En face de Pierre Demarty
Flammarion, août 2014

192 pages, 17 €.
Ils imaginèrent que tout homme est deux hommes et que le véritable est l’autre.
JORGE LUIS BORGES
Bizarre ce roman, kafkaïen certes, à la fois un portrait pathétique de la vie banale et incolore, « une vie en somme. Plus commune qu’une fosse. Qui songerait à y jeter sa pierre ? » d’un couple citadin plutôt aisé et un dérapage surréaliste. Une alternance de passages vifs à l’humour caustique et percutant et de longueurs un peu mornes, alors que l’auteur - où devrais-je dire le narrateur ? -, qui en est sans aucun doute l’alter ego, est pourtant du genre bavard. Parfois trop, ce qui alourdit le récit. Aussi bavard donc que le personnage principal de cette histoire bizarre va devenir mutique. Le narrateur lui n’a rien à voir avec l’histoire finalement, si ce n’est d’être celui que son antihéros, Jean Nochez, va rencontrer - et rencontrer déjà est un bien grand mot -, disons côtoyer au Bar des Indociles Heureux, un de ces petits bars qui ne brillent pas par leur cachet, mais ont l’allure cependant de phare dans la nuit où viennent s’échouer des types en rade ou à la dérive, ce qui revient au même.
« Ah ça ! le bel asile que nous formions en vérité, le beau banquet de gueules brisées – et avec le sourire encore s’il vous plait ! Le rictus esquinté des candidats au cadavre. Oui, des échoués que nous autres. Des loques. Des vestiges.»
Mais pas Nochez. Ni en rade, ni à la dérive, enfin pas vraiment. Plutôt assommé par l’ennui, vidé de sens. Nochez, vendeur de timbres de collection de son métier – doit-on pour autant le qualifier de timbré ? - père de deux enfants et mari de Solange, qui travaille dans une banque. Lui il a tout simplement et très soudainement quitté le navire, son propre navire, c'est-à-dire lui-même et curieusement, c’est arrivé après avoir acheté une vilaine maquette de goélette à un brocanteur lors d’un week-end en famille sur la côté bretonne. Cela peut rappeler quelques personnages de Paul Auster, qui sombrent soudainement dans une obsession et la poussent jusqu’au bout, jusqu’au plus absurde anéantissement d’eux-mêmes. Pour Nochez, ce sera de louer sans souffler mot à personne, un appartement en face de chez lui. « Jean Nochez, en somme, était incapable de la chose qu’il venait pourtant d’accomplir. Chose qui dès lors, s’effaça tout naturellement de son esprit, à l’instar de ces rêves un peu trop étranges qui, contrits de nous avoir perturbés, ont la délicatesse aux premiers trilles de l’aube de quitter subrepticement le drap où l’instant d’avant encore ils se plaisaient à fouiller de leur dard tendre les zones de notre âme les plus intimes et de nous-mêmes les plus méconnues. ». Un appartement quasi identique au sien, pile en face, qu’il oubliera d’abord puis commencera à investir secrètement en le tapissant de timbres et puis en l’encombrant de tout un bric à brac hétéroclite et inutile, que la goélette semble attirer dans son sillage figé et dans lequel il finira par s’engloutir lui aussi. « Immobile. Planté. Seul comme un clou. ». Une goélette que Nochez nommera le Drakkar. Pour rien, comme ça, comme tout ce qu’il fera pas la suite et surtout tout ce qu’il ne fera plus, comme rentrer chez lui, aller travailler, manger... Il aura bien un dernier élan vital quand il apercevra un homme dans la chambre de Solange, dans leur chambre. Un homme sur Solange et dans toutes sortes de positions gesticulantes derrière les rideaux refermés. Un homme qu’il voudra tuer. Mais ne l’a t’il pas déjà tué ? Le narrateur-auteur brouille les pistes, laisse un suspens, un mystère… « Là, eh bien je crois que je vais m’arrêter, si ça ne vous fait rien. Flingues et feux d’artifice, attentats, champagne, coups de tonnerre ou ballons d’anniversaire, j’ai toujours eu le tympan fragile et horreur des bruits d’explosion. » Il y aura cependant un épilogue qui donnera un éclairage philosophique à l’histoire toute entière, une morale à triple fond, une mise en abime, ou plutôt en miroir, comme les appartements, face à face.
Un premier roman pas mal réussi donc qui fait au passage un clin d’œil à cette sublime chanson de Bashung, La nuit je mens.
Cathy Garcia
Pierre Demarty est né à Paris en 1976. Ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'anglais, il quitte l’Europe aux anciens parapets pour s’installer à New York, où il a la riche idée de débarquer fin août 2001, quelques jours avant l’effondrement des tours du World Trade Center… À l’université Columbia, il prépare une thèse de littérature américaine et enseigne le français pendant deux ans. De retour en France, après un faux départ dans le monde universitaire, dont il se sépare assez vite par consentement mutuel, il devient éditeur de littérature étrangère et entame une carrière parallèle de traducteur (de Joan Didion, Paul Harding ou encore William Vollmann). Il vit aujourd’hui à Paris avec sa femme et ses trois enfants.
Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/





Perrine Le Querrec
Né en République démocratique du Congo en 1981, Fiston Mwanza Mujila vit à Graz, en Autriche. Il est titulaire d’une licence en Lettres et Sciences humaines à l’Université de Lubumbashi. Il a écrit des recueils de poèmes, des nouvelles et des pièces de théâtre. Il a reçu de nombreux prix dont la médaille d’or de littérature aux Jeux de la Francophonie à Beyrouth. Il est actuellement en résidence d’écriture au TARMAC, la scène internationale francophone (Paris 20ème) pendant toute la saison 2014-2015 dans le cadre du programme régional de résidences en Île-de-France 
Jean-Baptiste Pedini, né à Rodez en 1984. Vit et travaille en région toulousaine. Publication dans de nombreuses revues dont Décharge, Voix d’Encre, Arpa,… Des parutions également chez Encre Vives, Clapàs et -36° édition. Un second recueil publié en 2012, prendre part à la nuit, dans la collection Polder coédité par Gros Textes et Décharge.


Murièle Modély est née en 1971 à Saint-Denis, à l’île de la Réunion et vit maintenant à Toulouse. Bibliothécaire de profession, elle commence à explorer l’écriture poétique sur son blog (www.l-oeil-bande.blogspot.fr.) avant de participer à des revues telles que Nouveaux Délits, Les tas de mots, Poème sale, Microbe, ou encore Traction Brabant.
Benjamin Wood, né en 1981, a grandi dans le nord-ouest de l’Angleterre. Amplement salué par la critique et finaliste de nombreux prix, le Complexe d’Eden Bellwether est son premier roman. 
Eun Hee-kyung est née en 1959 dans la région de Gochang, Jeollabuk-do. Elle fait ses débuts littéraires en 1995 avec le court roman Duet et reçoit le premier Prix Munhakdongne du Roman la même année pour Le Cadeau De l’Oiseau, qui séduit tant les critiques que les lecteurs. Elle fait aujourd’hui partie des auteures les plus célèbres de Corée. Elle a reçu de nombreux prix, dont le Prix de Littérature Dongseo en 1997, le Prix de Littérature Yi Sang en 1998 et le Prix Coréen de Littérature en 2000. Ses œuvres les plus représentatives incluent les recueils de nouvelles To Talk With Strangers (1996), Happy Ones Do Not Look At The Clock (1999), Inheritance (2002) et Beauty Despises Me (2007), ainsi que les romans Le Cadeau De L’Oiseau (1995), Save The Last Dance For Me (1998), Minor League (2001) et Secrets And Lie (2005).
Élisa Amaru
Odile Alleguede
Philip Le Roy est un auteur français de polars, né en 1962 à Toulouse. Autodidacte doublé d'un globe trotteur. Touche-à-tout, il est à la fois adepte des arts martiaux (viet vo dao), bassiste rock à ses heures, ancien publicitaire et auteur de romans (très) noirs depuis 1997.Après Pour adultes seulement, lauréat du Prix du polar de Toulouse et Couverture dangereuse, deux premiers romans noirs, il est révélé en 2005 par le Grand Prix de littérature policière pour Le Dernier Testament, où apparaît pour la première fois Nathan Love. En 2007 paraît La Dernière Arme, deuxième enquête du profiler zen. Ses livres sont publiés dans la collection Points Thriller et sont traduits en Italie, Espagne, Russie, Allemagne, Corée…
Diplomate, essayiste, traducteur, Pavan K. Varma est aujourd’hui ambassadeur de l’Inde au Bhoutan. Actes Sud a déjà publié Le Défi indien (2005, Babel n° 798), La Classe moyenne en Inde (2009) et Devenir Indien (2011). Les Falaises de Wangsisina est sa première incursion dans la fiction.


Né en 1945, Selden Edwards est professeur. Il vit en Californie, à Santa Barbara. L’Incroyable Histoire de Wheeler Burden est son premier roman. Il y a travaillé pendant près de trente ans.