient aussi reporter, sans abandonner la création : en Équateur, il fonde une troupe de théâtre dans le cadre de l’Alliance française. Il arrive en Europe, en 1982. Travaille comme journaliste à Hambourg. Ce qui le fait retourner en Amérique du Sud et aller en Afrique. Il vivra ensuite à Paris, puis à Gijon en Espagne. Le militantisme, toujours : entre 1982 et 1987, il mène quelques actions avec Greenpeace. Son œuvre, fortement marquée donc par l’engagement politique et écologique ainsi que par la répression des dictatures des années 70, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers.

     

    Daniel Mordzinski est photographe, né à Buenos Aires en 1960. Il travaille depuis trente ans à un ambitieux « atlas humain » de la littérature. Argentin ancré à Paris, il a fait les portraits des auteurs les plus connus des lettres ibéro-américaines. Il a exposé en Argentine, en Colombie, au Mexique, en Italie et en France. Il est actuellement le correspondant en France du journal espagnol El País.

  • Je suis l'eau

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    Je suis goutte

    Et je suis océan

    La flaque dans laquelle

    Jouent les enfants

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    Je suis fontaine

    Fraîche chaude

    Mémoire blanche

    Des origines

    Source sacrée

    Porteuse de vie

    Messagère des fées

    Guérisseuse aussi

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    Jaillissante bouillonnante

    Colliers de perles

    Bracelets de cristaux

    Je suis la divine mère

    De tous les fleuves

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    Je suis ruisseau filet d’argent

    Je suis la fougue du torrent

    Calme et limpide berceau

    Des grenouilles et poissons

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    Je suis la chevelure

    Des gracieuses ondines

    La voluptueuse vouivre

    Des marécages

    Je suis le paradis des roseaux

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    Je suis le repos des noyés

    Le tombeau liquide

    Des sans papier

    Je suis la vie

    Je suis la mort

    Je suis le paradis des oiseaux

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    Je suis le grand serpent

    Qui a creusé la vallée

    Sang de la terre

    Lymphe des mammifères

    je suis la mère qui lave les yeux

    La sainte mer qui lèche vos pieds

     127small.jpg

    Je suis le chant

    Des sirènes

    La respiration

    Des immenses baleines

    Je suis la glace

    La mort blanche

    La vapeur qui sublime

    La formule aromatique

    Qui nettoie vos âmes

     Miroir de l'âme small.jpg

    Je baigne vos corps

    Nourrit vos cellules

    Vous délivre de la crasse

    Et de la maladie

    Mais vous

    Que faites-vous pour moi ?

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    Je suis souillée

    Partout où je passe

    Certains m’usent pour leurs crottes

    Et leurs urines

    Me gardent jalousement

    Dans leur piscine

    Alors que tant d’autres ailleurs

    Meurent de mon empoisonnement

     Dame du Vers small.jpg

    Vous ratissez mes flancs

    Raclez mes os

    Massacrez toutes mes créatures

    Alors mon message de vie

    Devient un message de mort

    Jusque dans votre propre corps

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    Car chacune de mes gouttes

    Parle à toutes les autres gouttes

    Elles savent les sons

    Et elles savent les mots

    Elles savent le chaos de la haine

    Le cristal de l’amour

     fleurs de neige small.JPG

    Je suis la vie

    Je connais les maux

    Je suis l’eau.

     

    Texte et photos (c) Cathy Garcia

     

     

     

  • Au boulot ! par Les Chats Pelés

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/au-boulot-les-chats-peles...

     

    Au boulot ! Les Chats Pelés

    Seuil Jeunesse 2012, 48 p. 25 €

    Un collector conçu spécialement pour les 20 ans de Seuil Jeunesse, avec une superbe couverture toilée sérigraphiée et accompagné d’un tiré à part. Un format géant qui met en valeur de très belles illustrations, chacune est une véritable œuvre d’art, réalisées par Les Chats pelés. Ce collectif d’artiste fondé par Lionel le Néouanic, Youri Molotov, Benoit Morel (chanteur de La Tordue) et Christian Olivier (chanteur des Têtes Raides), ne comprend aujourd’hui plus que ces deux derniers et Lionel le Néouanic.

    Dans ce recueil aussi coloré que résolument subversif, on ne prend pas les enfants pour des idiots. A contre-courant du travailler plus pour patati patata, les animaux anthropomorphes qui évoluent au fil des pages de Au boulot ne s’en laissent pas conter. Ils nous livrent une poésie bourrée d’humour et pas piquée des vers. Cela démarre avec Aldo le croco, le camelot qui trafique du boulot, puis on croise le chasseur de courant d’air et quelques langues de vipères. Prosper le marchand de misère peut se tenir à carreau, Léon le lion a mangé son patron « il était si bon… ».

    Hommage aussi aux travailleurs car non, il n’y a pas de « petit » métier et

    « Heureusement qu’à la ville

    quand le soleil brille

    il balaie les ombres

    dans les quartiers sombres ».

     

    « je sais c’est qui » nous dit un petit poulet avant de sortir de la page.

     

    Bébert le ver lui est au lit, il a mal au trou de la sécu, mais heureusement le ravigoteur badigeonne les pages avec tout plein de couleurs et pour les étourdis on trouvera quelques pages plus loin les reboucheuses de trous de mémoire. A l’ÂNE.N.P.E., il y a la queue et de belles petites annonces « A SAISIR chaussons état neuf ». Pour soulager un peu les tensions, l’insulteur public y va de son mégaphone, petits et gros mots mais,

     

    « Henriette la chouette

    a fait de la politique

    maintenant…

    elle est sceptique ».

     

    Double page pour la grande manifestation, « les tailleurs d’oreilles en pointe sont en colère ! » et paf, une double page de plus avec un gros rhino pas content du tout « on en veut pas de vos sales boulots».

    Chut !, dit le piqueur de roupillons. Pour les petits creux, il est conseillé de courir

     

    « chez la dégobilleuse

    sa tambouille est délicieuse ».

     

    C’est vrai que le menu est du meilleur goût, pensez donc, Pourriture de poissons et son coulis de crachats en plat de résistance !

    « J’ai tout donné » dit le croco plein de bobos, « le travail c’est la santé » chante un titoizo. Et voilà donc un livre pas qu’un peu rigolo, plein de bêtes pas bêtes du tout. Non mais !

     

    Cathy Garcia

  • The doors, 23 nouvelles aux portes du noir, ouvrage dirigé par Jean-Noël Levavasseur

    Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/the-doors-23-nouvelles-aux-portes-du-noir-ouvrage-dirige-

    The doors, 23 nouvelles aux portes du noir, ouvrage dirigé par Jean-Noël Levavasseur

    Dessins de Riff Reb’s, 2012, 256 p. 17 €

    23 auteurs de polar français, marqués par l’esprit du rock, proposent chacun une nouvelle inédite ayant pour fil conducteur le groupe mythique des Doors et le plus mythique encore, roi lézard, Jim Morrison. Ces 23 nouvelles sont classées dans un ordre chronologique fictif, s’étalant entre le 8 juillet 1965 et l’année 2005. On peut regretter le manque d’originalité de certaines, et donc une qualité inégale du recueil, mais l’ensemble se laisse lire facilement et a le mérite d’offrir un portrait rapide d’une époque et ce qu’il en reste.

    Le côté sombre de l’Amérique des années 60, c’est d’abord le Viêt-Nam, thème abordé dans la première nouvelle, We’ll be home for Christmas de Pierre Mikaïloff, l’évocation de toute une jeunesse sacrifiée, à travers une correspondance entre un jeune Morrison, étudiant en cinéma, et un de ses amis qui lui envoie des poèmes depuis le front. Des poèmes qui portent des titres tels que Light my fire, Love me two times, The End

    Il y a Charles Manson, qui apparaît dans la deuxième nouvelle, The ballad of Sarah J. de Thierry Crifo. On pense à Sarah Jane Moore qui en 1975 tentera d’assassiner le président Ford et à la chanson de Dylan.

    Trafalgar d’Olivier Mau, est un texte bref qui parle des déboires d’un looser alcoolo avec sa copine alors qu’il est sur le point de produire le groupe de son copain Jim. L’alcool semble le rendre visionnaire quant à l’avenir des Doors.

    Marc Villard fait le va et vient dans D’esprit à esprit, entre Paris et l’Amérique de 1966 : Morrison provoque son premier et fameux scandale au Whiskey A Go-Go et une adolescente cherche dans Paris un disque des Doors pour son père en train de mourir à l’hôpital.

    La nouvelle suivante, La perception des portes, est un récit plutôt. Michel Leydier prend pour fil conducteur le thème des portes et raconte ses premiers émois adolescents à Casablanca sur l’air de Love her madly, quelques anecdotes de sa vie dans le show-biz rock’n roll en lien avec les Doors et des retrouvailles 40 ans plus tard, lors d’un mariage à Casablanca, histoire de refermer la boucle des portes. Puis Sylvie Rouch enchaîne avec une histoire de lycéens, Coltrane, Simpson, Lorette et moi, qui nous replonge dans l’ambiance des années 60 en France, avec un clin d’œil au Che en final.

    Bel interlude psychédélique avec Attention, mon petit Jim, de Bruno Sourdin, un poème plus qu’une nouvelle, incantatoire, électrique et envoûtant, dans le style chamanique de Morrison, avec en refrain l’entêtant Mr Mojo Risin’ (le mojo étant un sortilège d’amour vaudou). Un superbe hommage en forme de trip, à l’album L.A. Woman.

    Puis, nous replongeons brutalement dans la réalité noire noire, avec une nouvelle de Marion Chemin, Under the bridge, un texte bref et puissant, qui remue en profondeur, et où Morrison devient prétexte à rouvrir une porte bien sombre de l’histoire française : le massacre du 17 octobre 1961.

    Bunch of slaves de Max Obione évoque sans grande conviction le Caen de mai 68, exprimant ainsi le début de la désillusion. Matthias Moreau nous balance une mordante Parade molle de Coconut Grove dont la chute est aussi celle de Morrison.

    Autre parade, Douce parade funèbre de Jean-Noël Levavasseur, nous ramène non sans humour en France profonde, où il est question de sérial killer lors d’une conversation téléphonique à l’Hôtel Maurisomme.

    Avec Le plus grand poète vivant depuis Rimbaud, Denis Flageul nous embarque pour une virée de bar en bar dans la nuit rennaise et rend hommage à Kérouac.

    La rizière rouge de Michel Embareck revient sur la thématique du Viêt-Nam et de nouveau à travers une correspondance, une impression de déjà lu. Outdoors d’Hugues Fléchard est une nouvelle plus confuse que déjantée qui nous fait pénétrer dans un centre pénitentiaire de Floride. Jean-Bernard Pouy crache, avec Merci d’être venus si nombreux, un extrait de ce qui semble être un long poème sur la condition de poète de Morrison et du poète en général dans la grande bétaillère du monde, constat plutôt amer. « C’est un emmerdeur, un bonnet d’âne, un radiateur ou un pinacle, un démiurge à la con ».

    Bellevue Hospital Center de Jan Thirion raconte un Morrison fin de parcours, en visite dans un hôpital pour enfants où un gardien déguisé en orang outang pourrait être Kérouac. On pense au Bellevue Psychiatric Hospital de New York qui a vu passer pas mal de têtes plus ou moins connues de cette époque de grande défonce, notamment Burroughs. Dans Les portes du pardon de Luc Baranger, on retrouve Morrison dans la peau d’un beauf de 69 ans, à Clermont-Ferrand, où il a passé sa vie après l’avoir échangée avec un certain Charlie Behrman, son sosie, rencontré dans une boîte de Saint-Germain des Prés en avril 71.

    Dans Le couteau des mots de Pierre Hanot, le ton est à l’humour, noir bien sûr. Un poète de catégorie raté y relate sa courte carrière de petite frappe, ratée aussi, et sa brève rencontre dans un bar avec un Morrison pathétique. Dans Un ou deux francs, une ou deux vies, Jean-Luc Manet explore lui aussi le thème de l’échange d’identité, sauf que là il s’agit plutôt d’un vol, avec le portrait au vitriol d’un ex-prof soixante-huitard à la dérive pour qui l’irresponsabilité devient crédo. Mission d’intérim de Serguei Dounovetz, nous présente the End, la mort, sous les traits d’une infirmière transsexuelle du bois de Boulogne. C’est ma prière (American prayer) de Bruno Schnebert nous fait basculer dans la génération qui redécouvre les Doors, et nous entraîne sur la tombe de Morrison by night, histoire de voir que la poésie du mot FUCK a survécu. Stéphane le Carré avec son Misogyne Morrison, ne fait pas dans la dentelle, encore une histoire de sosie, un portrait bien cynique de la société actuelle lobotomisée, avide de sexe et de divertissements bas de gamme. La dernière nouvelle nous rend le sourire, à travers la soirée bien galère du protagoniste, auquel on peut s’identifier sans mal. Le malheur des autres, on le sait bien, est également plutôt divertissant, surtout quand il est raconté avec humour, et puis là au moins il n’y a pas mort d’homme.

     

    En fin d’ouvrage, une chronologie rapide de la vie de Morrison par Jean-Noël Levavasseur, suivie de la présentation des auteurs : Luc Baranger * Marion Chemin * Thierry Crifo * Serguei Dounovetz * Michel Embareck * Denis Flageul * Hugues Fléchard * Pierre Hanot * Stéphane Le Carre * Jean-Noël Levavasseur * Michel Leydier * Jean-Luc Manet * Olivier Mau * Pierre Mikaïloff * Mathias Moreau * Max Obione * Jean-Bernard Pouy * Sylvie Rouch * Bruno Schnebert * Caroline Sers * Bruno Sourdin * Jan Thirion * Marc Villard

     

    Cathy Garcia

  • Dans la nouvelle fournée d'Evazine

    http://evazine.com/

    avril mai juin 2012

    Au hasard de nos pages...

     

    Arrivée de Béatrice Gaudy avec les deux France décryptées ill. bg & jnvp.fr

     

    Cathy Garcia exprime dans ton regard, madame tout le mal vivre d'une fille de l'Est enchaînée au trottoir ill. cg &brassaï

    Anna Jouy note ses impressions en direct ici gare de Lyon ill. jlmi

    Denise Desautels se souvient qu' elle écrit en chute libre ill. jlmi

    Gaëlle Josse chantonne la fin de son blues du rail urbain... Metropolis song ill. jlmi

    Lucie Sagnières explore le nirvana de l'absurde ill. jlmi

    Isabelle Le Gouic propose deux collages en surimpressions de voyages intérieurs ill. ilg

    Murièle Modély se dit : aujourd'hui je descends dans la rue ill. bruce clark

    Né-Khô se débat pour vaincre ill. jlmi

    Maryline Bizeul présente son nouveau recueil les laissés pour conte ill. x

    Bruno Toméra erre dans le dédale du couloir d'urgence

    Ferruccio Brugnaro se défend contre la solitude de nulle main, nul regard ill. jlmi

    Werner Lambersy poursuit sa conversation à l'intérieur d'un mur : je ne pleure pas et lors d'un pillage ill. courtesy linda zacks & jlmi

    Taro Aizu a composé ce requiem pour un laitier de Fukushima ill. ta

    Jean-Louis Millet ''chapelette'' les fragments-grains 3 de son psychorama holographique ill. x

    Le Salut invérifiable d'un Idiot souterraindémontre de nouveau sa prédilection pour le Sens de l'occasion animation de jlmi & t.

    Patrice Maltaverne en arrive au matricule 34 , une histoire de travailleurs dans l'immensité des villes ill. x &ubuweb

    Vincent Courtois arpente de dernière fois la Ville et conclue que plus personne ne l'habite ill. vc

    Harry Wilkens propose un petit discours d'encouragement en évitant soigneusement le paradis bien avant d'en avoir marre ill. courtesy norman j. olson

    Jean-Marc Couvé évoque le sujet pour le moins délicat de l'origine des mots ill. jmc

    mais pour Jean-Claude Tardif, il n'y a plus rien ! ill. jlmi

     

    En Musique à partager, la symphonie n°2 de Mahler présentée par Anna Jouy, qui nous propose aussi plein de nouvelleslectures...

    Taro Aizu, Amina Saïd, Ferruccio Brugnaro, Denise Desautels, Gaëlle Josse, Isabelle Le Gouic, Né-Khô, Jean-Claude Tardif, Harry Wilkens.