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  • Joan Eardley - 1961

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    bientôt nous irons nous aimer

    la tête ourlée de pluie

    couchés dans le foin

    avec dans le cœur

    un rêve encore salé

    nos poitrines sentiront

    la sauge et le lilas

    nous irons allumer

    un feu de souches veinées

    dans le taillis des rides

     

    cg in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2019

     

     

  • Campagne perdue de Gustave Roud

    éditions Fario, été 2020

    Campagne-perdue-jaquette.jpg

    112 pages, 14 €.

     

    Campagne perdue, « certes, mais une campagne transfigurée par le poème, et par là retrouvée, au moins pour un temps », comme l’écrit si justement Stéphane Pettermann dans sa postface. Postface dans laquelle il explique aussi que ce livre, paru en 1972, fut le résultat d’une longue genèse, les premiers jalons ayant été posés en 1933, à la mort de la mère de Gustave Roud, mais ce n’est que 30 ans plus tard qu’un projet littéraire, qui nécessitera encore de longues années de décantation, aboutira à une première publication à la Bibliothèque des Arts de Lausanne, en avril 1972 donc.

    Campagne perdue est un tissage de proses écrites dans le Journal de l’auteur entre 1918 et 1963 avec des poèmes ayant paru pour la plupart en revues entre 1919 et 1957, des écrits glanés par le poète en marche à travers le Haut-Jura, sous le regard lointain de ses ancêtres paysans du côté maternel. En marche aussi à travers le temps, un demi-siècle qui a transformé les paysages et les hommes qui les habitent et les travaillent. Campagne perdue est un vibrant hommage à tous ces travailleurs et tout particulièrement aux laboureurs, aux faucheurs qui sous sa plume s’auréolent d’une lumière quasi sacralisée. La beauté de ces hommes, qui sont au centre de l’attention de l’auteur — qui a d’ailleurs pas mal photographié ces vigoureux corps paysans — y est soulignée, subtilement érotisée même.

    Campagne perdue, c’est aussi, et surtout, le témoignage d’une lente mais inexorable disparition : celle de ce monde paysan. Une marche qui devient au fil du temps une sorte d’errance à la recherche de ce qui a disparu, Gustave Roud hante alors plus qu’il ne parcourt ce pays jurassien. Il y a dans ses écrits, en plus de cet amour, cette ferveur même, que voue le vagabond sans but à ces hommes qui ne font qu’un avec la terre qui les fait vivre, une immense nostalgie. Témoin d’un monde qui s’efface, le poète tente d’en retenir ou d’en faire revivre des bribes, des sensations, des images, usant d’une encre dont la beauté est à la hauteur de son amour.

    Labour ancien, Nuit de paille, Passage du vin, Mirage d’hiver, La lampe éteinte et la chanson perdue… Le lecteur se laisse doucement porter à la rencontre d’Olivier, Fernand, André, René ou Robert, et d’autres encore. Campagne perdue est un journal humble et éminemment sensible qui leur rend leur pleine éternité, honore la beauté d’un monde où hommes et nature vivent en harmonie, car nullement séparés l’un de l’autre.

    « L’heure fraîchit. Le ciel se creuse et par d’insensibles rappels nous reprend peu à peu la lumière. Un dernier coup de serpe abat le dernier rayon. Ce quartier de mousse et de roc, baigné d’eau vive, qui brillait encore entre les troncs comme une brute émeraude, redevient mousse et roc en s’éteignant. L’ombre pleut des hautes futaies, elle sourd de l’air même et du sol, elle se lève du lit de la rivière et déborde jusqu’à nous comme une autre rivière silencieuse. Elle envahit les campagnes et les bourgs, roule une sourde écume au ras du ciel. Elle saisit le monde. Elle devient la Nuit, la jeune nuit d’avant-printemps où je respire un rameau de bois-gentil aux fleurs de cire noire, où l’ami près de moi qui s’est tu tremble peut-être à sentir en soi la profonde nuit du sang sourdre à son tour, et répondre à l’autre, et s’étoiler des mêmes étoiles. »

    Un livre comme un vin rare millésimé, à savourer avec lenteur.

    Cathy Garcia

     

    Gustave Roud (1897-1976) est l’un des principaux auteurs francophones de Suisse, surtout connu pour ses proses poétiques. Après la mort de C. F. Ramuz, il a été considéré comme un maître par de nombreux jeunes poètes : Maurice Chappaz, Jacques Chessex, Philippe Jaccottet.  Sa correspondance, son Journal et sa critique témoignent également d’abondantes réflexions sur la littérature et les arts. Faisant sienne une injonction de Novalis – « Le paradis est dispersé sur toute la terre… Il faut réunir ses traits épars » –, Gustave Roud explore inlassablement notre lien à l’invisible et à l’éternité dans l’ici et maintenant, qu’il nomme le « paradis humain ». Publiés deux ans après sa mort, les trois volumes des Écrits (1978) rassemblent ses principaux textes parmi lesquels : Air de la solitude, Petit traité de la marche en plaine, Requiem ou Campagne perdue. Les éditions Fario ont publié plusieurs de ses livres ainsi qu’un recueil d’entretiens.

     

     

     

  • Auteur inconnu

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    parmi les ruines pieds-nus

    nous vagabonds

    avons tissé nos nids

    de copeaux et de mousse

    et allons pisser dans la marge

    un jus de corde ambrée

    vin charnu des ombellifères

    la croupe des horloges sabrée

    l’épine fichée dans un tiroir

    le sort en est jeté

     

    cg in Aujourd'hui est habitable, Cardère 2019

     

     

     

  • Alberto Blanco

     
    VIDE
     
    Il n'y a pas d'alternative : nous ne sommes là qu'un moment.
    Peu importe que ce moment dure 10, 20, 30, 40 ou 100 ans,
    en tout état de cause et de toute manière
    c'est un moment exceptionnel.
    La vie est merveilleuse, nous le savons...
    ô combien merveilleuse...
    mais l'impermanence est la règle.
    L'impermanence et le vide.
    Sans ce changement constant de tout
    nous ne serions pas ici aujourd'hui.
    Et pour que la vie continue
    nous devrons nous aussi partir,
    comme l'ont fait des milliers, des millions d'êtres humains,
    et d'innombrables êtres de toutes sortes et de toutes constitutions.
    Mais la vie continue.
    La mienne, la tienne, celle de tout le monde.
    Nous ne sommes séparés de rien ni de personne.
    Le vide est en toute chose, mais pas l'inexistence.
    Le vide est seulement celui d'une identité éternelle.
    Vide et changeante : telle est la merveille de la vie.
    Le début et la fin de la vie sont les deux grands mystères.
    Et entre les deux, toute la boutique de jouets est pour nous !
    Nous sommes une vague au milieu de l'océan.
    Pour un instant, nous avons une forme et même un nom.
    Pour un instant, nous pouvons imaginer nombre de choses...
    mais nous continuons à être, tous, par essence, de l'eau.
     
    *
     
    VACÍO
     
    No tiene vuelta de hoja: estamos aquí sólo un momento.
    Da igual si este momento dura 10, 20, 30, 40 o 100 años,
    de todas formas y en todas formas
    se trata de un momento excepcional.
    La vida es maravillosa, lo sabemos...
    muchas veces maravillosa...
    pero la impermanencia es la regla.
    La impermanencia y la vacuidad.
    Si no estuviera cambiando todo
    nosotros no estaríamos hoy aquí.
    Y para que la vida siga
    nosotros tendremos que pasar también,
    como lo han hecho miles, millones de seres humanos,
    e incontables seres de toda laya y de toda constitución.
    Pero la vida sigue.
    La mía, la tuya, la de todos.
    No estamos separados de nada ni de nadie.
    Todo está vacío, pero no es inexistente.
    Sólo está vacío de una identidad eterna.
    Vacío y cambiante: así es la maravilla de la vida.
    El principio y el final de la vida son los dos grandes misterios.
    Y en medio, ¡toda la juguetería es para nosotros!
    Somos una ola en medio del océano.
    Por un momento tenemos forma y hasta nombre.
    Por un momento nos podemos imaginar muchas cosas…
    pero seguimos siendo, todos y en esencia, agua.
     
    (Traduction : Laurent  Bouisset)
     
     
    Pendant le confinement, Mexique
  • Yeux de Neptune

    Davide Bozzani_n.jpg

    ©Davide Bonazzi

     

     
    Ils ne m'ont pas parlé à l'école
    de la Lune et de ses phases,
    de la Terre et de ses cycles,
    comment distinguer les arbres
    et respecter les animaux, la
    Nature avec son écosystème.
    Ils ne m'ont pas parlé de la mort
    comme une naissance,
    Ils ne m'ont pas parlé de la sexualité
    comme Sacrée,
    Ils ne m'ont pas parlé du corps
    comme temple émotionnel.
     
    Ils m'ont parlé de m'adapter,
    de s'adapter,
    Ils m'ont dit de m'asseoir
    Toujours à la même place

    et de ne voir toujours qu'un seul
    côté des choses.
    Ils m’ont jugé avec des chiffres,
    m’ont parfois fait me sentir plus
    mais souvent moins qu’un autre.
    Parfois, je le méritais,
    d’autres fois non.On m’a dit que j’étais distraite.
    Rebelle et irrespectueuse.
    Ils m’ont dit de me taire.
    D’étudier ce que je n’aime pas
    autrement ils tiraient une feuille
    comme menace.
    Ils m’ont fait peur
    Ils ont voulu me soumettre
    Ils m’ont voulue systémique
    Ils m’ont voulue sans discuter
    Ils m’ont voulue obéissante
    Ils me voulaient en ordre.

    Mais jamais personne n'a voulu
    qu'on me découvre.
    Personne ne m'a attendue
    Personne ne m'a demandé
    Personne ne m'a regardé.
    Quand y aura t-il une école
    qui nous regarde,
    qui regarde vraiment chacun d'entre nous ?
    Quand est-ce qu'ils arrêteront
    de nous vouloir 

    Tous les mêmes ?
    Quand commenceront-ils
    à accepter notre diversité
    notre égalité ?
    Jusqu'ici nous arrivons
    avec cette méthode
    et nous sommes des loups baptisés comme des chiens.
    Je veux hurler à la lune
    sans qu'on me dise folle,
    Je veux vivre à mon rythme.
    Pas d'autre but.
    Je veux sentir sans peur.
    Je vous offre ma force.
    Je vous offre ma créativité
    Laissez-moi.
    Libre,
    Créative,
    et même si ça ne vous plait pas,
    et même si ça vous dérange,
    laissez-moi.
    Sauvage.
    .
     
    Yeux de Neptune

     
     
    *
     
    A scuola non mi hanno parlato
    della Luna e delle sue fasi,
    della terra e dei suoi cicli,
    di come distinguere gli alberi
    e rispettare gli animali, la
    natura con il suo ecosistema.

    Non mi hanno parlato della morte
    come nascita,
    non mi hanno parlato della sessualità
    come Sacra,
    non mi hanno parlato del corpo
    come tempio emotivo.

    Mi hanno parlato di adattarmi,
    di adattarsi,
    mi hanno detto di sedermi
    sempre nello stesso banco
    e vedere ripetutamente un solo
    angolo delle cose.
    Mi hanno giudicato con i numeri,
    mi hanno fatta sentire a volte di più
    ma quasi sempre meno di un altro.
    A volte meritavo,
    altre volte no.

    Mi hanno detto che ero distratta.
    Ribelle irrispettosa.
    Mi hanno detto di stare zitta.
    Di studiare anche quello che non mi piace
    altrimenti tiravano fuori un foglio
    come minaccia.
    Mi hanno voluto far paura
    Mi hanno voluta sottomessa
    Mi hanno voluta sistemica
    Mi hanno voluta senza discutere
    Mi hanno voluta obbediente
    Mi volevano in ordine.
    Ma mai nessuno ha voluto
    che mi si scoprisse.
    Nessuno mi ha aspettata
    Nessuno mi ha chiesto
    Nessuno si è fermato a guardarmi.
    Quando ci sarà una scuola
    che ci guardi,
    che ci guardi davvero ciascuno?
    Quando smetteranno
    di volerci
    tutti uguali?
    Quando cominceranno
    a volerci accettare nella diversità
    e parità?
    Fin qui arriviamo
    con questo metodo.
    Siamo lupi battezzati come cani.
    Voglio ululare alla luna
    senza che mi dicano pazza,
    voglio vivere al mio ritmo.
    Nessun altro obiettivo.
    Voglio sentire senza paura.
    Ti regalo la mia struttura.
    Ti regalo la mia produttività.

    Lasciami.
    Libera,
    Creativa,
    e anche se non ti piace,
    e anche se ti infastidisce,
    lasciami pure.
    Selvaggia.

    Occhi di Eptune