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  • Gabriel Taïga

     

    Talus, talweg, versant
    synclinal, anticlinal
    moelle des roches
    partitionnée
    j’ai tout oublié
    même ces leçons sur les nuages
    laissé sous clef
    les signes du décor

    49°17’57.2″N 105°55’13.(…) »E

    écoute-moi, c’est une cache
    mais il est tard déjà,
    trop pour se méfier
    des satellites
    des filets tendus
    des barres de recherches qui reniflent et furètent en hyène
    des yeux multipliés, qui n’en finissent pas
    ils figent
    ils volent
    même les âmes, comme le veut la croyance
    la couture intérieure des street views
    ils ont dynamité consciencieusement, méticuleusement
    les territoires du songe
    tout ce qui reste embué dans le roman initial
    les angles morts sont dénudés
    dans la douleur
    sacrilège

    49°17’57.2″N 105°55’13.(…) »E est maintenant sacrilège

    et puis la musique change
    change d’avis
    soudain
    le ciel est passé à l’ambre
    il prend tout, aspire tout dans son sac
    de nuée aveugle
    la brusquerie d’une morsure
    à peine le temps pour nos voix
    et l’ampoule
    de s’éteindre
    un poteau électrique s’effondre
    un signal d’erreur qui ne trompe pas
    l’ombre se jette sur la table
    le thé brûlant
    ses cercles concentriques
    de lait et d’histoires qui ne s’écrivent pas

     

    49°17’57.2″N 105°55’13.(…) »E lettres et chiffres remuent, ondoient, deviennent les arbres qui manquent ici

    j’étais neuf
    je ne connaissais pas encore l’horloge de la pièce du fond
    je n’avais pas mis à jour les points cardinaux
    d’après le soleil
    quand tout est devenu une sorte de réplique des eaux profondes
    elle s’est dirigée sur nous
    elle nous visait
    la tempête
    la tempête de poussière
    maille serrée
    à peine le temps de courir aux fenêtres
    rabattre ces carreaux doubles qui tiennent l’hiver en respect
    sa lame omnisciente
    à peine le temps de voir la colline au loin
    pour la première et la dernière fois
    les chiens ne hurlaient plus
    le vent avait tiré la flamme en arrière
    il cueillait, dessinait
    niait en bloc
    l’horizon ne pouvait plus lancer d’appels
    j’ai compris
    la poussière, les broussailles de poussière, le vent de poussière
    voulaient effacer mes traces
    me recouvrir
    que mes pas se perdent ici, à jamais
    près d’une palissade quelconque
    dans une allée vierge de numéros, de noms
    qui s’ouvre sur l’herbe inclinée dans le sens de la cavalcade
    dans la pièce éteinte
    les lèvres remuent pour les troupeaux
    par-dessus bord
    et ceux qui les veillent
    nuit rouille fugace furieuse
    mauvais génie
    et moi qui demande qu’elle m’efface
    qu’elle me prenne dans son récit

    49°17’57.2″N 105°55’13.(…) »E avale mes signaux

    Décrue.
    cheminées et toits reparaissent
    au-dessus des lignes de bois cendre
    les oiseaux ressortent de sous nos paupières
    très vite des hommes
    flottent au loin
    s’affairent sur une charpente révélée, poutres brisées
    c’est du silence qu’ils clouent
    on quitte nos terriers, la steppe est à portée
    de réel
    une sale histoire
    jonche la prairie qui se reforme
    qui reprend ses bleuités
    plastique verre carton
    et des points de métal en dripping
    butin malaise
    on a failli mâcher tout ça

    49°17’57.2″N 105°55’13.(…) »E giflé, hagard, averti

    les animaux vont surgir de cet air là
    dont les accès de lave se tassent peu à peu
    étouffe et colmate la gorge béante
    entrouverte sous le village
    le soir finira bien par s’amener
    les maisons se remplir
    la laine tiède revenir
    trainant un peu de pluie bienvenue
    le village est plus fort qu’il n’y paraît
    le village a des racines secrètes
    le train passe, en contrebas
    il a vu la taïga, il a vu le désert
    et personne d’ici n’y monte
    le train pour clore la scène
    qui passe, dépasse et nous laisse
    un goût sur la peau
    et les chevaux sauvages
    qui se cabraient sur l’orage
    les wagons ne sont plus peuplés que de nourrissons, ils vont profonds dans les eaux tièdes du rêve
    ils fondent
    et nous aussi

    49°17’57.2″N 105°55’13.(…) »E
    49°(…)57.2″N (…)°55’13.(…) »E
    49°(…)57.(…) »N (…)°(…)’13.(…) »E

     

     

     

     

  • Qin Feng

    Qin Fengjpg.jpg

     

    Je crache en vain et m’estourbis de fumée, je vomis le venin qui n’en finit plus de me blesser et je rêve d’un amour revenant, relevé des décombres, un amour flambant neuf pour chasser les ombres.

     

    cg in Calepins voyageurs et après ?

     

     

     

  • Laura Kasischke

     

     

    Le diable sort au chant du corbeau

    La première nuit à tire-d’aile, nous avons pris notre envol.
    Tout juste sortis de l’enfer, nous avons niché
    dans l’arbre à lunes
    parce que l’arbre de vie
    était chargé de citrons
    et que l’arbre de mort
    avait blanchi sous les cocons laiteux des anges.
    Nous avons secoué l’arbre et les lunes
    sont tombées à côté des crânes de mastodonte
    éraflés et abrasés par le sable.