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Transmutation, âge de plomb, la leçon que nous palpitent tous les papillons de nuit. Accepter l‘impermanence, la pépite si précieuse du présent. Sentir le fourmillement des racines, la plante des pieds.
« Les amis sont le sel de la vie, les gens avec qui on peut se payer le luxe de perdre son temps »
L’art de nourrir notre talent consiste, en partie, à nous entourer de gens ayant la générosité de nous refléter que nous sommes talentueux. La créativité s’épanouit dans un climat d’acceptation et de confiance. Savoir aimer sans ce fichu amour propre qui nous installe irrémédiablement sur le terrain de la comparaison et de la souffrance, constitue une prouesse amicale aussi rare qu’appréciable. Détaché, on aime mieux, plus librement.
L’ami complice a compris que la meilleure chose qu’il puisse faire pour nous n’est pas uniquement de partager ses richesses mais de nous montrer également les nôtres. Il se soucie avant tout de l‘usage que nous faisons de notre talent. Jamais complaisant, il sait que nous comptons sur lui et son objectivité. Souvent, nous avons été éduqués à prôner une fausse modestie. On nous a enseigné qu’il était préférable, et plus spirituel, de rester petit et surtout sans éclat. A ses yeux, notre véritable identité est notre grandeur intérieure, il veut nous voir prendre notre envol. Rien n’est trop beau pour être vrai aux yeux d’un ami solidaire. Quand la volonté s’érode devant la vanité de nos conquêtes quotidiennes, un regard complice procure de nouvelles ressources. Notre ami complice est avant tout un être qui croit fondamentalement en la bonté de la vie. Enthousiaste et encourageant, il croit à la méthode essais / erreurs. Il est tenace et réaliste. Il est sincèrement touché par nos difficultés occasionnelles, sincèrement exalté par nos succès. A son contact nous nous concentrons sur l’ensemble de nos qualités plutôt que sur l’image fragmentaire de notre petitesse, de nos fautes et de nos limitations. Conscient de l’importance du processus, il préfèrera bien souvent la patience au renoncement. Cette détermination renouvelée qui nous incite à « faire un pas de plus » est la résultante notoire de nos échanges complices.
Comment reconnaître un authentique complice ?
D’abord, nous éprouvons un sentiment d’excitation et de possibilité en sa compagnie. Lorsqu’il nous fait un commentaire positif qui nous touche, nous aimons nous le répéter. Dans ses mots, pas de cynisme, aucun message soulignant la folie de notre rêve. Dans sa voix, une note de sérénité et d’optimisme véritable. Son regard appuyé et enveloppant témoigne de sa pleine confiance et de son soutien. Il est d’ailleurs bon de se rappeler que les gens célèbres n’ont pas débuté avec la célébrité, mais qu’ils étaient avant tout des gens simplement talentueux et intéressants. Nous avons tous dans notre cercle d’amis des gens talentueux et intéressants. Un authentique ami complice est toujours généreux de nature.
La créativité est un acte de foi. Un authentique complice nous incite à avoir foi en nous-mêmes. On retrouve chez ce précieux ami complice une certaine pureté, une capacité à percevoir cette étincelle divine qui nous habite au-delà des différences. Il ne croit pas en un monde capricieux et mesquin. Il croit au fruit du travail bien fait. Il dira « Tout ce que tu as accompli est magnifique, il est impossible que ça ne mène nulle part ». Il est loyal, a de la vision, apporte d’autres perspectives et agit avec dignité. Il ne s’arrête pas tant à la réussite, bien qu’il croie toujours que nous réussirons, un jour. Il est avant tout un ami entêté qui opte pour un regard ouvert sur l’avenir et refuse le découragement. Pour lui, un roman rejeté par un éditeur « est simplement en attente de croiser la bonne personne », un entretien d’embauche manqué « correspond à la nécessité d’attendre que le marché soit propice » …
Notre indéfectible complice a ce pouvoir de nous aider à nous retourner lorsque c’est nécessaire et d’apprécier le chemin parcouru. Très vite on admet avec soulagement que les choses vont bien mieux qu’on ne le pensait. Mettre l’accent sur l’aspect positif des choses fait partie de ses tâches. L’ami complice va même plus loin, il est notre meilleur avocat et tord le cou à notre critique intérieur bien souvent dépourvu d’arguments rationnels. Il nous aide à lâcher prise et nous ramène à une certaine forme de sobriété émotionnelle. Sans porter consciemment un masque, nous présentons un visage particulier devant chacun de nos amis. Un ami complice est celui avec qui on peut se permettre de réfléchir à voix haute… Dans son regard on prend la mesure de notre distorsion mentale et on abandonne nos réflexes de défense classiques pour donner à ce qui nous entoure la possibilité de nous toucher.
Enfin, l’amitié complice est un îlot de lumière et de sagesse, où on sait que l’on peut accourir avec ses découvertes, ses tourments et ses espoirs, et ce à tout moment du jour, sachant que l’on sera accueilli. Bien qu’elle se doive d’être une joie gratuite, ce que l’ami complice ignore, c’est à quel point il nous est précieux par sa présence. Issu d’une source des plus respectées, cet encouragement mutuel nous permet de nous renouveler et de nous vivifier. Lorsque nous lui exprimons notre gratitude, il nous répond bien souvent embarrassé : « Allons donc, ce n’est rien », … mais nous savons combien ceci est faux.
La vie met parfois sur notre chemin des êtres merveilleux qui nous rendent ce que nous sommes.
Il nous faut mener double vie dans nos vies, double sang dans nos coeurs, la joie avec la peine, le rire avec les ombres, deux chevaux dans le même attelage, chacun tirant de son côté, à folle allure. Ainsi allons-nous, cavaliers sur un chemin de neige, cherchant la bonne foulée, cherchant la pensée juste, et la beauté parfois nous brûle, comme une branche basse giflant notre visage, et la beauté parfois nous mord, comme un loup merveilleux sautant à notre gorge.
Comment vivre une ascèse du cœur sans que l’écho de l’humanité ne rebondisse constamment contre nos murs ? Comment contourner la dictature du mental, sortir du fonctionnariat de notre ego ? Sommes-nous capables de rester dans ce monde sans être emportés par lui, de vivre cette société qui s’attache davantage à la cohérence d’un parcours qu’à la vérité d’un être ? Comment passer de la méditation à la médit-action ? « Sadhu – seeker of truth », dernier long-métrage du réalisateur Suisse, Gaël Métroz, est avant tout la rencontre entre deux hommes en quête intérieure, le réalisateur et son protagoniste. Fidèle à sa démarche de cinéaste pratiquant l’immersion solitaire, généreux, jamais intrusif, le Valaisan a marché pendant 18 mois sur les pas de Suraj Baba, un ermite indien en rupture, au terme de huit années d’isolement consacrées à la méditation, dans une grotte aux sources du Gange. Caméra à l’épaule, épousant tous les détours du chemin, perdu dans l’immensité minérale, dans un décor ample jamais montré à l’écran (cols de l’Himalaya, Kumbh Mela à Haridwar, vallée du Mustang, les lacs sacrés du Tibet …), ce film s’annonce déjà comme un formidable rendez-vous céleste avec soi-même. C’est l’histoire d’un silence que l’on cultive comme une plante, à l’abris du vent, au plus près de la lumière … et des images en parfaite harmonie avec le sujet. Alors que le monde bouge à une vitesse vertigineuse, ici la nature, majestueuse, s’impose comme le béton de la vie et le voyage se poursuit à l’intérieur, à l’écoute d’une voix immatérielle, dans un dialogue juste et réfléchissant où l’on ressent une filiation avec tout ce qui vit.
Né à Darjeeling, en Inde, Suraj Baba est issu d’une famille bourgeoise. Il a tout quitté, pour mener la vie dépouillée de renonçant. Cela faisait huit ans qu’il s’isolait dans une grotte, vivant de méditation et d’offrandes à 3200 mètres dans l’Himalaya lorsqu’il a rencontré Gaël. « La première fois que je l’ai vu, il réparait le chemin qui menait de sa grotte au Gange (…) On a roulé des pierres ensemble, on s’est apprivoisé pendant un mois. Au fil des semaines, je me suis installé dans sa grotte voisine. J’ai compris qu’il se sentait piégé par son érémitisme et n’osait plus revenir au monde après tant d’isolement ». Les premiers jours il parlait si peu que Gaël ignorait même qu’il connaissait l’anglais. Le temps passant, il a eu la chance de devenir lentement son confident, la caméra aussi … Véritable éloge du rien, une fois de plus, c’est le déshérité qui nous comble. La force du personnage tient aussi dans son grand tourment : un homme divisé entre la marche pieds-nus et ses baskets, entre l’eau des glaciers et l’alcool des bars de Katmandou, à la recherche d’un équilibre entre occident et orient, entre société de consommation et dépouillement, entre vie familiale aisée et solitude austère, entre réussir dans la vie et réussir sa vie. Depuis six ans, Gaël Métroz a rencontré bon nombre de sâdhus sur les routes d’ Inde et du Népal, il a effectué plusieurs pèlerinages à leurs côtés tant cette philosophie du dépouillement le captivait. Durant les trois mois qu’il a effectué à la recherche du personnage principal de son film, sa fascination pour ces ascètes est devenue affection. A la poursuite du sâdhu trop idéal, il a finalement croisé le chemin de Suraj Baba qui détruisait en lui-même le mythe du sâdhu. « En doutant même de son statut de saint homme, il est devenu pour moi le vrai sage. Un homme en quête », confie le Suisse. Un être d’une candeur curative, qui s’exprime ici les paumes ouvertes, devenant malgré lui un maître à penser à l’endroit, à panser en soi …
Durant ces longs mois de tournage, ils dorment tous deux au bord des rivières, se nourrissant d’offrandes des pèlerins, Suraj voyageant avec sa petite besace, sa guitare et ses sachets de thé, Gaël le suivant avec ses 30 kg de matériel à travers les plaines gangétiques. Leur rencontre, renforcée par l’occasion unique de se rendre à la Kumbh Mela, l’un des plus grands maelström religieux de la planète (70 millions de pèlerins) a finalement décidé Suraj à réaliser son vieux rêve et à faire face définitivement à tous ses démons. Un pélerinage qui allait devenir le plus long de leurs vies. « Le scénario de mes documentaires, c’est la vie. Et la vie est beaucoup plus avare de scénari que nos esprits, il faut donc attendre que les nœuds se fassent, se défassent, cela prend du temps. Là, il a fallu 18 mois, s’il en avait fallu 18 de plus et bien je les aurais passés ». – G.M. Arrivés à la Kumbh Mela, dans une promiscuité étouffante, les images tentent de capter cette effervescence floutée par les fumées de chillum et d’encens. Les sâdhus, réunis par chapelles, ont de la peine à comprendre ce duo excentrique, formé d’un jeune occidental et d’un sâdhu qui refuse tout attachement à une quelconque école. Et c’est à ce moment aussi que le film bascule : … l’ouverture aux larmes du chemin, lorsque tout ce que l’on savait sur le monde éclate en morceaux. La désillusion n’en est que plus violente et ouvre de nouveaux questionnements. Véritable crise de foi. Comment préserver cet embryon de « zénitude » ? Comment accueillir l’autre en soi, tout en étant conscient des frontières que sont nos propres épidermes et l’air qui les séparent. « C’est le voyage personnel qui m’intéresse, plus que l’Inde mythique – je voulais faire un film moins instructif, qu’affectif » – G.M. Et ce n’est pas le moindre avantage de ce film, servit par une bande originale sublime, une élévation superbe où cithare et guitare bluesy fusionnent sans s’observer. Un glissement progressif qui donne la réplique à un gracieux silence qui en dit long. Des moments de mutisme souvent plus éloquents qu’un flot de paroles.
Un film qui ramasse dans ses filets tous les tourments spirituels de notre condition, mesurant au passage le pouls de notre propre humanité et relançant enfin ce cœur dilaté, tendre, vulnérable et neuf qui, à lui seul, peut transformer le monde. On en ressort chargé de cette précieuse confiance en la texture du monde et dopé par un sens nouveau du pèlerinage : offrir une sépulture à son passé et voyager, le coeur à tout, la tête à rien … sans maux inutiles. Avec cette perle, Gaël Métroz plane loin au-dessus du lot. Sortie en salle, le 6 novembre prochain.
« L’esprit créé le gouffre, le cœur le franchit » – Sri Nasargadatta
Gaël Métroz en quelques mots Né le 28 novembre 1978 à Liddes (Suisse), Gaël Métroz obtient une licence en littérature française, philosophie et histoire de l’Art à l’Université de Lausanne, en 2004 avant d’être récompensé par plusieurs prix littéraires, dont le Prix de la Sorge en 2004 et le premier Prix Nicolas Bouvier en 2008. Après avoir écrit et mis en scène la pièce L’Enfant Déchu, il décide de se focaliser sur les métiers d’auteur-réalisateur et de journaliste. Il tournera autour du monde afin de donner le temps au voyage de s’exprimer en parcourant plusieurs pays, comme l’Ethiopie, le Soudan, l’Egypte, la Birmanie, la Turquie, l’Iran, le Pakistan, l’Afghanistan, la Chine, l’Inde, le Népal… En qualité de journaliste, il publie ses carnets de route autant à la télévision (Passe-Moi les Jumelles, TSR), à la radio (Un Dromadaire sur l’Epaule, RSR), que dans la presse écrite (Le Nouvelliste, La Liberté, L’Express, L’Impartial, Le Journal du Jura, Le Courrier, L’Illustré…). En 2008, il réalise son premier long métrage cinéma « NOMAD’S LAND – sur les traces de Nicolas Bouvier », primé entre autres par le prestigieux Golden Gate Award pour le meilleur documentaire au Festival international du film de San Francisco. Aujourd’hui, il présente son deuxième long métrage intitulé « SADHU – SEEKER OF TRUTH », portrait d’un saint homme hindou qu’il a suivi pendant 18 mois dans l’Himalaya.
Retour au silence, oiseau, ombre, pain, ombelle, soir sorcier. À la brise qui joue du carillon japonais, sol jonché de feuilles déjà mortes, encore un peu d’eau pour le corps, de nudité pour l’esprit, de plénitude pour l’âme.