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  • Marc Guimo

     

    Ailleurs ça coûte cher

    J’ai fait une grave erreur il parait
    J’ai écrit des poèmes
    Des tonnes de poèmes qui ne parlent à personne
    On pense à des messages envoyés dans l’espace
    Des textos mystérieux à des extraterrestres
    Qui n’en demandaient pas tant
    J’ai écrit aussi comme on creuse un trou
    Depuis le 4ème étage d’un immeuble
    Ça pose quelques problèmes d’architecture
    Et de méthodologie
    La réalité en général est arrangeante
    La poésie encore plus
    Sauf quand elle est soule
    Et qu’elle cherche dans ses affaires
    Une ou deux victimes multivitaminées
    Son petit côté furet dans le poulailler
    Ces derniers temps d’ailleurs
    Je dois allonger un peu plus le bras
    Pour qu’elle reste tranquille
    Et qu’elle n’attaque pas les passants et les civils
    Elle fait une fixette sur les mollets
    Tibias et fémurs qui craquent
    Sont ses deux fournisseurs d’orgasme
    Je cumule les plaintes et les procès sous mon lit
    Même les arbres m’en veulent de les gâcher
    Je souhaite m’en sortir pourtant
    Lundi je m’y mets ou peut-être vendredi
    Même s’il faut pour ça enfiler un plâtre intégral
    Ou déjeuner avec des types qui pensent à leur prime
    Je vais m’y mettre
    Et casser la baraque
    Littéralement
    Des sociétés de pilon m’ont proposé leurs services
    Et quelques pyromanes
    La secte poétique a ceci de particulier
    Qu’il est difficile de quitter son propre cerveau
    Aller voir ailleurs
    Ça requiert de l’expérience
    Il y a des pays où on écrit très peu
    3 heures de vol et quelques libertés en moins
    Il parait que là bas on vous récompense
    En vous offrant gratos l’au-delà
    On ne sait pas si c’est de l’humour noir
    Ou une performance d’art contemporain
    Au fond je vais rester là
    Tranquille et intranquille comme Pessoa
    Au fond je ne suis pas pressé
    De ressembler à un carton paumé dans des archives
    Ailleurs cette fois
    Je vais essayer de pas l’oublier
    Ça peut couter cher
    Ou juste le prix d’un café

     

     

     

     

  • Jean Bédard

     

    L’amour est beaucoup plus un jeu d’enfants que tu ne le crois. En revanche, les jeux d’enfants sont beaucoup moins des jeux d’enfants que tu ne le penses.

     

    in Marguerite de Porète

     

     

  • Detroit par Kathryn Bigelow (2017)

     

    Malgré apparemment des approximations et lacunes sur le plan politico-historique, c'est un très bon film sur le plan humain qui n'a sans doute pas la prétention d'être un documentaire, comme l'a dit la réalisatrice, elle n'était peut-être pas la mieux placée pour en parler, mais cela faisait 50 ans que cette histoire attendait d'être racontée au cinéma.

     

     

     

     

  • Audre Lorde

     

    Je suis de plus en plus convaincue que ce qui est essentiel pour moi doit être mis en mots, énoncé et partagé, et ce même au risque que ce soit éreinté par la critique et incompris. Parce que parler m’est bénéfique avant tout (…). Et bien sûr, j’ai peur, car transformer le silence en paroles et en actions est un acte de révélation de soi, et cet acte semble toujours plein de dangers. Quand je lui ai parlé de notre sujet de discussion et de mes difficultés, ma fille m’a dit : ‘’Raconte-leur qu’on n’est jamais une personne à part entière si on reste silencieuse, parce qu’il y a toujours cette petite chose en nous qui veut prendre la parole. Et, si on continue à l’ignorer, cette petite chose devient de plus en plus fébrile, de plus en plus en colère et si on ne prend pas la parole, un jour, cette petite chose finira par exploser et nous mettre son poing dans la figure.

     

     

  • Audre Lorde


     
    La raison du silence, ce sont nos propres peurs, peurs derrière lesquelles chacune d’entre nous se cache- peur du mépris, de la censure, d’un jugement quelconque, ou encore peur d’être repérée, peur du défi, de l’anéantissement. Mais par-dessus tout, je crois, nous craignons la visibilité, cette visibilité sans laquelle nous ne pouvons pas vivre pleinement. Dans ce pays où la différence raciale, quand elle n’est pas dite, crée une distorsion permanente du regard, les femmes noires ont été d’une part toujours extrêmement visibles, d’autre part rendues invisibles par l’effet de dépersonnalisation inhérente au racisme. Même au sein du mouvement des femmes, nous avons dû, et devons encore, nous battre pour cette visibilité de notre Négritude, ce qui nous rend d’ailleurs extrêmement vulnérables. Car pour survivre dans la bouche de ce dragon appelé Amérique, nous avons dû apprendre cette première et vitale leçon : nous n’étions pas censées survivre. Pas en tant qu’êtres humains. Et la plupart d’entre vous non plus, que vous soyez Noires ou non. Or, cette visibilité, qui nous rend tellement vulnérables, est la source de notre plus grande force. Car le système essaiera de vous réduire en poussière de toute façon, que vous parliez ou non. Nous pouvons nous asseoir dans notre coin, muettes comme des tombes, pendant qu’on nous massacre, nous et nos sœurs, pendant qu’on défigure et qu’on détruit nos enfants, qu’on empoisonne notre terre ; nous pouvons nous terrer dans nos abris, muettes comme des carpes, mais nous n’en aurons pas moins peur.

    Chez moi, cette année, nous célébrons Kwanza, fête afro-américaine des moissons qui commence le lendemain de Noël et dure sept jours. Il y a sept principes dans Kwanza, un pour chaque jour. Le premier principe, c’est Umoja, qui signifie unité, la volonté d’atteindre et de maintenir l’unité en soi et dans sa communauté. Le principe pour hier, le deuxième jour, c’est Kujichagulia- autodétermination-, la volonté de nous définir, de nous nommer, de parler en notre nom, et pas que les autres nous définissent et parlent à notre place. Aujourd’hui, c’est le troisième jour de Kwanza, et le principe pour aujourd’hui est Ujima- travail et responsabilité collectives-, la volonté de construire et de maintenir nos communautés ensemble, d’identifier et de résoudre nos problèmes collectivement.

    Si nous sommes toutes là aujourd’hui, c’est parce que, d’une façon ou d’une autre, nous partageons un même engagement envers le langage et le pouvoir des mots, c’est parce que nous sommes décidées à régénérer cette langue instrumentalisée contre nous (…). Et quand les paroles des femmes crient pour être entendues, nous devons, chacune, prendre la responsabilité de chercher ces paroles, de les lire, de les partager et d’en saisir la pertinence pour nos vies. Nous ne devons pas nous cacher derrière les simulacres de division qu’on nous a imposés, et que nous faisons si souvent nôtres. Du genre ‘’je ne peux vraiment pas enseigner la littérature des femmes Noires, leur expérience est si éloignée de la mienne’’. Pourtant, depuis combien d’années enseignez-vous Platon, Shakespeare et Proust ? Ou bien : ‘’C’est une femme blanche, que peut-elle vraiment avoir à me dire ? Ou : ‘’c’est une lesbienne, que va en penser mon mari, ou mon patron ?’’ Ou encore : ‘’cette femme parle de ses fils et je n’ai pas d’enfant’’. Et toutes les multiples façons que nous avons de nous priver de nous-mêmes et des autres.

    Nous pouvons apprendre à travailler, à parler, malgré la peur, de la même façon que nous avons appris à travailler, à parler, malgré la fatigue. Car nous avons été socialisées pour respecter la peur bien plus que nos propres besoins de parole et de définition ; et à force d’attendre en silence le moment privilégié où la peur ne serait plus, le poids de ce silence finira par nous écraser (…). Tant de silences doivent être brisés !