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CATHY GARCIA-CANALES - Page 88

  • Revue Nouveaux Délits - n°73, octobre 2022 (extraits)

     

     

    Quelques textes et poèmes parmi ceux publiés dans ce numéro paru en octobre 2022 des auteurs suivants : Yvan Robberechts ; Kiko Christian Moroy ; Alain Guillaume ; Isabelle Garreau ; Thierry Desbonnets ; Georges Cathalo et une présentation de "Calepins voyageurs et après ? – Tome 1" de Cathy Garcia Canalès, paru en juillet 2022 et rappel de la sortie de "La cloche a sonné" d'Aline Recoura, délit buissonnier n°6, juillet 2022 également. Illustrations de ce numéro : Corinne Pluchart. Lecture par Cathy Garcia Canalès.

     

     

     

  • Atelier Collage & écriture du 16 février 2023 à Cahors

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    L.

     

    rêve – théâtre – télévision – conquête – terrasse

     

     

     

     

    Le rêve étant une luxure,
    le théâtre étant une mise en scène,
    nul besoin de télévision pour en faire la conquête.
    Il suffirait juste de s'installer en confort sur sa belle terrasse.

    K.

     

     

    *

    Je suis au théâtre ce soir, la télévision au placard ! Le décor foisonnant m’intrigue. Je ne connais rien de la pièce : curieuse, en route pour la conquête d’un nouvel espace, de nouveaux textes ! Ça m’a tout l’air d’être un spectacle de boulevard, une comédie de la vie, du spirituel au réel, du rêve au rire, avec une grosse dose d’absurdité. Pas de chance, je n’ai pas pu avoir de place en terrasse, seulement au balcon !

    O.

     

     

    *

    La lueur de la lucarne, « petite fenêtre », renvoie le théâtre de nos suffisances et de nos rêves. Conquête du temps sur notre vie, la télévision nous raconte de belles histoires, amusantes ou terrifiantes,  nous aimons pourtant tous ces beaux récits, toutes ces belles images et nous les consommons sans faim !! Les marionnettes , ces chroniqueurs maquillés, bien nourris, petites crottes incultes et balbutiantes malgré le prompteur, souhaitent terrasser notre petite cervelle.  

    J.

     

     

    *

    Quel frimeur ce Jonathan, toujours à faire le malin en terrasse, à exhiber ses muscles et ses énièmes chaussures neuves, toujours à vendre du rêve et au final quoi ? Rien que du théâtre pour assouvir sa faim de conquêtes. Je préfère rester chez moi bien tranquille, les pieds sur le canapé, à regarder la lune ou si vraiment je m’ennuie, un bon petit documentaire à la télévision : voyage, histoire, animaux, le choix est large et ça me va très bien. Je n’ai plus envie de perdre mes soirées à jouer les potiches avec ce petit coq égocentrique.

    C.

     

     

    Dans ce décor de théâtre, la télévision n’existe pas. Tant mieux ! L’imaginaire peut repartir à la conquête de ses rêves peuplés d’oiseaux et de fleurs exotiques. Alors à l’abordage ! Derrière les carreaux de cet intérieur désuet, mais néanmoins bourgeois, flotte « La Vénus noire ». Le vaisseau s’est amarré au cœur de la ville taguée. Embarqué dans l’aventure, Jésus Christ fait escale au salon où il prend un repos bien mérité. Le vaudeville qui se joue ce soir le délasse, le massage de pieds le soulage bien aussi. Il contemple l’Adam et l’Ève des temps modernes… surtout Ève… mais il constate, un peu las, que rien n’a changé. « La tentation, quelle plaie ! et l’autre là, toujours aussi con, qui se dandine et se pavane comme un paon… sans voir l’amant qui s’est planqué précipitamment sur la terrasse »…
    Bon, la pièce est vraiment une grosse daube en fait.

    L.

     

     

     

     

     

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    K.

     

    fête - défilé - élégance - dossier – cœur

     

     

     

     

    C'est la fête. J'ai rangé les dossiers qui me taraudaient, sauf celui de Rimbaud, parce qu’il parle d’Afrique. L'heure est à l'insouciance, aux rêves de voyage… Je veux t'atteindre en plein cœur, m’y faire une place et y rester. Pour toi me voilà pin-up, je me pare de vêtements sexy,  me maquille pour t’inventer un défilé d'élégance inédit ; légère, si légère pour te séduire. Tourbillon de joie …

    O.

     

     

    *

    L’univers du luxe, de la mode, explose dans l’élégance et la fête. Dans le monde entier la beauté de la Femme est sublimée ; aujourd’hui à 22h30 défilé : nous voyons de la couleur, des soieries, mais aussi l' atmosphère du public statique où s’entremêle spectacle et vanité. Attention à la fin du show le dossier du cœur est clos !

    J.

     

     

    *

    Le concept de cette boîte de nuit est un brin snob. Alors pourquoi revient-elle ?! elle le sait pourtant, c’est toujours le même défilé de luxe ostentatoire. Toujours les mêmes musiques branchées, toujours les mêmes cocktails « détox ». Et ça finit toujours pareil : chacun chope sa chacune – et vice versa - dans un coin en fin de soirée. Aucune élégance finalement dans ces fêtes contrefaites. Elle, dans son petit cœur qui bat, caresse des desseins secrets : lire et relire Rimbaud, alanguie contre le dossier de son canapé et se laisser couler dedans.

    L.

     

     

    *

    Ce n’est pas la fête dans les dossiers du cœur alors je me suis dis qu’une petite cure d’élégance et de culture ne me ferait pas de mal, un peu de classe tu vois : poésie, cinéma, cocktails, luxe et volupté. Danser même, rêver un peu et me chouchouter plutôt que me laisser hypnotisée par le défilé des heures déprimantes. Alors oui, je sais, je n’ai pas les moyens mais ce n’est pas grave, je vais faire comme si, je vais imaginer : cinéma, poésie et comme des petites boîtes à rêves que je vais ouvrir une à une et voilà, comme lorsque nous étions enfants, on dirait que… Je vais faire comme si….

    C.

     

     

    *

    Pour la grande fête que sera le carnaval, 
    au cœur du défilé, 
    elle aura l'élégance de porter un dossier bien empaqueté.

    K.

     

     

     

     

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    O.

     

    mascarade - inquiétant – buste - miam-miam - buffet

     

     

     

    Le luxe résonne comme un " miam miam".
    Non, ce n'est pas une mascarade.
    Ce buste tellement inquiétant nous le rappelle que : 
    non, on ne mange pas avec les doigts 
    mais que oui : on mange avec les yeux.

    K

     

     

    *

    Le buffet est installé, aujourd’hui c’est pintade, girolles, miam-miam ! Les jumeaux inquiétants somnolent, ils n’aiment pas ce repas. Dans cette maison bourgeoise est posé sur la commode un buste coiffé de pinces de crabes, la tenture masque un œil terrifiant. Qu’est-ce qui se passe ici ? Le Colonel Moutarde n’est pas loin, qu’elle est cette mascarade ? vous le saurez au prochain Atelier. 

    J.

     

     

    *

    Pour rejoindre les tables réservées, il faut traverser la galerie de bustes du restaurant. Le buffet froid suit en enfilade, mais les Dupont-Dupond ne sont pas là pour ça. Une hôtesse discrète les emmène ensuite par la main… jusqu’au maître d’hôtel à l’hygiène inquiétante qui les regarde comme si c’étaient eux le miam-miam. Mais très professionnel, il leur conseille de prendre la « Mascarade », un plat typiquement local… « Une pintade sur son lit de maïs, avec des plumes dans le cul ». 

    L.

     

     

    *

    Quelle étrange mascarade, réservée aux hommes uniquement. Les invités sont en smoking, tous des hommes blancs et richissimes entre 40 et 60 ans et le buffet est inquiétant : de la viande essentiellement, servie avec des pinces énormes de crustacés. Plus inquiétant encore, le plat principal arrive très tard dans la nuit et il est très attendu : le Miam Miam. Non je ne peux vous en dire plus, je ne suis qu’un serveur embauché pour l’occasion mais mon contrat est très explicite, je suis tenu à la discrétion la plus absolue. Bon, tout ce que je peux rajouter c’est que le Miam Miam a la forme et la taille d’un buste sur un lit de plumes… Une très, très grosse volaille exotique sans doute mais j’ai déjà trop parlé, je risque ma peau vous savez, comprenez bien que je ne voudrais pas être le prochain Miam Miam ! 

    C.

     

     

    *

    Buffet froid sur ordonnance. De l'aube au crépuscule, la mascarade de l'existence… miam-miam ! Régalez-vous tant qu'il est encore temps ! Les pinces de l'avenir broieront bientôt vos têtes et vos bustes. Rien de bien inquiétant ! Juste le cycle de la vie.

    O.

     

     

     

     

     

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    J.

    maître – mosaïque – enfance – lumière – pernicieux

     

     

     

     

    Par l'éclairage de l'enfance, 
    par ce prisme avec lequel j'ai déclenché la lumière, 
    je viens dessiner ma mosaïque,
    moi le monstre pernicieux, 
    je vous fais l'offrande de ce jardin majestueux.

    K.

     

     

    *

    C'est un jeu pernicieux sous l'œil du maître, une mosaïque à laquelle je ne comprends rien ; tout se bouscule, s’emmêle, de l'enfance à aujourd’hui. Phagocytée par son regard perçant, je perds tous mes moyens ; je ne sais plus ce que j'aime : mon chien fidèle, omniprésent dans ma vie, les papillons du jardin, si légers dans la lumière du jour ou les couleurs dont j’ai besoin pour puiser mon énergie ?... Alors ?...

    O.

     

     

    *

    « Allez, ramène la baballe ! ». Mais le regard pernicieux du maître devrait alerter le chien. Le clebs va lui bousiller son fauteuil de cuir rose fuchsia, dernier vestige intact.  Le molosse a ravagé l’appartement pendant son absence. Ses bibelots, sculptures jonchent le sol en une mosaïque de débris multicolores. Ses tableaux sont explosés façon puzzle. Seul le toucan au bec orange, jouet mécanique de son enfance, a survécu au carnage. S’avançant doucement dans le salon, il répète : « allez, donne la baballe ! ». Le chien ne voit pas arriver le fouet qui claque dans la lumière.

    L.

     

     

    *

    Mosaïque animale qui affiche la couleur mais dans cette création, si je puis me permettre, plane quelque chose d’un peu factice. La lumière est belle, le fauteuil confortable mais le maître des lieux ne serait-il pas un peu pernicieux ? Les plus belles couleurs annoncent parfois les venins les plus dangereux et toutes les enfances ne sont pas heureuses, alors entrons mes amis, entrons, mais restons prudents !

    C.

     

     

    *

    Voyez cette image, colorée et joyeuse, remplie de mosaïques multicolores, chatoyantes qui nous renvoie aux signes des temps. C’est quoi ? Le jouet de notre enfance, le papillon voletant, le chien si bien traitée, confortable et bien gras… Je ne sais pas ? la lumière du jour laisse entrevoir le regard pernicieux, assassin, de ces hommes. Ces maitres ! qui n’ont aucune pitié, pour la vie, la nature, l’humanité, qui ne respectent que la mort et surtout le Marché.

    J.

     

     

     

     

     

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    C.

     

    entrailles - présence - enfer – trahison – terre

     

     

     

     

    Nous sommes dans les entrailles d'une dame, 
    dont la présence se trouve en enfer,
    la terre pour trahison
    et son élégance n'est pourtant que magnificence.

    K.

     

     

    *

    Trahison. Le bûcher ou les entrailles de la terre ? Je n’ai guère le choix. Me débarrasser de cette présence qui me paralyse et me renvoie au péché originel, me détacher de cet enfer ou brûler avec elle ! La culpabilité me ronge et me détruit… Et si je suivais le vol de l'abeille ? Partir, m'envoler légère et frondeuse ; aller butiner ailleurs…

    O.

     

     

    *

    La chair, les entrailles, l’amour,  ne supportent pas la trahison. Ce feu si fort, si chaud qui brûle la vie est un enfer. Attend !! Encore un peu de patience, proche de toi, des mains caressantes et amies. Elles viennent te voir, elles sont chaudes, apaisantes et vivantes. La présence des effluves de la terre, le soir quand le soleil est couché, le bruit des grillons, l’odeur des foins coupés,  cette certitude de la paix reviendra doucement. 

    J.

     

     

    *

    Dans le cimetière, à la nuit tombée, les adeptes se sont rassemblés. La cérémonie peut commencer. Loin de toute présence importune, le rituel immuable fait jaillir des entrailles de la terre le Golem. Le feu de l’enfer attise l’hystérie collective. Les pieds trépignent, les corps convulsent, les mains se tordent. La transe atteint son paroxysme quand soudain se rompt le sortilège. Le gourou crie à la trahison : « Que fout au milieu de mon sabbat ce chat BLANC ???!!! ».

    L.

     

     

    *

    Bienvenue à la nuit Enfer & Love de la Caldera, veuillez je vous prie emprunter les ascenseurs qui vous conduiront dans les entrailles de la fête. Le thème étant fétichisme et trahison, vous êtes priés de quitter vos chaussures et nous vous fournirons les masques mortuaires. Le maître de cérémonie préfère garder l’anonymat mais nous vous assurons que vous ne pourrez ignorer sa forte présence. Préparez vous à vivre cette nuit comme si c’était la dernière. Bienvenue mesdames, messieurs, bienvenue six pieds sous terre !

    C.

     

     

     

     

     

  • Dylan Thomas, poète gallois (1914-1953)

    Amour dans l'asile
    Une étrangère est venue
    Partager ma chambre dans la maison folle
    Une fille, oiseau dément
    Verrouillant la nuit de la porte avec son bras de plumes
    Droite dans le lit-labyrinthe
    Elle leurre la maison à l'épreuve du ciel avec des nuages
    Et elle leurre la chambre de cauchemar en marchant,
    En liberté comme les morts,
    Ou chevauche les océans imaginaires des pavillons
    d'hommes;
    Elle est venue possédée
    Celle qui accueille la lumière trompeuse à travers le mur
    bondissant
    Possédée par les cieux
    Elle dort dans l'auge étroite et pourtant elle foule
    la poussière
    Puis délire tout son soûl
    Sur les planches de la maison de fous, amincies par
    mes pleurs en marche.
    Et surpris par la lumière dans ses bras à la longue, enfin
    Je peux sans faute
    Souffrir la vision première qui mit feu aux étoiles.



    Traduction : Alain Suied