Jocelyn Paris
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L'enfer des vivants n'est pas chose à venir; s'il y en a un, c'est celui qui est déjà là, l'enfer que nous habitons tous les jours, que nous formons d'être ensemble. Il y a deux façons de ne pas en souffrir. La première réussit aisément à la plupart : accepter l'enfer, en devenir une part au point de ne plus le voir. La seconde est risquée et elle demande une attention, un apprentissage, continuels : chercher et savoir reconnaître qui et quoi, au milieu de l'enfer, n'est pas l'enfer, et le faire durer, et lui faire de la place.
in Les Villes Invisibles
" Écrire. Écrire pour obéir au besoin que j'en ai.
Écrire pour apprendre à écrire. Apprendre à parler.
Écrire pour ne plus avoir peur.
Écrire pour ne pas vivre dans l'ignorance.
Écrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance.
Écrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.
Écrire pour déraciner la haine de soi. Apprendre à m'aimer.
Écrire pour surmonter mes inhibitions, me dégager de mes entraves.
Écrire pour déterrer ma voix.
Écrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m'unifier.
Écrire pour épurer mon oeil de ce qui conditionnait sa vision.
Écrire pour conquérir ce qui m'a été donné.
Écrire pour susciter cette mutation qui me fera naître une seconde fois.
Écrire pour devenir toujours plus conscient de ce que je suis, de ce que je vis.
Écrire pour tenter de voir plus loin que mon regard ne porte.
Écrire pour m'employer à devenir meilleur que je ne suis.
Écrire pour faire droit à l'instance morale qui m'habite.
Écrire pour retrouver - par delà la lucidité conquise - une naïveté, une spontanéité, une transparence.
Écrire pour affiner et aiguiser mes perceptions.
Écrire pour savourer ce qui m'est offert. Pour tirer le suc de ce que je vis.
Écrire pour agrandir mon espace intérieur. M'y mouvoir avec toujours plus de liberté.
Écrire pour produire la lumière dont j'ai besoin.
Écrire pour m'inventer, me créer, me faire exister.
Écrire pour soustraire des instants de vie à l'érosion du temps.
Écrire pour devenir plus fluide. Pour apprendre à mourir au terme de chaque instant. Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour.
Écrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter qu'elle ne demeure comme une terre en friche.
Écrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d'une société malade.
Écrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être la chance de le révéler à lui-même. De l'aider à se connaître et à cheminer.
Écrire pour mieux vivre. Mieux participer à la vie. Apprendre à mieux aimer.
Écrire pour que me soient donnés ces instants de félicité où le temps se fracture, et où, enfoui dans la source, j'accède à la l'intemporel, l'impérissable, le sans-limite."
Charles Juliet nous a quitté, ses mots restent, ci-dessous une illustration (réalisée pour les Ceuille-Mémoire en 2023), inspirée par "Lambeaux".
"À tout moment la vie abonde, ruisselle, irrigue ce quotidien auquel nous ne savons pas nous arrêter. C'est du plus ordinaire que filtre l'eau de la source. Mais il y a tant à débroussailler avant d'être à même de le comprendre, de l'admettre. "
in Dans la lumière des saisons
1880 carnage
Ona tous traqués immolés
Aucun exil possible sur une île
(…)
Je voyage en silence
Dans la témérité des traces
Une main posée sur la grotte du cœur.
in Ma Patagonie
Je ferai le clown de mon mieux. Et peut-être ainsi
je parviendrai à faire l'homme, au nom de tous.
in Effroyables jardins
Limon tu es et t’en souviens;
mais tu es en vérité l’enfant de cette ombre parturiente
qui se repaît de lactogène lunaire
in Traduit de la nuit
Rien de bon n’est jamais sorti des reflets de l’esprit se mirant en lui-même.
in Ainsi parlait Zarathoustra, 1885
rien que tenir face
aux trous dans les plaines
ne pas glisser sur
le carrelage d'écailles, la danse déjà
cassée de nos propres monstres.
Notre Univers est composé de structures filamentaires de matière noire s’entrelaçant en un réseau cosmique dont les points de croisement concentrent les galaxies en amas.
in Euclid : une première plongée époustouflante dans les abysses cosmologiques, Sciences et avenir, 7 novembre 2023
Le temps
est une chaise au soleil, et rien de plus.
I cannot tell you
how the light comes.
What I know
is that it is more ancient
than imagining.
That it travels
across an astounding expanse
to reach us.
That it loves
searching out
what is hidden
what is lost
what is forgotten
or in peril
or in pain.
That it has a fondness
for the body
for finding its way
toward flesh
for tracing the edges
of form
for shining forth
through the eye,
the hand,
the heart.
I cannot tell you
how the light comes,
but that it does.
That it will.
That it works its way
into the deepest dark
that enfolds you,
though it may seem
long ages in coming
or arrive in a shape
you did not foresee.
Je ne peux vous dire
comment vient la lumière.
Ce que je sais,
c'est qu'elle est plus ancienne
que l'imagination.
Qu'elle voyage
à travers un espace stupéfiant
pour nous atteindre.
Qu'elle aime rechercher
ce qui est caché
ce qui est perdu
ce qui est oublié
ou en danger
ou en souffrance.
Qu'elle a une affection pour le corps
pour trouver son chemin vers la chair
pour tracer les contours des formes
pour éclairer à travers l'œil,
la main,
le cœur.
Je ne peux vous dire
comment vient la lumière,
mais peux vous assurer qu'elle vient.
Qu'elle le fera.
Qu'elle se forera une voie
dans l'obscurité la plus profonde
qui vous enveloppe,
même si cela peut sembler
prendre une éternité à venir
ou arriver sous une forme
que vous n'aviez pas prévue.
traduit par moi-même