Pierre Colin
La nuit entre par tous les mots.
Car la nuit trompe ses vieux amants.
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La nuit entre par tous les mots.
Car la nuit trompe ses vieux amants.
Les mots sont l’océan de nos barques de pierre.
Nous avons mis des siècles à dépouiller la nuit de nos chimères.
Car nous avons gagné le droit du large, chacun
Dans son manteau d’écailles et d’horizons.
Chacun dans le gisant des mots, l’étoile au sec.
La nuit dort sur le flanc, vieux chien de nos poitrines.
in Je ne suis jamais sorti de Babylone
Sans oublier qu’il existe des mots carnassiers envers d’autres mots plus débonnaires, pacifiques ou simples d’esprit. Les mots carnanssiers n’en font qu’une bouchée. Toute cette histoire est un vrai carnage. Toute cette histoire se passe à l’intérieur de ma gorge, dans un lac d’eaux mortes sommeillant à la fourche de l’os hyoïde.
La petite sorcière qui m'attend au coin d'un coup de blues,
pour me prendre par la main et me faire tourbillonner !
cg in Journal 1996
À tout moment la vie abonde, ruisselle, irrigue ce quotidien auquel nous ne savons pas nous arrêter. C'est du plus ordinaire que filtre l'eau de la source. Mais il y a tant à débroussailler avant d'être à même de le comprendre, de l'admettre.
in Dans la lumière des saisons
Où trouver sinon un semblant de paix, d’harmonie, d’ouverture ?
Ces moments sans jugement, à nu justement et simplement.
cg in Journal 2007
J’apprends la tranquillité du chat et reçoit l’assourdissant bruissement de tout ce qui m’entoure. Chante l’oiseau, à me tourner la tête d’un bonheur toujours plus fou, à me faire juter l’âme. Des pans entiers d’armure étriquée qui s’effondrent, étriquée et ridicule. J’avance, féline, toujours plus nue, toujours plus libre. Le monde est dense, moelleux et la végétation est un champ de louanges. Les coutures ont craqué, les masques, les camisoles, les obligations factices ont fondu comme cubes de glace sous des cascades de feu, comme voleront ces mots à la prochaine tempête…
cg in A la loupe
L’instant présent, sa lumière, le vent, ma fille, le linge qui vole et cette femme tzigane qui chante et me dépèce le cœur. Tout est magie, musique, peinture et au sein de tout ça, oui, je suis une sorcière, une bruja.
cg in Journal 2005
Les passereaux emportent les destins, frères aux jabots de feu, fées aux longs yeux d’amantes, pluies sacrées. L’étreinte à l’âge des clavicordes.
Chants de nos cygnes intimes, trouvés morts dans l’aurore, quand le ciel lentement se défait de ses linges de femmes sur le seuil.
Ce goût de vieux futur dans la bouche indécise.
in Je ne suis jamais sorti de Babylone
Dans la cour, les guerriers mangent la chair des tours.
Buvez, mangez. Anne est nue dans sa tour.
Anne au genou fier, aux chevilles légères. Anne du vent.
Mais de la nuit, que savons-nous, bergère des ifs blancs ?
in Je ne suis jamais sorti de Babylone