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LA SOURCE ORIGINELLE - Page 8

  • Charles Géniaux - Naïa la sorcière - 1899

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    "Naïa la noire, la sorcière de Rochefort-en-Terre, intrigue depuis plus d’un siècle. Sorcière sans sabbat, sans diable et bien sûr sans balai, elle continue à s’environner de mystère… On ne trouve nulle part sa trace, il semble que son apparition et sa disparition soient advenues comme par surprise, et sans témoins. On lui prête beaucoup de talents qui relevaient de la sorcellerie : elle prédisait l’avenir, maudissait en invoquant le démon Gnâmi, et ne mangeait jamais. Dotée du don d’ubiquité, elle était insensible à la douleur, et ne craignait pas le feu. Elle soignait les villageois de manière empirique, mais pas forcément magique : elle réparait les entorses et les fractures, soulageait les maux divers, du ventre ou de la poitrine, fabriquait ses remèdes. Les légendes des cartes postales qui la représentent divergent sur sa fonction : sorcière, guérisseuse, vieille femme, ou simplement servante… L’une d’elles la représente s’apprêtant à lire dans la main d’une jeune paysanne."

     

    Dans "La Vieille France Qui S'en Va", Charles Géniaux décrit sa rencontre au début du XXième siècle avec la sorcière du village. 
    " Elle me parut une femme robuste de soixante années. Ses traits, son front ridé, pouvaient être d'une centenaire, cependant que ses mains charnues et solides démentaient la vieillesse précoce du haut de son visage".

    Vieille femme à l'allure sévère, dotée du bâton noueux des sorciers, Naïa s'était fait la maîtresse d'un lieu digne de son personnage, vieux, intemporel et mystérieux : le château de Rieux. On la disait immortelle. Car de mémoire d'homme, on avait toujours connu la même silhouette vieille, sombre et vigoureuse. Naïa semblait échapper aux lois du temps. Elle ne mangeait ni ne buvait car, disait-elle, "Est-ce que les anges mangent ? Nous n'en avons pas besoin non plus." Et jouait ainsi de son rôle de sorcière presque avec amusement.

     

    Car on racontait beaucoup sur Naïa. Ses exploits fascinaient les populations alentours. Elle possédait le don d'ubiquité, faisait parler les feux dont le cuir de sa peau était insensible, lisait l'avenir, communiquait avec l'esprit de "Gnâmi" : "J'ai la puissance et Gnâmi est plus fort que la mort !". A la question de qui était Gnâmi, elle répondait : "Gnâmi est Celui qui peut, Celui qui veut, Celui qu'on ne voit pas."
    En réalité, Naïa était une femme intelligente et instruite. Charles Géniaux rapporte qu'elle lisait même les journaux. C'était la fille d'un rebouteux de Malensac et avait hérité de dons de ventriloques et de plusieurs tours de saltimbanques. Ainsi s'était construite et perpétuée la légende de Naïa, la "chaman" de Rochefort en Terre.

     

    L'éditeur Stéphane Batigne a traduit le récit de Charles Géniaux (1899) jusque là non disponible en français et l'a publié en 2019 : 

    À la toute fin du dix-neuvième siècle, l’écrivain et photographe Charles Géniaux séjourne à Rochefort-en-Terre. Il y découvre l’existence d’une mystérieuse créature rôdant dans les ruines du vieux château de Rieux : Naïa. Cette femme sans âge et sans domicile connu manipule les braises, voit dans l’avenir, ne mange jamais et a le don d’ubiquité. Il n’en faut pas plus pour qu’on lui prête une réputation de sorcière. Avec ce récit, publié en anglais en 1899 dans la revue britannique Wide World Magazine, Géniaux mène une véritable enquête sur le personnage de Naïa. Il va à sa rencontre, recueille des témoignages, croise les informations. Sans oublier de prendre des photos de la «sorcière de Rochefort».

     

    "Elle se tenait là, dans sa majestueuse laideur, solennelle et imposante comme une pythie des anciens temps. Nous nous observâmes l’un l’autre en silence. Ses yeux inspiraient l’effroi : enfoncés dans leurs orbites, de teinte crémeuse, vitreux comme ceux des morts. Ses mains, larges et osseuses, reposaient sur un bâton épineux et une sorte de châle sans couleur, couvrant en partie sa tête et ses épaules, tombait jusqu’à ses pieds. De longues mèches de cheveux blancs s’échappaient en désordre de sa capuche. Une volonté indomptable était imprimée sur son visage ridé, avec une expression d’intelligence encore plus frappante que l’affreuse laideur de son apparence."

     

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  • Adolf Dimitri Grad

     

    « (…) On a fait de Lilith la tête des démons. Lilith l’ancienne, l’épouse de Samaël (et non pas Lilith la jeune). Lilith n’est pas démoniaque. Elle est l’incarnation de l’Éros perturbé, quand l’homme est séparé de sa partie féminine extériorisée, et qu’il voit devant lui. Avant elle faisait partie de lui, l’Adam androgyne. Donc à partir de là, la plainte de Lilith, dans la tradition, qui se défend parfaitement : qu’aviez-vous à me reprocher ? Je suis aussi divine qu’Adam. J’ai été créée en même temps. Je suis du Feu, et ce Feu m’a été donné à l’incarnation, à la naissance, au moment de la création humaine ».

     

     

  • Lao Tseu

     

     

    Il y avait quelque chose d'indéterminé avant la naissance de l'univers.
    Ce quelque chose est muet et vide.
    Il est indépendant et inaltérable.
    Il circule partout sans se lasser jamais.
    Ne connaissant pas son nom, je le dénomme "Tao".


    L'homme imite la terre.
    La terre imite le ciel.
    Le ciel imite le Tao.
    Le Tao n'a d'autre modèle que lui-même.

     


    Le Tao qu'on tente de saisir n'est pas le Tao lui-même;
    le nom qu'on veut lui donner n'est pas le nom adéquat.


    Sans nom, il représente l'origine de l'univers;
    avec un nom, il constitue la Mère de tous les êtres.


    Par le non-être, saisissons son secret;
    par l'être, abordons son accès.


    Le regardant, on ne le voit pas, on le nomme l'invisible.
    L'écoutant, on ne l'entend pas, on le nomme l'inaudible.
    Le touchant, on ne le sent pas, on le nomme l'impalpable.


    Le Tao est quelque chose de fuyant et d'insaisissable.
    Fuyant et insaisissable, il présente cependant quelque image,
    insaisissable et fuyant, il est cependant quelque chose.


    Le Tao lui-même n'agit pas,
    et pourtant tout se fait par lui.


    Perpétuel, il ne peut être nommé,
    ainsi il appartient au royaume des sans-choses.


    Il est la forme sans forme et l'image sans image.
    Il est fuyant et insaisissable.


    Le Tao lui-même n'agit pas,
    et pourtant tout se fait par lui.


    Le grand Tao s'épand comme un flot.


    Tous les êtres sont nés de lui
    sans qu'il en soit l'auteur.


    Il accomplit ses œuvres mais ne se les approprie pas.


    Le retour est le mouvement du Tao.
    C'est par la faiblesse qu'il se manifeste.


    Tous les êtres sont issus de l’Être.
    L’Être est issu du non-être.


    Lorsqu'un esprit supérieur entend le Tao,
    il le pratique avec zèle.


    Lorsqu'un esprit moyen entend le Tao,
    tantôt il le conserve, tantôt il le perd.


    Lorsqu'un esprit inférieur entend le Tao,
    il en rit aux éclats.


    S'il n'en riait pas,
    le Tao ne serait plus le Tao.


    A sa naissance, l'homme est doux et faible;
    à sa mort, il est dur et tout raide.


    Les dix milles êtres, plantes et arbres,
    pendant leur vie, sont tendres et vulnérables;
    à leur mort, ils sont secs et recroquevillés.


    Car ce qui est dur et fort est serviteur de la mort;
    ce qui est doux et faible est serviteur de la vie.


    La dureté et la rigidité sont inférieures;
    la souplesse et la faiblesse sont supérieures.


    Les êtres devenus forts vieillissent,
    car cela s'oppose au Tao.


    Quiconque s'oppose au Tao
    périt prématurément.


    Rien n'est plus souple et plus faible que l'eau,
    mais pour enlever le dur et le fort, rien ne la surpasse.


    La faiblesse a raison de la force;
    la souplesse a raison de la dureté.
    Tout le monde le sait,
    mais personne ne parvient à le mettre en pratique.


    Le meilleur soldat n'attaque pas.
    Le combattant de valeur l'emporte sans violence.
    Les plus grands conquérants gagnent sans lutter.
    Les dirigeants les plus efficaces conduisent les hommes sans ordonner.


    C'est ce qu'on appelle "la non-agressivité intelligente".
    C'est ce qu'on appelle "la maîtrise des hommes".


    Tout le monde tient le beau pour le beau,
    c'est en cela que réside sa laideur.
    Tout le monde tient le bien pour le bien,
    c'est en cela que réside son mal.


    Car l'être et le néant s'engendrent.
    Le facile et le difficile se parfont.
    Le long et le court se forment l'un par l'autre.
    Le haut et le bas se touchent.
    La voix et le son s'harmonisent.
    L'avant et l'après se suivent.


    C'est pourquoi le sage adopte la tactique du non-agir,
    et pratique l'enseignement sans parole.
    Toutes choses du monde surgissent
    sans qu'il en soit l'auteur.


    Il produit sans s'approprier,
    il agit sans rien attendre,
    son œuvre accomplie, il ne s'y attache pas,
    et puisqu'il ne s'y attache pas,
    son oeuvre restera.


    Qui se plie restera entier.
    Qui s'incline sera redressé.
    Qui se tient creux sera rempli.
    Qui subit l'usure se renouvellera,
    Qui embrasse peu acquerra la connaissance sûre,
    Qui embrasse beaucoup tombera dans le doute.


    Ainsi le sage embrassant l'unité
    deviendra le modèle du monde.
    Il ne s'exhibera pas et rayonnera.
    Il ne s'affirmera pas et s'imposera.
    Il ne se glorifie pas et son mérite sera reconnu.
    Il ne s'exalte pas et deviendra le chef.


    Comme il ne rivalise avec personne,
    personne au monde ne rivalise avec lui.


    Qui se dresse sur la pointe des pieds ne tiendra pas longtemps debout.
    Qui s'exhibe ne rayonnera pas.
    Qui s'affirme ne s'imposera pas.
    Qui se glorifie ne verra pas son mérite reconnu.
    Qui s'exalte ne deviendra pas un chef.
    Ces manières sont pour le Tao
    comme les restes de nourriture et les tumeurs qui répugnent à tous.
    Celui qui connait la loi de la nature
    ne fera pas ainsi sa demeure.


    Celui qui se réfère au Tao comme maître des hommes
    ne subjugue pas le monde par les armes,
    car cette manière d'agir entraîne habituellement une riposte.
    Ainsi un homme de bien se contente-t-il d'être résolu,
    sans user de sa force.


    Qu'il soit résolu sans orgueil.
    Qu'il soit résolu sans exagération.
    Qu'il soit résolu sans ostentation.
    Qu'il soit résolu par nécessité.


    Connaitre les autres, c'est la sagesse.
    Se connaitre soi-même, c'est la sagesse supérieure.
    Imposer sa volonté aux autres, c'est la force.
    Se l'imposer à soi-même, c'est la force supérieure.


    Produire sans s'approprier,
    agir sans attendre,
    guider sans contrainte,
    voilà la vertu suprême.


    Percevoir le plus petit, voilà la clairvoyance.
    Garder la douceur, voilà la force d'âme.


    Le sage n'apprécie pas les trésors recherchés.
    Il apprend à désapprendre.
    Il se détourne des excès communs à tous les hommes.
    Il facilite l'évolution de tous les êtres sans oser agir sur eux.


    Le sage connait sans voyager,
    comprend sans regarder,
    accomplit sans agir.


    C'est par le non-faire
    que l'on gagne l'univers.
    Celui qui veut faire
    ne peut gagner l'univers.


    Qui cherche à façonner le monde n'y réussira pas.
    Le monde, vaste vase spirituel, ne peut être façonné.
    Qui le façonne le détruira.
    Qui le tient le perdra.


    Un état se régit par les lois.
    Une guerre se fait à coup de surprises.
    Mais c'est par le non-faire qu'on gagne l'univers.


    Comment le sais-je?
    Par ce qui suit:


    Plus il y a d'interdits et de prohibition,
    plus le peuple s'appauvrit.


    Plus on possède d'armes meurtrières,
    plus le désordre sévit.
    Plus se développe l'intelligence fabricatrice,
    plus en découle d'étranges produits.


    Plus se multiplient les lois et les ordonnances,
    plus foisonnent les voleurs et les bandits.


    Lorsque le gouverneur est indulgent,
    le peuple reste pur.


    Lorsque le gouverneur est pointilleux,
    Le peuple devient fautif.


    Le bonheur repose sur le malheur;
    Le malheur couve sous le bonheur.
    Quel en est le terme?
    Le monde n'a pas de normes,
    car le normal peut se faire anormal
    et le bien peut se transformer en monstruosité.


    Qui se diminue grandira;
    Qui se grandit diminuera.


    Qui veut abaisser quelqu'un
    doit d'abord le grandir.
    Qui veut affaiblir quelqu'un
    doit d'abord le renforcer.
    Qui veut éliminer quelqu'un
    doit d'abord l'exalter.
    Qui veut supplanter quelqu'un
    doit d'abord lui faire des concessions.


    Telle est la vision subtile du monde.


    De même si le sage désire être au-dessus du peuple,
    il lui faut s'abaisser d'abord en paroles;
    s'il désire prendre la tête du peuple,
    il lui faut se mettre au dernier rang.


    Un véritable chef militaire n'est pas belliqueux.
    Un véritable guerrier n'est pas coléreux.
    Un véritable vainqueur ne s'engage pas dans la guerre.
    Un véritable conducteur d'hommes se met en dessous d'eux.


    On regarde le Tao,
    cela ne suffit pas pour le voir.


    On l'écoute,
    cela ne suffit pas pour l'entendre.


    On le goûte,
    cela ne suffit pas pour en trouver la saveur.


    Connaître l'harmonie, c'est saisir le Constant.


    Saisir le Constant, c'est être illuminé.


    *

    préface du Tao Te King