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MES NOTES DE LECTURE : LITTÉRATURE, POÉSIE & AUTRE - Page 15

  • Eaux promises de Porfirio Mamani-Macedo-

    traduit de l’espagnol par Max Alhau

    Edilivre 2011 – 44 pages – 10 €

    Eaux Promises.JPG


     

    Mon vieux visage amoureux continuera d’être orphelin de tout, quelque part où personne ne se souviendra de lui. (…) Maintenant, je cherche seulement un visage dans la neige, un signe, une étreinte pour apaiser l’hiver de mon être.

     

    Ainsi débute Eaux Promises de Porfirio Mamani-Macedo.

     

    Exil, errance, solitude, boue, poussières, vent, fleuve, rêve et mémoire, et comme une marche forcée qui n’arrivera jamais nulle part, car nulle issue possible à la douleur et à la perte imposée par l’exil.

     

    Le premier recueil de Porfirio Mamani-Macedo que j’ai lu il y a quelques années, lorsque j‘avais publié Porfirio dans la revue Nouveaux Délits (n°5, mai 2004), c’était Voix au-delà des frontières, dans lequel il raconte son arrivée en Espagne, après avoir quitté le Pérou, et cette terrible et double peine de celui qui est à la fois l’étranger en territoire inconnu et l’exilé d’un pays aimé mais désormais interdit. Dans Eaux Promises, Porfirio reprend ce thème si important de son vécu, toute la douleur associée et se fait porte-voix de cette condition d’exilé, errant, clandestin, fuyard, de tout temps et de partout. Ode universelle à ceux, toujours plus nombreux, qui ne sont sur cette terre plus que des ombres en transit.

     

    Seules tes traces diront que tu es passé

     

    Je retrouve dans ce recueil cette belle voix, amoureuse de beauté et de fraternité, hantée par la déchirure et une immense solitude.

     

    Combien nous désirons la pluie en chemin, combien nous cherchons l’amour, seuls, parmi les heures interminables lorsque nous traversons un pont, un parc, une montagne pour voir ce qu’il y a de l’autre côté !

     

    Cette douce voix d’homme qui implore que cesse enfin la violence.

     

    La parole, pas la guerre. La voix, pas les armes. Plus de bruit, mon âme est brisée. Plus de chemins à travers les montagnes de la haine et de la douleur.

     

    Porfirio Mamani-Macedo nous renvoie l’écho de ce vide vertigineux qu’est celui de l’errance, le désert sans consolation du déracinement et la si frêle béquille de l’espoir.

     

    Faisant route vers des terres inconnues, des hommes et des femmes, malheureux, vieux, malades, doivent encore marcher attendant le soir ou l’aube qui les sauvera.

     

    Arrachés à leur vie comme des pierres par un fleuve en furie, il leur faut marcher, marcher toujours, fuir l’intolérable, l’injustifiable, l’atroce.

     

    Que n’éclate plus, ô mon dieu, le feu dans la chair, que l’on n’entende plus le bruit d’un homme tombant, le corps criblé.

     

    (…)

     

    Que d’enfants sans lumière sur les chemins ! Que de cadavres serrés dans la terre comme une boue maudite ! O vent, éloigne ce siècle en ruine rempli de honte et de folie !

     

     

    Il faut marcher encore et encore, hommes, femmes, enfants, jetés hors de leur foyer, de leur pays, poussés sur les routes, broyés contre les frontières, dispersés dans les brumes de contrées où ils ne sont pas les bienvenus, les yeux emplis de peur et le cœur en miettes.

     

    Sur le chemin glissant et étroit, ombre après ombre, s’avancent les pas des exilés.

     

    (…)

     

    Etire ton cou, cygne enchaîné, pour voir ceux qui s’éloignent. Le chemin qu’ils suivent ne les conduits vers aucune porte.

     

     (…)

     

    Que te dire, cloche ancienne, en ce soir de printemps, car ce ne sont pas des ombres qui passent mais des plaies ouvertes qui cheminent ; ce sont des rêves brisés que les vents obscurs soufflent.

     

     

    Et Porfirio Mamani-Macedo aussi, continue à marcher et à maintenir vive la mémoire, à ressasser, car il le faut, le souvenir.

     

    Qu’elle est loin la mer que je ne vois pas ! Qu’elle est loin la vieille montagne où je suis allé m’asseoir après un après-midi interminable ! Qu’elles sont loin ces aubes sans mère, sans fruit, sans café !

     

    (…)

     

    Quelque part je resterai, vieille montagne. Toi qui m’as vu franchir la frontière comme le vent entre la pluie, préserve mon silence dans un bois.

     

    Car le souvenir, aussi douloureux soit-il, ne doit pas s’effacer, car à l’auteur comme à tous les exilés, la mémoire est tout ce qui leur reste, le souvenir, leur seul et unique bagage.

     

    Tu avances, absorbé, silencieux, tu te consumes jour après jour. Tous les tiens ne vont pas avec toi. Peut-être un jour les rencontreras-tu, peut-être un jour te rencontreront-ils, peut-être ne vous rencontrerez-vous jamais.

     

    Et Porfirio Mamani-Macedo marche et mâche le chagrin et l’indéfectible solitude.

     

    Les pas gris que je fais et qui m’attendent, rue après rue, sont des épines qui emmêlent mon âme.

     

    (…)

     

    Car malgré l‘appel des Eaux Promises,

     

    Il n’y a pas de rivages sur cette mer que je traverse. Toute parole prend l’eau et tout écho s’éloigne avec les vents. Il pleut des souvenirs oubliés, des chemins que l’on ne parcourra plus, des paysages dont mes yeux noirs ne pourront plus jouir.

     

    Nulle issue à l’errant sinon de marcher encore et encore et la boucle incessamment est bouclée autour du cou de l’espoir.

     

    Un spectre m’arrête derrière chaque porte. Là, j’attends encore que tu sortes ou que tu arrives, voix humaine, pour consoler mon âme.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    porfirio mamani macedo.jpgPorfirio MAMANI MACEDO est né à Arequipa (Pérou) en 1963. Docteur es lettres à la Sorbonne Nouvelle. Il a obtenu son diplôme d’avocat à l’Université Catholique Santa María, et a fait ses études de Lettres à l’Université Nationale de San Agustin (Arequipa).

     

     

     

     

     

     

    Ses blogs :http://porfiriomamanimacedo.blogspot.com/ et http://letrasdeporfirio.blogspot.com/

     


    Bibliographie :


    La Luz del camino. (poésie) Lima, Hipocampo Editores, 2010.
    Tres poéticas entre la guerra civil española y el exilio (essai): Miguel Hernández, Rafael Alberti, Max Aub. Lima, Fondo Editorial de la Universidad Mayor de San Marcos, 2009
    Lluvia después de mi caída y un Requien para Darfur, (poésie) Lima, Hipocampo Editores, 2008.
    La sociedad peruana en la obra de José María Arguedas (essai), Lima, Fondo Editorial de la Universidad Mayor de San Marcos, 2007
    Représentation de la société péruvienne au XXème siècle dans l'œuvre de Julio Ramón Ribeyro. (essai)Paris, Editions L'Harmattan, 2007
    Avant de dormir,(nouvelles) L’Harmattan 2006.
    Poème à une étrangère. (poésie) Editinter, 2005.
    Un été en voix haute, (poésie) Trident neuf, 2004.
    Voix au delà des frontières, (poésie) L'Harmattan 2003.
    Flora Tristan : La paria et la femme étrangère dans son œuvre, (essai) Editions L'Harmattan, 2003.
    Voix sur les rives d'un fleuve, (poésie) Editions Editinter, Paris, 2002.
    Le Jardin et l'oubli, (roman) Editions L'Harmattan, Paris 2001.
    Au-delà du jour, (poèmes en prose) Editions Editinter, Paris 2000.
    Début de la promenade, (poésie) Editions Encres Vives, France.
    Les Vigies (nouvelles) Editions L’Harmattan, Paris 1997.
    Dimanche, (récit) Editions Barde la Lézarde, Paris 1995.
    Ecos de la Memoria, (poésie) Editions Haravi, Lima, Pérou 1988.

     

     

     

  • Bashō – Seigneur Ermite – L’intégrale des haïkus

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/seigneur-ermite-l-integrale-des-haikus-basho.html

    Edition bilingue par Makoto Kemmoku & Dominique Chipot. Edition de La Table Ronde -Mars 2012. ISBN 978-2-7103-6915-8 - 480 pages - 25 €

     

    Basho.gif

     

    Quel bel objet déjà ! Un écrin à la hauteur du contenu, la couverture est  d’un vert qui fait aussitôt penser au jade, ce même vert se retrouve à l’intérieur pour le texte en version japonaise. Ce livre, dédié aux victimes  et sinistrés du grand tremblement de terre du Tōhoku, région que Bashō a visité lors de ses voyages, s’ouvre sur une note concernant la traduction. Elle commence ainsi, ce qui résume bien le propos, « Traduire c’est trahir » et expose les difficultés auxquelles ont été confrontés les traducteurs et donc leurs partis-pris. Ensuite, une introduction aborde en un tour rapide, mais instructif, l’histoire de la poésie japonaise, suivie d’une biographie détaillée de Bashō, illustrée par quelques haïkus. Indispensable pour la compréhension de son œuvre. Nous entrons alors dans la chair même de l’ouvrage : l’intégrale des haïkus du maître en la matière, souvent précédé par des avant-propos de Bashō lui-même, classés par ordre chronologique.

     

    Le premier est daté de 1663 :

     

    La lune pour guide –

    restez donc un peu avec nous

    dans cette auberge !

     

    Bashō ne s’appelle pas encore ainsi, il a vingt ans (en tenant compte, comme l’ont fait les traducteurs, de l’ancien principe japonais en vigueur jusqu’aux environs de 1945, qui voulait qu’un enfant ait un an le jour de sa naissance), il se prénomme Munefusa depuis peu (car ce fils de petit samouraï, et travailleur de la terre en tant de paix, est d’abord né sous le nom de Kinsaku). Son père étant décédé, il est depuis un an au service d’un fils de châtelain de deux ans son ainé, qui par amitié l’a invité à l’accompagner dans ses études, dont celle des premiers rudiments du haïkaï. Munefusa a alors pris le pseudonyme de Sōbō. En 1664, un premier hokku de Sōbō est publié dans un recueil de l’école Teimon, inestimable honneur pour un si jeune poète :

     

    Très vieux cerisier en fleur –

    cette femme bien conservée

    aimerait aussi refleurir

     

    La mort prématuré de son ami en 1666, l’oblige à quitter le clan. On sait peu de choses de cette période sauf le fait qu’il a probablement épousé une bonzesse, Jutei, qu’il continue à écrire de la poésie et qu’il est présent dans plusieurs anthologies, et ainsi sa réputation commence à se faire.

     

    Les gens pauvres

    peuvent voir aussi les esprits

    dans les fleurs de chardon-ogre

     

    Le goût pour la contemplation est là, ainsi que l’appel au voyage.

     

    Distrait

    par la fleur de calebasse

    longtemps

     

    La lune des moissons

    si claires ce soir…

    vivre n’importe où

     

    Fleur, lune, des éléments récurrents dans la poésie traditionnelle japonaise, comme les saisons et d’autres éléments de la nature. Déjà on sent aussi chez lui une aspiration à la solitude, il fuit les mondanités.

     

    Trop de fêtards

    pour admirer les fleurs

    à Hatsuse

     

     

    En 1672, il s’installe à Edo (aujourd’hui Tôkyô), où il devient fonctionnaire tout en continuant la poésie.

     

    Enchanté par la valériane

    comme par une belle femme,

    perdant patience, je l’ai cassée

     

     

    De 1672 à 1675, il côtoie différentes écoles, celle de ses débuts, l’école de Teimon, qui influençait la poésie à Kyoto, mais aussi celle de Danrin (la Forêt des bavardages), plus libre, venue d’Osaka, et qui a supplanté le Teimon à Edo. C’est d’ailleurs Bashō qui mettra un terme au conflit entre les deux écoles, en élevant le haïkaï (moins raffiné que le renga – art poétique très ancien autorisé seulement pour l’élite à la Cour) au rang de véritable poème.

     

    La maison bourgeoise,

    pour quêter le médecin

    elle envoie un cheval !

     

    Bashō se retrouve écartelé entre une carrière de fonctionnaire et le désir de se livrer tout entier à la poésie. Certains de ses nombreux admirateurs sont fortunés et peuvent lui permettre donc de lâcher sa carrière sans trop se soucier de problèmes d’argent, problèmes dont il ne se soucie guère de toute façon. Il est naturellement plus attiré par le spirituel que le matériel, ce qui a d’ailleurs donné à croire à ceux qui, plus tard, ont étudié sa vie, qu’il avait été moine, alors que son sacerdoce était uniquement littéraire.

     

    C’est en 1675 qu’il change de pseudonyme en prenant celui de Tosei.

     

    Contemplant la lune près des montagnes,

    elle est rarement si claire

    vue d’Edo, polluée

     

    En 1680, il a 37 ans, il abandonne son métier de fonctionnaire pour ne vivre que de son art et il créé sa propre école, le Shōmon (l’École de l’authenticité) dont l’enseignement se base sur la profondeur spirituelle et la subtilité esthétique. La même année, un de ses disciples, riche marchand, lui offre un ermitage dans les faubourgs de Fukagawa, une ville de la banlieue d’Edo. Un lieu parfait pour le poète, peu à l’aise avec sa notoriété grandissante et son aisance financière, et qui commençait à se tourner vers le zen.

     

    Nuit sous les fleurs –

    ascète raffiné à l’excès

    je me surnomme « Seigneur ermite »

     

    Un an plus tard, un autre disciple lui offre un bananier et l’ermitage est baptisé bashō-an, l’ermitage au bananier. C’est ainsi que vient le nom de plume par lequel il sera immortalisé : Bashō, le Maître « bananier ».

     

    Violent typhon dans les feuilles de bananier –

    toute la nuit le rythme de la pluie

    dans la cuvette

     

    En1682, l’incendie qui détruit Edo n’épargne pas le monastère, le temps que ses disciples le reconstruisent, Bashō entame le premier d’une longue série de voyages spirituels et poétiques, mais ce n’est que deux ans plus tard qu’il commencera à noter ses impressions dans des journaux.

     

    N’oublie pas mon haïku

    Dans la fraîcheur du col

    de Sayo no Nakayama

     

    Voyager lui permet de se recueillir sur des lieux célébrés par ses prédécesseurs poètes, retrouver sa famille, des amis et ses disciples, mais avant tout à se frotter à l’impermanence, en risquant ses os sur les routes, pour peaufiner son art, comme l’indique le titre de son carnet de voyage à Ueno : Journal d’un voyageur résigné à y laisser ses os. Bashō a une santé fragile, il souffre de maladies chroniques et de plus les routes à cette époque sont peu sûres, il y a là un véritable défi d’aventurier, mais il faut voir dans ce choix, une dimension tout à fait initiatique au sens spirituel.

     

    Le vent me transperce

    résigné à y laisser mes os

    je pars en voyage

     

    Son regard sur le monde, contemplatif bien-sûr, est aussi empreint de compassion :

     

    Poètes émus par les cris des singes

    Entendez-vous l’enfant abandonné

    Dans le vent d’automne ?

     

    Et non dénué d’humour :

     

    Les nuages défilent -

    Un chien qui pisse partout

    cette averse d ‘hiver.

     

    Après le voyage à Ueno, il reste deux ans sédentaire à l’ermitage reconstruit, ce sera sa période la plus longue sans voyager. Il se consacre à l’enseignement de son art et à une perpétuelle recherche pour l’améliorer. Il lui arrive cependant souvent de souffrir de la solitude.

     

    Lune et neige

    mes seuls compagnons de l’année –

    Fin de l’année

     

    C’est durant cette période, en 1686, qu’il publie son poème sans doute le plus célèbre :

     

    Vieil étang -

    Une reinette y plongeant,

    chuchotis de l’eau

     

    En 1687, il reprend la route. Son amour de la nature est de plus en plus présent dans son art mais aussi un intérêt pour l’esthétisme du Furyu, un idéal artistique du moyen-âge. Cette année là, il écrit aussi des haïkus où il se décrit lui-même :

     

    Cheveux longs

    et visage pâle -

    La pluie de juin

     

     

    Soleil d’hiver

    je suis une ombre gelée

    sur son cheval

     

    Il serait trop long de détailler encore sa biographie, mais à la lecture de ces haïkus, on apprend beaucoup sur la vie, les traditions, les mœurs de l’époque, y compris la nourriture et les tenues vestimentaires. 973 notes indispensables en fin d’ouvrage permettent d’approfondir la compréhension de ces haïkus, de percevoir leur subtilité et de tout ce qu’ils évoquent du quotidien de cette époque.

     

    Bashō ne cessera plus de voyager, malgré les maladies, de ville en ville, de temples bouddhistes en sanctuaire shintoïstes. Souvent il rédigera un haïku à la mémoire d’un(e) défunt(e).

     

    Ces carnets de voyages sont un hymne permanent à la « beauté émouvante et mélancolique des choses » (awaresa ou encore mono no aware).

     

    La bise semble

    aiguiser les rocs

    entre les cèdres

     

    Le voyageur toujours en mouvement tend vers l’équilibre entre vide et profusion, au rythme de l’alternance des saisons.

     

    Saumon séché

    et maigreur du bonze vagabond

    dans les grands froids

     

    La lune, la pluie, le froid, les fleurs, le vent, habitent une majorité de poèmes et les maladies qui l’affectent, Bashō les efface d’un seul haïku :

     

    De toute façon

    il ne m’est rien arrivé –

    Herbes de pampas fanées sous la neige

     

    Il a alors 48 ans. Il mourra sur la route, à Osaka, en 1694 à l’âge de 51 ans, laissant pour ultime consigne à ses disciples :

     

    « La fleur du haïkaï est dans la nouveauté »

     

    Il est reconnu comme étant le père du haïku et le plus grand poète du genre, mais suite à un délitement de son école après sa mort, c’est le peintre et poète Buson (1716-1788), qui cinquante ans plus tard, redonnera son blason au Maître.

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    Les traducteurs :

     

    Dominique Chipot. Haïjin français, auteur du guide d'écriture Haïkudo, la voie du haïku (Ed. David et Tire-Veilles 2011), il est cofondateur de Gong, la première revue francophone de haïku, et fondateur de l'Association pour la promotion du haïku francophone. Fondateur de l'association pour la promotion du haïku (www.100pour100haiku.fr)), il anime des conférences, des ateliers, des expositions et dirige Ploc! la lettre du haïku.

     

    Makoto Kemmoku est membre de la revue de haïku Ashibi (Azalée) et traducteur en japonais de plusieurs livres, entre autre, Le Roman de la rose. Il a publié avec Dominique Chipot deux autres ouvrages, en plus de celui–ci : Du rouge aux lèvres. Haïjins japonaises (La Table Ronde, 2008 et Points 2010) et La lune et moi. Haïkus contemporains (Points 2011).

     

  • Else comme absentée de Lou Raoul - Editions Henry 2011

    ISBN 978-2-917698-89-1 - 40 pages - 6 €

     

    raoul.jpg

    J’avais déjà fait une note pour Else comme absentée, mais si j’en avais assez bien saisi la forme, j’étais passée à côté du fond, aussi Lou Raoul m’a proposé de lire aussi Sven, paru la même année chez Gros texte. Ces deux recueils auraient pu être effectivement rassemblés en un seul. Je retrouve dans Sven la même écriture concise et imagée que j’avais aimée dans Else, et qui me donne par moment l’impression de feuilleter un album photo. Le cadre est le même : maison, jardin, campagne, la vraie, celle où l’on cuisine le lapin, élève des poules, travaille aux champs pour nourrir les animaux l’hiver. Mais, derrière cette apparente et tranquille immuabilité, s’ouvrent des puits comme une « ambulance dans la nuit verte d’avril » et c’est bien là où parler de ce livre devient difficile. J’avoue avoir faillit y renoncer, mais ce serait dommage car il mérite vraiment d’être lu, tout comme Sven d’ailleurs, et plutôt deux fois qu’une. Mais voilà, l’écriture de Lou Raoul ne dit pas tout, à l’image de ces gens justement de la campagne à qui la pudeur fait préférer le silence, là où d’autres donneraient dans les cris et les larmes.

    Else d’abord, rien que le titre est mystérieux. On peut y lire Elle se… et la phrase reste en suspens, devient question. Elle se quoi ? Elle se qui ?

    Else c’est aussi « autre » dans la langue de Grande-Bretagne. Ce serait donc ça ? L’autre comme absentée. L’autre soi, couchée sur le papier, à qui l’auteur s’adresse par un tu. Une sorte de dédoublement pour dire sans dire. Au lecteur de deviner. Pas que ce soit un jeu non, mais simplement la parole de l’auteur est si authentique justement qu’elle ne peut qu’être pudique. C’est de vraie vie dont il s’agit ici, par petites touches, une vie ancrée à la terre, pleine d’odeurs, de solitude aussi. D’ailleurs Else comme absentée démarre sur ces mots « T’enfuir, t’enfouir ». Fuir quoi ? La coiffeuse et ses questions déplacées, « vous avez commencé les achats ? », la furie commerciale de noël et « les tables dressées pour des repas, puis des décors, des scintillants, des pièces chaudes » ? Else ne fête pas noël, Else « vomit toutes ces odeurs, parfums, sucrés, ces bras pressés, ces bouches portables dans la rue ». Else préfère « un ancien sac de pomme de terre sur son corps doux ».

    En fait c’est ça qui m’avait échappé à la première lecture, j’avais oublié le début et la fin, bercée entre deux par le bon air de la campagne, le soleil, le jardin, cette vie à l’apparence paisible. Au début du recueil, ce décompte des jours du vingt au trente décembre, faut que ça passe, et ça passe, « tu t’perds de vue, Else, jusqu’aux premières minutes en plus des soirs de janvier où. » Parfois les phrases s’arrêtent ainsi, brusquement, comme Else, elles s’absentent. Comme une photo qui manquerait dans un album, laissant juste l’empreinte du cadre vide. Et là on passe à un nouveau chapitre, Ilse Else, et le voile s’épaissit. Ilse ?

    Et l’auteur comme si de rien n’était nous plonge d’un coup dans le quotidien, un poulailler, une cour intérieure, des tiges de rhubarbe, la cuvette d’épluchures pour l’âne, le ragoût de lapin mais trop de sauge, c’est amer. Pas anodin ça, ce mot amer. Et une voix, une silhouette d’homme, et là je sais maintenant, c’est Sven, l’homme de Norvège, un homme dans la vie d’Else « son souffle dans tes jours éclairant ton visage ». Du bonheur ? Et c’est le passé qui s’engouffre dans le recueil, et tout se voile à nouveau, « « des traces disent rien du temps passé présent venant c’est hier ça tient pas debout. (…) c’est une odeur de tilleul en fleurs tandis que tu fouilles boîtes archives poésie (…). ». S’ouvre soudain le puits « revient la mort malade couler dans ton sang » et l’ombre du crabe, « juste une poignée de jours entre temps avant de reperdre tous tes cheveux tu achètes une nouvelle coiffure » aussitôt effacée, sans même une virgule entre les deux par « un homme bricole que t’entends siffloter dans les jardins, y’a du soleil de juillet, sur toi, et sur tes sœurs, quoiqu’il advienne ».

     

    Serait-ce là, en quelques phrases que se trouve le secret d’Else comme absentée ?

     

    « toi sans blessure tu deviens Ilse ».

     

    Et là s’ouvre un nouveau chapitre, un nouveau mystère : Else comme absentée ou orcanète. Orcanète ? Une fleur, une fleur méditerranéenne dont la racine sert à teindre en rouge, du henné en quelque sorte. On songe au sang bien-sûr mais aussi aux cheveux, qui reviennent souvent dans ce recueil.

     

    Puis la page s’ouvre sur un décor presque idyllique, intemporel,

     

    « un homme dans le champs

    comme il voit le printemps, comme il coupe les tiges de maïs (…)

     

    qu’aux brebis il distribue

    les jaunes épis aux matins d’hiver

     

    des travaux, des saisons, des brebis, des agneaux »

     

    (…)

     

    « aux gestes mesurés

    est un homme dans le champ

    ne dépend que de toi

    que tu le suives et sois sur ses pas »

     

    Et c’est là qu’à ma première lecture, j’ai commencé, comme Else peut-être, à oublier tout le reste et me suis plongée dans le présent d’une vie bonne et simple, rude aussi, dans ce coin de campagne bretonne, à la douceur se mêle toujours quelques échardes, « les peaux sèches cartonnées des animaux, morts animaux » « toutes les peintures s’écaillent dedans » mais Sven est là. Lou Raoul évoque l’homme essentiellement par la voix, qui chante, sifflote, par les mains qui travaillent, ramassent, bricolent, une présence rassurante, « et lui ce jour ses yeux sont bleus autant que son pull ». Et la vie s’écoule, et on suit le regard d’Else

     

    « l’ombre des cyprès déplacée et puis des toiles d’araignées, des morceaux de jute, des bouts de cageots, des ficelles nouées

    sur le rebord de la fenêtre un gobelet de plastique bleu

    la poudre de lait des petits veaux »

     

    Et le printemps est là, il éclate dans le regard d’Else, des pages et des pages de printemps, d’été

     

    « c’est dans la cour

    comme un poème

    où t’éparpilles les chevelures des pissenlits »

     

    et puis brusquement arrive « comme une silhouette en imper gris » et « le matin si froid si frêle » et voilà que tout se voile de nouveau devient mystère

     

    « tu poses un ange

    devant la porte

    où est celui

    que plus personne

     

    la main de l’ange

    parfois t’y penses

    t’y penses encore

    t’y penses sans cesse »

     

    et le livre s’achève

     

    « comme à une pluie

    une pluie qui pleut

    depuis trois jours

    discontinue

    sur Brest, Brest même »

     

    et je me dis alors que, oui, le livre est à l’image de ce climat breton, si changeant, et où le soleil peut laisser place instantanément à la pluie, un voile qui obscurcit tout et puis de nouveau le soleil, un peu comme la vie finalement, avec ses creux et ses pleins.

     

    Cathy Garcia

     

     

    Lou Raoul vit en Bretagne où elle est née en 1964. Depuis 2008, elle publie poèmes et textes dans diverses revues (Comme en Poésie, Décharge, Gros Textes, Liqueur 44, N4728, Traction-Brabant, Trémalo, Verso... ). Un recueil Roche Jagu / Roc'h Ugu (Éditions Encres Vives / Collection Lieu) est paru en 2010, suivi en février 2011 par Sven (Éditions Gros Textes) et en mars 2011 par Les jours où Else (Éditions Isabelle Sauvage), Else comme absentée fin 2011 aux Éditions Henry. quand elle / prairie jaunes tanaisies prévu pour 2012 aux Éditions Isabelle Sauvage. Son travail d'écriture, qui oscille entre poésie et prose narrative, croise aussi le spectacle vivant et les arts plastiques. Son blog ouvert en 2010 accueille textes et photographies : http://friches-et-appentis.blogspot.com/ (faites un copier/coller de l'adresse car le lien ne fonctionne pas directement, allez savoir pourquoi !)

     

  • Vide alentour de Jean-Baptiste Pedini

     

    Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/vide-alentour-jean-baptis...

     

    Encres Vives (Coll. Encres Blanches n°488) 2011 - 16 pages – Préface de Patrice Maltaverne - Prix 6.10€

     

    Vide alentour, Jean-Baptiste Pedini

     

     

    Le vide on ne s’y fait pas, écrit Jean-Baptiste Pedini, en 10 poèmes qui tournent autour de ce vide alentour. Le vide, il le creuse, le fouille, le traque, tente de lui donner forme en quelque sorte, de lui donner sens. Des poèmes comme des corps pour englober ce qui échappe, questionne pourtant, obsède même. Le vide révèle comme une éternelle insatisfaction.


     

    « on décompose espaces

    gestes

    fouilles au corps

     

    toujours plus simples

     

    toujours à rechercher

    d’autres possibles. »

    Il y a va et vient entre ce vide alentour et le besoin de sentir, de se sentir à défaut de pouvoir combler le vide.


     

    « on regarde un ciel vide

    on se mouille en-dedans »


     

    Le vide alentour reflète sans aucun doute cette peur du vide intérieur, comme si le vide extérieur menaçait d’absorber l’auteur.

     

    Tout se joue entre ombres et absence.


     

    « entre  le moût du jour

    et la chair qui plisse

    l’absence

     

    (…)

     

    et de ces ombres

     

    des petites plaies rouges

    qui remuent dans la nuit »


     

    La matière est absorbée, dissoute.


     

    « le bruit de l’eau dans nos gourdes d’ombre »


     

    Et même le temps disparaît.


     

    « temps à ôter encore

    à ce qu’il reste »


     

    Il y a ces tentatives d’arrimer le corps.


     

    « avec ou sans

    les jours où l’on est bien

     

    où bouches et bouches

    se mangent

    gravitent autour des peaux »


     

    On s’accroche aux corps pour ne pas sombrer dans le vide, mais les corps-bouées rappellent encore qu’on ne peut échapper à ce vide. Alors,

     

     

    « on trace de petits traits

    qui tirent

    et qui dégorgent

     

    petits traits inouïs

    petits traits des absents »


     

    En fin de compte, il n’y a qu’absence, ombre et silence.


     

    « il n’y a que ça

    et personne ne dit rien »


     

    La poésie devient alors comme le seul révélateur, la seule issue possible.


     

    « on creuse une matière nouvelle

    on noircit les phalanges

    en deçà

    aucune rue ne s’élève »


     

    Cela permet une certaine forme d’acceptation.


     

    « on reste ce mirage

    qui recule sans cesse »


     

    Le vide qui nous pousse finalement dans le vide, le vide autour, le vide devant, le vide derrière.


     

    « on s’en souvient à peine

    de la brise d’hiver

     

    (…)

    les têtes qui dépassent

    à peine

     

    secouent les rideaux

    d’ombre »


     

    L’ombre et le silence pour habiller le vide… Reste tout de même comme une lueur, on croit encore à l’après.


     

    « le silence rôde

     

    on a du mal à savoir

    ce qui viendra après »


     

    Il s’agirait  de passer par l’acceptation, alors que :


     

    « l’ombre roule

    à mesure

    dans la poussière du jour

     

    il n’y a rien à sauver

    il n’y a plus de distance »


     

    Peut-être n’y a t-il simplement qu’un plein présent, avec le vide alentour.


     

    Cathy Garcia

     

    A propos de l'écrivain

    Jean-Baptiste Pedini

    Jean-Baptiste Pedini est né en 1984 à Rodez et vit et travaille actuellement en région toulousaine. A publié : Hors la ville (haïkus), Guy Boulianne éditeur 2006 et Ombres à moudre, -36° édition (collection 8pA6), 2009 ; Peut-être à minuit, -36° édition (collection 8pA6), 2010 ; La légèreté des cendres, éditions Clapàs (collection Franche Lippée) 2010.


     

     

  • Galsan Tschinag, auteur Mongol

    Publié sur La Cause Littéraire

     

    http://www.lacauselitteraire.fr/galsan-tschinag-2.html

     

    Ecrit par Cathy Garcia 07.12.11 dans La Une Livres, Les Livres, Asie, Roman

     

    Un auteur

    Ecrivain(s): Galsan Tschinag

     

    Galsan Tschinag, auteur Mongol

    Ce billet a pour but d’inciter à découvrir un auteur « coup de cœur ». Il s’appelle Galsan Tschinag, il est né le 26 décembre 1944 dans une famille de chamans touvas de Mongolie. Il a passé sa jeunesse dans les steppes puis est allée étudier à l’Université de Leipzig. Il est revenu dans son pays, et a commencé de publier en 1981. Sa langue d’origine, le touva, ne possède aucune tradition écrite. Il écrit donc en Allemand. Une douzaine de titres, romans, récits et études le situent aujourd’hui parmi les tout premiers écrivains étrangers de langue allemande. Il vit aujourd’hui à Oulan Bator et s’est fait l’ardent défenseur des coutumes de son peuple face aux dangers de la modernisation.

    Lire Galsan Tschinag c’est comme franchir une porte qui vous transporte non seulement au cœur des steppes, à travers un paysage physique, à la fois rude, austère  et grandiose, pas seulement dans la chaude intimité du cercle de la yourte mais aussi au plus profond du cœur de l’homme et à la frontière d’un savoir mythique entre tradition et modernité. C’est tout le devenir des cultures minoritaires dans le monde dit moderne qui est en jeu. Son écriture simple et belle trace un chemin et ouvre des voies oubliées, où résonnent des chants anciens et puissants. Et quand on commence à lire, on ne peut plus s'arrêter. Mais ce sont des livres qui n'incitent pas au bavardage, ce sont même parfois des pages de silence, alors découvrez par vous-même :

    Dojnaa (L’esprit des péninsules, Belek 2003)

    Dojnaa est la fille d’un lutteur de légende, une chasseuse hors pair, une femme humiliée par son mari qui la laisse seule avec ses enfants, une femme qui doit affronter les loups mais aussi les hommes. Un court roman dédié « à la femme nomade qui porte sur ses épaules le destin d’un monde en train de disparaître. »


    Sous la montagne blanche (Métailié 2004)

    Récit autobiographique. Après avoir suivi le « Chemin du savoir », celui d’une éducation moderne, « socialiste » à la mode soviétique des années 60 en fréquentant une école très éloigné géographiquement et culturellement de sa steppe natale, celle de ses ancêtres, où vivent les Touvas, le jeune Dshuruguwaa, qui se sent une vocation de chaman, est déchiré entre cette modernité qui prétend détruire les traditions millénaires de son peuple et qui considère sa foi dans le Père-Ciel et la Mère-terre comme arriérée et sa responsabilité à l’égard de la famille, du clan. Dans ce contexte, l’adolescent grandit, fais ses premières expériences sexuelles et vit la destinée tragique d’un grand amour.


     Cathy Garcia


     A lire également :

    - Ciel bleu, une enfance dans le Haut Altaï (Métailié)

    - Vingt jours et un (Métailié)

    - Le monde gris (Métailié)

    - La fin du chant (Philippe Picquier)

    - La caravane (L’Esprit des péninsules)

  • Zoli de Colum Mc Cann – (Irlande 2006 - Belfond 2007)

    A lire aussi sur : http://www.lacauselitteraire.fr/zoli-colum-mccann.html


    1930 - Zoli Novotna avait six ans, mais elle n’était heureusement pas là quand sa famille se retrouve bloquée sur les glaces par la Hlinka, qui allume ensuite des feux sur la berge. Elle n’était heureusement pas là quand sa mère, son frère, ses deux sœurs et toute la famille, roulottes, chevaux, quand tout part englouti sous les eaux. «Lorsqu'il a commencé à faire moins froid dans l'après-midi, les roulottes, bien obligé, se sont déplacées vers le milieu du lac. Mais la glace a fini par craquer, les roues se sont enfoncées et tout a coulé en même temps, les harpes et les chevaux». La Hlinka c’est la haine. La milice fasciste de Slovaquie. La petite Zoli et son grand-père fuient sur les routes, fuient la Hlinka, fuient la haine et la mort, avec pour leitmotiv cette phrase qui reviendra tout au long du livre et qui pourrait finalement presque tout résumer : « Avance mon cheval et chie ». Chie au nez de la haine, chie au nez de ceux qui voudraient enfermer, sangler, anéantir ton peuple libre et nomade. « Grand-Père disait que nous étions faits pour le ciel, pas pour les plafonds. » Mais, grand-père aime la connaissance et il va briser un tabou énorme, que lui-même a brisé plus ou moins en cachette, il va apprendre à sa petite fille à lire et à écrire. Alors, la petite fille va écrire par exemple la liste des choses à faire pour survivre : «Lave ta robe dans une eau qui court. (…) Rappelle-toi le temps qu'il fait au son de la roue. Change de nom. Perds tes chaussures. (...) Garde-toi de la Hlinka, les massacres ont toujours lieu la nuit». Très vite, la petite Zoli prendra goût à l’écriture et en plus des chants que tous connaissent, elle en invente d’autres et en écrit les paroles. Zoli Novotna se découvre poétesse et dans la Tchécoslovaquie communiste de l’après-guerre, qui souhaite intégrer les Rom à sa nouvelle et égalitaire vision du monde, elle deviendra une égérie du régime. Soutenue par un poète déjà glorifié et complètement exalté par cette « découverte », elle fréquente également un jeune anglais trop romantique, que la jeune veuve rendra fou d’un amour impossible. Elle bravera pourtant là encore l’interdit ancestral, mais y renoncera très vite.  « Avant de repartir chez les siens, elle cousait des pages sous la doublure de son manteau, dans les poches de ses robes. (…) Elle se promenait avec ses chants d'amour collés aux hanches, et j'ai appris par cœur des poèmes entiers pour les lui réciter à voix basse lorsqu'on prenait le risque d'un moment entre nous. Elle conservait dans diverses autres poches des ouvrages de Krasko, Lorca, Whitman, Seifert, et même un Tatarka récent. Quand elle posait son manteau à l'imprimerie, elle faisait tout de suite plus mince ». Portée par ce succès qu’elle ne comprend pas vraiment, Zoli sera produite en public, sera adulée, hissée au sommet d’un monde auquel elle n’appartient pas et ne pourra jamais appartenir, et croyant un instant qu’elle pourrait aider ainsi son peuple, elle sera trahie par celui-là même qui l’aime et en paiera la déconvenue au prix fort. Même si son peuple, secoué par les évènements de la guerre, « Il y a des choses qu'on peut voir et entendre - encore aujourd'hui, longtemps après : les fosses qu'on creusait, la terre qui tremblait, les oiseaux qui ne volent plus au-dessus de Belsen, ce qui est arrivé à nos frères de Tchéquie, sœurs de Pologne, cousins de Hongrie, quand nous autres Slovaques avons survécu, bien qu'ils nous aient frappés, torturés, jetés en prison. Ils nous ont volé notre musique, nous ont bouclés en camp de travail », même si les siens donc tolère pour un temps cette transgression, vient le moment où l’intransigeance des règles revient la prendre de plein fouet. Zoli qui a livré aux gadže, avec sa poésie enregistrée et publiée, l’âme de son peuple, est bannie, devenant selon la coutume, pour tous et à tout jamais, une paria. Alors que les siens sont immobilisés de force dans des tours d’immeubles, Zoli, pour leur épargner la honte, et particulièrement à celles et ceux qui lui sont chers comme Conka, son amie d’enfance, entame une errance sans retour dans l’Europe. Une longue et rude errance d’une femme exceptionnellement digne et courageuse, qui supportera sans broncher et sans jamais perdre son goût inné pour la liberté, toutes les souffrances, les privations, jusqu’à ce qu’un amour paisible croise son chemin, un gadže différents des autres. « J’ai demandé à Enrico pourquoi il n’avait pas demandé si j’étais gitane. Il m’a demandé pourquoi je n’avais pas demandé s’il ne l’était pas. C’est peut-être la plus belle réponse qu’on m’ait jamais faite. » Alors Zoli peut se reposer un temps, «  tout cela pour dire čhonorroeja, que l’envie d’aller plus loin venait de s’évanouir. Selon un vieux proverbe rom, la rivière n’est jamais où elle commence, jamais où elle finit, mais il me semblait être arrivée au bout de quelque chose. » mais cet amour lui aussi, lui sera brutalement enlevé, en lui laissant une fille. Une fille que Zoli à la fin du livre, ira rejoindre pour quelques jours à Paris, nous sommes en 2003, un bond dans le temps et les temps s’emmêlent, mais Zoli n’a pas changé. « Avance mon cheval et chie. »

     

     

    zoli.jpg

    Colum McCann, écrivain né à Dublin en 1965 et vivant aujourd’hui à New York, est l'auteur de très beaux romans (le Chant du coyote, Les Saisons de la nuit, Danseur) et de deux recueils de nouvelles, La Rivière de l’exil et Ailleurs en ce pays. Zoli a pris racine à partir d'une photo de la poétesse tzigane polonaise Papusza, sur laquelle Colum McCann est tombé, en lisant Enterrez-moi debout !, L'Odyssée des Tziganes, d'Isabel Fonseca (livre que je vous recommande aussi fortement). Obsédé par cette image, il n'a pas pu faire autrement que de se plonger dans le monde des Tziganes d'Europe centrale et d’écrire ce très beau roman, «à mi-chemin de la fiction et de la non-fiction». Zoli n'est pas Papusza, mais elle lui ressemble.

  • Vers le silence de Max Pons, Ed de La Barbacane 2011

    Note publiée sur La Cause Littéraire :

    Max Pons Vers le silence.JPG

    Max Pons est un amoureux, un grand amoureux de l’humain et des pierres, amoureux au sens le plus courtois du terme, comme les troubadours de langue d’Oc. Dans ce recueil, admirablement préfacé par Michel Host, il nous offre un cheminement de haut vol poétique  « Vers le silence ».

     

    Fidèle à sa passion minérale, le recueil s’ouvre sur la pierre, mais une « Pierre de caresse/ Pierre maternelle ». Max Pons, qui fut pendant si longtemps gardien et guide du Château de Bonaguil, un château-fort, allégorie de la forteresse quasi imprenable du féminin, connait mieux que personne les liens secrets qui se tissent entre la pierre et les forces de la nature et ce que je retiens de l’ensemble de ce nouveau recueil, ce rassemblement de fragments, de morceaux de ce territoire qui est le sien, c’est que tout, de la pierre à la chair, de la terre au ciel, transpire et conspire un puissant chant d’amour.

     

    « Arc en pleine caresse

    Ton plaisir pointe vers le ciel

    Ton désir vient de la terre

    Et l’homme hésite

    À franchir le seuil. »

     

    Le poète déploie ses antennes en toutes directions, attentif et précis, c’est un amant d’expérience, porteur d’histoire, la sienne, mais aussi de celle des Hommes

     

    « Voici des portes qui s’ouvrent sur d’autres portes.

    Voici des fenêtres qui croisent leurs bras puissants sur la nudité blessante de la lumière.

    Et puis voici d’autres yeux encore. D’autres croisées de lumière. »

     

    Et de tous leurs questionnements.

     

    « En ces lieux de foudre, à l’odeur d’Histoire, retournant à la domination de l’élément aquatique, quelle est donc cette force sauvage qui habite la somptueuse gésine minérale dans la quiétude des mousses.»

     

    En homme avisé, le poète sait que malgré tout le chemin parcouru, il n’y a pas de réponse définitive à ses interrogations, mais que l’essentiel reste encore et toujours à vivre.

     

    « Inventer la survie

    Débusquer le mouvant

    Jusqu’à l’immobilité lucide

    Au seuil du sanctuaire »

     

    Et que la vie est désir, sans cesse renouvelé, comme le fleuve va à la mer

     

    « Je te parlerai des libellules des premiers émois

    et des éclairs de chaleur sur la robe mouillée des soirs.

    Et de cette cascade qui bat de sa chevelure

    le dur silence. »

     

    Et le poète chante et honore la Source

     

    « Devant ce val délicatement veiné

    À la naissance d’un fleuve d’ombre et de feu

    Estuaire au limon de vie

    Devant ces meules lourdes de louanges

    Cette fête de courbes

    Ce langoureux ballet

    Paysage pour la grande faim du dehors et du dedans »

     

    Un chant qui se fait « profond » et « vérité primitive ». « Faire l’amour », voilà la « Pureté retrouvée » et revient l’homme qui savait parler aux pierres

     

    « Du fond de ma caverne charnelle

     Je te bâtis »

     

    Que le poète se donne tout entier à son chant ne l’empêche nullement d’être lucide et ô combien !

     

    « Inéluctable marche

    D’ultime vérité. »

     

    Et son regard saisit le moindre détail qui témoigne de l’infime et infinie beauté

     

    « La marmite ronronne

    Près du chat. »

     

    Comme seuls savent le faire ceux qui ont envisagé la mort en face, car nul n’est plus habile qu’elle à nous faire ressentir le précieux bonheur de l’instant

     

    « Au fil,

    Le linge blanc

    - Lessive de l’œil -

    Le linge qui raconte des êtres. »

     

    Mais si le temps, à Max Pons comme à nous tous, est compté, le poète magicien a plus d’un tour dans sa plume :

     

    « -  Il faut bien passer le temps,

    Dit l’un.

    - Non, lui répond l’autre :

    Il faut l’agrandir. »

     

    La lucidité sans l’humour serait torture. Max Pons sait qu’il est bon de garder l’œil amusé et le sens de la facétie :

     

    « Il y a sur la table

    Une salière à lunettes

    Ne manquant pas de sel.

    Il y a l’éclatement même

    De la vérité. Personne ne

    S’y retrouve. 

     

    (…)

     

    Et c’est ainsi qu’il voit le monde

    Tel qu’il est, au grand étonnement

    De la réalité

    Et des paroles rassurantes… »

     

    Et le poète, une main sur la chair, l’autre sur la pierre, tel un vieux sage sur la terrasse nous suggère de

     

    « Tourner longuement

    La petite cuiller.

    Deux sucres, voulez-vous ?

    La poésie est infusion… »

     

    Et nullement pressé de nous voir partir, il nous donne à boire encore et encore de sa belle et bonne poésie, dans un recueil qui s’étire comme un chat

     

    « Et vient le petit jour, longue robe flottante.

    Demeure un goût d’amour, tel un oiseau perdu

    De ses ailes frappant la cage de nos gorges »

     

    En s’inspirant aussi de gravures de Maya Mémin et quelques dessins que son ami Zadkine lui avait confiés, avant de poser un point que l’on espère non final, en faisant sienne cette phrase de Cocteau

     

    « On ne se consacre pas à la poésie, on s’y sacrifie ».

     

    Cathy Garcia

     

     

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    Max Pons est né le 24 février 1927 aux alentours de Fumel. Il passe les premières années de son enfance à Vitry-sur-Seine en banlieue parisienne. Sa famille rejoint le sud-ouest de la France dont elle est originaire juste avant 1939. Dès lors, avec les terres, situées entre Quercy et Périgord, vont commencer un dialogue ininterrompu avec cet homme qui aime à répéter avoir vu le jour sous le signe des Poissons et du calcaire. « C’est à l’âge de cinq ans que je fis connaissance avec Bonaguil, lors d’un déjeuner sur l’herbe en famille, nous devions être dix-sept, oncles, tantes, cousins et mes parents.» C’est dans le cadre de ces pierres qu’il rencontrera de très nombreux poètes devenus par la suite ses amis comme André Breton, Eugène Guillevic, Pierre Albert-Birot, Jean Follain, Jean Rousselot venus visiter le château dont il est à la fois l’historien, le conservateur et le poète de 1954 à 1992. Au service des autres et de la poésie, il fonde en 1963 la superbe revue La Barbacane et quelques temps après l’édition du même nom, dont le poète Charles Dobzynski dans la revue Europe a pu écrire à juste titre « Ce sont très souvent, on le sait, les petits éditeurs qui font grandir la poésie, qui font surgir le neuf vierge et vivace là où on ne l’attendait pas. La Barbacane est une de ses revues qui édite des ouvrages d’une qualité bibliographique exceptionnelle, bien qu’à des prix tout à fait abordables, ce qui est en soit une performance ». A près de cinquante ans, la revue est toujours vivante ! Et la revue Nouveaux Délits née dans le Lot 40 ans après, a eu le plaisir d’inviter Max Pons et la Barbacane pour une rencontre poétique à St Cirq-Lapopie en septembre 2009. Max Pons est depuis 2011 citoyen d'honneur de la ville de Fumel. Il a reçu le Grand Prix de Poésie de la SGDL pour l’ensemble de son œuvre en 2011. Amoureux de la culture espagnole, il a séjourné une dizaine d’années à Barcelone et il est aussi un traducteur hors pair.

     

    Bibliographie :


    Vers le Silence, itinéraire poétique, Préface de Michel Host, Éditions La Barbacane 2011
    Une Bastide en Quercy : Montcabrier, La Barbacane, 2009.
    Les Armures du silence, La Porte, 2002
    Poésie de Bretagne, aujourd'hui, anthologie, La Barbacane, 2002
    Formes et paroles, poèmes de Salvador Espriu, trad. Du catalan, La Barbacane, 1978
    Voyage en chair, Regards sur Bonaguil, La Barbacane, 1975
    Ecriture des pierres, étude sur des graffitis XVIe et XVIIe siècles, La Barbacane, 1971 (épuisé)
    Calcaire, Rougerie, 1970 et 1981
    Bonaguil, château de rêves, Privât, 1959
    Evocation du vieux Fumel, Privât, 1959 (épuisé)
    A propos de Douarnenez, La Barbacane, 1999
    Le Château des mots, La Barbacane, 1988
    Vie et légende d'un grand château fort, La Barbacane, 1987
    Nouveaux regards sur Bonaguil, La Barbacane, 1979
     

  • Eaux promises de Porfirio Mamani-Macedo

    Eaux Promises.JPG

    traduit de l’espagnol par Max Alhau

    Edilivre 2011 – 44 pages – 10 €

     

    ***

     

    Mon vieux visage amoureux continuera d’être orphelin de tout, quelque part où personne ne se souviendra de lui. (…) Maintenant, je cherche seulement un visage dans la neige, un signe, une étreinte pour apaiser l’hiver de mon être.

     

    Ainsi débute Eaux Promises de Porfirio Mamani-Macedo.

     

    Exil, errance, solitude, boue, poussières, vent, fleuve, rêve et mémoire, et comme une marche forcée qui n’arrivera jamais nulle part, car nulle issue possible à la douleur et à la perte imposée par l’exil.

     

    Le premier recueil de Porfirio Mamani-Macedo que j’ai lu il y a quelques années, lorsque j‘avais publié Porfirio dans la revue Nouveaux Délits (n°5, mai 2004), c’était Voix au-delà des frontières, dans lequel il raconte son arrivée en Espagne, après avoir quitté le Pérou, et cette terrible et double peine de celui qui est à la fois l’étranger en territoire inconnu et l’exilé d’un pays aimé mais désormais interdit. Dans Eaux Promises, Porfirio reprend ce thème si important de son vécu, toute la douleur associée et se fait porte-voix de cette condition d’exilé, errant, clandestin, fuyard, de tout temps et de partout. Ode universelle à ceux, toujours plus nombreux, qui ne sont sur cette terre plus que des ombres en transit.

     

    Seules tes traces diront que tu es passé

     

    Je retrouve dans ce recueil cette belle voix, amoureuse de beauté et de fraternité, hantée par la déchirure et une immense solitude.

     

    Combien nous désirons la pluie en chemin, combien nous cherchons l’amour, seuls, parmi les heures interminables lorsque nous traversons un pont, un parc, une montagne pour voir ce qu’il y a de l’autre côté !

     

    Cette douce voix d’homme qui implore que cesse enfin la violence.

     

    La parole, pas la guerre. La voix, pas les armes. Plus de bruit, mon âme est brisée. Plus de chemins à travers les montagnes de la haine et de la douleur.

     

    Porfirio Mamani-Macedo nous renvoie l’écho de ce vide vertigineux qu’est celui de l’errance, le désert sans consolation du déracinement et la si frêle béquille de l’espoir.

     

    Faisant route vers des terres inconnues, des hommes et des femmes, malheureux, vieux, malades, doivent encore marcher attendant le soir ou l’aube qui les sauvera.

     

    Arrachés à leur vie comme des pierres par un fleuve en furie, il leur faut marcher, marcher toujours, fuir l’intolérable, l’injustifiable, l’atroce.

     

    Que n’éclate plus, ô mon dieu, le feu dans la chair, que l’on n’entende plus le bruit d’un homme tombant, le corps criblé.

     

    (…)

     

    Que d’enfants sans lumière sur les chemins ! Que de cadavres serrés dans la terre comme une boue maudite ! O vent, éloigne ce siècle en ruine rempli de honte et de folie !

     

     

    Il faut marcher encore et encore, hommes, femmes, enfants, jetés hors de leur foyer, de leur pays, poussés sur les routes, broyés contre les frontières, dispersés dans les brumes de contrées où ils ne sont pas les bienvenus, les yeux emplis de peur et le cœur en miettes.

     

    Sur le chemin glissant et étroit, ombre après ombre, s’avancent les pas des exilés.

     

    (…)

     

    Etire ton cou, cygne enchaîné, pour voir ceux qui s’éloignent. Le chemin qu’ils suivent ne les conduits vers aucune porte.

     

     (…)

     

    Que te dire, cloche ancienne, en ce soir de printemps, car ce ne sont pas des ombres qui passent mais des plaies ouvertes qui cheminent ; ce sont des rêves brisés que les vents obscurs soufflent.

     

     

    Et Porfirio Mamani-Macedo aussi, continue à marcher et à maintenir vive la mémoire, à ressasser, car il le faut, le souvenir.

     

    Qu’elle est loin la mer que je ne vois pas ! Qu’elle est loin la vieille montagne où je suis allé m’asseoir après un après-midi interminable ! Qu’elles sont loin ces aubes sans mère, sans fruit, sans café !

     

    (…)

     

    Quelque part je resterai, vieille montagne. Toi qui m’as vu franchir la frontière comme le vent entre la pluie, préserve mon silence dans un bois.

     

    Car le souvenir, aussi douloureux soit-il, ne doit pas s’effacer, car à l’auteur comme à tous les exilés, la mémoire est tout ce qui leur reste, le souvenir, leur seul et unique bagage.

     

    Tu avances, absorbé, silencieux, tu te consumes jour après jour. Tous les tiens ne vont pas avec toi. Peut-être un jour les rencontreras-tu, peut-être un jour te rencontreront-ils, peut-être ne vous rencontrerez-vous jamais.

     

    Et Porfirio Mamani-Macedo marche et mâche le chagrin et l’indéfectible solitude.

     

    Les pas gris que je fais et qui m’attendent, rue après rue, sont des épines qui emmêlent mon âme.

     

    (…)

     

    Car malgré l‘appel des Eaux Promises,

     

    Il n’y a pas de rivages sur cette mer que je traverse. Toute parole prend l’eau et tout écho s’éloigne avec les vents. Il pleut des souvenirs oubliés, des chemins que l’on ne parcourra plus, des paysages dont mes yeux noirs ne pourront plus jouir.

     

    Nulle issue à l’errant sinon de marcher encore et encore et la boucle incessamment est bouclée autour du cou de l’espoir.

     

    Un spectre m’arrête derrière chaque porte. Là, j’attends encore que tu sortes ou que tu arrives, voix humaine, pour consoler mon âme.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    porfirio mamani macedo.jpgPorfirio MAMANI MACEDO est né à Arequipa (Pérou) en 1963. Docteur es lettres à la Sorbonne Nouvelle. Il a obtenu son diplôme d’avocat à l’Université Catholique Santa María, et a fait ses études de Lettres à l’Université Nationale de San Agustin (Arequipa).

     

     

     

     

     

     

    Ses blogs :http://porfiriomamanimacedo.blogspot.com/ et http://letrasdeporfirio.blogspot.com/

     


    Bibliographie :


    La Luz del camino. (poésie) Lima, Hipocampo Editores, 2010.
    Tres poéticas entre la guerra civil española y el exilio (essai): Miguel Hernández, Rafael Alberti, Max Aub. Lima, Fondo Editorial de la Universidad Mayor de San Marcos, 2009
    Lluvia después de mi caída y un Requien para Darfur, (poésie) Lima, Hipocampo Editores, 2008.
    La sociedad peruana en la obra de José María Arguedas (essai), Lima, Fondo Editorial de la Universidad Mayor de San Marcos, 2007
    Représentation de la société péruvienne au XXème siècle dans l'œuvre de Julio Ramón Ribeyro. (essai)Paris, Editions L'Harmattan, 2007
    Avant de dormir,(nouvelles) L’Harmattan 2006.
    Poème à une étrangère. (poésie) Editinter, 2005.
    Un été en voix haute, (poésie) Trident neuf, 2004.
    Voix au delà des frontières, (poésie) L'Harmattan 2003.
    Flora Tristan : La paria et la femme étrangère dans son œuvre, (essai) Editions L'Harmattan, 2003.
    Voix sur les rives d'un fleuve, (poésie) Editions Editinter, Paris, 2002.
    Le Jardin et l'oubli, (roman) Editions L'Harmattan, Paris 2001.
    Au-delà du jour, (poèmes en prose) Editions Editinter, Paris 2000.
    Début de la promenade, (poésie) Editions Encres Vives, France.
    Les Vigies (nouvelles) Editions L’Harmattan, Paris 1997.
    Dimanche, (récit) Editions Barde la Lézarde, Paris 1995.
    Ecos de la Memoria, (poésie) Editions Haravi, Lima, Pérou 1988.

     

     

     

  • Ces missiles d'allégresse d'Anna Jouy

    Note publiée sur La Cause Littéraire

    http://www.lacauselitteraire.fr/ces-missiles-d-allegresse-d-anna-jouy.html


    Vient de paraître aux Editions de l’Atlantique


    Ces missiles d'allégresse.JPG

     

     

    Avec une reproduction de mon collage Rouge de Zèbre

    ces missiles d'allégresse collage.JPG

    Edition à tirage limité et numéroté – 45 pages - 15 €

     

     ***

     

    Et la femme fut… Et la femme fuit, de toute part, comme une passoire, et s’enfuit en flaques,

     

    comme un étang pris entre deux écluses

    comme une flaque

     

    en rivières,

     

    batik de soupirs teinture de lapements assurant les rivières

    incrusté du venin d’ecchymoses

     

    aspire tantôt au puits,

     

    je cherche le noir profond des cuves le noir du puits et le blanc de la mémoire

     

    tantôt à l’océan,

     

    Tête basse collée contre mon souffle j’ouvre les passages secrets pour que l’ailleurs m’inonde. Ses mots radeaux ses bouées légères. J’y bois j’y pense : l’océan l’océan…

     

    Et la femme fut… Funambule, elle marche sur le fil de la lame, inspirée, emportée dans son propre vertige, ciel et chute, elle enfle, elle gémit, elle crisse, elle grince.

     

    Plutôt que d’évoquer l’écriture d’Anna Jouy, il faudrait parler de sa langue. Cette langue amoureuse qui chante, envoûtante, qui claque, qui appelle, cherche la peau, cherche à toucher, cherche la langue de l’Autre,

     

    je te bois te suce papille contre papille ma langue dans ton vin

     

    l’Autre, le mâle et sa male mort, pour enrober de salive et dissoudre ce bonbon amer, la lancinante solitude,

     

    je te bois solitaire muette les yeux cousus d’épigrammes

     

    La solitude comme un jardin de couvent, de fleurs et d’épines.

     

    Dans le déambulatoire je passe je passe à l’endroit à l envers

    Toutes laines à la lune

     

    Et la femme fume, comme l’eau jetée sur le feu… Vapeur, désir.

     

    Infusion de sueurs sur les toiles du lit

    Toujours ce fleuve qui embrasse sa source

     

    (…)

     

    Et la femme toute entière dans son désir de fusion, fustige la mort qui emporte le vif amant.

     

    Qu’est-il arrivé au feu pour qu’il brûle ta peau et te foute en jachères de vivre

     

    (…)

     

    Je t’ai perdu comme une trace dans une eau de fortune

    Perdu comme un doigt dessinant l’océan

    Et le noir qui se noie sans cesse dans le noir

     

    Et la douceur tangue avec la douleur, et la langue se tord, en chant de souffrance appelant la sentence

     

    Je veux entortiller ma langue la nouer d’épicentre la tirer au fusil comme un oiseau nié de migration

     

    Et la femme fut… Futile, elle aimerait, mais la nacre des ongles

     

    Je les aiguise lames d’émeri contre corne de poudre pour l’affûtage du futile. De quoi est-ce que je pitonne mon parcours de vie ? Ongleries et nacres.

     

    et l’ombre de la dentelle, ne peuvent taire le trou, le manque, et la terre devient baume

     

    Terre. Je m’allonge me glisse au sol et tente des épousailles d’herbe. (…) Mise à terre qui me rend si aérienne et qui arrose mon ventre d’un azur chaud déleste mes membres de leurs comités d’entreprise subtilise mes « marche ou crève ».

     

    La terre accueille et l’eau coule, en bain,

     

    cette tiédeur d’huiles et des transparences de moire

     

    en larmes,

     

    la journée tient sur le crin d’un archet. Et je bascule entre joue et salières…

     

    en rivière,

     

    entre baies et comètes, l’obscur des rivières

     

    coule entre les seins,

     

    la soif dégouline entre mes seins la gorge rigole. Une rivière sue.

     

    se fait feu entre les cuisses

     

    l’intérieur de moi immense large comme ces bras ouverts profond comme l’antre d’un volcan empli de ces sueurs de ces odeurs magiciennes

     

    et l’eau et la terre, forment la boue de la langue pour lancer ces missiles d’allégresse, ce cri engouffré, noyé de silence. L’eau…

     

    Elle finira bien par m’ensabler quelque part sur une anse de bras

     

    Dans ce recueil intense, se concentre toute la splendeur d’une femme débordante de suc, qui marche vers son zénith.

     

    J’ai l’espace d’aimer comme un arbre en hiver. Ma peau devient si douce qu’elle ouvre tous les sens. (…) Je vais vers l’âge à tâtons de bonheur. On pourrait même m’en aimer.

     

     

    Cathy Garcia

     

    ***

     

     

    Anna Jouy vit en Suisse romande où elle travaille dans un centre de formation pour jeunes femmes en grandes difficultés. Agée de 55 ans, elle a commencé par écrire et mettre en scène des pièces de théâtre, se spécialisant ensuite dans l’élaboration de spectacles musicaux et poétiques ainsi que dans l’écriture de chants pour divers compositeurs d’art choral. Elle s’est fait connaître dans sa région également en publiant plusieurs romans policiers dont les actions étaient intimement liées à sa ville, Fribourg, ainsi qu’un recueil de nouvelles. Ces missiles d’allégresse est le quatrième de ses recueils de poèmes, tous édités en France dont chez le même éditeur Au crible de la folie, paru en mai 2009. Le blog d’Anna Jouy : http://annajouy.over-blog.fr/

     

  • Il fut un temps ... l'ailleurs, Damien Corbet

    Cardère Ed. 2011, 80 p. 15 €. ISBN 978-2-914053-56-3 . 

     

    Il fut un temps ... l'ailleurs, Damien Corbet

    Alors il y a quelque chose qui m’a intriguée dès les premières pages du livre, c’est l’âge de l’auteur. Né en 1991, est-il indiqué en quatrième de couverture, soit à peine 20 ans et cette écriture pourtant dénonce un vécu de plusieurs vies déjà, quelque chose qui tiendrait du juif errant imbibé de beatnik ! Etrange recueil oui, qui nous entraîne en divers lieux dans un défilé chronologique, d’abord comme à travers le prisme d’anciens clichés que l’auteur aurait retrouvés dans une vieille malle voyageuse ou quelques tableaux dénichés chez un antiquaire…

    Cela commence à « Rio de Gens’héros », le 1er janvier 1750 :

    Sur les tambours pulpeux du visage des hommes, les femmes lançaient l’envie d’un mouvement de bassin. Il y avait des jeunes à qui l’on conte l’amour comme le plus beau des sacres, qui couraient dans les rues, le cœur au bout d’une canne à pêche.

    Puis Saint-Pétersbourg en 1763 :

    Il est 16 heures et le ciel tombe déjà. On oubliait les places les jours de pendaison, on oubliait les virtuoses funambules, un cheveu sur la langue, et l’on laissait la scène aux astres, se pendant aux cordes d’un tableau sinistre ; le soir est un spectacle.

     

    Et Belle-Ile où le 27 mai 1823, « Sur le quai, lorsque le vent soufflait et chantait, coincé aux creux des pierres, il y avait une femme qui courait après son châle et son châle après le vent ».

     

    Au gré de la lecture, nous remontons donc le temps, de port en fête, de guerre en défaite, et attrapons le tournis du vent et de la valse, d’images en images nous tournoyons, un peu hagards, traversés de foudres poétiques d’une maturité évidente.


     

    Les murs crachent le jour comme un appel à l’aide puis s’étouffent au clair de lune. Les hommes s’étendent, certains pendus, valsant aux mélodies du vent, et d’autres s’arment de cordes pour faire tomber le ciel.

     

     

    Après Singapour 1892, Minnesota 1905, le Paris occupé de 1944 et d’autres lieux encore, nous retrouvons presque avec soulagement le quai du présent où nous pourrons, pensons-nous, rencontrer enfin cet auteur prodige qui déjà nous disait, le 14 décembre 1999, « Bienvenue dans ma chambre».

     

    Mais non ! Ne voilà t-il pas que le temps nous dépasse, et sans reprendre souffle, 2010, 2045, 2096 et puis à nouveau Singapour, 1992, Ephèse 1956, Marrakech 1820, avec la sensation de courir après l’auteur qui lui-même erre, navigue, valse contre le sein des femmes, « femmes des rues, femmes du monde » qui ne sont peut-être qu’une seule et même…


    Se retrouver face à une femme, c’est être retenu en éveil par une énigme.


    Et qui pourrait s’appeler Juliette, le 18 octobre 2275 :


     

    C’était

    Avant-hier

    Peut-être même demain

    Peut-être

    Trop tard

    D’avoir compris

    Quand il était bien trop tôt

    Pour te laisser partir


     

    Le 17 mars 2368, l’auteur avoue « Je crois que je suis perdu »… Nous aussi et nous y avons pris goût.


     

    Alors on cherche,

     

    On se noie

    Au fond d’un verre

    D’une branche d’un

    Métier

    Poche’tronc

    Au point d’prendre racine

    ...

     

    (…) Alors on s’imagine, seul une sèche à la main, les femmes en mosaïques, les cœurs en italiques, un penchant pour l’alcool et les baisers satins.

     

    (…) Alors on cherche… un chemin pour se perdre encore plus, et prendre l’espérance des bateaux papiers…


     

    Et on cherche encore en septembre 2453, et qu’importent les dates, et qu’importe le temps, hier, demain, aujourd’hui, fuite et poursuite, quête et renoncement.


     

    J’ai regardé les hommes se laisser mourir d’amour lorsqu’ils tournaient page après page le visage de leur femme, lorsque pétale après pétale, ils espéraient blanchir leurs erreurs dans les plis d’une paupière.

    On voyait des hommes dans les rues la tête sautant au ciel comme des bouchons de champagne les soirs de fête, et même après la mort, demander les étoiles.


     

    Que Venise soit « un cimetière où les rêves se meurent de peur d’être communs » en octobre 2537 ne nous surprend plus, car en « Août 2686, quelque part, enfin je crois, lorsque les têtes tombent sur un lit telle une ville qu’on brode de périphériques, alors on part, le regard loin derrière, lorsqu’au passé les âges s’estompent sur un parterre de briques… »


     

    Et l’auteur nous laisse écartelés entre les siècles, avec quelques remugles d’odeurs, de celles qui collent aux voyageurs, et difficile là de ne pas avoir une pensée pour Rimbaud, une autre pour Kerouac. L’auteur donc, nous lâche comme ça, « là où le temps n’a pas d’emprise… quelque part… » sur cette phrase superbe et assassine :


    « La sagesse n’est qu’une perfection de l’égocentrisme ».


     

    Cathy Garcia

     

     

    A propos de l'écrivain

    Damien Corbet

    Depuis qu’il est né en 1991, Damien Corbet écrit. Dans sa chambre, au café, au lycée, en mangeant, en lisant, en dormant, en marchant, seul ou accompagné, à la plume ou au clavier, Damien écrit, sola gratia. Une obsession, une respiration exclusive qu’il partage avec quelques jeunes amis. Il suit obstinément une règle digne du plus ultra des luthériens, sola scriptura : écrire dix textes par jour. Son écoute musicale, permanente et éclectique, sola musica (de Bach au hard-rock, en passant par la pop, le jazz, etc.), s’entend dans son écriture, juste, naturellement précise et étonnamment mûre. Pour se faire connaître, il « poste » régulièrement une toute petite partie de sa production sur divers forums de l’Internet et sur son propre site (http://archange-poetique.kazeo.com).

     

    A lire aussi sur la Cause Littéraire :

    http://www.lacauselitteraire.fr/il-fut-un-temps-l-ailleurs-damien-corbet.html


  • Damier du destin, Gilles Lades

    Encres Vives n°386, septembre 2010

    Note publiée sur : http://www.lacauselitteraire.fr/damier-du-destin-gilles-lades.html

     

     

    Damier du destin, Gilles Lades

    Dans Damier du Destin, les pions deviennent des oiseaux et les joueurs abandonnent le jeu des miroirs, ne reste qu’une ample respiration, un fil qui se déroule, à la fois fragile et solide car il noue une éternité à une autre

    la vallée vouée à ton silence
    à ton frisson qui s’arrête à mi-mort
    à l’étrange paix de la clôture sans limite
    du ciel qui tombe en semaisons de lettres
    livres ouverts pulvérisés
    fragments de phrases tous égaux indifférents
    que le vent même a quittés

    Quel beau poème ciselé come une pierre,  le sculpteur s’appelle Temps et même lui finit par disparaître pour ne laisser que la pierre, qui devient douce, douce et lisse au toucher de l’eau, douce et légère au toucher de l’air

    On serait prêt
    parfois
    à jeter sa vie avec les vieux papiers
    les années gravées
    dans les encres fantômes


    Quel beau chant de vie pour saluer l’ombre de la mort qui simplifie et allège, décille le regard sur l’essentiel


    on deviendrait cette eau de crête

    docile à la première pente

    on serait ce sculpteur

    dont le bras va choisir
    s’il tranche ou non le poignet du héros


    La mort, toujours présente, l’autre face des choses que même l’enfant pressent…


    voici que les murs tirent

    leurs doigts noirs sur l’été

    (…)


    il écoute le sang

    claquer comme la peur
    entre les piliers de pierre


    L’ombre sans laquelle nous ne pourrions goûter la lumière, mais contre laquelle nous jouons sur le damier du destin


    victoire sur l’ombre loup

    qui rampe sous les armoires
    en fixant les cendres


    Quel beau poème traversé de douleur aussi, de perte, que les mots distillent avec pudeur


    le ruisseau longe à l’infini l’histoire des absents


    l’arrivant

    devine au craquement de l’air
    que l’on est mort ici d’attendre le visage
    qui donnerait un sens à toutes ces fenêtres


    Mais toujours l’envol, l’immensité où se perdre pour se ressourcer


    le souffle efface

    véhicules avions paroles
    repousse les oiseaux
    vers l’aveuglement bleu
    vaste comme l’exil


    Oui il s’agit bien là d’une « Odyssée d’être », d’un


    texte dévoré de suspens

    qui nous emporte et nous garde
    sur une barque mince


    et d’une traversée qui doit se faire, de soi vers soi, de l’ombre à la lumière


    la faille est à franchir

    absolument
    l’abîme bleu et  froid


    et d’un chant que les poumons offrent à une nature qui n’a pas besoin de nous.


    Le poète maîtrise ici parfaitement cet art du silence et de la contemplation, dans un monde où nous ne faisons que passer, laissant nos quelques « traces piétinées » d’infatigables bâtisseurs


    silence d’anciennes familles

    histoire
    ouverte au forceps
    bâtie au cordeau
    la pierre, l’arcade, l’écusson


    Mais toujours sur ce damier du destin, les pions deviennent oiseaux, et les joueurs abandonnent le jeu des miroirs


    L’oiseau

    le sang de l’oiseau
    l’aile
    a l’aigu de sa force
    face au vent

    l’oiseau cabré

    figure
    du destin en attente

     

    Cathy Garcia

     

  • J’ai les ailes de l’aigle blanc de Christian Saint-Paul

    Encres Vives éd. n°384, Juillet 2010

    J'ai les ailes de l'aigle blanc



    Ce long poème, qui commence ainsi :

    « En moi j’ai découvert
    ce miroir noir
    qui dissout l’inutile »


    se lit d’un seul coup, sans presque reprendre souffle, tellement il nous tient suspendus à la beauté et à la fluidité des mots, à ce langage qui est lui-même souffle. Le chevalier dont il est question n’ignore pas dans sa quête que la vie et la mort puisent à la même source, et l’homme qui écrit, fait de ses mots des ailes, qui le portent, le transportent, tel l’aigle blanc et noir. Et alors même que l’esprit connaît le moyen de s’élever, l’homme reste lucide cependant à sa condition de tâtonneur terrestre.


    Il sait les masques, et le nécessaire dépouillement.


    « Simplement sans trop chanceler
    s’arrachant aux rêves suicidaires
    des mauvaises journées de la ville
    détruire sa propre identité
    étreindre son ennemi
    soulever les sarcophages
    et vider la mort de ses masques


    livrant les os au bec
    De l’aigle blanc et noir »


    Il sait la vanité, la fragilité.


    « La destinée petit à petit s’installe
    cœur de fer
    brisant la nuque de la sagesse
    à cet endroit vide
    non couvert par l’armure des certitudes »


    Il sait la lumineuse exaltation du don et les chutes inévitables, il sait la nécessité de la confrontation avec l’ombre.


    « Il retourne à l’oppressante
    Conjuration des ombres et du fleuve »

    Il sait le doute et l’esquive, et surtout, surtout, il sait que rien n’arrête la roue du temps.


    « Et l’aigle ne compte plus son âge
    son vol crisse
    dans la misère osseuse »


    Nul besoin d’analyser ce que Christian Saint-Paul nous révèle ici, sinon qu’il s’agit tout simplement de la vie, nul besoin de creuser les symboles, simplement entrer dans le fleuve du recueil et en ressortir à la fin lavé, illuminé de l’intérieur et en imaginant l’auteur comme en paix avec lui-même.

     

    Cathy Garcia

     


    Christian Saint-Paul, est un poète véritablement passionné de poésie, de la poésie qui met l’humain et la relation à l’autre au premier plan. Il anime depuis plus de 25 ans l’émission, « Les Poètes » (le jeudi de 20h30 à 21h) sur Radio Occitanie (98.3 Mhz) avec son compère Claude Bretin et de nombreuses émissions ont été consacrées à la poésie du monde. On peut les réécouter ici :
    http://www.lespoetes.fr/emmission/emmission.html

    Il avait créé sa revue, « Florilège », avec un autre poète, Michel Eckhard, dans le courant des années soixante. Brel avait accepté de les parrainer. Nous sommes encore avant 68, Christian Saint-Paul entre alors à Sciences Po, mais s’engage aussi activement dans la lutte antifranquiste. Il créera une autre revue, « Poésie toute » et plus tard encore en 1983, « Le Carnet des Libellules » où il publiera de nombreux auteurs.

    Christian Saint-Paul a aussi publié :
    Les peupliers (Jeune Force Poétique Française éd., 1966)
    Les murènes monotones (Jeune Force Poétique Française éd., 1967)
    L’homme de parole (Caractères éd., 1983), préface de Michel Eckhard
    Prélude à la dernière misogynie (De Midi éd., 1984), avant-propos de Jean Rousselot, couverture illustrée par Gil Chevalier et illustrations intérieures de Jean-Pierre Lamon et de Lucie Muller.
    Les murènes noyées (Carnets des Libellules éd., 1985)
    Les murènes monotones (De Midi/Poésie Toute éd., 1987)
    Transgression (Carnets des Libellules éd., 1987), préface de Claude Vigée
    A contre-nuit (La Nouvelle Proue éd., 1988), préface de Jean-Pierre Crespel
    Tendre marcotte (Carnets des Libellules éd., 1988), avant-propos de Michel Eckhart
    Les ciels de pavots (Encres Vives éd., 1991)
    Pour ainsi dire (Encres Vives éd., 1992), préface de Jean Rousselot
    Akelarre, La lande du bouc (Encres Vives éd., collection Lieu N°108, 2000)
    L’essaimeuse (Encres Vives éd., 2001)
    Ton visage apparaît sous la pluie (Encres Vives éd., collection Encres Blanches N°61, 2001), couverture illustrée par Patrick Guallino, postface de Alem Surrre-Garcia
    L’unique saison (Poésies Toutes éd., 2002), préface de Gaston Puel, postface de Monique-Lise Cohen
    Des bris de jours (Encres Vives éd., 2003), couverture illustrée par Christian Verdun, postface de Michel Cosem
    L’enrôleuse (Encres Vives éd., 2006), postface de Georges Cathalo
    Tolosa melhorament (Encres Vives éd., collection Lieu N°184, 2006), édition bilingue occitan/français, postface de l’auteur.
    Entre ta voix et ma voix, la malachite noire de la voix d’une morte (Multiples, 2009)
    Les plus heureuses des pierres (Encres Vives éd. N°361, 2009)
    Vous occuperez l’été (Cardère éditions)
    Hodié mihi, cras tibi (Encres Vives éd., Collection Lieu n°217, 2010)

     

  • Tu t'en vas de Magali Thuillier et Nos parcelles de terrain très très vague de Marlène Tissot

    Tu t’en vas,  de Magali Thuillier, publié en 2004 aux Ed. du Dé Bleu. 


    Tu t’en vas. Un titre qui déjà marque le ton, non pas une injonction, mais un constat. Le constat clinique d’une réalité contre laquelle l’auteur ne peut rien. Tu, c’est la grand-mère de la narratrice et ce livre qui s’adresse à elle, raconte à travers ce dialogue à sens unique, un double départ. Le premier, c’est le faux-départ, mais aussi le plus douloureux, le plus insupportable, je dirais même littéralement le plus dégueulasse. La grand-mère tant aimée ne s’habite plus, elle n’est plus là « Une étrangère s’est glissé dans ton corps. Elle prend ta voix. Elle vit chez toi. Elle me vouvoie. Je ne lui réponds pas. J’attends que tu reviennes. Reviens ». C’est la maladie, l’Alzheimer, jamais citée, mais décrite, à petites touches implacables, presque à contre cœur, comme on évacue un peu de pus d’une plaie pour ne pas que l’infection se propage, envahisse tout, jusqu’à la moindre parcelle d’amour.
    C’est la maladie qui peu à peu voile et vole la grand-mère adorée. « Pas voir les signes de la maladie. Pas les voir. Pas voir. Au revoir. Pas tout de suite. Pas ma grand-mère. Pas toi. Pas moi. Pas ».

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    Nos parcelles de terrain très très vague de Marlène Tissot aux Ed. Asphodèle - 7 € Asphodèle-éditions. 

    Marlène Tissot ! J’ai eu la grande joie de publier plusieurs fois dans la revue Nouveaux Délits, la première fois dans le numéro 6 (juillet 2004), et qui sera également dans le numéro 39 (avril 2011). Son écriture, faussement légère, mais véritablement sincère, raconte la vie, la vraie, celle de tous les jours, avec des mots qui tapent au cœur de la cible, c’est-à-dire ton cœur à toi, lectrice-lecteur. Marlène, vous ne la trouverez pas dans les salons, mais plutôt dans la cuisine. Marlène c’est la perle qui tombe d’un paquet de chips, c’est le talent à la fois le plus naturel et le plus discret qui soit. Marlène, c’est à petites touches, une peinture du quotidien, sans fard, sans fioriture, mais avec une maîtrise parfaite de la lumière et une grande lucidité. Derrière ce qui pourrait sembler fragilité, tristesse, il y a une grande force, celle de prendre de front ce qui est, avec un sens aigu de l’observation, et d’en extraire tout le jus pour en tirer un peu de ce sublime nectar de poésie. De quoi nourrir les jours… « Les jours qui s’échouent, avec parfois leur gueule de déchet, sur l’étendue incertaine de nos terrains très très vagues ». Elle a donc publié en 2010, « Nos parcelles de terrain très très vague » aux Ed. Asphodèle dans la très attachante collection Minuscule. A lire et à relire.

     

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