Muriel Carrupt - ciel intouchable
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avec des estampes de Judith Bordas, éditions le Citron Gare, juin 2016
88 pages, 10 euros.
Une traversée, voici ce qu’évoque ce recueil de Samaël Steiner. Ombre et lumière tissées par une langue dense et sensuelle. Traverser et être traversé et Seul le bleu reste. Des villes, des lieux, traversés par des corps, des corps qui marchent, des corps qui glissent,
« Nous allons ensemble,
la rue n’est plus bordée de portes
mais de larges entailles, par lesquelles
on peut se glisser
et apparaître ailleurs et autrement »
des corps qui se touchent, des corps et des êtres que seul un voile de peau sépare, des corps qui se désirent, des êtres qui s’aiment, des corps ouverts souvent comme des fruits ou des poissons, des corps qui tombent, des corps comme des morceaux de pays traversés de guerre. « les corps sont là/la tête traversée » comme celle du danseur de la place Maïdan :
« Il danse,
il a un trou rouge à l’arrière de la tête. »
Ces corps « dont ne reste plus que cet amas de nerfs, noués
et cette peau qui sans ton être n’est même
pas le début d’un tambour »
car voilà, le corps ne se suffit pas, il doit être habité, comme est habité ce recueil, habité d’âme et d’un cœur qui bat, pas seulement pour lui-même mais aussi et surtout pour l’autre.
« Ton bras est ouvert tout le long de la rue,
les passants longent tes veines pour rejoindre le fleuve. »
Et la parole elle-même est traversée, transpercée, poésie vêtue de jour et de nuit, de vie et de mort, qui puise à même les peaux et les os, en elle toutes frontières, limites, se dissolvent et le cœur de ce recueil tissé de routes et de passerelles, c’est bien ça, un chemin allant de l’unicité à l’union, l’universel « simplement un homme pour traverser la nuit » et qui dit union, dit aussi perte et séparation, le corps de l’autre et la maladie et la mort dans le corps de l’autre, et toujours l’amour, l’amour qui éblouit et bouleverse le lecteur, tout particulièrement dans les derniers poèmes du recueil.
« Je t’aime avec tendresse,
je t’aime à retourner une ville »
Et seul le bleu reste, magnifique, sombre et lumineux à la fois, comme le sont les estampes de Judith Bordas qui l’accompagnent.
Cathy Garcia
Samaël Steiner est auteur à la fois pour le théâtre, la poésie et des enregistrements radiophoniques et éclairagiste (formé à l'ENSATT de Lyon pour le théâtre également, la danse et le cirque) deux pratiques qui se nourrissent l’une l’autre. Sa rencontre avec l'auteur, acteur et metteur en scène André Benedetto à qui est dédié ce recueil, fut décisive, autant pour le théâtre que pour la poésie. Ses précédents recueils ont été publiés dans de nombreuses revues, en France et à l'étranger. Vie imaginaire de Maria Moline de Fuente Vaqueros, récit poétique, est paru aux éditions de l'Aigrette en mars dernier. Seul le bleu reste est son deuxième livre.
Judith Bordas est plasticienne ainsi qu'auteure pour le théâtre et la radio. Auteure d'images imprimées (linogravures, eaux-fortes, monotypes), auteure de partitions pour corps et voix sur une scène ou à la radio, son travail de plasticienne est multiple.
Pour commander : http://lecitrongareeditions.blogspot.fr/2016/06/seul-le-bleu-reste-de-samael-steiner.html
Dire du mal des autres est une façon malhonnête de se flatter.
Comme si entretenir le désir de l’autre était plus important, plus précieux que nous-mêmes ou l’autre pour ce qu’il est réellement, que l’on n’a pas à séduire mais à aimer, ce qui est très différent. Quand un miroir regarde un miroir, c’est le néant qui se reflète. Être libéré du fardeau de devoir séduire est absolument fabuleux, c’est sans doute difficile de l’admettre, mais aimer est tout autre chose.
cg in Le livre des sensations
Je suis à la recherche de mon père, ici, parmi la foule des squelettes. J’éprouve un sentiment bizarre. Ici, il y a des traces de lui, je les sens même si elles sont aussi évanescentes que le cri de l’oie déjà enfuie, comme la sensation de la brise passant dans les cheveux.
in Le septième jour
C’est la nuit (pilotée par la lune avorteuse) qui nous intéresse !
La nuit qui nous hurle ses poèmes épileptiques !
in Chroniques du Diable consolateur
la parole interdite embusquée derrière la porte close
la parole refusée bâillonnée en-dedans au dehors
in La Patagonie
le mot n’est-il pas un pilon plus puissant
que n’importe laquelle de nos excroissances
in Je te vois