Richard Throssel - Native American Child with Dog - 1910
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Je marche.
L’enfance derrière les palissades, ramasse ses hochets et glisse ses petites mains dans les creux venimeux. Des obsessions cruelles se rendent complices d’ecchymoses.
Arrachage. Petites coupures à la dérobée. Huile noire sur la neige.
Je dois marcher.
cg in Fugitive (Cardère éd. 2014)
J’ai toujours aimé les femmes bizarres, les folles, les solitaires, les moches aux yeux des autres, les addictes. Les énervées, les passionnées, imprévisibles. J’ai toujours aimé les femmes au tempérament détestable, les obsessionnelles, les dépressives. Les cinglées. Créatives. Les beautés étranges. Maladives. J’ai toujours aimé celles qui n’aimaient pas l’amour ou qui en avaient peur. Les déraisonnées, les « mal faîtes ». Les naïves. Les lectrices. Celles qui ...pensent parfois à la mort (parce qu’on ne peut aimer profondément la vie sans aimer la mort). Celles en qui quelque chose ne tourne pas rond. Les complexes, complexées, fissurées. Les oubliées, mises de côté. Troublées, esseulées, aux goûts enchevêtrés. Qui croient dur comme fer en leur « truc ». Les trop fragiles pour ce monde. Perdues. Multiples. Contradictoires. Les exilées sur terre. Assombries. Talentueuses. Chanceuses infortunées. Suicidées passives. Incomprises. Les « dans leur monde ». Fainéantes, frénétiques par intermittences. Mystiques. J’aime celles qui sont prises pour des ratées, folles à lier ou illuminées. Celles qu’auparavant on brûlait pour sorcellerie. Les à-côté de la plaque. Celles qui vont tout au bout de leurs mirages, jusqu’à les rendre vrais. Mystifiées. Confuses. Fidèles à elles-mêmes. À leur déraison.
Par amour du différent, de ce qui subsiste parfois de vitalité, de souffle naïf, tout au fond des êtres et qui n’est pas perdu.
Cette despotique rébellion, cet intime tumulte, cette voix discordante, désordonnée, au fond d’elles qui lutte convulsivement pour la vie.
Ces êtres en qui la déshumanisation n’a pas pu terminer son travail morbide. En qui ça a cloché. Celles en qui quelque chose de l’enfance est resté qui ne veut pas mourir.
Les poétesses. Et ce mot n’est pas léger en moi. Il est lourd de profondeurs et de symptômes.
J’aime pour toujours. Celles qui ne sont pas l’ordinaire. Qui ne sont pas la conformité. Je les trouve magnifiques. Les vivantes.
Je sais
Le lac si profond que le monde gronde de joie sourde
En s’y jetant
étrangère au monde dit civilisé, j'ai parfois le sentiment de n'être
qu'alluvions isolées sur une berge fantôme
cg in De la vie et de la mort, 1989
Sur la table des souvenirs
Le couvert est mis
La nappe est
De brouillard
in Traction Brabant 76