Elihu Vedder - L'Aube
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Respect pour les hommes, respect pour leurs âmes invisibles, ou si rarement, si pathétiquement devinées ; respect pour leurs tristes corps qu’eux-mêmes ne respectent pas, se contentant de les chérir, de les torturer, ou de les nier. Respect pour les choses dont les hommes abusent avec plus d’inconscience encore, et qu’ils traitent plus mal qu’ils ne le font de leur propre cœur. Respect pour le silence, plein de pressentiments des voix futures ; respect pour le passé, qui est présent, comme dans l’écrin, la marque laissée par la bague disparue, et respect pour l’instant présent, qui ira bientôt s’ajouter au passé, attiré par l’aimantation du Temps. Respect pour les anges qui sont nos gardiens et sont peut-être nos âmes ; respect pour nos démons aussi, qui ne sont que l’ombre portée par nos anges. Respect pour Dieu, même s’il n’est pas, parce que ne pas être n’est après tout qu’une manière un peu plus noble et plus pure d’exister, et parce que nous le possédons du moins sous forme de désir et d’attente. Respect pour l’amour, que les hommes et les femmes ne respectent plus, parce qu’ils ont peur qu’on les oblige à en être dignes.
Extrait d’un hommage à Reiner Maria Rilke, 1936
Bon voyage et profonds hommages à une grande, grande d'âme !
Au XXe siècle, les théoriciens de la démocratie recommandent “de mettre la masse à sa place”, de sorte que les "hommes responsables” puissent “vivre à l’écart du piétinement et des rugissements du troupeau dérouté”, des “marginaux ignorants qui fourrent leur nez partout”, dont le “rôle” doit se limiter à “assister en spectateurs intéressés aux évènements qui se déroulent”, sans vraiment y prendre part. Périodiquement, le temps d’une élection, ils doivent soutenir l’un ou l’autre membre de la classe dominante, pour retourner ensuite à leurs affaires privées.
in L’An 501, la conquête continue, 1993
Poème extrait du livre paru à La Chienne éditions, collection Nonosse, Roubaix, 2019. Maquette et graphismes par Jean-Jacques Tachdjian.
Lu par moi-même.
Pour commander : https://www.lachienne.com/product-page/des-nuits-au-mixer
Maquette et graphismes par Jean-Jacques Tachdjian
La Chienne éditions, collection Nonosse, Roubaix, 2019.
Je manque de temps pour faire des notes de lectures comme je voudrais et il y aurait bien du bien à dire de ces nuits au mixeur de Marc Tison, mais sa poésie parle d'elle-même, lisez plutôt :
Tu sais ce qui nous attend
dans les révolutions borderline
l’équilibre se fait sauter le caisson
(…)
C’est d’une importance extraordinaire
d’aller vers ce qui éclaire l’immensité en soi
(…)
On partira à l’aube sur les océans
On part toujours à l’aube
Dans la pureté des promesses
Avant l’ouverture des supercheries marchandes
(…)
Des bars comme des Sirius
Des signes comme des toiles de Tapies
Et la nuit qui gueule habitée
Plus sûrement que les jours des quartiers d’affaires
Et la nuit qui chante en abîme des romances tristes
De matin de grisaille
(…)
Je ne descends plus des grands singes
La lignée est éteinte
Exterminée dans les salons climatisés des banques d’investissement
Je n’enfante plus des gens sauvages
Mon sperme est défolié, il est minable et minuscule
(…)
L’odeur ça pue le vrai, ça n’est pas permis
(…)
Les algorithmes qui tracent les désirs sont des menottes
Aux radiateurs des polices du comportement
(…)
On a tordu le ciel qui était beau
(…)
Des nuits au mixer
À courir éventré l’ennui au cul
Comme la mort
(…)
L’affolement en moteur de désir
Et la route qui se barre en chewing-gum
La vrille
Les pieds sur le vide
Plongeons profonds dans l’univers
(…)
Les enfants dansaient comme des derviches défoncés
Sur les débris des usines
Les tapis de ferrailles rouillées
(…)
Tes mains sur les marbres de nerfs
Mets tes paumes de paix
sur les pensées en charpie
Ne rassure pas
Ne console pas
Aime
(…)
Personne ne sait combien j’ai peur
tout le temps. Pas même moi sous
mon parapluie de confiture. Il fond
sous la pluie d’orage que j’invente.
Je lèche ce qui coule comme un sexe
qui dégouline. Je ne le sais pas que
c’est un sexe qui dégouline que je
lèche tout le temps quand j’ai peur.
La pluie me dégoutte.
(…)
Pour commander : https://www.lachienne.com/product-page/des-nuits-au-mixer
Dans le ciel toutes les formes
Une à une passent et s’en vont
Le vent impitoyable remplit son office
Gardons-nous de trop aimer vivre
in Homme Montagne