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  • Je te vois de Murièle Modély

      

    Ed. du Cygne, septembre 2014

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    112 pages - 13€

     

     

    Le couple, « nous sommes ensemble et seul », colonne vertébrale de ce recueil, qui vient prendre et surprendre le lecteur, comme sait si bien le faire Murièle Modély avec cette langue et ce style bien à elle.

     

    Dans Je te vois, il est question du corps, des mots, des maux du corps et du corps des mots dans l’aquarium du couple. Et donc de sexe forcément, presque un acte de survie, pour faire taire un temps les angoisses, pour que la tête se taise et que l’animal en nous « nos dents crissent nos mains aboient » fasse obstacle et contrepoids, le temps d’une rupture de conscience, à la banale horreur du monde, « ce rat crevé qui soubresaute ».

     

    « je ne suis pas la première/à vouloir que le noir/m’arrache les cheveux/et le cuir/et le crâne/et les lobes/et les yeux/à vouloir que la baise/me fasse sentir mieux. »

     

    « les jambes s’ouvrent, les yeux se ferment ». Le sexe dont Muriel Modély trace à grands jets les contours, où le creux appelle le plein parce que l’extérieur semble trop vide, le sexe comme une salutaire amnésie plus ou moins quotidienne, parce que « pendant que dans nos ventres se jouent sans anicroche/le va/ le vient/l’histoire la même/dans la répétition des coups de reins », on tient à distance la peur, la faim et la mort, et surtout, paradoxalement, « on tue la vie » comme si « la mort petite » faisait moins mal. « je veux juste ton sexe sous mes voiles de chair ».

     

    Le couple, une protection : « je porte ta peau en rempart », contre un monde extérieur vécu comme aussi monotone qu’hostile. L’hiver est continu le présent nous bombarde/ses rayons dardent puis nous charrient/dans les allées des centres commerciaux. Un monde à mastiquer, où l’on consomme et se fait consommer. « Je nous vois aussi attablés et assis/lécher la poussière des fonds de verre ».

     

    Ce recueil semble bâti sur des oppositions, des équilibres à trouver, comment passer sans dégât de la contraction à la dilatation, de la protection à l’ouverture. Toi/moi, homme/femme, vie/mort, sexe/mort, sexe/vie, dehors/dedans, désir/dégoût. Les mots mentent, les corps ne mentent pas, ou bien est-ce l’inverse ? Et l’auteur « déboule dévêtue dans les champs sémantiques ».

     

    Avidité, turgescence, le jouir et le vomir. Le couple et la faille. Les corps s’unissent, les mots disent la dichotomie : « Je fais l’amour, tu baises. » Mais « qui en définitive pénètre l’autre ? ».

     

    « la langue suce dissout/le réel ». Sexe et écriture tamisent le réel dont la violence peut devenir insupportable. On sent quelque chose qui se braque au fond du ventre. Peur ancestrale peut-être,  « rien à voir avec ces trucs de fille/le genre qui revient tous les vingt-huit du mois ».

     

    Dans ce recueil, parfois les mots ne disent pas, tournent, évoquent, mais comme le sexe, une part de l’écriture permet sans doute à l’auteur de s’échapper par le trou des mots, mais en même temps, encore le paradoxe : « le mot n’est-il pas un pilon plus puissant/que n’importe laquelle de nos excroissances » ?

     

    Sexe/mots qui déchirent, sexe/mots qui recousent et Murièle Modély de confier sa « fascination malsaine/ pour les cicatrices ».

      

    Il y a dans ce recueil plus que les précédents peut-être, quelque chose de non-accouché et les mots tournent autour du point source de la douleur et même parfois semblent distraire l’attention du lecteur pour qu’il regarde ailleurs. Douleur trop vive ?

     

    Le livre s’achève cependant dans une sorte d’apaisement, l’amour comme une couverture qui vient recouvrir et réchauffer les corps, mais y croit-on vraiment ?

     

    Cathy Garcia

     

      

    Muriele-Modely.jpgMurièle Modély est née en 1971 à Saint-Denis, à l’île de la Réunion et vit maintenant à Toulouse. Bibliothécaire de profession, elle commence à explorer l’écriture poétique sur son blog (www.l-oeil-bande.blogspot.fr.) avant de participer à des revues telles que Nouveaux Délits, Les tas de mots, Poème sale, Microbe, ou encore Traction Brabant.

     

    Bibliographie :

     

    - Penser Maillée, Éditions du Cygne, 2012 - Rester debout au milieu du trottoir, Éditions Contre-Ciel, 2014

     

     

     

     

  • Yves Béal

     

    Tu me donnes ta brûlure, un cœur à découdre les routines, déjouer les complots. Arrive cette heure où nos yeux, au lieu de se courber sur l’ombre, s’ouvrent, s’écarquillent, encore à dire « sans doute ».

      

    Le quotidien peut bien égrener sur notre dos sa malice grinçante, nous naissons de partout, la bouche plus affamée encore.

     

     Voilà, sans corde et sans fil, ce qui nous lie, ce que nous sommes.

     

    in Beaucoup plus que l’aube…

     

     

  • Jeane Myers

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    SUTURE

     

    Lunes de cire

    Echo des frontières

    Tracées au khôl

    Nuit émaciée

    Aux éclats de souffre

     

    La langue des anges

    Dérange les nerfs

    Prend la douleur

    Trois fois nouée

     

    Mots souillés

    Paupières éparpillées

    Aux portes

     

    Langues humaines

    Langue de la soif

    Première

    Obstinée

     

    Rapprocher les lèvres

    Recoudre le mot

    La plaie le meurtre

    Par un baiser

    Ou le silence

     

    cg in Mystica perdita, 2009