Wang Wusheng
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Donc l'esprit qui est capable de dire : « je ne sais pas » est l'unique état où il nous soit possible de découvrir quoi que ce soit. Mais celui qui dit : « je sais », celui qui a infiniment bien étudié toutes les diversités de l'expérience humaine et dont l'esprit est encombré d'informations, de connaissances encyclopédiques, peut-il jamais faire l'expérience de cette chose qui ne peut pas être thésaurisée ?
in Le livre de la méditation et de la vie
Uluru est une université, une encyclopédie, une somme de savoir–être, de sagesse, tout autant que de beauté. Voilà l’autre histoire.
(…)
Au bord de la maigre rivière
le pays du rêve de la fourmi à miel
j’essaie d’y retrouver la trace des hommes
qui suivent une invisible piste
(…)
Le vieil homme rouge dort cette fois entre
deux arbres
à travers le sale rouge
quatre directions emmêlent ses cheveux
(….)
Ils sont partis
n’ont rien laissé sur le sable
sinon un chant
de peur qu’on ne se perde
(…)
Uluru est là
toujours solide sur son assise
n’attendant personne
miroir des visiteurs
Le serpent dit
demain au petit jour
je serai une rivière
Le serpent dit
demain au petit jour
je serai le tonnerre
Le serpent dit
demain à tous moment
souviens-toi
Le vieil homme dort entre deux arbres
il se repose de son long rêve
au cours duquel il donne naissance aux
mondes
(…)
Le serpent insaisissable est un simple trait dans la pierre, c’est une ombre de pluie, une ombre d’eau venant des millénaires passés, il se livre et dit à sa manière tranquille le monde et les humains enlacés.
(…)
J’entre alors par les trous d’eau
dans la mémoire du monde
laissé là par un homme nu
qui a de ses mains dessiné
chaque pensée et chaque geste
(…)
(mille clameurs sorties du ventre de Uluru
disent, l’Univers s’estompe, comme effacé
par le souffle mécanique d’êtres sans écoute)
(…)
« Redfern est loin loin de Uluru noyé dans Sydney
Chemins défoncés bières sans et crac rien d’idéal
Le rêve ne peut plus être
s’il n’est pas également à Redfern
Les Australiens de l’origine
meurent à la ville impossible d’être au désert
à Redfern délabré le rouge des maisons rappelle la beauté du désert
Les peintres certains Abos en ville sur des portières de voiture
Arrachées peignent le désert Leur cœur de sable rouge
Leurs dents déchaussées sont les rocs détachés de Uluru »
Nicolas Kurtovtch in Autour d’Uluru
Aux vent des îles éd, 2011
http://www.nicolaskurtovitch.net/
Seul un esprit libre de tout effort, qui n'essaie pas de devenir quelqu'un sur le plan social ou spirituel, un esprit qui n'est absolument rien, peut accueillir le nouveau, l'inconnu.
in Tel que vous êtes
http://www.creacast.com/play.php?sU=decibel_fm
Combien de philosophies à tenter encore
pour coudre un sens au revers du monde ?
cg in Philosovie
Kiko entretenait avec Charles des conversations interminables – le trader lui expliquait pourquoi, selon lui, les luttes de classe venant d’en bas ne pourraient jamais plus aboutir à rien : « C’est terminé l’époque de l’abolition de l’esclavage ou du Front populaire. Plus personne ne veut en finir avec la misère. On avait besoin de main-d’œuvre, on était condamnés à négocier avec vous, les travailleurs. On n’avait pas le choix. Mais avec l’automatisation – on s’en fout des prolos. On va vous tuer. Je te parle pas de tirer dans la foule pendant les manifestations, ça on l’a toujours fait. Non, on va vous exterminer massivement. Vous ne servez à rien. C’est là-dessus que vous êtes en retard. Vous continuez à raisonner comme sous papa Marx – quand le prolétaire était nécessaire pour que des gens comme moi accumulions la plus-value. Peut-être qu’avec les progrès de la science, on fera encore un petit élevage de prolétaires robustes, pour vous prélever du sang, des organes et des morceaux de peau, porter nos enfants pour que nos femmes n’aient plus à s’abîmer… Mais même pour ça, franchement, avec les bio imprimantes et les couveuses de l’avenir, on va pouvoir se passer de vous. On va vous éliminer. C’est pragmatique. Vous créez beaucoup trop de problèmes par rapport à ce que vous rapportez. C’est pour ça, c’est inéluctable : les classes pauvres, on va vous rayer de la carte. » Ces raisonnements apparaissaient parfaitement logiques aux yeux du vieux Charles, qui répondait du tac au tac, enchanté d’être enfin tombé sur un interlocuteur lucide et sincère : « Tu préconises qu’on prenne les devants et qu’on exhume les guillotines ? » et Kiko secouait la tête, en signe de négation « si vous en étiez capable, vous l’auriez fait il y a longtemps. Mais vous respectez le dominant. Regarde comme les pauvres aiment Poutine. Je ne dis pas que c’est dans votre ADN, mais c’est un héritage de longue date. C’est comme un codage culturel, vous ne vous émanciperez pas assez vite. On vous a appris à aimer le chef. »
Ils pouvaient continuer comme ça sur des kilomètres.
in Vernon Subutex t.3
"Plus qu'une résurrection, c'est un ré-assemblage, à la façon du monstre de Frankenstein. Voici donc Datura 0 juillet 2018.
Je me suis réapproprié le credo des années 90 que j'avais laissé de côté trop vite: "J'attends d'un texte qu'il me traumatise, me martyrise ou me fasse rire, me dérange surtout. Rien n'est plus désolant qu'un texte stérile qui ne laissera en toi aucune trace, à part l'envie de lire autre chose." Torturez-moi autant que possible, condition sine qua non pour monter à bord.
Un ou plusieurs de vos textes ou créations sont publiés dans ce numéro car vous êtes mes émissaires, mes vaisseaux, les lumières (noires), les pierres angulaires, en d'autres termes les poètes, écrivains, artistes que les autres doivent lire et dont ils doivent s'inspirer pour être les bienvenus."
Walter Ruhlmann
EN (SA)VOIR + : https://daturaliteraryjournal.blogspot.com
Le 13/10/2018 à 10:59, Sarah Roubato a écrit :
"À CROIRE QUE LE RÊVE C'EST UN MUSCLE
Grenoble Camargue et Hérault
Chaque semaine de la tournée automnale,
je vous propose un extrait de mon premier roman
30 ans dans une heure
J’aime marcher le long des rails. Ça donne l’impression d’aller quelque part. Rien de tel pour vous déclencher une rêverie. Pourtant j’ai du mal. À croire que le rêve c’est un muscle, ça doit s’atrophier si on ne l’utilise pas. En fait je n’arrive pas à penser à autre chose qu’à ces trois lettres qui me pivotent dans la tête depuis hier matin : C.D.I. Et je n’arrive pas à me réjouir de la satisfaction que j’éprouve.
Je sais qu’il y en a qui essayent de faire autrement. Que chaque magazine a sa petite rubrique alternatif maintenant. Je ne crois pas avoir assez de courage pour m’installer dans le monde de demain ; il a les contours trop flous. Je ne vais pas passer ma vie à poser les rails d’un train que d’autres emprunteront. Je préfère encore m’emmitoufler dans le réel qu’on m’a appris. Et de temps en temps, regarder par la fenêtre et suivre les rails que d’autres réinventent.
Dans mon coin de miroir, je me cogne à mon reflet. Un candidat qui vient de déposer son CV numéro 36. Pas l’exemplaire 36. La version 36. Trente-six distorsions de moi-même pour me faire accepter, par n’importe quel bout, en grossissant un détail, en limant tout ce bordel qu’est l’expérience humaine pour faire croire à une logique. À force de passer mes journées à me tailler un profil, je crois que j’ai perdu l’original.
Combien on est, à cette heure, le dos voûté, le cou tendu vers l’écran, les yeux rivés sur une offre d’emploi ? Combien de lucioles qui font briller leurs fenêtres sans rideau jusque tard dans la nuit ? Je ne suis qu’un spécimen. C’est une autre solitude. Celle du milieu du troupeau.
Aucun regard ne m’assure que je suis bien là. Il n’y a que des mots préfabriqués qui fusent, qui nous désignent mais qui ne nous racontent pas. Resserrements d’effectifs, restructuration, plan social, candidats, stagiaires, fusion. Des mots en acier de la marque Schindler, en rouge à lèvres de fin de journée, en haleine de café, pour dire qu’on arrive au bout de ce qu’on nous avait appris. Il vaut peut-être mieux s’exténuer à essayer d’inventer autre chose, au lieu de chercher à s’abriter dans les ruines de ce qui nous rassure. Il vaut peut-être mieux travailler à se donner les moyens de dire merde."
et je lui réponds :
"tellement ça, tellement ça, et tellement épuisant aussi, frustrant souvent, il faut être vraiment très courageux ou fou pour continuer, je continue pourtant mais je ne sais pas si c'est du courage ou de la folie, simplement il m'est viscéralement impossible de faire autrement maintenant, je me suis rétrécit les possibles à force de lucidité, de désir d'éthique et de sens, mais le sentier qui reste, je l'ouvre de mes propres mains, avec ma propre tête et aujourd'hui je me dis que c'est le plus beau sentier du monde et je rêve juste qu'il puisse croiser des centaines, des milliers d'autres petits sentiers comme lui et que tout ça fasse un monde de vivants pour donner toujours et encore envie de vivre......vivants."