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RÉSONNANCE & COPINAGES

  • Entretien avec Joanna Moncrieff, universitaire et psychiatre anglaise

    Rare article en français qui évoque cette psychiatre et universitaire anglaise donc il date (traduction d'un entretien donné à un magazine américain en 2016) et j'ai lu un autre entretien, tout récent celui-là, dans Principes de santé, suis hélas peu étonnée que dans un pays où on prescrit des molécules comme des bonbons sans aucun autre soutien, il n'y ait pas plus d'articles au sujet de ses livres dont aucun à ce jour n'est traduit en français....

     

    "Joanna Moncrieff est Maître de Conférence à l’University College London, et exerce également en tant que psychiatre. Ses travaux portent notamment sur l’histoire, la philosophie et la politique de la psychiatrie et de la santé mentale.

    En 2016, le magazine Américain Psychology Today publiait un entretien destiné à faire le point sur ses recherches.

     


    Votre premier livre s’intitulait « The Myth of the Chemical Cure ». Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ses principaux points ou ses conclusions ?

    JM : On suppose que les médicaments prescrits pour les problèmes de santé mentale agissent en ciblant et en inversant un déséquilibre chimique sous-jacent (ou une autre anomalie du cerveau). Ce que je voulais dire aux gens dans ce livre, c’est qu’il n’y a aucune preuve que ce soit le cas, et qu’il existe une autre façon de comprendre l’action des médicaments.

     

    J’ai appelé ces deux idées le modèle d’action des médicaments « centré sur la maladie » et « centré sur les médicaments ». Le modèle centré sur la maladie c’est l’idée que les médicaments ciblent et réparent une maladie ou une anomalie sous-jacente ; le modèle centré sur le médicament c’est l’idée que les médicaments exercent des effets psychoactifs chez tout le monde, qu’ils aient ou non un diagnostic psychiatrique. Ces effets peuvent interagir avec les symptômes de détresse mentale. Par exemple, les médicaments antipsychotiques atténuent les processus de pensée et les émotions parce qu’ils ont un effet inhibiteur généralisé sur l’ensemble du système nerveux. C’est ce qui semble réduire les symptômes psychotiques, et non le fait de réparer des déséquilibres chimiques sous-jacents.

     

    Dans ce livre, je me penche sur l’histoire du modèle d’action des médicaments axé sur la maladie et sur la manière dont son développement a été guidé par les intérêts de la profession psychiatrique, de l’industrie pharmaceutique et de l’État. Je démontre l’absence de preuves de ce modèle pour chaque grande classe de médicaments psychiatriques, y compris les antipsychotiques, les antidépresseurs, les « stabilisateurs d’humeur » et les stimulants. Je précise la nature des effets psychotropes de ces différents médicaments et les implications pour leur utilisation dans la pratique clinique.

     

     

     

    Un autre de vos livres s’appelle « The bitterest pills: the troubling story of antipsychotic drugs ». En quoi ce livre diffère-t-il du précédent, et quels en sont les principaux points que vous aimeriez faire connaître aux gens ?

     

    JM : Dans « The bitterest pills », je me penche sur l’histoire des médicaments antipsychotiques, depuis leur « découverte » et leur introduction en psychiatrie dans les années 1950 jusqu’à l’expansion massive de la prescription au cours des dix dernières années. Dans les années 1950, les antipsychotiques étaient considérés comme des tranquillisants d’un genre particulier, des médicaments qui agissent en inhibant et en limitant le système nerveux. Cette idée a toutefois été progressivement oubliée et remplacée par l’idée qu’il s’agit de traitements sophistiqués qui ciblent une maladie cérébrale sous-jacente. En d’autres termes, ils ont été compris selon le modèle d’action des médicaments axé sur la maladie, bien qu’il n’y ait jamais eu de preuves à l’appui.

     

    Cette façon de comprendre les antipsychotiques a produit une vision édulcorée de leurs effets. Les preuves d’effets indésirables graves, notamment la dyskinésie tardive (une anomalie neurologique), le rétrécissement du cerveau et le diabète, ont été supprimées ou occultées. En revanche, les preuves de leurs avantages, notamment pour le traitement à long terme et l’intervention précoce, ont été surestimées. Le livre décrit également la récente épidémie de prescription d’antipsychotiques pour les troubles bipolaires et examine le rôle de l’industrie pharmaceutique dans cette expansion. Des inquiétudes sont soulevées quant au niveau des effets indésirables que ce mode de prescription est susceptible de produire à l’avenir.

     

     

     

    Vous exercez en tant que psychiatre. Comment aimeriez-vous voir la psychiatrie évoluer ?

     

    JM : Tout d’abord, je pense que la psychiatrie essaie de résoudre des problèmes pour lesquels elle n’est pas qualifiée. La misère causée par les problèmes sociaux, la pauvreté, le chômage, les relations difficiles et l’isolement social ne peuvent pas être aidés par un traitement médicamenteux comme les antidépresseurs. Les gouvernements nationaux et les communautés locales doivent s’attaquer à ces problèmes, et les gens doivent comprendre que ce ne sont pas des maladies, et que leurs problèmes ne seront pas effacés par les médicaments.

     

    Pour les troubles mentaux plus graves comme la psychose, j’aimerais voir des institutions et des services qui offrent des alternatives au traitement médicamenteux, afin que les gens aient plus de choix. Le traitement médicamenteux peut être utile lorsqu’une personne est gravement malade, mais même dans ce cas, certaines personnes s’en remettront sans médicaments, si elles se trouvent dans un environnement favorable. Je suis toutefois particulièrement préoccupée par la prise de médicaments à long terme. J’aimerais que les gens aient la possibilité d’essayer de s’en passer, s’ils le souhaitent, avec le soutien des services de santé mentale, plutôt que de se sentir obligés de les prendre pour toujours.

     

    Que pensez-vous du paradigme dominant actuel en santé mentale qui consiste à diagnostiquer et à traiter les troubles mentaux  ?

     

    JM : L’idée de diagnostic est trompeuse. Le DSM et le CIM sont des systèmes de classification, pas des systèmes de diagnostic. Ce sont des tentatives pour classer la myriade de « symptômes » ou de problèmes de santé mentale en catégories, basées sur notre expérience du type de schémas que les gens manifestent. Les classifications n’indiquent pas les causes des affections, elles ne sont qu’une façon d’organiser l’expérience et elles sont très subjectives. Les problèmes de santé mentale sont très individuels, il n’existe donc pas de méthode universellement valable ou utile pour les classer. Les catégories prédéterminées ne saisissent pas l’essence des problèmes d’un individu particulier, et vous disent rarement ce qui est utile.

     

    Le problème de notre approche actuelle du traitement est qu’elle est présentée comme ciblant une maladie ou une anomalie cérébrale sous-jacente supposée. Elle est basée sur la présomption que les médicaments agissent selon le modèle d’action des médicaments axé sur la maladie. C’est pourquoi nous avons ignoré les propriétés psychoactives (altérant l’esprit) des médicaments que nous utilisons. Nous devrions avoir une meilleure connaissance de toutes les altérations que les médicaments produisent dans le corps et l’esprit. Les propriétés psychoactives de certaines drogues peuvent être utiles dans certaines situations, mais elles peuvent aussi être désagréables et handicapantes, et cela n’est pas assez largement reconnu.

     

    Si l’un de vos proches était en détresse émotionnelle ou mentale, que lui suggéreriez-vous de faire ou d’essayer ?

     

    JM : Cela dépend entièrement de la nature des problèmes. Je ne pense pas qu’il soit utile d’avoir une approche globale des problèmes de santé mentale, ni même des troubles ou des diagnostics individuels. Chaque personne ayant reçu un diagnostic de dépression aura un ensemble de problèmes différents, par exemple, et une histoire différente qui mènera à ces problèmes. Ce sont les problèmes propres à chaque personne, et non une étiquette de diagnostic, qui devraient déterminer le type d’aide qui sera utile. Cette aide peut comporter un soutien pratique pour faire face aux difficultés sociales et interpersonnelles, elle peut inclure une thérapie pour aider l’individu à identifier les origines de ses sentiments et à développer des stratégies pour mieux les gérer, et elle peut parfois inclure un traitement médicamenteux pour réduire l’intensité des pensées préoccupantes ou des sentiments de détresse."

     


    Source : https://selibererdelapsychiatrie.wordpress.com
     
    Son dernier livre (aucun n'est traduit en français...) : Chemically imbalanced: The making and unmaking of the serotonin myth, Flint 2025 (e-book), voir le site de l'auteur : https://joannamoncrieff.com/, elle a un blog sur lequel elle poste aussi beaucoup d'articles très intéressants (en anglais).
     

    « j’aimerais voir des institutions et des services qui offrent des alternatives au traitement médicamenteux afin que les gens aient plus de choix » Joanna Moncrieff

     

     

     

     
     

     

     

     


  • Artistes palestiniens d’aujourd’hui sur Francopolis


    Ahmed Muhanna, Adib Khalil, Jihad Alghoul,
    Nabil Anani, Rawan Anani,
    Wadeei Khaled

    "Cet album numérique dédié à des artistes palestiniens – accessible aussi dans notre rubrique Créaphonie du numéro d’automne de Francopolis (3/2025) – se veut une contemplation muette, où les images parlent d’elles-mêmes, non accompagnées de poèmes ou autres littératures, sauf à l’occasion, des propres paroles des artistes. Leurs œuvres racontent, crient, rêvent, espèrent, enragent, apaisent, résistent. Elles surgissent puissantes, bouleversantes et d’une beauté éblouissante, comme seul le grand art le fait parfois, face à la mort, en lui opposant non seulement un miroir cru qui capte et renvoie à nos yeux l’horrible réalité de ses formes les plus atroces, mais aussi l’envers du miroir, qui reflète, à l’encontre de la mort, l’immense envol, irrépressible, indomptable, de l’Âme dans sa liberté créatrice absolue, portée par l’amour de l’humanité et le respect d’autrui. Elle triomphe de tous ceux qui s’imaginent l’anéantir sous les bombes, par la faim, par la tuerie de masse, par la destruction d’une
    identité culturelle et d’une histoire.

    Artistes de Gaza, par vos œuvres vous restaurez la foi dans l’Homme !"


    Dana Shishmanian
    12 septembre 2025

     

    à voir ici : http://www.francopolis.net/livrefranco2/BiblioFranco-15-ArtPalestinien-2025-3.pdf

     

     

  • Paola Leone

     

    Dis-leur
    qu’on a  perdu d’avance
    que le monde est fou
    qu’il ressemble à un trou

    Dis-leur 
    qu’on est épuisés
    de bouffer du vide 
    et
    de boire de l’acide

    Dis-leur
    qu’il faut descendre bien bas
    pour comprendre
    le fond des choses

    Dis-leur
    que le diable a toujours la gueule ouverte
    qu’il ne la ferme
    jamais

    Dis-leur
    que les racines des arbres
    ouvrent
    des portes nouvelles

    et que c’est

    qu’il faut aller
    pour
    comprendre la vie

    Dis-leur 
    que la première fois 
    c’est toi qui décide 
    Dis-leur 
    que la nuit 
    c’est comme le jour 
    si 
    c’est 
    toi 
    qui 
    le 
    veux 
    Dis-leur 
    mille fois 
    que si tu t’échoues
    et que l’écume remonte sur tes joues
    rien n’est jamais perdu 
    Dis-leur,  
    qu’il faut
    lever l’ancre des bateaux
    mesurer la longueur du silence
    revenir près de l’abat-jour
    coudre des cordes
    tourner les talons
                et 
    regarder devant, tout simplement… 

     

    Source :  https://revuemiroir.fr

     

     

     

     

  • Roméo Bondon - Élisée Reclus et la solidarité terrestre

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    aux éditions Le Passager clandestin, août 2025, 128 p., 12 euros. 

     

     

     

    "Tous les combats doivent être menés en même temps, selon Élisée Reclus, géographe libertaire, anarchiste, féministe et végétarien. Le géographe Roméo Bondon dédie un livre à la « solidarité terrestre » du penseur.

    Grand voyageur, géographe visionnaire, militant socialiste puis anarchiste, Élisée Reclus (1830-1905) fut l’un des savants majeurs du XIXe siècle, dont la renommée fut comparée de son vivant à celle de Jules Verne et Alexander von Humboldt.

    Après une relative éclipse au XXe siècle, ses textes font l’objet d’un regain d’intérêt — militant et académique — depuis quelques années. Dans un petit livre publié le 22 août, Élisée Reclus et la solidarité terrestre (éd. Le Passager clandestin), Roméo Bondon, lui-même géographe, présente la vie et l’œuvre de cet intellectuel avant-gardiste, agrémenté de plusieurs extraits à la tonalité écologiste."

    Lire la suite avec l'interview de l'auteur ici : 

    https://reporterre.net/Elisee-Reclus-ne-faisait-pas-de-hierarchisation-entre-les-luttes

     

     

     

  • Claire Touzard - Folie et résistance

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    https://www.editionsdivergences.com/livre/folie-et-resistance

    Paru en mai 2025

     

     

    Introduction de l'auteur :

     

    Le 9 juin 2023, je suis sortie de chez la psychiatre. Je me sentais terrifiée, soulagée, et déçue à la fois. Cette spécialiste qui avait travaillé à l’hôpital Sainte-Anne me confirmait l’intuition que j’avais eue, après quatre ans de quête : j’étais atteinte d’un trouble bipolaire. J’étais soulagée et terrifiée parce que ce mot, « bipolarité », tout en sonnant comme une sentence, apportait aussi une explication. Mais j’étais, dans le même temps, contre l’idée d’une catégorisation. Je me sentais un peu piégée par cette étiquette. Paradoxalement, elle incarnait un point de départ. Elle me déculpabilisait aussi de cette incapacité à aller mieux ces derniers temps. Je pouvais enfin relire des années d’enfers psychiques, de trous dans ma vie sociale, professionnelle, à l’aune de ce terme. Il était un liant, un révélateur tout en étant terriblement effrayant car réducteur. Il m’ôtait une partie de moi, de ma liberté d’être. Il me plaçait quelque part – dans une case pas tant médicale que sociale.

    La folie.

    J’étais déçue car ce diagnostic allait sans doute conforter mes détracteur·ices. Tandis que je traversais le parc jouxtant le cabinet, et alors que je scrutais la statue en pierre curieuse d’un vieux type alpha, je pensais surtout à cela. Que l’on allait peut-être moins me prendre au sérieux désormais, ou qu’on allait lire mes idées ou engagements politiques à travers cette maladie. Cela n’a d’ailleurs pas tardé. Quelques jours plus tard, je déjeunais avec une connaissance. Je savais que cette personne scrutait mes prises de position d’un œil critique. Cela faisait plusieurs mois que je défendais la libération de la Palestine et que je dénonçais le génocide à Gaza. Je participais à des actions, des œuvres collectives, des plateaux télé sur le sujet – recevant, vu les amalgames ambiants, mon lot de harcèlement. La première chose qu’elle me dit, quand je lui fis part de mon diagnostic, fut :

    « Ah voilà, je savais bien qu’il y avait une explication à ton obsession pour la Palestine ! »

    Elle paraissait rassurée et arborait un air triomphal. Son intuition avait été la bonne. Si je défendais les opprimés et dénonçais des milliers de morts de civils, un génocide qui touchait soixante pour cent de femmes et d’enfants, selon Amnesty International, c’était bel et bien que j’étais atteinte, d’un point de vue psychique. On ne pouvait pas, selon sa lecture du monde, être lié·es de trop près à cette cause – non pas parce qu’elle ne lui parais- sait pas juste, mais parce qu’elle vous faisait forcément perdre en réputation, mettait en danger vos contrats, votre travail, votre sécurité. Et que pour elle, comme pour des millions de personnes, c’était cela qui était devenu « raisonnable » et sensé.

    Le confort.

    Plusieurs questions ont alors fusé dans mon esprit. Je me suis demandé comment nous avions abouti à ce système de valeur dans lequel la raison était de taire le génocide de dizaines de milliers d’innocents, tandis que la folie serait de s’ériger contre. Je me suis aussi interrogée sur un éventuel lien entre mes troubles psychiques et ma résistance.

    Le contexte social accentuait-il cette « anormalité » qu’on me prêtait ? Visiblement, mon trouble tranchait avec une apathie ambiante – il était donc intéressant à analyser comme une rupture. Une force politique. Qui plus est, la lutte pour la Palestine s’était imposée à un moment où je me réparais physiquement et psychologiquement. J’ai vu dans la lutte pour cette population oppressée une nécessité plus globale de réparation mondiale. La Palestine était un gouffre dans lequel s’immisçaient et se mêlaient les traumatismes des minorités et les douleurs collectives, un gouffre qui mettait en lumière le fascisme globalisé. La Palestine était une des pires horreurs colonialistes que j’allais vivre, moi, femme née dans les années 1980 : en direct sur nos écrans, on assistait à un massacre en masse de civils que normalisaient nos démocraties. Contrairement à l’Irak et à d’autres crimes de l’Occident, je pouvais voir sur mon téléphone ces crimes filmés en temps réel – ainsi que le décalage entre cette violence inouïe et les discours médiatiques qui tendaient à le minorer, voire l’effacer.

    Avec cette dissonance cognitive, le monde avait perdu la raison. Nous assistions à une révélation de la folie : elle s’exposait et se propageait, grâce à Internet, donnant l’impression d’une accélération d’évènements de façon quasi hallucinatoire.

     

    (...)

     

    Suite de cette très passionnante introduction à lire ici :

    lmsi.net/Vous-avez-dit-folie

     

     

    2.3-1568x1046-2640948628.jpgClaire Touzard a été diagnostiquée d'un trouble bipolaire au moment où son engagement politique allait croissant. Dans ce récit à la fois personnel et politique, l'autrice de Sans Alcool s'intéresse à la folie, un concept désuet en psychiatrie mais encore d'usage courant, qui pourrait rassembler, en une forme de communauté politique, les personnes neuroatypiques ou atteintes de troubles psychiques. L'autrice nous montre que notre santé mentale est instrumentalisée par les dirigeant.e.s, pour mieux ériger en norme une vraie déraison : capitaliste, colonialiste et patriarcale. Or notre folie peut être un outil de résistance et de libération. Elle explore une vision du soin différente, politique, à travers les voix des plus grand.e.s activistes, de la poétesse Audre Lorde au mouvement Black Panthers. Et si notre réparation passait par une révolution intellectuelle et collective ?

    Claire Touzard est journaliste et grand reporter.

     

     

  • Philippe Godard

    « Ce système nous a proposé jusqu’à maintenant d’accumuler, de vivre à fond dans l’avoir. Et il a acheté notre complicité, alors que des êtres humains n’avaient même pas la possibilité de vivre décemment. Cette misère s’étend à tout être vivant. La terreur d’État, l’asservissement industriel, l’abêtissement capitaliste et la misère sociale nous frappent toutes et tous. Insidieusement et continuellement, ces forces néfastes divisent notre être intime. Une partie de nous se voit subrepticement contrainte à être le bourreau de notre autre moi, celui qui rêve, sait et veut que ce monde ne soit pas celui-là. Combien d’entre les citoyens tentent difficilement de défaire la nuit ou pendant leur maigre temps libre ce dont ils ont été complices chaque jour travaillé ? »

    C’est ce qu’on peut lire dans un manifeste anarchiste dans les années 2008-2009 pendant la crise des subprimes.

     

    in L'anarchie ou le chaos

     

     

  • Maria Kakogianni

    Ère d’encre.
    L’heure où le merle chante au milieu des conquêtes et des migrations.
    L’heure où la réalité dépasse la fiction et celle-ci sort ses griffes.
    Le soleil est en train de croquer la ligne ondulante d’horizon.
    Les couleurs font tache sur tout ce qui voudrait être ou avoir une limite. Chair et pierre, corps, viande, esprit.
    Il y a un enfer fêlé pour chaque amour empêché, chaque enfant qui n’arrive pas à dormir, et chaque monde qui n’en finit pas de finir. 

     

     

  • Hommage à Abdelmajid Kaouah (1950-2025)

    Je relaie un message reçu ce jour de Christian Saint-Paul à qui je demandais il y a quelques temps s'il avait des nouvelles d'Abdelmajid qui ne répondait plus à mes mails depuis un bon moment. J'ai eu la joie de le rencontrer en plus de le lire quand je l'avais invité à une soirée poésie que j'organisais à St Cirq-Lapopie en 2008, ça date. Journaliste et poète, il était à l'origine entre autre d'une anthologie de poésie algérienne, Quand la nuit se brise, parue chez Points en 2012. Je l'avais publié dans ma revue en mai 2007. C'est vraiment avec beaucoup de tristesse que j'apprends son envol pour je l'espère de meilleures dimensions, ce monde lui, perd une très belle personne.

     

    Je plante mon arbre
    là où l’eau broie la chevelure du soleil
    écartelé entre deux ateliers de violence
    et c’est l’amour sur les chemins parallèles
    des hommes
     

    in Par quelle main retenir le vent

     

    soirée poésie 007.JPG

    St Cirq-Lapopie, le 2 septembre 2008

     

    Voici sa présentation qui figure dans Nouveaux délits n°23, mai 2007 :

     

    Abdelmadjid Kaouah est né le 25 décembre 1950 à Aïn-Taya, près d'Alger. Il est journaliste de profession. Correspondant de divers journaux algériens francophones (Les Soir d’Algérie, Le Quotidien d’Oran) et chroniqueur littéraire (Notre Librairie, littératures du Sud, Paris).. Il produit durant plusieurs années des émissions radio de culture et de société et dans la presse écrite. Titulaire d’une Maîtrise consacrée à la poésie algérienne de langue française suivie d’un D.E.A. inachevé sur Mohammed DIB (Université Toulouse Le Mirail). Il publie depuis les années 70 chez Alif (en Tunisie), les éditions du Stencil en Algérie notamment : Trois télégrammes d’amour et un poème pour les enfants, De toute manière et en France. Son recueil Par quelle main retenir le vent, préfacé par Tahar Djaout en 1986 évoquant ce qu'aurait pu être l'Algérie si les poètes avaient eu la parole, est réédité suivi de La Jubilation du jasmin par les éditions Noir & Blanc ainsi que L'Ombre du livre. Il obtient le prix Sernet 1995 des Journées internationales de poésie de Rodez pour La Maison livide (éd. Encres Vives, Toulouse). En 1999, il publie Le Nœud de Garonne (éd. Autres Temps, Marseille). Figure dans de nombreuses anthologies poétiques. Il a publié aux éditions Autres Temps une anthologie : Poésie algérienne francophone contemporaine  (coll. "Temps poétique", 2004). Dernière publication : Le Cri de la mouette quand elle perd ses plumes (Encres Vives, mars 2006). La violence qui a frappé son pays dans les années 90 l'a poussé à l'exil en région toulousaine où il vit aujourd’hui. En voie de parution : Que pèse une vitre qu’on brise ; Suite suédoise ; Sarabande amoureuse.. Sa douleur favorite : « elle est toute baudelairienne : c'est l'implacable spleen. »

     

     

     

    Message reçu ce matin de Christian Saint-Paul :

    "J'avais beau savoir depuis qu'il ne donnait plus de nouvelles, que les courriels demeuraient sans réponse, que nous allions perdre le grand poète algérien Abdelmajid Kaouah, apprendre son décès survenu à Perpignan le 20 juillet 2025, me plongea dans le désarroi. 

    Je ne pouvais plus retarder la submersion de la tristesse et étouffer tous les souvenirs des moments heureux que nous avions partagés.

    Michel Cosem (1939 - 2023), d'emblée, dès les premiers temps de l'exil de ce poète algérien fuyant son assassinat programmé durant la guerre civile d'Algérie dans les années 1990 (+ de 100 000 morts), l'a accueilli à Encres Vives.

    1. Kaouah, journaliste de profession, était un homme de radio. Je fus son invité à son émission à Radio Soleil, puis, plus tard, l'invité régulier - souvent avec la comédienne Danièle Catala -  de son émission à Canal Sud à Toulouse.

    Lui, devint un familier de mon émission "Les poètes" à Radio Occitanie.

    Je l'ai fait rencontrer le poète franco-israélien Michel Eckhard-Elial et il était présent à la Bibliothèque du Musée Georges Labit à Toulouse, lorsque ce dernier est venu présenter les éditions Levant

    Il participa à un colloque de l'Académie des jeux floraux à l'Hôtel d'Assézat sur la poésie des rives de la Méditerranée.

    Il m'adressait les articles qu'il faisait paraître dans les journaux en Algérie et je les diffusais aux amis et les mettais en ligne un temps sur le site de l'émission "Les poètes".

    Le soir, après l'émission, je le raccompagnais en voiture aux Pradettes lorsqu'il demeurait à Toulouse. Puis, il s'installa dans la ville de Carbonne et était tributaire des horaires de train.

    Des années de complicité, d'amitié, jusqu'à son silence que j'ai respecté, désemparé devant la maladie.

    Sa pudeur et son courage furent la marque d'un homme d'exception.

    Camusien, c'était avant tout un homme de paix qui s'est investi en entier dans l'essor de la poésie algérienne de langue française, lui consacrant la parution d'une anthologie.

     

    A la rentrée d'automne, je ferai écouter de nouveau sa voix en rediffusant une des émissions dont il était le sujet à Radio Occitanie, celle de l'année 2014 où il était venu accompagné de la journaliste et femme de radio Leila Boutaleb.

     

    Vous trouverez en PJ le commentaire de cette émission que vous pouvez écouter en cliquant sur : https://lespoetes.site/emmission/2014.html et en allant à l'émission POETES 07.

     

    Vous trouverez également un document sur Abdelmajid Kaouah de Habib Samrakadi, enseignant universitaire et directeur d'Horizons Maghrebins.

    Je termine sur un poème de A. Waberi originaire de Djibouti, dont Majid aimait l’extrême simplicité et qui pouvait le définir dans sa passion de la poésie : 

    Abdourahman Waberi « Quand on n’a que la terre et autres recueils » éditions Points

    extrait de « Oser se faire terre » poème « En Sicile » :

     

    A mes yeux, la poésie n’est pas

    une réjouissance solitaire

    Juste le moyen d’émouvoir le plus grand nombre

    Depuis l’enfance je me sens différent

    J’ai appris aussi à cultiver ma ressemblance

    avec tous,

    Offrir à chacun et à chacune mon chapelet de perles

    Le miel de mon cahier

    Nourrir le fil qui mène aux autres

    Là est le chemin qui mène à la beauté

    La bonté

    La Beauté

    Sur la table je trouve un mot

    des plus énigmatiques

    MPP

    Même pas peur

    Le nouveau dicton de ma moitié

     

    Christian Saint-Paul  
    https://lespoetes.site"

     

     

  • Hind Joudeh

     

    Une poétesse en temps de guerre

    Que peut bien vouloir dire être poète en temps de guerre ?
    Cela veut dire que tu dois t'excuser
    t'excuser sans compter
    auprès des arbres en flammes
    des oiseaux sans nids
    des maisons pilonnées
    des énormes crevasses au mitan des rues
    des enfants pâles
    avant et après la mort
    et auprès de chaque mère triste ou trépassée
    [...]

     

    Hind Joudeh.JPG

    Hind Joudeh, né à Gaza en 1983

    in Anthologie de la poésie Gazaouie d'Aujourd'hui

    (textes traduits par Abdellatif Laâbi et réunis par Yassin Adnan),

    éd. PointPoésies, 2025

     

     

     

     

  • Friedrich Nietzsche

     

    Il se dresse fièrement tout en haut de la pyramide du progrès universel, et en posant dessus la clé de voûte de sa connaissance, il a l’air d’apostropher la nature soumise alentour : “Nous sommes au but, nous sommes le but, nous sommes la nature achevée.” Européen superfier du dix-neuvième siècle, tu as la tête qui fume ! Ton savoir n’achève pas la nature, mais il tue la tienne. 

     

    in Utilité et inconvénient de la connaissance historique pour la vie, 1874