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  • Werner Lambersy

     

    Les poupées gonflables ne rêvent pas,

    je répère : les poupées gonflables ne rêvent pas.

    Les anges nous font les poches.

     

    in Ici L’ombre (Journal de résistance)

     

     

     

  • Anna Myranda - A couple seeds

     

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    Et la fameuse pomme croquée par Ève est une tradition de mariage celtique, druidique. Je ne pardonne pas à l'Église tous les préceptes qu'elle a imprimé aux fers rouges sur bien des cultures qui ne lui avaient rien demandé... et qu'elle-même se garde bien d'appliquer. Ses crimes sont innombrables et se perpétuent encore. Je dis bien l'Église... Il y a eu et il y a encore des Chrétiens admirables mais qui le seraient tout autant s'ils n'étaient pas Chrétiens. Ceci et valable pour les Musulmans et les Juifs.

     

    cg in Univers'Elle

     

     

     

  • Anne Dufourmantelle

     
    La vie n’est pas le moi ni même notre existence. Elle est or ou source. Obstruée (la source), enterré (l’or), déterminant notre existence, fléchissant nos actes, armant nos intentions, irriguant nos pensées, sans que nous y ayons accès. Et pourtant c’est nous qui menons la danse. Cette vie est la nôtre, et dans la méconnaissance radicale de notre désir, il y a tant de souffrance. Et si peu de liberté. Il est donc urgent de l’entendre, cette vie secrète, de reconnaître sa ligne de chant dans le bruit ambiant, de dégager son rythme, sa puissance, sa tonalité, sa singularité, pour n’être plus – comme le dit souvent la langue française – soi-même au secret, c’est-à-dire au cachot.
     
    in Défense du secret, 2015
     
     
     

  • Gregory Mutombo - Terrorismes...

    Les temps actuels, par leur intensité, nous obligent à réaliser de profondes prises de conscience. La principale doit nous conduire à mesurer notre responsabilité dans le déroulement et le contenu du spectacle du monde.

    Les temps ne sont plus à commenter avec effroi, stupeur, colère, indignation, résignation ou sentiment d’impuissance ce qui se joue devant nous, comme si cela était séparé ou indépendant de nous, comme complètement coupé de nos scénarios intérieurs. Car, que nous l’assumions ou non, ce qui se joue devant nos yeux est le fruit de nos entrailles. Ce qui se joue devant nos yeux est l’expression manifeste de ce que nous portons et produisons individuellement et collectivement. Ce qui se joue devant nos yeux est la densification terrifiante de toutes les paroles et pensées que nous émettons, si souvent empreintes de dualité, de condamnation, de jugement, de rejet, de peur.

    Si nous nous croyons étrangers à l’expression du monde, et particulièrement dans ce que nous lui trouvons de plus vil, de plus obscur, de plus violent, de plus cruel, alors nous perpétuons encore et encore l’idée que le problème vient de l’autre et, par conséquent, que la solution arrivera de l’extérieur. Si nous nous croyons étrangers à l’expression du monde, nous nous privons, de fait, de notre capacité à le faire évoluer par notre implication vibratoire collective. Quel être sur Terre a-t-il retrouvé un jour l’apaisement, lors d’un puissant accès de colère, d’angoisse ou de haine du fait qu’on lui hurle dessus, qu’on le frappe ou qu’on le condamne sans merci ? Aucun. Pourquoi continuons-nous alors à croire que cela sera possible si c’est notre voix qui crie, notre main qui maltraite ou notre conviction qui sanctionne ?

    Il n’est plus temps de crier à la conspiration, au complot, plus temps de dénoncer telle prétendue manipulation, de blâmer telle dérive, de regretter tel laxisme, de chercher des explications rationnelles fondées sur l’Histoire, l’équilibre des forces ou de vagues concepts sociologiques. Il n’est plus temps de se perdre en prévisions chaotiques ni, non plus, en une sorte d’espérance infantile en l’installation progressive, comme par enchantement, d’heures plus douces.

    Pour l’avoir expérimenté durant de longues années, il m’a été donné de comprendre que personne ne revient sain et sauf de la guerre. Personne. Il ne faut jamais se fier à l’absence de blessures physiques… Une partie de nous meurt toujours sur le champ de bataille. Que ce champ de bataille se situe en Centrafrique, en Afghanistan, dans le centre de Paris ou sur la Côte d’Azur. La partie de nous qui meurt est celle qui portait encore certaines croyances fondées sur les notions de bien ou de mal, sur les notions de bourreau et de victime, de vainqueurs et de vaincus. Chacune de nos intentions belliqueuses ou vengeresses, avant même qu’elle ait pris forme dans la réalité concrète, appelle dans l’immédiateté une contrepartie de même nature, émanant de celui que nous considérons comme notre adversaire. On ne combat jamais que soi-même… Jusqu’à ce que l’on dépose les armes et prenne conscience que, faute de l’un des deux combattants, la guerre s’arrête.

    Les temps actuels nous amènent à laisser mourir en nous cette idée que ce qui déchire et meurtrit nos existences est la conséquence exclusive de l’ignorance, de l’obscurantisme, de la haine ou du fondamentalisme caractérisant les autres. Tant que nous ne nous reconnaitrons pas comme co-créateurs – par la peur qui nous étreint, nous enferme et nous voile – de ce qui advient en ce monde, alors nous continuerons d’assister, chaque fois plus sidérés, à la matérialisation du manque d’amour en nous.

    Combattre la violence ne demande aucun courage, juste de l’inconscience. Le courage, au sens étymologique du « cœur qui agit », consiste en cette reconnaissance humble que seule la paix véritablement installée en nous peut engendrer un climat de paix autour de nous. Tout ce contre quoi nous luttons se renforce. Mettre toute notre énergie dans la riposte revient à focaliser nos efforts vers la haine et la peur. Si aucune énergie ne vient nourrir en nous l’amour, l’harmonie, la guérison, comment pourrons-nous semer autre chose que le contraire, le déni, le négatif de ce que nous sommes ?

    Il est temps que l’Humanité cesse de croire que les solutions à tous ses maux sont dans l’action. Elles sont dans l’être. Quel sera le premier des puissants de ce monde à déposer son armure qui, telle une cible, attire nécessairement à elle des flèches ? Quel sera le premier des puissants de ce monde à, courageusement, manifester par sa vibration et son Verbe, l’Amour qui annihile tout ce qui est moins que lumière, plutôt que de repartir encore une fois en guerre, ainsi que cela se reproduit depuis des éons ? Les « puissants » de ce monde sont toujours à l’image des peuples qui les hissent sur leur trône.

    Nous sommes responsables de la façon dont nous regardons le monde. Nos yeux sont le portail de notre âme. De la qualité de notre regard dépend l’élévation ou, au contraire, l’abaissement vibratoire de ce qui est observé. Tant que nous projetterons sur l’autre la somme de toutes nos peurs, nous le maintiendrons sous une cloche de plomb de laquelle il ne pourra s’extraire que par la violence.

    L’heure est au passage de l’empathie à la compassion. L’empathie nous fait souffrir de la souffrance du monde, en la faisant grossir. La compassion est cet état qui ne nie en rien la peine ou la douleur ressentie par l’autre mais, parce que le regard porté ne l’enferme ni dans le statut de victime ni dans celui de bourreau, permet une aide véritable et d’initier un processus de libération. Si nous pleurons, par empathie, du fait de la souffrance éprouvée par autrui, nous serons tôt ou tard ceux qui sentiront monter en eux la colère, la violence ou le sentiment d’impuissance du fait de la cruauté manifestée par tel autre. Et les rôles s’inverseront, une fois de plus…

    Combien de temps allons-nous perdurer dans ces archaïsmes qui ont mené l’Humanité dans sa posture actuelle ? En vérité, la décision nous revient. Elle est intérieure. Elle est notre responsabilité collective et individuelle d’êtres humains dotés de conscience.

    © 2017 Gregory Mutombo – Mentions légales

     

     

     

  • Chavín de Huántar : dans les ‘Mystères’ du Temple du Jaguar

     

     

    Translated by Marcelle Gerday and Patrick Ferryn

    Les ruines monumentales de Chavin de Huantar, à 3200 mètres d’altitude dans la Cordillera Blanca des Andes Péruviennes, sont, officiellement, considérées comme un mystère. Les vastes structures ruinées, en granit et en grès – les murs cyclopéens, les immenses plazas cérémonielles semi-souterraines (NdT : entendons par là : encaissées dans le sol) et les pyramides à degrés – sont datées d’environ 1000 ans avant J.-C. mais, bien qu’elles aient été rénovées et agrandies depuis près de 1000 ans, la preuve d’une culture matérielle qui leur était associée est, au mieux, fragmentaire. Chavin semble n’avoir été ni une ville ni un établissement militaire, mais un temple complexe construit dans le but d’y pratiquer des rituels inconnus, par une culture qui s’est évanouie longtemps avant que des sources écrites fassent leur apparition. Sa caractéristique la plus saisissante est que ses pyramides sont creuses et recèlent un labyrinthe de tunnels reliant des centaines de chambres de pierre exigües. Il pourrait s’agir de tombes, mais il n’y a pas de corps ; d’habitations, mais elles sont disposées selon un plan dépourvu d’orientation dans une totale obscurité ; de réserves de grains, mais leur arrangement est également impraticable. En contrepartie, le sous-sol est un dédale de conduits d’irrigation creusés dans la roche, aménagés pour canaliser les flots détournés du Rio Huachecsa qui coule en amont, et il y a, fiché au milieu d’une chambre cruciforme, un monolithe sculpté, représentation baroque d’une entité aux yeux énormes et aux dents de jaguar.

    L’archéologie admet par consensus que Chavin était une sorte de centre cérémoniel ; certains ont tenté de le situer dans le cadre d’une tradition perdue d’oracles et d’induction de rêves. Mais le mystère demeure profond et est considérablement accru par l’importance que le site semble avoir eu. D’après les estimations, et selon la manière dont le terme est défini, la « civilisation » émerge spontanément dans seulement une poignée d’endroits autour du globe : en Mésopotamie, dans la Vallée de l’Indus, en Chine, au Mexique, peut-être le long du Nil. A cette courte liste, spécialement si la civilisation est définie en termes d’architecture monumentale, on se doit maintenant d’ajouter le Pérou. Ce n’est que vers 1930 que l’on a proposé que Chavin avait trois mille ans d’âge, et c’est tout récemment qu’on a reconnu que de vastes structures cérémonielles de plazas et pyramides ont été construites au Pérou au moins un millier d’années plus tôt. Le site côtier de Caral, qu’on est seulement en train de dégager actuellement, se révèle contenir la plus ancienne pyramide de pierre découverte à ce jour, antérieure à celles de l’Ancienne Egypte pharaonique. Ainsi le mystère de Chavin n’est un cas isolé : il était l’efflorescence d’une culture unique et parfaite, toujours en attente d’interprétation.

    Mais il existe un trait saillant et largement négligé de la culture de Chavin qui permet l’accès au cœur du mystère : la présence d’un complexe de puissantes plantes hallucinogènes dans son monde rituel. Le cactus San Pedro (Trichocereus/Echinopsis spp.) est explicitement décrit dans son iconographie; tout comme le cactus peyotl mexicain, le San Pedro contient de la mescaline, et est toujours largement utilisé au Pérou pour ses effets hallucinogènes. Les objets retirés du site comprennent également des boîtes à priser et des tubes en os similaires à ceux encore en usage dans l’Amazonie péruvienne pour inhaler des semences et des écorces contenant le puissant hallucinogène DMT (la diméthyltryptamine). Richard Burger, archéologue de l’université de Yale, dont l’ouvrage Chavin and the Origins of Andean Civilisation (Thames & Hudson 1992) fait autorité en la matière, affirme très clairement que ‘le rôle essentiel des substances psychotropes est amplement attesté à Chavin’.

    Ce n’est pas plaider particulièrement en faveur des anciennes cultures focalisées sur les psychotropes (du moins, pas nécessairement) que d’observer que la présence de plantes altérant le niveau de conscience offre un lien entre les vestiges et le rituel, en indiquant l’état de conscience dans lequel ce dernier se serait déroulé. Cela débouche aussi sur la présence de traditions profondément enracinées de l’usage de plantes hallucinogènes qui existe toujours dans la région, et sur la compréhension moderne des drogues en question. La combinaison de plantes contenant de la mescaline et du DMT a été curieusement peu explorée, même par ceux qui étaient en marge des cultures contemporaines où les drogues jouaient un rôle important, mais ces préparations peuvent légalement être obtenues, sont relativement simples à concocter dans des doses à haut potentiel, et puissamment actives. De telles observations peuvent avoir limité le pouvoir d’expliquer, parce qu’un état de conscience n’est pas un système de croyance et n’offre que peu de preuve du déroulement des cérémonies dans lesquelles les drogues sont utilisées. Néanmoins, les effets de ces drogues particulières posent des paramètres logistiques pour leur usage, auxquels le plan du complexe de Chavin pourrait avoir constitué une réponse pratique.

    De la côte, en passant par Caral et Sechin.

    Commençons par un bref survol de la culture dont Chavin a émergé, suivi de quelques réflexions sur le rôle qu’ont pu jouer les plantes hallucinogènes dans les mystères du temple. Pendant plusieurs milliers d’années, la côte pacifique du Pérou est restée telle qu’elle est aujourd’hui : un désert aride ressemblant à un paysage lunaire. Il n’y pleut jamais excepté pendant les années d’El Nino ; l’eau fraîche ne se trouve que dans les rares vallées des rivières qui la parcourent ; pour la meilleure partie de plus d’un millier de kilomètres, des rivages rocheux rencontrent le froid océan dans un brouillard brumeux. Mais le terrain rude possède ses richesses : le courant de Humbold, surgissant des profondeurs gelées de l’océan du sud, est chargé de krill et vivifié de poissons ; sa biomasse est supérieure de cent fois à celle du suave Atlantique à la même latitude, au large du Brésil. Pendant dix mille ans, une population humaine substantielle a été alimentée par ce courant: l’industrie de la farine de poissons aujourd’hui, à l’odeur rance qui embaume toute la région, mais à l’Age de Pierre des groupes de chasseurs-cueilleurs itinérants dont la présence est attestée par des amas coquilliers. Certaines de ces collines de détritus organiques – coquilles d’huîtres, ficelle de coton, piments séchés, ossements broyés – atteignent une trentaine de mètres de hauteur et sont restées en usage continu pendant cinq mille ans ou plus.

    C’est de cette culture côtière nomade saisonnière, fluctuant entre la côte aride et les vallées fertiles des montagnes, que les premiers sites monumentaux ont émergé. Les dates sont encore réexaminées, mais dès à présent fermement fixées un peu avant deux mille ans avant notre ère. Les sites pourraient avoir été utilisés beaucoup plus tôt comme huacas, endroits naturels sacrés, autour desquels des structures cérémonielles en pierre et en adobe se sont graduellement ajoutées et se sont étendues. Caral, un site massif à 160 kilomètres au nord de Lima, où des fouilles conséquentes sont finalement en cours, est peut-être un exemple de ce processus. Son complexe étalé de talus poussiéreux disposés autour d’un mégalithe central, peut-être originellement charrié dans la vallée à la suite d’un tremblement de terre. Depuis cette pierre, la plus ancienne pyramide semble faire écho au sommet de la montagne qui la surmonte, suggérant que le mégalithe pourrait avoir été le foyer central de cet alignement. La construction des pyramides, à Caral comme ailleurs, semble avoir débuté par des plates-formes rehaussées pour des foyers, qui ont ensuite été surélevées en couches successives quand le site a grandi pour faire face à l’accroissement de la population. A côté des pyramides de Caral apparaît une autre originalité qui perdurerait des millénaires et se retrouve de la côte jusqu’aux hautes montagnes : une aire circulaire encaissée dans le sol, suffisamment vaste pour assembler plusieurs centaines d’individus, avec des escaliers conduisant à la plate-forme de la pyramide qui la surplombe.

    Ce schéma de la plaza et de la pyramide, reproduit dans des douzaines de sites s’étendant sur des centaines de kilomètres et des milliers d’années, semble s’être développé dans un contexte cérémoniel, mais l’on s’accorde encore peu quant à savoir tout ce que cela pourrait avoir impliqué. Outre la difficulté de reconstruire des systèmes de pensées et de croyance au départ de vestiges lithiques, ces sites primitifs sont avares en vestiges culturels. Il y a peu de tombes et elles sont simples; et la construction des monuments primitifs précède la cuisson des poteries (d’où le terme archéologique ‘précéramique’ pour désigner cette ère). Il y a peu de preuve d’habitat humain, bien que certaines des chambres des pyramides de Caral auraient pu servir à l’hébergement de ceux qui fréquentaient le site. Certains chercheurs ont pensé à qualifier ces derniers comme étant une ‘élite de prêtres’, la classe dirigeante d’une société stratifiée, mais ils auraient aussi bien pu n’être rien d’autre qu’une classe de fonctionnaires spécialisés sans statut particulier dans la communauté. Il est certain qu’un site comme Caral n’aurait pas été une résidence prisée : ce n’est pas un palais au centre d’un établissement assujetti, comme un monastère perché sur ses cimes désolées. Sa situation, en un lieu stérile, désertique, battu par le vent, domine une vallée fertile, n’englobant aucun des précieux terrains irrigués.

    La taille du complexe suggère que la vallée fertile attirait les visiteurs, et que Caral était un site de pèlerinage pour plus d’individus que n’en comptait sa communauté locale. L’agriculture la plus ancienne sur la côte a émergé dans de telles vallées, spécialement le coton et les calebasses, qui étaient employés pour la fabrication de filets de pêche et de nasses flottantes : il se peut, pour cette raison, que le site cérémoniel ait grandi en taille en même temps que l’usage de ces commodités cultivées se sont répandues toujours plus largement à travers les ramifications des communautés de pêcheurs dans l’une et l’autre direction de la côte. Ceci suggérerait une image très différente de celle présentée par des grandes civilisations mieux connues telles que la Mésopotamie ou la Vallée de l’Indus, où des archéologues ont tendance à associer les origines de l’architecture monumentale avec le contrôle de relations de pouvoir complexes – un état centralisé, un labeur obligatoire, des systèmes d’irrigation, un clergé dominant ou la puissance militaire. Le Pérou semble offrir une histoire plutôt différente: celle de structures émergeant peu à peu, largement non planifiées, et durant des générations à l’intérieur d’un réseau mouvant de hasseurs-cueilleurs sans état.

    Un autre exemple de la culture de ces sites Précéramiques côtiers est Sechin, un complexe datant de quelques siècles après Caral (vers 1700 avant J.-C.) et couplé à des vallées de rivières vers le nord. Ici, pour la première fois, le temple est orné de gravures figuratives. Mais si celles-ci constituent un indice, c’est un atout faussé : des représentations graphiques, mais indéchiffrables, taillées en relief sur des blocs de pierre. La plupart sont anthropomorphes, quelques-unes démembrées, mais leur motif le plus distinct réside dans des lignes sinueuses, se terminant souvent en pointes ressemblant à des bouts de doigts, sortant de différentes parties des corps. Certaines de celles-ci semblent être des intestins et d’autres émergent des bouches des gravures ; d’autres encore s’enroulent autour des têtes, des mains et des oreilles, suggérant qu’elles ne sont pas des représentations littérales de sang, de boyaux ou de fluides corporels. Leur signification demeure controversée. Les premières interprétations formulées à leur sujet tendaient à affirmer qu’elles étaient des figurations de guerriers sauvages commémorant des luttes tribales, des victoires et des populations décimées, mais nombre de ces figures sont difficilement compatibles avec un tel schéma. Des interprétations récentes, par contraste, ont tendance à se focaliser sur des états visionnaires, peut-être chamaniques, comme l’art paléolithique rupestre en Europe est de plus en plus interprété non comme des représentations réalistes de ‘scènes de chasse’, mais comme une séquence de rêve imaginaire provoqué par un état de conscience modifié – voir par exemple David Lewis-Williams: The Mind in the Cave (Thames & Hudson, 2002). Dans cette lecture, les volutes numineuses et les halos commémoreraient non des victoires militaires, mais des mystères que le cérémoniel de Sechin engendrait.

    Il existe une preuve circonstancielle pour invoquer l’usage de plantes hallucinogènes dans ce monde cérémoniel. Certains éléments proviennent de Chavin, où les mêmes concepts émergeraient plus tard avec des images de ces plantes explicitement représentées. Une autre partie vient de trouvailles archéologiques faites à proximité, comprenant des chiques de feuilles de coca mâchées, et des rouleaux de matériaux végétaux qui peuvent être des cactus San Pedro évidés, épluchés et séchés. La coca, à côté de restes d’autres plantes séchées, implique un réseau commercial qui reliait la côte et les montagnes – une symbiose qui caractériserait plus tard la culture de Chavin. La coca ne pousse pas sur la côte, mais à une altitude de 1000 à 2000 mètres au-dessus des vallées ; San Pedro commence à coloniser les versants montagneux escarpés au bord supérieur de cette ceinture, s’étendant jusqu’à 3000 mètres. Etant donné que des vivres constitués de plantes montagneuses plus volumineuses ont été fournis à la côte désertique éloignée de deux ou trois jours de marche, et que des poissons séchés et salés ont été livrés en retour, le San Pedro frais ou séché pourrait avoir été descendu en quantité, ainsi qu’il en est encore actuellement.

    La culture de Chavin, quand elle a émergé, témoignerait de l’existence de contacts de cultures croisées, et plus encore de surcroît. Cependant, Chavin n’était pas le premier centre cérémoniel dans les montagnes. Le site Précéramique de Kotosh, à 160 kilomètres, par-delà les chaînes montagneuses, date d’une période similaire à Sechin, et ses vestiges montrent des structures semblables : des plates-formes comme des autels, autour de foyers entourés de pierres, entassées les unes sur les autres, en plusieurs couches d’occupation. Un symbole Précéramique impénétrable survit également : un relief d’une paire de mains croisées, en boue moulée et séchée, actuellement exposé au Musée National de Lima. Des siècles avant Chavin, peut-être dès 2000 avant J.-C., Kotosh démontre que des liens commerciaux entre les montagnes et la côte avaient aussi généré un certaine culte commun.

    Une structure bien particulière.

    L’émergence de Chavin comme centre cérémoniel, probablement vers 900 avant notre ère, contribue appréciablement à cette image antérieure : le site est de conception plus complexe que ses prédécesseurs, et de loin plus riche en art symbolique. Chavin n’est pas situé sur un pic ou sur une crête dominante, mais bien dans une vallée étroite de la rivière Mosna, à la jonction d’un affluent, entouré de montagnes s’élevant abruptement pour l’enfermer de tous côtés. De même, la structure du temple elle-même n’est pas destinée à être spectaculaire ou visible de loin, mais est cachée de tous les côtés derrière de hauts murs. L’approche du site se serait faite par une rampe d’entrée étroite dans ces murs, dont le trait distinctif était d’être décorés avec des têtes en pierre sculptées plus grandes que nature, un peu comme des gargouilles, certaines humaines, certaines distinctement félines avec des mâchoires exagérées et des canines proéminentes, et d’autres, souvent couvertes de motifs sinueux, dans un processus de transformation d’un état à un autre. Ce procédé de transformation est clairement un supplice physique : les têtes de formes changeantes grimacent, les dents montrent un rictus grinçant. Dans un détail spécifique et récurrent, de la morve coule à flot de leur nez.

    A l’intérieur de ces murs – maintenant pour la plupart ruinés, et avec la majorité des têtes remisées dans des couloirs du temple, dans ce qui fait office de musée sur le site – il y a encore d’importants vestiges d’un complexe cérémoniel qui a été retravaillé et étendu pendant à peu près un millier d’années ; ses derniers éléments et les plus volumineux datant d’environ 200 avant J.-C. Le plan de base est traditionnel, celui de la plaza et la pyramide à degrés, mais celles-ci sont ornées avec bien plus de complexité que les sites antérieurs. Plusieurs linteaux, colonnes et stèles sont couverts de sculptures en relief, de traits sinueux figurant des mâchoires félines, d’yeux et d’ailes. Le premier coup d’oeil laisse une impression de chaos et d’absence de plan, mais lors d’une inspection plus détaillée, ces motifs se déploient en des images composites, leurs éléments s’entrelaçant selon différentes échelles et dimensions, le tout souvent représentant quelque entité chimérique composée d’autres créatures à échelle réduite se lovant à l’intérieur. Quand l’architecture s’est développée au cours des siècles, elle est devenue plus imposante en dimensions, reflétant l’extension croissante du site ; en même temps, les reliefs deviennent graduellement moins figuratifs et plus abstraits, des entités discrètes se fondant dans une mosaïque de modèles stylisés et florissants.

    C’est seulement en 1972 que les plus frappants de ces reliefs ont été découverts, sur des blocs garni de faces qui bordent la plus ancienne des places enfoncées dans le sol, courant autour de sa circonférence comme une frise à hauteur du genoux. Ces sculptures sont présumées dater de la période formative du site ; la plus remarquable est une figuration humaine dans un stade de transformation féline, hérissée de mâchoires, de griffes et de serpents, et portant un indubitable cactus de San Pedro tel une hampe de lance. En dessous de cette représentation – le ‘chaman’ comme on le désigne de manière informelle – se déroule une procession de jaguars sculptés en lignes ondoyantes, avec d’autres créatures, des oiseaux de proie et des serpents , parfois incorporés dans les verticilles de leur queue.

    Ces motifs sont tous de profil et tous regardent vers les marches qui conduisent de la place circulaire à la vieille pyramide. Pratiquement à son sommet (actuel) se trouve une plate-forme dallée. Mais en retrait de celle-ci, quelque peu plus à gauche, on remarque un aménagement inhabituel en forme de U (peut-être jadis recouvert) et une paire de portes se faisant face, ouvrant sur l’obscurité intérieure de la pyramide elle-même. On descend ainsi par un escalier dans une galerie d’environ deux mètres de hauteur, appareillée de grosses dalles de granit et de linteaux, plutôt comme les longs couloirs des tumulus de l’Age du Bronze. Les tunnels, fréquemment coudés à angle droit, comme dans les labyrinthes, sont apparemment destinés à désorienter ceux qui y pénètrent et à arrêter la lumière du jour, zigzaguant dans l’obscurité complète. Ces corridors souterrains conduisent à des douzaines de chambres latérales taillées dans la roche, certaines suffisamment vastes pour que pour contenir cinq ou six personnes, d’autres apparemment dévolues à un confinement solitaire. Des niches creusées dans certains murs des chambres pourraient avoir abrité des lampes à huile, et on remarque aussi des linteaux saillants qui auraient pu servir à accrocher des hamacs. Courant au travers du réseau compliqué de diverticules et de chambres, il y a des conduits de section réduite ; certains d’entre eux servent à la ventilation, d’autres sont des canalisations d’eau qui vont précipiter les flots de la rivière détournée et les faire tonitruer dans ce monde souterrain aménagé de façon si sophistiquée.

    Juste au cœur du labyrinthe, trône une stèle sculptée dans le style primordial de Chavin, fichée dans une étroite chambre cruciforme. Elle représente une déité anthropomorphe griffue, dentue, aux yeux exhorbités. Le sommet du monolithe, axis mundi de quelque 4m50 de hauteur, est scellé dans le plafond et émerge ainsi dans le sol de la galerie supérieure qui existait jadis sous le sommet de la pyramide (NdT: avant l’alluvion de 1945 qui détruisit en grande partie le monument). L’assemblage de pierres branlantes dans cette chambre supérieure, qui forme un bouchon à la couronne de la pyramide, a conduit à la supposition qu’elles auraient pu être mobiles, permettant au Lanzon – dénomination du monolithe taillé – d’être exposé à ciel ouvert par un orifice. D’autres indices découverts sur le site, tel un gros bloc arrondi creusé de sept cupules figurant les Pléiades, suggèrent qu’un des éléments du rituel de Chavin – peut-être en raison de l’étroitesse de l’espace entourant le Lanzon, davantage réservé au prêtre scrutant le
    ciel qu’au public – pourrait avoir inclus l’alignement de la stèle avec des événements astronomiques.

    Cette plaza et la pyramide constituaient l’originalité de Chavin, mais au cours des siècles, de nombreux et vastes appendices se sont ajoutés. Plusieurs puits, certains toujours inexplorés, conduisent vers le bas dans des complexes souterrains plus grands. Le travail de la pierre y est plus élaboré que dans l’ancienne pyramide et leurs chambres latérales sont typiquement plus spacieuses. Il y a aussi une place souterraine beaucoup plus étendue, carrée plutôt que circulaire, menant vers le haut à une nouvelle pyramide et à des murs l’entourant selon un plan plus imposant. Quoi qu’il ait pu se passer à Chavin, son architecture suggère que des événements s’y sont déroulés en continu pendant des siècles et pour un nombre croissant de participants. Le plus fréquemment, on s’accorde à dire que ce qui se passait à Chavin tenait de l’ordre du ‘culte’, bien que des éléments significatifs pourraient peut-être suggérer d’autres fins telles que lieu de pèlerinage, site sacré, oracle ou, dans son sens classique, temple des mystères. Ceci est une conclusion partiellement induite par manque de preuves que Chavin était liée à l’idée d’un empire ou d’un pouvoir étatique : on n’y trouve aucune structures militaires, pas d’avantage que la trace d’ouvrages collectifs pour des travaux publics de grande envergure comme l’irrigation ou l’habitat. Pendant plusieurs siècles de son existence, des structures tribales seraient apparues, puis auraient disparu, autour de Chavin; des changements dans l’équilibre du pouvoir seraient survenus, laissant apparemment intacte la source de son autorité. Son influence cultuelle – ou culturelle – s’est cependant répandue largement et au loin. Pendant le premier millénaire avant J.-C., des sites ‘chavinoïdes’ ont fleuri au travers de vastes régions du nord du Pérou et des huacas naturelles préexistantes ont commencé à se développer dans le style florissant de Chavin: des surfaces rocheuses sculptées de dents et de mâchoires de serpents, des pierres levées décorées de formes humanoïdes aux yeux globuleux, pourvues de crocs. Il est incontestable que des gens venaient à Chavin, parcourant des distances considérables et transmettant son influence au retour, jusqu’à des vallées, montagnes et côtes lointaines.

    Un voyage rituel vraiment particulier.

    Peut-on alors en déduire que Chavin faisait l’objet d’une religion? On a émis quelques spéculations selon lesquelles les sculptures du site appartiendraient à une ‘cosmologie Chavin’, avec l’aigle, le serpent et le jaguar correspondant à la terre, au ciel et ainsi de suite, et les variantes de formes humanoïdes, telles que représentées sur le Lanzon, à une ‘déité suprême’. Mais Chavin n’était pas le siège d’un pouvoir qui aurait pu contraindre ses sujets à remplacer leur religion par la sienne : la diffusion de son influence indique qu’elle tirait ses dévots d’un large éventail de systèmes de croyances tribales avec lesquels elle coexistait en parallèle. Il faut peut-être l’envisager comme un site proposant une expérience plutôt qu’une cosmologie ou un credo, avec son architecture conçue et dessinée pour être le locus d’un voyage rituel particulier. Dans cette perspective, les icônes de Chavin n’auraient pas été des déités en concurrence avec celles des participants mais des représentations graphiques du processus qui se déroulait à l’intérieur de ses murs.

    Le motif central de ce processus est assez clairement signalé par les formes changeantes des têtes félines qui ornent ses portails: transformation de l’état humain en quelque chose de différent. C’est ici que Chavin déploie l’influence d’un nouvel élément culturel qui n’était pas flagrant dans les sites qui l’ont précédée. La prééminence du jaguar et des motifs de formes changeantes supposent l’entrelacs de traditions non seulement originaires de la côte et des montagnes, mais aussi de la jungle, au loin par-delà les Andes. Tandis que le style monumental de l’architecture de Chavin se calque sur les modèles côtiers antérieurs, son symbolisme se traduit par les transformations félines qui caractérisent encore de nombreuses formes de chamanisme de l’Amazone. Les réseaux commerciaux sur la côte Pacifique ont depuis longtemps rejoint ceux des montagnes; à Chavin, où la rivière Mosna coule à l’Est dans le Rio Maranon et ensuite dans l’Amazone, il semble que ces réseaux aient aussi atteint les versants orientaux humides des Andes jusque dans la jungle, et aient transmis l’influence à une autre culture de chasseurs-cueilleurs: celle caractérisée par de puissantes pratiques chamaniques de transformation, avec dans la plupart des cas l’utilisation de plantes hallucinogènes.

    Ces influences jumelles – côte et montagne d’une part, et jungle d’autre part – se reflètent dans la présence à Chavin non pas d’une plante hallucinogène, mais de deux. Le cactus San Pedro, comme représenté sur le mur de la Vieille Place de Chavin, peut avoir été un élément de la tradition côtière antérieure, mais est dans tous les cas originaire de la haute vallée de Chavin: un magnifique spécimen, qui doit être au moins vieux de 200 ans, surplombe le site aujourd’hui. Des villages locaux en plantent encore des haies, et les marchands sur les marchés curandero, en bas dans les cités côtières, viennent se fournir dans la région. Mais le mucus coulant du nez des têtes sculptées, combiné avec les trouvailles matérielles de tubes d’inhalation en os et des boîtes à priser, tout pointe avec une égale clarté vers l’usage à Chavin de plantes contenant une seconde drogue, le DMT, et ainsi vers une tradition de source différente : la jungle amazonienne.

    Actuellement, l’usage ethnographique le plus connu de prises contenant du DMT se situe dans l’Amazonie, parmi le peuple Yanomami, qui traditionnellement insuffle de la résine d’écorce de l’arbre Virola, réduite en poudre, dans le nez de chacun avec de longues pipes de près de 2m, une pratique qui produit une explosion hallucinatoire courte mais intense, assortie de spectaculaires écoulements de morve. Mais il y a d’autres contenants variés à sniffer le DMT dans la région, comprenant les semences réduites en poudre de l’arbre Anadenanthera colubrina, dont la distribution – et sa représentation artistique dans des cultures andines ultérieures – en font l’ingrédient le plus vraisemblable de la cuvée de Chavin. L’aspiration d’Anadenanthera a été largement remplacée dans de nombreuses régions de l’Amazonie par un breuvage à base d’ayahuasca, une pratique plus aisée pour l’ingestion de DMT, mais ce changement est récent, et l’Anadenanthera est toujours utilisé par certains groupes tribaux dans la forêt éloignée, à proximité des frontières du Pérou, de la Colombie et du Brésil. Même aujourd’hui, les arbres poussent sur les versants amazoniens des Andes orientales et à l’ouest jusqu’aux régions montagneuses autour de Kotosh. L’altération de l’état de conscience proposée à Chavin se faisait, semble-t-il, par l’intermédiaire de ces deux psychédéliques extrêmement puissants.

    La présence de ces deux plantes à Chavin, sans nécessairement éclairer le but ou le contenu des rituels, a certaines implications. Les effets et la durée du San Pedro et de l’Anadenanthera sont très distincts l’un de l’autre et caractérisés par des usages rituels tout à fait différents. Le San Pedro, bouilli, étuvé et bu, peut demander une heure ou plus avant que ses effets soient ressentis : lorsqu’ils apparaissent, ils comptent au moins pour dix. La sensation physique est euphorique, languide, expansive, souvent accompagnée de nausées ; dans plusieurs traditions indiennes, de tels effets sont partagés, incluant les participants dans des danses lentes traînantes à trois temps et des chants. L’effet sur la conscience est à la fois fluide et océanique, comprenant des traces visuelles et un sens aiguisé de présence : les lignes sinueuses qui entourent les figures à Sechin pourraient peut-être se lire comme des représentations visuelles de ce sens de l’énergie se projetant du corps – particulièrement des intestins sinueux psychédélisés – vers un monde spirituel immanent.

    L’Anadenanthera, au contraire, produit une brève réaction violente, et puissamment potentialisé par l’absorption préalable d’une dose de San Pedro. Environ un gramme de poudre de semences doit être sniffé, assez pour remplir les deux narines. Ce processus provoque rapidement une sensation de brûlure, de fortes nausées et souvent des vomissements convulsifs, la production d’écoulements de mucus nasal et, peut-être, une demi-heure de visions exquises, fréquemment accompagnées de contorsions physiques, de grognements et de grimaces, qui sont typiquement comprises dans les cultures amazoniennes comme des transformations félines. A l’inverse de San Pedro, qui peut être pris en commun, l’épreuve physique de l’Anadenanthera tend à en faire une prise solitaire ; le sujet est roulé en boule, les yeux clos, absorbé dans un monde intérieur. Ce monde intérieur est peut-être reconnaissable dans les nouveaux motifs décoratifs qui émergent à Chavin. Des images comme le tracé spectaculaire qui couvre la stèle Raimundi – une figure humaine qui semble s’épanouir dans d’autres dimensions et portant une coiffure élaborée de multiples yeux et crocs – sont un rappel non seulement de l’art ayahuasca dans l’Amazonie d’aujourd’hui, mais aussi du travail visuel fractal, généré par ordinateur, associé à l’usage du DMT dans les sous-cultures occidentales modernes.

    Drogues et architecture à Chavin.

    Les effets distincts de ces deux drogues évoquent une division fonctionnelle entre deux éléments ou phases du rituel, qui est reflétée dans les éléments architecturaux contrastés de Chavin. Comme la kiva dans l’architecture amérindienne du Sud-Ouest, tellement semblable, la plaza circulaire est déjà interprétée comme un espace commun, utilisé pour rassembler et mélanger et donc, peut-être, pour danser et chanter pendant un long rituel accompagné pour des intoxications en groupe avec le San Pedro : il se pourrait que le cactus était déjà un élément traditionnel des cérémonies côtières, d’où la forme de la plaza serait originaire. L’ajout novateur de chambres à l’intérieur de la pyramide, au contraire, semble être conçue pour l’absorption dans un monde intérieur engendré par l’Anadenanthera, une incubation dans laquelle le sujet est transformé et renaît dans la matrice de l’obscurité.
    L’architecture de Chavin, dans ce sens, peut être comprise comme une technologie visionnaire, conçue pour extérioriser et intensifier ces intoxications, les focalisant dans un voyage intérieur particulier. Dès lors, ceci expliquerait la raison pour laquelle un si grand nombre entreprenait un si long et difficile pèlerinage vers ces cérémonies. Il n’était pas nécessaire de se rendre à Chavin pour trouver du San Pedro ou de l’Anadenanthera. Tous deux poussent de manière sauvage et en abondance dans les Andes ; il pourrait difficilement y avoir eu, comme dans certaines cultures anciennes et modernes, un monopole du clergé sur leur usage. Ceux qui sont venus à Chavin n’étaient pas contraints d’agir ainsi; l’endroit drainait des participants d’une vaste région sur laquelle elle n’exerçait aucun contrôle ni politique ni militaire. La cérémonie qui se déroulait à Chavin aurait, plutôt, offert un rituel à dimension spectaculaire, où les effets des plantes auraient été expérimentés en masse, à l’intérieur d’une architecture prévue pour accroître et diriger ceux-ci.

    Dans cet environnement, les participants pouvaient s’assembler pour pénétrer et partager un monde autre, et ainsi se soumettre eux-mêmes à une quête individuelle de vision hautement chargée. La plaza souterraine aurait pu, ainsi que le suggèrent les restes découverts, avoir catalysé la conscience sublimée du San Pedro en un rituel de masse dansant et chantant ; les participants pouvaient ensuite avoir gravi les escaliers du temple individuellement pour recevoir un sacrement complémentaire de semences d’Anadenanthera réduites en poudre, administré par les prêtres au moyen de tubes à sniffer en os. Quand ceci commençait à agir, ils auraient été conduits dans les chambres à l’intérieur de la pyramide où ils auraient expérimenté leurs visions accrues par le DMT dans une obscurité solitaire. Ici, le tumulte amplifié de l’eau, les grognements et les rugissements des participants invisibles autour d’eux les auraient enfermés dans un monde surnaturel, où la conscience ordinaire pouvait être abandonnée, le corps lui-même métamorphosé et le monde vu d’une perspective déformée, surhumaine – analogue, peut-être, à la mystérieuse vision nocturne du félin prédateur. Le développement des chambres souterraines au cours des siècles reflèterait la demande logistique d’un nombre toujours croissant de participants désireux de franchir le portail du jaguar et de se soumettre à un supplice modifiant l’existence et offrant une vue du monde éternel en dehors de l’humain.
    Ainsi Chavin demeure un mystère, mais peut-être dans un sens plus spécifique. Si nous voulons trouver une analogie pour ses fonctions dans la culture occidentale, elle pourrait résider dans les Mystères d’Eleusis, commençant comme ils l’ont fait dans des chambres souterraines près d’Athènes, un peu plus tard que Chavin, aux environs de 700 avant J.-C. Comme Chavin – Eleusis a persisté pour près de mil ans, sous différents empires, dans son cas grec et romain; comme Chavin – et comme le Hadj à La Mecque aujourd’hui – c’était un site de pèlerinage qui attirait ses participants d’un réseau de cultures diversifié débordant virtuellement du monde connu. Les sources écrites classiques attestent de certains des détails extérieurs aux Mystères d’Eleusis : son calendrier saisonnier, ses processions, son faste rituel et la rupture du faste par une potion de plante sacrée, le kykeon. Mais au cours des milliers d’années durant lesquelles les mystères ont perduré, les secrets les plus profonds d’Eleusis – les visions révélées par les prêtresses dans les chambres au cœur de la terre – n’ont jamais été dévoilés, protégés sous peine de mort. A Chavin, les seules traces qui ont subsisté sont les pierres du site lui-même, mais le mystère était peut-être du même ordre.

    This version first appeared in Kadath #103 (2007)
    http://www.kadath.be

     

    Source : https://mikejay.net/chavin-dans-les-mysteres-du-temple-du-jaguar/

     

     

     

  • Courgette farcie inspiration shinto

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    Une belle grosse courgette, des tomates fraîches, une tasse de flocons d'azukis, deux œufs, deux grosses gousses d'ail, des feuilles de shiso* vert et pourpre et de la coriandre fraîche, un piment Etna, cumin en poudre, de la chapelure maison, huile d'olive, gros sel

     

    Couper la courgette en deux, puis de nouveau en deux dans le sens de la longueur, pour faire quatre beaux morceaux à farcir. Les mettre dans un plat avec de l'huile d'olive et saupoudrés d'un peu de gros sel, au four 20 mn environ, jusqu'à ce que les cœurs soient bien tendres. En attendant dans un saladier, couper les tomates en morceaux, rajouter le piment, les herbes et les gousses d'ail hachés. Rajouter le cœur des courgettes cuit (et profitez-en pour retourner les morceaux de courgettes). Bien mélanger, rajouter les flocons d'azukis, les œufs, le cumin en poudre, bien mélanger encore et ajouter en dernier de la chapelure maison (miettes de pain récupérées sur la planche à pain et conservées en bocaux). Retourner de nouveau les morceaux de courgettes et farcissez-les du mélange, saupoudrer de chapelure maison et remettez à four chaud un quart d'heure. Se mange chaud ou froid. Délicieux !

     

     * Cette plante alimentaire japonaise a de nombreuses propriétés : antiseptique (conservation des aliments), minéralisante, alcalinisante , réduit en cas d’allergie la production d’histamine, d’immunoglobuline E. Les graines donnent une huile riche en oméga-3, aux vertus réparatrices et apaisantes pour le corps. L’huile fait son apparition sur le marché français en tant que revitalisante et anti-âge. Les graines lipidiques de Perilla frutescens (L.) Britton var. japonica (Hassk.) Hara Egoma, fournissent l’huile odorante pour les cérémonies shintoïstes, et l’huile pour certaines laques japonaises.

    (source : http://www.tela-botanica.org/actu/article2446.html)