Shikanosuke Yagaki - Grasshopper on wall - 1930s
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je pompe donc je suis
C'est le chant des galets qui enseigne la manière de bâtir un mur... Et quand un galet ne se trouve pas bien dans un mur, le mur ne se trouve pas bien debout.
in Les autres et les miens
Né en 1974 et élevé à Kibboutz Gaash (Israël), Shai Kremer a commencé son travail photographique en 1999, lorsqu'il était encore étudiant à Tel Aviv, et l'a poursuivi en obtenant son Master in Fine Arts à la School of Visual Art de New York. Depuis, il a réalisé des centaines de photographies de paysage qui ont pour cadre Israël et actuellement New York où il réside. dans ces deux séries, il dresse un portrait métaphorique de la transformation du paysage israélien par des années, des décennies voire des siècles de passages successifs de civilisations.
«Mes photographies montrent l'empreinte menaçante et omniprésente de l'armée sur le paysage israélien, et par effet de miroir, cette même empreinte sur la société israélienne. L'esthétique des images, leurs compositions ordonnées imitent les mécanismes de défense des citoyens israéliens essayant coûte que coûte de tendre vers une vie «normale». Les cicatrices cachées du paysage correspondent aux blessures de l'inconscient collectif du pays. Le paysage, infecté par l'accumulation des sédiments déposés par un conflit sans fin, devient une plate-forme de discussion.» Shai Kremer
Une chance que personne ne puisse connaître nos pensées les plus secrètes. Nous apparaîtrions tels que nous sommes, à savoir des imbéciles manipulateurs et prétentieux.
in Le Poète
Trench 'Chicago' Ground Force Training Zone - 2007
Shai Kremer View of a minefield, abandoned Syrian base, Golan Heights, 2007
Bnai Zion (Sons of Zion) Nature Reserve, 2002
Abandoned Syrian Base, Golan Heights, 2007
On the Winding Road between Akko and Sfat’, 2003
The separation wall, Jerusalem - 2004
Radar foundations Remains of a military base on top of Mount Meron Nature Reserve, 2007
Burned olive trees and Katyusha crater, Lebanon War
Dromology - Palestinian woman and child, West Bank - 2005
Puisqu’il me semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit aujourd’hui qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part
Parler est un besoin, écouter un art.
Toutes les photographies sont la propriété et le copyright de © Sergio Larrain/Magnum Photos
Sergio Larrain est cet énigmatique photographe chilien que l’agence Magnum et les Rencontres d’Arles ont remis en nos mémoires, malgré sa farouche volonté d’oubli, lui qui aura voulu ne plus pactiser avec les « mensonges » de la photo, et qui avait trouvé sa paix intérieure dans la solitude. Il n’aura été vraiment photographe que de 1950 à 1964, mais une véritable légende l’entoure, lui « le photographe de Dieu » comme le dit avec emphase un de ses admirateurs. Retiré, ermite, pris dans les drogues et le mysticisme il se sera fait oublier du monde. On ne pouvait avoir accès à lui, et même un certain code frappé à sa porte ne permettait pas d'entrouvrir forcément l’huis. Il refusait toute image et dialogue. C’est Agnès Sire qui après une amitié épistolaire de trente ans a su le convaincre de laisser publier quelques photos entreposées dans des boîtes posées sur des étagères à l’agence Magnum.
Grâce à elle, la première mondiale de la rétrospective de l’œuvre de Sergio Larrain, récemment disparu en 2012, et qui longtemps a refusé de montrer ses photos, préférant s’évanouir dans le silence et le spiritisme, a lieu en 2013, lors des Rencontres d’Arles. Deux livres, Valparaiso sur des textes de Pablo Neruda, Londres et maintenant un troisième aux éditions Xavier Barrat, Vagabondages sont enfin disponibles.
« Cette connivence me permit de mieux comprendre le photographe et d’entreprendre avec les archives de Magnum un lent travail sur son œuvre. Tout en respectant son point de vue, il fallait lutter contre son désir de tout détruire… Ce n’est qu’en lui assurant qu’il donnerait beaucoup de plaisir aux autres que j’ai pu le convaincre de publier les ouvrages Valparaiso puis Londres. » (Agnès Sire).
Les photographies de Sergio Larrain n’ont fait l’objet que de quatre livres de son vivant.
On a pu dire que « le Chilien Sergio Larrain (1931-2012) a traversé le monde de la photographie comme une étoile filante : fulgurant, lumineux, insaisissable. »
Agnès Sire, la directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson, parle d'une « météorite » qui a eu « la sagesse d'interrompre sa course », car il ne trouvait plus sa liberté dans la photographie, mais une aliénation. Sergio Larrain aura tissé non pas une bruyante solitude, mais une solitude habitée de profondeur et de silence. Lassé du monde et de ses mensonges, de la photographie et de son incapacité à changer le monde, il s’est simplement retiré de ses tumultes, de sa fausse gloire.
Illuminé ? En fait il s’est replié dans sa chambre noire intérieure, pour développer sa spiritualité loin de tous les tumultes humains.
Refus des rencontres ; refus d’être interviewé ou filmé, ce renfermement si loin de la carrière photographique qu’il avait désiré puis renié, aura bâti sa légende et ses affabulations délirantes. Un jour pourchassé par la mafia sicilienne, un autre jour en lévitation spirite. En fait il n’était qu’à la recherche de lui-même et pour lui la photographie devenait une impasse sans importance.
Le photographe vagabond avait posé ses valises en lui-même, las des misères et de la beauté du monde. Lui qui avait su faire émerger comme apparition la magie des êtres et des choses, va vivre en autarcie dorénavant pendant plus de trente-deux ans.
Ce n’était pas une fuite, mais une recherche absolue de la pureté, de la méditation. Plongé dans « le foudroyant déclic de l’éveil » du bouddhisme zen, il dessinait inlassablement des « satori », espérant faire basculer ainsi le monde vers la contemplation, par la simple et répétitive représentation picturale des plantes et des arbres.
Ses expériences spirituelles pouvaient déjà se deviner dans ses photographies, prémices à l’éveil, à la compréhension des choses cachées.
Cet « illuminé » aura consacré son existence à la lumière du dessous qui émerge en chaque être, et aussi à la recherche de la sienne propre, blottie au fond de ses abîmes.
Déçu par l'incapacité de la photographie à changer le monde, Sergio Larrain l'a tôt abandonnée, se consacrant à la méditation et au yoga.
Il était en éveil, comme guetteur de « l’intense immédiateté du monde », et la photographie ne pouvait suffire à contenir tout son monde intérieur. Alors il est parti vers ses rives intérieures, mais il nous a laissé les coquillages de ses images, nous rappelant que la mer fut là, un jour et qu’il faut s’en souvenir.
Sergio Larrain est né à Santiago du Chili en 1931. Il est le fils d'un architecte de renom.
Il est d’abord tenté par la sylviculture qu’il étudie sans succès en 1948 aux États-Unis, puis par la musique. Mais il trouve sa voie dans la photographie, grâce à l’achat de son premier appareil photo, un Leica IIIC, en 1949. En 1951, il retourne au Chili et commence des reportages. Il profite également d’un voyage en famille qui dure huit mois en Europe et au Moyen-Orient (Égypte, Israël, Istanbul, Grèce, Italie, Espagne, Angleterre, France, ...). Mais son port d’attache sera toujours Valparaiso la magique, et Santiago la mendiante. Valparaiso, il l’a sillonnée nuit et jour, en quête de cet «état de grâce» seul susceptible de faire naître «une bonne image». Et Santiago, dont il photographie les enfants des rues, lui montre les déshérités, les laissés-pour-compte de la vie, qu’il semble réchauffer par son empathie.
En 1956, il envoie un portfolio au Musée d'Art Moderne de New York, qui lui achète quelques photos. Mais sa vénération pour Henri Cartier-Bresson sera une véritable obsession, qui ne prendra corps qu’avec leur rencontre à Paris, où il s’installe en 1954.
Profitant d’une rencontre fortuite à Copacabana en 1958 avec le photographe suisse René Burri, qui deviendra son grand ami, et qui lui demande d’apporter à Paris ses pellicules, il rencontre enfin de rencontrer son idole Henri Cartier-Bresson, l’un des patrons de l’agence Magnum, où le Chilien entrera en 1960. Car il lui avait présenté son travail sur Los abandonados (les enfants des rues de Santiago), ceux qui vivent sous les ponts sur les rives de la rivière Mapocho, qui avait impressionné HCB.
Mais le malentendu entre le photo-reportage et la liturgie de « l’instant décisif » et sa propre façon de concevoir la photographie, comme une méditation, va le conduire certes à rejoindre l’agence Magnum, son rêve fou, mais aussi à se perdre dans des photo-reportages de commande, -Guerre d’Algérie, Mafia en Sicile, mariages princiers, la Mostra de Venise, et des événements frivoles…
Il était si fasciné par Bill Brandt qu’il partira sur ses traces à Londres de 1958 à 1959, grâce à une bourse du British Council pour l'Angleterre.
Pendant quelques années il va travailler pour différents magazines européens pour des commandes de l’agence Magnum.
Las de tous ses mensonges, lui qui avait tant Valparaiso au cœur ,il retourne dans son univers. « Je crois que la pression du monde journalistique – être prêt à sauter sur n'importe quelle histoire, tout le temps – détruit mon amour et ma concentration », écrira-t-il à Henri Cartier-Bresson en 1965.
Il collabore avec Pablo Neruda dans une édition d'un livre sur la maison du poète de Isla Negra. Julio Cortázar était son admirateur. Il réalise aussi avec le poète Pablo Neruda un essai photographique majeur, Valparaiso, publié trente ans plus tard à l’occasion de son exposition aux Rencontres d’Arles (1991). Après plusieurs expositions à travers le monde il demande, en 1999, de ne pas poursuivre la médiatisation de son œuvre et refuse toute exposition ou publication. Puis peu à peu le poids de la spiritualité le leste et l’envahit et il va délaisser la photographie, basculant dans les psychotropes de l’esprit, et aussi ceux bien réels que le peyotl et le LSD. Et il aura vécu depuis la fin des années soixante à Ovalle, un village dans les montagnes du Chili, près de Valparaiso, presque entièrement étranger au monde des images.
il va finalement décider de vivre retiré dans la campagne pour pratiquer yoga, méditation et dessin, jusqu’à la fin de ses jours. Retiré de la « civilisation des illusions » depuis les années 80, Larrain se consacrait à la méditation et à l’étude des philosophies orientales.
C'est dans ces années, à la fin des années 60, que Larraín a commencé sa retraite, influencé par le gourou bolivien Oscar Ichazo, qui lui fait découvrir le mysticisme oriental. Il s'installe dans la vallée de Azapa, dans la communauté mystique d'Arika, où il pratique le yoga, avant de s’émanciper et chercher seul sa voie. Il a ensuite déménagé en 1972 à la Myrte, et plus tard, à la fin des années 70, il s'installe définitivement à Tulahuén.
« L'arrivée de la dictature de Pinochet, dont il couvre le coup d'État en tant que reporter, le force à déménager plusieurs fois. Il finit par s'installer à la campagne, à Tulahuén, où il se consacre à l'éducation de son fils, à la méditation et à l'écologie. Il refuse les honneurs, rejette les expositions, qu'il considère comme autant de manifestations d'ego déplacées. » (Claire Guillot, Le Monde.)
il ne communiquait que par lettres distantes, comprenant dessins de satori et de cailloux sur la plage et des poèmes.
Reclus depuis la fin des années 1970 dans sa maison de Tulahuén, au Chili, il y meurt le 7 février 2012, à 9 heures du matin, à 81 ans. Sergio Larraín sera enterré à Tulahuén, non loin d’Ovalle, selon son désir.
«Il réfléchissait sur le vrai sens de la vie, loin des bruits idiots de la gloire, en osmose avec la nature. C’était un sage», confie Bernard Plossu.
Vers la fin de sa vie, il acceptera que sa fille et qu’Agnès Sire fassent connaître son œuvre, qu’il avait si longtemps reniée, n’y voyant que manifestation de l’ego, et de l’orgueil déplacé. Et maintenant ses images peuvent nous envelopper de leur magie.
Il faut aller là où tu le sens... Peu à peu tu vas rencontrer des choses. Et des images vont te parvenir, comme des apparitions. Prends-les. » Serge Larrain.
Dans sa ville tant aimée de Valparaiso, la « rose immonde », Sergio Larrain va débusquer la lumière du dessous qui irradie les êtres, mendiants ou prostituées, passants ou chiens. Il va employer le plus souvent la verticalité, comme pour échapper à la normalité horizontale du monde.
Il travaille souvent en contre-plongée, avec des ombres inquiétantes et la violence de la lumière. Ses cadrages n’appartiennent qu’à lui, si étonnants, souvent extraordinaires par le dramatisme qu’ils suggèrent et imposent. Son premier livre s’intitulait « Le rectangle dans la main », El Rectángulo en la Mano, publié en 1963.
Et pour lui, avec son Leica, le cadrage était l’essentiel de l’image. Pour lui la photo est une manière de recréer, « autour du dénuement et de la fragilité », une force de l’homme et de rendre hommage à la puissance des ombres, afin de «solidifier un monde de fantômes». Il semblait vouloir se perdre dans l'insaisissable, partagé entre la méditation et l'apparition des images, comme moment de magie.
Les ambiances, souvent glauques, mais toujours magiques, proches parfois d’un certain surréalisme à la Brassaï, communiquent instantanément des atmosphères très personnelles. Que ce soit en montrant la misère de Valparaiso, ses enfants en loques, ses prostituées et le bar des « Sept miroirs » qui ne reflètent que leur désespoir, que ce soit en errant dans « l’empire détruit des Incas » en Bolivie, où dans la solitude des brumes de Londres, ou dans les rues angoissantes et vides de Paris, Sergio Larrain subjugue toujours. La photographie lui ouvre les voies oniriques des portes d’une réalité inconnue, mais pourtant très proche. Car le rêve ne devait pas être évasion pour lui, mais captation du réel.
« Pour faire une bonne photo, disait-il, il faut partir de bonne humeur le matin à l'aventure, en marin qui hisse sa voile. Errer, regarder, dessiner sur un bloc. Regarder encore jusqu'à ce que l'on sorte du monde connu pour entrer dans ce que l'on n'a jamais vu. C'est alors que les images apparaissent. » (Larrain).
Et pourtant étranges sont ses images, ses petites filles comme des doubles, ses enfants mendiants, ses prostituées chavirant sur leur douleur. Sergio Larrain avait une conception personnelle de l’art photographique, sa façon de découper l’espace quitte à ne plus mettre en avant un personnage principal, ses contre-plongées qu’il semble effectuer couché sur le bitume, n’appartiennent qu’à lui. Il joue avec les lignes, le combat entre les ombres et la lumière, la magie du noir si présent, qui fondent son style.
Il savait être libre, s’attachant aux moindres fragments poétiques, détachant un détail, un visage, une ombre. Pour cela « Il se mettait dans un état de totale réceptivité; à un moment, il appuyait sur le déclencheur et la magie opérait », raconte sa fille Gregoria.
Larraín est considéré comme une légende vivante de l'art photographique, et sa série sur Valparaiso est devenue un patrimoine de l’humanité. Il pouvait dire « Je suis une légende », mais il n’en avait cure, déjà ailleurs dans l’ailleurs. Il lançait des appels à pratiquer la méditation pour sauver la planète.
« Sergio Larrain voulait changer le monde. Dans ses lettres, il nous disait d'ouvrir les fenêtres, de se débarrasser des choses inutiles, de mettre des tapis par terre... » (Patrick Zachmann). Mais ce magicien est parti et la planète n’est pas sauvée pour autant.
Si nous partons vraiment aussi,
Ce fut en nous consumant
à plein sel marin
et à coups d’éclairs
Ma raison a vécu dehors à tous les vents,
j’ai remis à la mer mon cœur calcaire.
Pablo Neruda (Chant XXV recueil Encore, Mémorial de l’Ile Noire)
Gil Pressnitzer
Sources :
Sergio Larrain, Vagabondages, Agnès Sire et Gonzalo Leiva Quijada, éditions Xavier Barral 2013.
Interview d’Agnès Sire
Source : http://www.espritsnomades.com/artsplastiques/larrain/larrain.html
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