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CATHY GARCIA-CANALES - Page 201

  • Laura Kasischke

     

    Le diable sort au chant du corbeau
    La première nuit à tire-d’aile, nous avons pris notre envol.
    Tout juste sortis de l’enfer, nous avons niché
    dans l’arbre à lunes
    parce que l’arbre de vie
    était chargé de citrons
    et que l’arbre de mort
    avait blanchi sous les cocons laiteux des anges.
    Nous avons secoué l’arbre et les lunes
    sont tombées à côté des crânes de mastodonte
    éraflés et abrasés par le sable.

     

     

     

  • Giorgio Vasari - Le Jugement dernier (détail) - Florence -1572-79

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    X - Le Diable

     

    Boucan de tous les miens,

    triqueballe des Enfers,

    comme ils sont ingrats !

    Comme si je ne savais pas les recevoir

    avec chaleur, avec ardeur !

    En plus ça manque pas de lumière,

    y a le gaz à tous les étages,

    le lit gratteur,

    la table instable,

    la chaise en fusion,

    l'armoire à vestes d'écorchés,

    les fenêtres avec vue sur

    la cage de verre du voisin...

    Et puis le grand patron a investi

    dans les étages vip :

    tournebroches connectés,

    champagne bouillonnants,

    jeux de bourses arrachés,

    pinces-monseigneur

    pour ligaments...

    Bon je sais bien que ce matos 

    n'est pas de première main,

    qu'il a été utilisé à plein régime,

    pendant trois-quatre éternités,

    là-haut au paradis définitif.

    Faut vous dire qu'en enfer, on ne traite

    que les petits délits courants

    et qu'on ne connaît pas encore 

    les nouveautés du catalogue

    des accessoires du toit-terrasse.

    Boucan de tous les miens,

    triqueballe des Enfers,

    comme vous êtes ingrats !

    Se faire tirer la queue

    à longueur de siècles

    sans congés, ni retraite !

    Service non-stop sans pourboire,

    corvée de torture à perpétuité

    et à ce propos nous aurions

    une petite faveur à vous demander…

    Mais non, on n’achète plus les âmes

    c'est totalement démodé !

    Ce serait juste une petite signature

    au bas de la pétition...

    Histoire qu'on échange un peu les rôles,

    on aimerait bien être clients

    pour quelques heures,

    ou quelques siècles.

    Sinon n'allez pas dire

    qu'on ne vous aura pas prévenus...

    Nous demanderons à être mutés

    chez les Blanchis de Tout Soupçon !

     

    in Le Tarot de Saint-Cirque, Gros Textes 2020

     

     

     

  • Marguerite Yourcenar


    Respect pour les hommes, respect pour leurs âmes invisibles, ou si rarement, si pathétiquement devinées ; respect pour leurs tristes corps qu’eux-mêmes ne respectent pas, se contentant de les chérir, de les torturer, ou de les nier. Respect pour les choses dont les hommes abusent avec plus d’inconscience encore, et qu’ils traitent plus mal qu’ils ne le font de leur propre cœur. Respect pour le silence, plein de pressentiments des voix futures ; respect pour le passé, qui est présent, comme dans l’écrin, la marque laissée par la bague disparue, et respect pour l’instant présent, qui ira bientôt s’ajouter au passé, attiré par l’aimantation du Temps. Respect pour les anges qui sont nos gardiens et sont peut-être nos âmes ; respect pour nos démons aussi, qui ne sont que l’ombre portée par nos anges. Respect pour Dieu, même s’il n’est pas, parce que ne pas être n’est après tout qu’une manière un peu plus noble et plus pure d’exister, et parce que nous le possédons du moins sous forme de désir et d’attente. Respect pour l’amour, que les hommes et les femmes ne respectent plus, parce qu’ils ont peur qu’on les oblige à en être dignes.



    Extrait d’un hommage à Reiner Maria Rilke, 1936

     

     

  •  Denise Desautel

     

    joggeuse de grand fond, tu cours

    jusqu’au bout du continent

    jusqu’au bout du siècle

    champs minés, océans, naufrages

    jets de plomb et de sang

    squelettes en pile

    le long de ton chemin

    tu repousses ce que tu hais

    cette panoplie d’objets blessants

    à la portée de n’importe quelle bouche

    de n’importe quelle main

    mensonges, rancunes et petits fusils

    tu cours, tu voles

    tu vas vers la beauté

    tes bras acrobates

    tes paumes

    béantes

     

    in La marathonienne

     

     

     

  • Lâche ta tête, trouve ton âme

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    *

    Tu te lèves et tu vois la sale gueule du monde, les flippés qui se regroupent en meutes hargneuses et assassines, les mers qui vomissent la mort, les plus "jamais ça" qui ont fondu comme neige au chalumeau, les mal bénis qui rêvent d'Armageddon, les trous du cul qui chient des lingots et à qui un enfant de quatre ans né dans un bidonville pourrait donner des leçons d'humanité.

    Ne cherchez pas, l'enfer c'est ici. Les enfers, il y en a de toutes sortes mais si on est là avec encore un minimum de dignité, ce n'est pas seulement pour se lamenter sans fin ou aboyer plus fort, c'est qu'il y a quelque chose à comprendre, des choses à faire, petites, toute petites, minuscules, ridicules, risibles mais avec courage, avec du cœur.

    Nous ne serons pas des héros, des sauveurs, ni plus humains ni meilleurs que les autres. Nous sommes tous reliés, qu'on le veuille ou non, enchainés les uns aux autres. La moindre de nos pensées forme des ondes, le moindre de nos actes a des répercussions sans fin. Un mot après l'autre, un geste après l'autre, un pas après l'autre, nous ne sommes pas là pour rien mais nous ne pouvons agir que là où nous sommes et à partir de là où nous en sommes.

    Et il y a des choses essentielles à comprendre au-delà des apparences. Cherchons toujours et encore ; apprenons toujours et encore ; et sur nous-mêmes pour commencer, pour ne plus être dupes de cet enchainement continuel de causes et d'effets, de cet enchainement continuel de nos pensées qui nous rend malades sans nous rendre pour autant plus efficaces.

    C'est énorme en fait d'être là, ÉNORME ! Et je ne sais pas si c'est la fatigue qui m'inspire (de nouveau en concubinage avec Dracula, j'ai atteint l'au-delà de la fatigue) mais vraiment, arrachons-nous aux engrenages et essayons de percer le brouillard pour voir les choses telles qu'elles sont vraiment. Toutes les sagesses et philosophies humaines convergent vers un même point, alors ouvrons bien nos écoutilles, toutes ! Et acceptons à quel point nous sommes ignorants mais servons-nous aussi de tous ces flambeaux posés depuis le début du monde pour éclairer notre voie d'humanité ! À l'échelle cosmique, notre temps ne tient même pas dans une fraction de secondes. ÉNORME !

     



    in Ourse bipolaire,
    le 30 juin 2018

     

     

     

     

  • #N.O.R.M.O#

    Normopensants, normointégrés, normonormaux, normosexués, normocalibrés, normogenrés, normobelles & normobeaux, normofoutus, normoformés & normoformatés, normoconsommateurs et normoconsommés, normocolorés, normomédicalisés, normoconnectés, normoagissants, normoglissants, normovaccinés, normosélectionnés, normocasés, normoQRcodés, normorienquidépasse, normoparfaits, bienvenue dans votre nouveau NORMOMONDE !