Christian Guerder
Silence épinglé au ciel
Boutons d'étoiles mal cousus
Aux vestes des poucets
Chuchotis de rivière
Soupirs des fossés
Libellules ensorcelées
Par les folles herbes
cg, in Au fond du tiroir, Livre d'artiste n°2, 2012
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Silence épinglé au ciel
Boutons d'étoiles mal cousus
Aux vestes des poucets
Chuchotis de rivière
Soupirs des fossés
Libellules ensorcelées
Par les folles herbes
cg, in Au fond du tiroir, Livre d'artiste n°2, 2012
"À l'image de son travail d'artiste performeuse, la poésie de Regina José Galindo est crue, brute, viscérale. Reflet de la violence d'un continent, son écriture radicale dénonce la violence faite aux femmes et aux Indiens dans son « mauvais mauvais mauvais Guatemala » en proie aux gangs après trente-six années de guerre civile. Rendre hommage et affirmer une résistance, c'est ce que construit par son travail artistique et poétique Regina José Galindo, avec rage et vitalité."
à commander ici :
https://halldulivre.com/livre/9791096274222-rage-rabia-galindo-regina-jose/
Le site de Regina :
http://www.reginajosegalindo.com/en/home-en/
Le numéro spécial Guatemala :
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2017/09/13/numero-58.html
Selva
Ombres pâles sous la lune, le petit groupe avance, en silence. En tête, l’Ancien, celui qui sait. La nuit aux yeux d’onça les observe, les couve de désir phosphorescent, de douceur oppressante. Ténèbres végétales gorgées de sucs et de venins. Les transes stridentes des insectes s’élèvent, s’apaisent. Pulsations, ondulations, symphonies d’un autre monde. Océan de cuirasses, carapaces, antennes, crocs, mandibules, pattes, mâchoires. Copulation. Mutilation. Vie et mort s’entredévorent.
Les hommes marchent. Des traits rouge vif marquent leurs pommettes saillantes. Colliers, perles d’os, flûte gravée, calebasses remplie de feuilles, graines, poudres, pierres secrètes. Les hommes marchent vers le monde des morts. Bientôt leur terre ne sera plus. Atteinte depuis trop longtemps d’une étrange maladie, elle rétrécit et personne ne sait comment la guérir, pas même celui qui sait, l’Ancien.
Une étrange maladie et bien d’autres fléaux aux mains d’un envahisseur blanc, cruel, avide, au pouvoir venimeux. L’Ancien ne peut que s’incliner ; les Esprits semblent avoir rétréci avec son monde. Il ne les entend plus. Fouillés, prospectés, clôturés, abattus, démembrés, brûlés, souillés, massacrés, les Esprits ne parlent plus.
L’Ancien pourtant continue à marcher. Solide. D’autres le suivent. Ombres de plus en plus pâles sous la lune rouge. Et des ténèbres vers la voûte lactée, monte la plainte de la Mère qui pleure.
cg in Sursis (à tire d'ailes 2017)
Collage originale du même nom
Lançado em 1968 pela Disques Vogue na Collection du Musée de l'Homme.
Registrado e editado por Simone Dreyfus-Roche, ligada ao Département d'Ethnomusicologie du Musée de l'Homme.
En octobre, 17.326 feux ont été recensés en Amazonie
contre 7.855 lors du même mois de l'année dernière...
Zulma éd., 1er octobre 2020
190 pages, 17,50 €.
Nul homme n’est le roi de quoi que ce soit.
LES INDIENS MÉTROPOLITAINS
Un roman bien singulier que La Mort et le Météore, une dystopie amazonienne qui dresse un portrait acerbe d’une sinistre réalité brésilienne, d’ailleurs exacerbée encore depuis les dernières élections présidentielles, envers l’environnement et les derniers peuples autochtones, notamment les plus isolés, dits non contactés. C’est de ceux-là qu'il est question dans ce roman, qui se déroule dans un futur de plus en plus proche où il ne reste rien de la forêt amazonienne sinon quelques derniers hectares brûlant comme l’enfer et où le Chili a disparu sous le Pacifique.
La mission qui est confiée au narrateur par Boaventura, un vieux et énigmatique protecteur des derniers Indiens Kaajapukugi — alors qu’une fusée chinoise s’apprête à décoller pour une nouvelle tentative de mission habitée vers Mars — c’est d’accompagner les Kaajapukugi au Mexique, avec l’aide de l’association Survival International (qui existe vraiment) et de les aider à s’y installer. En effet, les cinquante ultimes membres de cette tribu isolée, confrontée à la destruction intégrale de l’écosystème essentiel à leur survie physique et spirituelle, ont demandé l’asile politique. Une première dans l’Histoire. Le Canada, qui avait accepté en premier, étant bien trop froid, c’est finalement le Mexique qui sera leur terre d’accueil et plus précisément un plateau du territoire mazatèque.
Tout ce que les Kaajapukugi connaissent et bien qu’ils soient parvenus à échapper pendant 400 ans à l’avancée de l’homme blanc, bien qu’ayant frôlé une première éradication au XIXe siècle, raconte Boaventura, a été détruit avec « leurs plantes médicinales sacrées, et même les poisons dans lesquels ils trempaient leurs flèches ou encore le timbó, cette légumineuse toxique qu’ils utilisaient pour la pêche. Les fleuves sont asséchés, les poissons sont morts. Tout a disparu, y compris les hannetons dont ils extrayaient du tinsdanhán. Avec l’érosion tout est parti, il ne reste plus que du sable. Et, suite à la disparition du tinsdanhán, c’est aussi leur monde supérieur qui a été emporté, leurs dieux, leurs fêtes et même les trois Ciels où ils auraient trouvé repos dans la nature, chassé joyeusement les hannetons et fait l’amour avec leurs femmes ».
Et justement, les cinquante derniers membres de la tribu, sont tous des hommes.
C’est donc une bien triste mission qui est confiée au narrateur, anthropologue intéressé par les langues mortes et jusque-là surtout un « rond de cuir coincé dans un bureau de la Commission nationale pour le développement des peuples indigènes, à mi-chemin entre le ventilateur et le classeur métallique, et à environ deux coudées de la petite table où le thermos de café exhalait ses derniers soupirs. ». Pas marié, sans enfant, il vient de perdre ses parents et se retrouve héritier seul et endeuillé d’une vieille maison dans le centre historique d’Oaxaca au Mexique, ville décor pour touristes où tous les temps se sont mélangés. Pour lui, c’est donc une mission des plus intéressantes, ne serait-ce que pour le sortir de sa morne vie et lui permettre d’approcher une langue quasi inconnue et de faire quelque chose de bien qui pourrait donner un peu de sens à sa vie. Et il compte sur Boaventura pour le guider dans cette mission, puisque ce sertanista (spécialiste de la forêt amazonienne) de la Funai, la bien réelle Fondation nationale de l’Indien au Brésil, a consacré sa vie à la défense des Kaajapukugi. Mais voilà que la mort subite de ce dernier sème le trouble et la mission prend une tournure des plus imprévues. Une vidéo envoyée par Boaventura à l’anthropologue, juste avant de mourir, pourrait être la clé du mystère kaajapukuji.
Il serait dommage de révéler plus de ce récit vraiment atypique, si ce n’est qu’il ne cache pas une critique sèche et sans concession d’un monde violent et vorace, vu sous l’angle des plus fragiles des humains, mais aussi les plus mystérieux, qui ont des connaissances que le monde moderne ignore et sous-estime grandement. Dans La Mort et le Météore, elles dépassent les lois du temps et de l’espace. Il est aussi une plongée dans les abîmes de l’être humain et la tentative d’y échapper. Joca Reiners Terron mêle, dans ce roman d’aventure terminale, fiction, fantastique et réalité, une très dure réalité qu’il connaît de par son engagement pour la forêt amazonienne.
C’est son premier roman traduit en français. Un auteur à suivre.
Cathy Garcia Canalès
Joca Reiners Terron est né en 1968 dans le Matto Grosso. Il vit à São Paulo. Il a publié une dizaine d’œuvres narratives et trois recueils de poésie.
à écouter, partager, merci madame ! magnifique !
Poèmes 1993-2010
j’ai cassé mon collier de sel
ne porte plus désormais
que des colliers de ciel
2020
Format A5, 36 pages agrafées
Illustrations originales de l'auteur
Édité et imprimé par l'auteur
sur papier 100 gr calcaire
couverture 250 gr calcaire
100 % recyclé
tirage numéroté et signé
à réserver par mail à mc point gc arobase orange point fr
12 € + 2 € pour le port
"J'ai eu tous les vices ;
ma vertu fut
de n'en avoir cultivé aucun.
C'est là la Tempérance
qui me fait parler de moi
au passé simple et tendre.
De toutes mes expériences,
je garde cette saveur particulière
des vies franches et pleines
qui laissent l’âme tranquille
et le cœur en paix.
D'abus en abus, je n'ai désabusé
que l'ombre de moi-même ;
qu'elle cuve à la cave ou boite au grenier,
jour et nuit, je marche sans cette ombre-là.
De ces dissolutions parfois extrêmes,
j’ai obtenu d’étranges pouvoirs :
je vois clair dans vos nuits ;
de la boue, je sais tirer
des ailes de lumière."
Illustration en couverture de Cathy Garcia Canalès
ISBN : 978-2-35082-457-4
64 pages au format 14 x 20 cm,
8 € (+ 3,50 € de forfait port quel que soit le nombre d’exemplaires commandés)
Commande à
Gros Textes
Fontfourane
05380 Châteauroux-les-Alpes
(Chèques à l’ordre de Gros Textes)
texte cathy garcia / jérôme bosch L’excision de la pierre de folie 1494
Il existe sur cette terre un peuple dont on ne parle jamais mais ils se reconnaissent entre eux ; ils s’aiment ou se haïssent mais surtout sans cesse, ils se renvoient la même question, la seule à leurs yeux qui mérite d’être posée. Ils cherchent, cherchent sans répit, sinon quelques plages de mensonges et certaines formes d’oubli. Cette question murmurée, implorée, chantée, hurlée, ils s’en frappent la tête. Ils s’en mettent le cœur à vif. Ils la boivent tel un vin rare, se saoulent et se régénèrent, la perdent pour mieux la retrouver jusqu’au bout des nuits blanches, des journées sans soleil. Ils la décortiquent, l’aspirent, la crachent et l’offrent parfois sans calcul comme un bouquet de fleurs à une âme de passage.
Certains disent qu’ils sont fous. Et alors ?
Il en faut des fous pour exorciser nos démons, pour donner corps à nos monstres et nous permettre de dormir en paix ! Il en faut des fous pour se mettre à nu et se poignarder avec tous nos pieux mensonges ! Il en faut des fous pour se lancer dans ce vide que nous n’affrontons pas même du regard. Il en faut des fous pour aller décrocher les étoiles qui brillent derrière nos paupières cousues.
Il en faut des fous pour accoucher le monde !
Fous ! Les fous battent la campagne et la breloque !
Fous ! désaxés ! détraqués ! dérangés !
Siphonnés, piqués, cinglés, timbrés, cintrés!
Mabouls, marteaux ! Toqués, tapés ! Tordus, toc-toc,
Cinoques, louftingues, dingues loufoques !
Z’ont perdu la raison,
La boule et la boussole,
Une araignée au plafond,
Mais qu’importe Monsieur,
Les fous travaillent et pas qu’un peu
Les fous travaillent du chapeau !
Les fourres tout
Les foutrement gais
Les inspirés
Chercheurs de vérité
Fous téméraires
Et foutu bordel !
Les fous à lier
Les fous de liberté
Les fous d’amour
Les fous de bonheur
Les fous de joie
Les fous de rire
Les fous des bois
Fous de toi
Et fous au galop
Les fous échappés du jeu de tarot
Les fous en marche
Sur l’échiquier
Il y a aussi les foutez-moi la paix
Les foutez-vous de ma gueule
Et tous ces fous qui en veulent
Il y a les vieux fous sans lendemain
Les fous qui combattent les moulins
Les fous parlent à leur chien
Les fous respectent la terre
Les fous donnent tout
Les fous ne mentent pas
Les fous flânent en chemin
Nourrissent les oiseaux
Les fous pleurent
La mort d’une fleur
Les fous se rient des frontières
Les fous traversent les déserts
Gravissent les montagnes
Franchissent les mers
À la nage ou à la rame
Les fous disent paix et tolérance
Brûlent leur carte d’identité
Pour être sans-papier
Refusent de s’alimenter
Parce que d’autres sont affamés
Les fous ne ferment jamais leur porte à clé
Les fous vivent dans les arbres
Les fous sèment des jardins
Les fous se couchent au sol
Devant les tanks les bulldozers
Il y a des fous qui aiment tellement les animaux qu’ils ne les mangent pas
Il y a les fous qui balaient devant leurs pas
pour ne pas écraser les fourmis
Les fous parlent d’amour quand on leur fait la guerre
Les fous pardonnent à leurs tortionnaires
Les fous luttent, résistent, inventent
Aiment et cultivent la différence
Les fous vivent leurs idéaux
Les fous crachent des poèmes
Sur les façades des cités
Les fous refusent télé, supermarchés
Refusent d’être vaccinés, pucés
S’entêtent à ne pas se résigner
Les fous un jour partent
Sans se retourner
Les fous voyagent à pied
À dos d’ânes, en roulottes
Il y a des fous qui vont dans une grotte
Méditer pendant des années
Il y a des fous qui peuvent
Se passer d’électricité
Les fous font de leurs rêves une réalité
Les fous s’aiment malgré tout
Les fous refusent le garde à vous
Les fous croient en la justice
Et pensent pouvoir changer le monde
Mais les fous craignent les fous
Les fous vraiment malades
Les fous nocifs, les fous dangereux
Les foutez-les dehors
Les fous qui veulent rester entre eux
Les fous offensifs
Führers et fous sanguinaires
Des fous pervers
Fous du violent
Foudre de guerre
Fous psychopathes
Et fous de la gâchette
Des fous furieux
Des fous maniaques
Des fous avides
Des fouilles-merde
Des fous stupides
Fous des grandeurs
Fous persécuteurs
Fous délirants
Fous paranoïaques
Et fous de la matraque
Des fous forcenés
Fous d’odieux
Des fous banquiers
Fous scientifiques
Fous fanatiques
Des fous déguisés en flic
Fous de fric de pouvoir
Des fous politicards
Fous qui veulent tout diriger
Fous qui veulent tout acheter
Y’a pas pire fous que ceux-là.
Fous qui pensent qu’ils n’en sont pas
Et qui proclament :
Est fou celui qui ne pense pas comme nous…
Est fou celui qui n’est pas comme nous…
Et ils enferment, détruisent, asservissent et assassinent.
Monde foutu par ceux-là ?
Planète foutue par ces fous ci ?
Plutôt fou-rire !
cg, in Follement autre
Source et merci à :
http://voixdissonante.eklablog.com/dans-les-textes-les-fous-a203062156