Jean Giono

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ces enfants, bondissant, partaient, contents de plaire
Au devoir, à l’honneur, à l’immense atmosphère,
Aux grands signaux humains brûlant sur les sommets.
Ils dorment, à présent, saccagés dans la terre
Qui fera jaillir d’eux ses rêveurs mois de mai…
— Songeons, le front baissé, au glacial mystère
Que la Patrie en pleurs, mais stoïque, permet.
Ils avaient vingt ans, l’âge où l’on ne meurt jamais…
in La jeunesse des morts

Le monde est plein de bruits et de fureur
Il fait froid
Trop paresseux pour me lever
Les pensées en désordre
J’ouvre mon vieux livre de poèmes
Je pense à l’endroit où personne ne vient
Je pense aux arbres, aux nuages et aux rochers
Je pense à l’odeur des herbes
Je pense aux corbeaux de la montagne
Je pense au jardin de Lo Yang
Je pense aux deux grues qui savent danser
Chaque matin, se lever et nourrir les chèvres, travailler aux champs et au jardin. Participer. Insérer les grains entre les lèvres tièdes de la terre. Refermer avec la paume. Sentir les lèvres de la terre jouir un instant de la semence.
in Marguerite Porète
Au fond du jardin, derrière les hautes herbes qui
raccommodent l’illusoire, la cabane de planches
repeinte de lumière grince dans son ombre apeurée.
Son toit de tôle presque aveugle sous les flatteries
du lierre où carillonnent les scènes d’oiseaux résiste
encore. Les abeilles affairées y tressent une parole de miel.
La porte ne ferme plus sur les féroces odeurs de chiotte qui
roucoulaient là jadis. Les intempéries de la rouille l’ont poussé
dans un sommeil d’orties.
La lumière paresse là parmi ces outils encore tout crottés de
leurs souvenirs de terre.
C’est toujours les mêmes histoires, les mêmes saletés, la méchanceté n’a aucune imagination sous son air hâbleur et conquérant, elle radote piteusement, recyclant sans fin ses vieilles trouvailles, et le pire, c’est que ça marche, il se trouve constamment des novices pour se laisser séduire, et prendre goût au jeu.
in À la table des hommes
Comment nommer cette part sauvage de nous-mêmes qui va chercher aux confins de ce retrait qu’on appelle « être seul », le commencement de cette vie choisie et non subie ?
in Puissance de la douceur
Quel est, en effet j'en appelle à vos consciences, j'en appelle à vos sentiments à tous, quel est le grand péril de la situation actuelle ? L'ignorance. L'ignorance encore plus que la misère. L'ignorance qui nous déborde, qui nous assiège, qui nous investit de toutes parts. C'est à la faveur de l'ignorance que certaines doctrines fatales passent de l'esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes.
1848, à l'Assemblée nationale

Une grande dame est partie
"J'aimerais qu'on se rappelle de moi comme de quelqu'un ayant aidé les gens à faire preuve d'un peu d'humilité et à réaliser que nous ne sommes pas séparés du règne animal, mais que nous en faisons partie."
Jane Goodall, éthologue, anthropologue et militante (3 avril 1934 - 1er octobre 2025)
in entretien avec Ira Flatow, 2022
Si seulement les enfants ne mouraient pas !
Qu'ils soient élevés temporairement vers le ciel, le temps que la guerre se termine, puis qu'ils rentrent chez eux en sécurité ! Et lorsque leurs parents, perplexes, leur demanderaient : "Ou étiez-vous ?", ils répondraient joyeusement : “Nous jouions avec les étoiles.”
Dans tout le continent américain, du nord au sud, la culture dominante admet les Indiens comme objets d’étude mais pas comme sujets de l’histoire. Les Indiens peuvent avoir des folklores, mais pas une culture ; des superstitions, mais pas des religions ; ils parlent des dialectes, et non vraiment des langues ; leurs produits sont considérés comme de l’artisanat, non comme de l’art.

in éditorial pour Combat, 8 août 1945
« Ce système nous a proposé jusqu’à maintenant d’accumuler, de vivre à fond dans l’avoir. Et il a acheté notre complicité, alors que des êtres humains n’avaient même pas la possibilité de vivre décemment. Cette misère s’étend à tout être vivant. La terreur d’État, l’asservissement industriel, l’abêtissement capitaliste et la misère sociale nous frappent toutes et tous. Insidieusement et continuellement, ces forces néfastes divisent notre être intime. Une partie de nous se voit subrepticement contrainte à être le bourreau de notre autre moi, celui qui rêve, sait et veut que ce monde ne soit pas celui-là. Combien d’entre les citoyens tentent difficilement de défaire la nuit ou pendant leur maigre temps libre ce dont ils ont été complices chaque jour travaillé ? »
C’est ce qu’on peut lire dans un manifeste anarchiste dans les années 2008-2009 pendant la crise des subprimes.
in L'anarchie ou le chaos
Ère d’encre.
L’heure où le merle chante au milieu des conquêtes et des migrations.
L’heure où la réalité dépasse la fiction et celle-ci sort ses griffes.
Le soleil est en train de croquer la ligne ondulante d’horizon.
Les couleurs font tache sur tout ce qui voudrait être ou avoir une limite. Chair et pierre, corps, viande, esprit.
Il y a un enfer fêlé pour chaque amour empêché, chaque enfant qui n’arrive pas à dormir, et chaque monde qui n’en finit pas de finir.