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  • Grisélidis Real - De Profundis



    I

    Au fond
    Tout au fond du souvenir
    Pourrit ta carcasse
    Amour déchiqueté
    Par les chiens de l'ombre
    On ne triche pas
    Avec le désespoir
    Il ronge le cœur
    Plus lentement
    Qu'un cancer
    Tout au fond de l'enfer
    De solitude
    Nue
    Sous le fer des regards


    II

    Je me jette à la nuit
    Comme on jette un cadavre
    Au fond d'un puits
    Défigurée
    Par tant de cris
    Qu'on ne me reconnaîtra plus
    Ma chair sera ombre
    Parmi les pierres
    La terre une caresse
    Immense
    Sur mon sexe ouvert
    Aux lèvres de la nuit


    III

    Tant de morsures
    M'ont torturée
    Tant de bouches
    Ont craché sur moi
    Je ne sais plus
    Qui je suis
    Moi
    Ou vous
    Bêtes affamées
    Repues
    Vautrées
    Je suis nue
    Sans peau et sans os
    Enveloppée de vos désirs
    Accrochés à mon corps
    Vous buvez tout mon sang
    Jusqu'à l'aube


    IV

    Homme de mon amour
    Toi qui m'a transpercée
    De tes paroles
    Acérées
    Et violée de tes yeux de silex
    Toi aussi un jour
    Tu seras dépecé
    Par le vautour de l'ombre
    Ta gorge sera trouée
    Ta poitrine écrasée
    Chacune de tes viscères
    Te sera arrachée
    Ta dernière heure
    S'abattra sur ta bouche
    T'étouffant de ses plumes
    La MORT
    Ce vieil oiseau de proie
    Fondra sur toi
    Pour se repaître de ton souffle
    Et crever tes yeux verts


    V

    J'ai tant aimé ton corps
    Qu'il sera comme un fleuve
    Bruissant dans mes artères
    J'ai tant aimé la source
    Envoûtée de caresses
    Brûlée de mes baisers
    Faisant jaillir l'eau vive
    De ton sexe
    Dans ma bouche amoureuse
    Que je n'aurai plus soif
    D'un autre océan
    Que ton sang
    Et faim d'une autre chair
    Que la tienne
    Je ne serai consumée
    Par d'autre feu que tes mains
    Qui m'ont laissée en cendre
    Dans le désert
    Des nuits inhabitées

     

     

     

  • Jacques Lacarrière

     

    Marie des sables, oiseau nu du désert, insecte orant, buisson mobile, bufflesse, lézard et nourrisson de Dieu, mue d’insecte, nuée musicale, conque hantée et maintenant…

     

    Cendre absolue. Calcinée d’anges.

     

     in Marie d’Egypte

     

     

     

     

  • Grisélidis Real - Mort d'une Putain



    À Gabrielle Partenza

    À toutes,

    À nous autres



    Enterrez-moi nue
    Comme je suis venue
    Au monde hors du ventre
    De ma mère inconnue

    Enterrez-moi droite
    Sans argent sans vêtements
    Sans bijoux sans fioritures
    Sans fard sans ornement
    Sans voile sans bague sans rien
    Sans collier ni boucles d'or fin
    Sans rouge à lèvres ni noir aux yeux

    De mon regard fermé
    Je veux voir le monde décroître
    Les étoiles le soleil tomber
    La nuit se répandre à sa source
    Et m'ensevelir dans sa bouche
    Muette la dernière couche
    Où m'étendre enfin solitaire
    Comme un diamant gorgé de terre

    Me reposer dormir enfin
    Dormir dormir dormir dormir
    Sans plus jamais penser à rien
    Mourir mourir mourir mourir
    Pour te rejoindre enfin ma mère

    Et retrouver dans ton sourire
    L'innocence qui m'a manqué
    Toute une vie à te chercher
    Te trouver pour pouvoir te perdre
    Et te dire que je t'aimais



    écrit la nuit.  Clinique Le Cesco, Genève, 17 avril 2005

     

     

  • Grisélidis Réal (1975/76)

     

     

     

    "Que vaut-il mieux prostituer : son cul ou son âme ? Le cul, bien entendu. C'est plus pénible physiquement, mais c'est plus propre." Quand à 30 ans, au début des années 60, Grisélidis fuit Genève avec ses deux enfants et son amant noir, c’est pour quitter une vie qu’elle trouve trop ennuyeuse. Sans économie et sans destination précise, elle vit au jour le jour. Cette quête de liberté ne la lâchera plus. Par choix, elle deviendra une catin révolutionnaire, une femme forte et combative - habitée par la rage de l’humanité. Toute sa vie, elle se prostituera "pour ne pas mourir", écrira "pour ne pas mourir" ; il en résulte cinq livres. En 2009, quatre ans après sa mort, son corps sera transféré au cimetière des rois de Genève, là où "sont enterrées les personnes qui ont fait l’histoire de Genève" - sur sa stèle l’épitaphe indique : "Peintre, Écrivain, Prostituée"."

    est-il écrit en présentation du film "Grisélidis Real, carnet de bal" de Natacha Giler (2013).

    Il y a très longtemps j'ai découvert Grisélidis Réal, avec son bouquin La passe imaginaire qui m'avait vraiment bouleversée, puis plus tard dans ce documentaire de Jean-François Davy qui date de 1976... Me reste à lire entre autre, dans mes innombrables piles de "à lire" : "Le noir est une couleur". J'ai souvent penser à faire de vraies lectures de cette écriture si forte, si humaine, à l'image de la femme qui l'a commise, ça viendra peut-être...

     

     

  • Gao Xingjian

    Gao Xingjian 226.jpg

     

    Le mot juste. Un silence pointé. Un baiser.

     

    Le mot juste, un souffle. Le premier déchire les poumons. Le dernier les recoud.

    Le mot juste, pas un soufflet. Le mot juste ne dit pas je t’aime mais le fait. Il ouvre le cœur, ça fait mal, mais l’air est juste.

     

    L’air qui sépare le mot de la mort.

     

    in Les mots allumettes, Cardère 2012