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CATHY GARCIA-CANALES - Page 224

  • Pat Ryckewaert

     

    J’en appelle à ton silence
    pour retrouver ma voix
    et les cordes du ring
    me renvoient au milieu.
    Laisse le cri dans ta gorge
    l’instinct dans ta poche révolver
    il n’est plus le temps
    de la roulette russe et du froid sibérien.
    Regarde comme il fait beau ici
    sous le néon du jour
    au ciel rose de décembre
    la neige carbonique
    fait de la fourrure d’ange
    et des cendres qui craquent.
    J’ai replié mes ailes
    et la corneille est morte
    enfouie dans mon chagrin
    tu m’as fait tant de peine
    et du bien aussi, il y a longtemps.
    Regarde la fleur de ma bouche
    elle a le goût des autres
    et des baisers d’hier
    c’est un poème d’amour
    avec du souffre dedans
    et du sang sous les ongles
    d’avoir griffé la nuit, lacéré les heures
    la croute va se faire, je le sais
    pour soulager ta chair et ta mémoire.
    Regarde ce qu’il reste de nous
    dans nos gestes et nos cœurs qui hésitent
    on est à se recoudre ensemble
    dans un corset de mots.

     

    in La corneille

     

     

     

     

  • Daria Colonna

     

    Je coupe au couteau les coins de ma bouche, je suis tout sourire. Le siècle est un souper qui se trempe, s’arrose, s’asperge, se douche, s’inonde. J’apprends à respirer sous l’eau, à jurer du beau temps, je fais mon âge et je l’entends gémir, chaque mois, de corvée de culotte et de jours enclos. C’est par considération que je meurs.

     

    Je tourne autour des soleils jusqu’à ce que l’un d’eux me rajeunisse.

     

    Alors j’ai la joie et trois ans; pardonnez ma voix borgne, pardonnez l’enthousiasme, les mensonges de rien, le rire aigu, je suis un entrepôt de boue, d’agrumes et de limon où pousse un chapeau de fête.

     

    Laissez la pourriture recouvrir les murs de mes écoles.

     

    Demain j’irai mieux, je dormirai clouée à mes écrans, attachée à mes personnages de série, nous à nouveau, grouillantes de passés simples, pourries d’espérance, flanquées des versions les plus pâles du Christ. Je ressusciterai par balle, par colis, par habitude.

     

    Nous aurons toujours de quoi veiller.

     

     

  • Martin Caparrós

    La stratégie des dominants a toujours été de maintenir leurs dominés au niveau le plus bas possible. De déterminer à chaque fois ce niveau par la méthode empirique : essais et erreurs. L’erreur a pu consister en ce que des milliers de gens meurent de faim ou en ce qu’ils se dressent et exigent. (…) Alors entre en action la charité chrétienne ou sa version contemporaine, l’assistanat : donner aux pauvres le minimum pour qu’ils survivent et n’éclaboussent pas de leur sang ou de leurs os les écrans de télévision.

     

    (…) Mais nous ne sommes pas trop de manière abstraite, en général : certains sont en trop.

    (…) Si on administrait un jour aux patrons argentins — les riches et leurs représentants  — la dose adéquate de penthotal, il serait amusant de les entendre : ils pourraient parler de la manière de se débarrasser de cinq ou six millions de personnes. Ils l’envisageraient comme un véritable service à la patrie : le reste de la population vivrait plus confortablement, l’indice de criminalité chuterait, les sectes évangélistes perdraient de leur influence, il y aurait beaucoup d’espace libre pour de nouvelles cultures ou quartiers résidentiels, les transports en commun marcheraient mieux, l’État économiserait des ressources — en subsides, organismes, policiers, gardiens de prison — qu’il pourrait employer à améliorer par exemple les écoles, les universités et les hôpitaux que des usages éduqués utiliseraient avec discernement. On perdrait peut-être quelques footballeurs et quelques boxeurs, deux ou trois chanteurs ringards ; (…) et  ils auraient tous plus de difficultés à trouver des femmes de ménage mais, globalement, ils y gagneraient plus qu’ils n’y perdraient.

     

    in La faim, éd. Buchet-Chastel, octobre 2015

     

     

     

  • Rapport de l’Institution of Mechanical Engineers (Royaume-Uni), janvier 2013

    « Aujourd’hui nous produisons environ quatre milliards de tonnes de nourriture par an. Et pourtant, en raison de mauvaises pratiques de récolte, de stockage et de transport, ainsi que du gaspillage à la vente et à la consommation, on calcule qu’entre 30 et 50% de cette nourriture — 1,2 à 2 milliards de tonnes  — n’arrive jamais dans un estomac humain. Et encore, cette estimation ne reflète pas les grandes quantités de terre, d’énergie, d’engrais et d’eau qui sont également gâchées dans la production d’aliments qui finissent tout simplement à la poubelle. »