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  • Sara Abid

    Sara Abid - Pakistani painter - Tutt'Art@ (6).jpg

     

    bourgeon de tourterelle

    feuille de pommier

    le mystère ruisselle

    dans un losange de lumière

    sur les veines de l’initiée

    nous goûterons ce miel sidéral

    la sueur des calices au goût de citron

    la saveur tendre d’une pluie défenestrée

    l’encre douce de l’âme

    cette flaque à boire à la frêle cuillère

    entre l’os et l’humus

    dans les maquis du silence

     

    cg in Aujourd'hui est habitable

     

     

     

     

  • Nom Kinnear King

     

     

    Nom Kinnear King_orig (2).jpg
     
    Sur ma langue
    se mélange le cru et le doux
    le cri et la caresse sans cruauté
    sur ma langue le poivre
    se marie au miel
    un onguent vivant
    une brûlure de joie
    les clous de ma croix
    ont le parfum du girofle
    et mes nuits sont
    d’une obscure clarté
    de petits anges
    dodus et cornus
    y agitent leurs ailes
    y sèment des étoiles
    en fleurs d’oranger
    dans le ciel apaisé
    le vent sirote
    un alcool de prune
    qu’il a volé à la lune
     
    inédit du jour
     
     
     
     
     
     
     

     

  •  André Velter

    on bâtissait l'instant

    on bâtissait d'instinct,

    il n'y avait ni durée

    ni désastre

    et le cours des choses

    était une vieille lune de l'autre côté des forêts.

     

    in La sorcière

     

     

     

  • Ilarie Voronca

    PRÉPARATIFS DE DÉPARTS

     

    Parmi les branches tremblantes
    La visage de l'orage se montre.
    Mais dans tes yeux revient la lumière.

    ici il y a des îles très belles
    Elles ont des boucles. Elles savent sourire,
    Un navigateur passe, les salue.
    Et longtemps encore leur crépuscule persiste
    Parmi les églantiers ou les groseilles.

    Arrêt aux frontières du sommeil
    Là où les troupeaux se mirent dans les nuages
    Et les bergers effrayés en même temps que les bateliers
    Lisent les destins tracés par la foudre.

    Les montagnes se regarderont-elles face à face ?
    Ou seulement les eaux reposées dans les tuyaux de la
    ville ?

    Et pourtant les fleuves
    Mourront comme des volailles ;
    Des grandes forêts, les parfums
    S'en iront vers les scieries avec les arbres.

    La nuit essayera les fenêtres
    Elle y mettra des cadenas de pluies
    Il y aura des vents plus grands que les villes,
    Des oiseaux becquetteront tes larmes.

    Sauras-tu alors ramasser les paroles
    Comme des ailes, en toi-même
    Et ton cri écraser le silence
    Comme un vin dans le grain de raisin ?

    Mais seule, la voix restera
    Comme le sel d'une mer assassinée.
    Et les murailles s'en iront dans la nuit
    Comme des barques détachées des rivages.

     

    in Patmos, 1977

     

     

     

     

     

  • Judith in den Bosch

    Judith in den Bosch.jpg

     

    Quarante ans d’écriture pour dire une seule et même chose, tenter de dire. Empêchée de vivre, empêchée d’être, bonzaï abandonné. La forme n’a pas plu, le fond sera et pour toujours, délibérément ignoré. Le reste ne sera que la même et minable pièce jouée et rejouée devant une salle vide. Pas qu’une impression, pas une illusion. Quarante années de tentative d’intégration et l’ombre qui n’a cessé de me grignoter : l’araignée avide de ma non-existence. J’ai beaucoup essayé, différemment essayé, je suis épuisée. Asséchée, non, des océans de larmes encore disponibles et un amour, amputé de tous ses membres mais pugnace. J’ai le cœur tabassé, la peur jusque sous les ongles, respirer devient de plus en plus laborieux. Je suis une cible parfaite et je rage et déteste pour le mal que ça me fait. I’m lost since ever. Une cible idéale pour conforter la normalité. Je n’ai jamais été protégée, balancée molle et nue dans ce monde de marteaux, de pilons, de masques ricaneurs, de rouleaux compresseurs. Mais quelque chose en moi cependant terrifie, quelque chose à bâillonner, à détruire. Je n’ai jamais été protégée. J’ai tout pris de plein fouet, l’âme trouée comme une lune, martelée. Et comment ne serais-je pas polie avec autant de coups ? Miroir. Je vous renvoie ce que vous êtes, pas ce que je suis. Je n’ai jamais été. Juste dépouillée continuellement de l’intérieur, par l’ordre de ne pas être. Rebelle pourtant, oui rebelle de toute mon âme, le cœur en miettes.

     in Ourse bipolaire