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CATHY GARCIA-CANALES - Page 41

  • Atelier Collage & écriture - 17 novembre 2023 - Cahors

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    B.

     

    Jour_secret_théâtre_fidélité_enfance

     

     

     

     

    *

    Le théâtre de l’enfance s’efface dans le secret du jour, chacun s’affaire,  se pomponne, prie, joue à la vie. En effet, le bonheur s’effeuille dans la douceur des jours, fidélités, infidélités, que sais-je ? Et puis c’est bon de profiter de l’instant.

    J.

     

     

    *

    Le théâtre de la vie a commencé le jour où ton père t’a dit : 
    -    Mon petit Gérard, je vais te livrer un secret : une fois que je t’aurais lâché la main, il va falloir que tu te démerdes tout seul.
    Tu t’en rappelles encore, c’était le premier jour de la fin de ton enfance. Depuis, tu cherches ton chemin. Tu rencontres l’amour. Il s’évanouit. Tu es seul à nouveau. Et tu te souviens des jours anciens et de ton chien. Dommage qu’il ait fugué. Tu le croyais d’une plus grande fidélité.

    L.

     

     

    *

    Secrets d'enfance bien gardés
    Le bonheur s'effeuille au fil des jours
    Conversations de théâtre 
    Gestes répétés
    Fidélité aux obsessions

    O.

     

     

    *

    L’amour, le bonheur, espoir ou obsession ? Dans le théâtre des jours, nous rejouons nos tragi-comédies, les prénoms changent, pas les personnages. Les prières de l’enfance ont distillé des secrets et nous poursuivons, la vie durant, celui des dieux enfuis. Je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie, les romances s’effeuillent… La fidélité nous le devons à nous-mêmes.

    C.

     

     

    *

    Gérard m’a dit un jour (deux points ouvrez les guillemets) : « La fidélité est une farce semée dès l’enfance dans le théâtre convenu et bouffi d’un baiser volé en secret aux dieux et au bonheur enfui. »

    B.

     

     

     

     

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    L.

     

    Popotin_phare_déflagration_mousse_volcanique

     

     

    *

    Le pet du nourrisson résonne jusqu’au sommet du phare, dans une déflagration volcanique, sortie tout droit de son popotin rebondi, tendre comme mousse d’écume.

    B.

     

     

    *

    Bleu de lagon où nage bébé au popotin de cire, c’est si beau, c’est l’éternité, la poésie de l’instant dans une ambiance de bulles et de mousses dégoulinantes, légères et douces, sur les jambes de la jeune fille qui se toilette à l’ombre du phare. On voit bien que c’est les vacances, chaleur alanguie.  Rien ne nous perturbe, même pas la déflagration volcanique au loin, profitons de cette belle journée. 

    J.

     

     

    *

    Déflagration volcanique
    il est né le divin enfant
    il promène son popotin 
    sur la mousse de mes rêves
    phare de mon futur
    je saurai gravir les plus hautes montagnes
    j’ apprivoiserai les jours
    avec la lenteur des tortues

    O.

     

     

    *

    Belles gambettes, corps d’été, érection, déflagration. Beaucoup de mousse et le phare à l’horizon et pourquoi tout ce micmac volcanique ? Parce que la vie veut montrer son popotin ? Et c’est la même vieille histoire inscrite dans les os de nos ancêtres : de la vie à la mort, les pulsions visent la reproduction. Hormones et bactéries ont les clés du royaume.

    C.

     

     

    *

    Dans une érection volcanique, la vie se met en branle. Il a suffi d’une rencontre torride sur une plage aphrodisiaque des Galapagos et tout a explosé en couleurs. Une déflagration de jouissance face au phare et la mousse a giclé… et déjà un popotin émouvant est en route.

    L.

     

     

     

     

    Collage du 17 novembre 2023 ODILE.png

    O.

     

    Exil_voyage_mousse_guerre_croix

     

     

    *

    Reporter de guerre, je suis.
    Toujours en voyage, souvent en exil, je témoigne de la croix, de la mort, et du poisson rouge perdu dans la mousse de l’océan, sous l’œil acéré du gardien du phare.

    B.

     

     

    *

    Dans le vase où tu tournes en rond, s’inscrit la guerre des hommes. Aujourd’hui l’exil pour l’enfant, les pas dans le sable, la fatigue dans le fracas et les pierres, la brutalité, la faim. Je vois les fenêtres ouvertes sur le néant.
    Les photographes de papier mitraillent la croix, le croissant, l’étoile tout est là... sur la mousse du chemin. Le voyage n’efface rien, je voudrais tant que la vie s’accroche. 

    J.

     

     

    *

    Le chemin de l’exil est une pierre qui roule, pleine de mousse. Tu portes ta maison lourde comme une enclume pour fuir la guerre et les croix vaines. Dans ton sommeil agité, tu rêves de ciel, de fenêtres. Demain, dans le journal, on parlera de ton voyage achevé dans le ventre de l’océan.

    L.

     

     

    *


    Guerre ! Toujours la même depuis le début, se termine ici, recommence là-bas et nous tournons en rond avec la mémoire d’un poisson rouge. Rouge qui éclabousse les murs et les mains, deuil et douleur, rage et vengeance, cercles qui nous enferment, clichés qui s’entassent dans la malle aux horreurs. Allez, fillette, cours ! Va-t’en !  Va dans la forêt te rouler dans la mousse, cache-toi, devient louve, jette ta croix aux orties ! La croix d’être enfant des hommes, l’exil n’est pas un voyage.

     

     

    *

    Fenêtres en ruines
    pulvérisées
    sur les décombres    bocal intact
    où tourne tourne le poisson
    à la mémoire courte

    Agrippés à l'espoir
    nous demeurons muets
    chemin de croix effrayant
    voyages en exil
    à chaque pierre   un drame
    une guerre
    un cri arraché
    un corps enseveli sous la mousse
    un corps englouti par les mers

    O.

     

     

     

     

    Collage-17-nov-2023.jpg

    J.

     

    Braderie_imposture_spermatozoïde_focus_rat

     

     

    *

    Je t’avais bien dit, ma fille, que la braderie de spermatozoïdes était une imposture organisée par les rats de la finance internationale qui sont, de jour comme de nuit, focus sur leurs dollars. 

    B.

     

     

    *

    La femme au foyer a fait valdinguer son intérieur… Fini le roman-photo « Nous deux » ! l’arnaque du prince charmant… qui ramène le fric à la maison…quel rat, oui ! … et ses spermatozoïdes … ça ne suffit pas ! … Quelle imposture ! mais gardons le sourire… Dégage ! c’est la grande braderie : on liquide tout et on s’en va. Focus sur la liberté.

    L.

     

     

    *

    Slogan de braderie
    devant l’imposture des spermatozoïdes
    du monde dit moderne.
    focus sur la femme
    rongée par les rats
    vendue aux enchères 
    au nom de la liberté sexuelle

    O.

     

     

    *

    Libère-toi, dit l’homme à la ménagère, mais pas trop vite. Libère-moi, dit le spermatozoïde à l’homme, et vite ! À la grande braderie, les rats pullulent, il y a de la chair à la vente à la vente aux enchères. Focus sur la liberté de consommer, qui de l’homme ou de la femme, sera rassasié en premier ? Et où est l’imposture ?

    C.

     

     

    *

    Cet homme, satisfait et impudent, assiste avec ses spermatozoïdes bien au chaud, à la vente aux enchères. En effet, aujourd’hui,  grande braderie de femmes libérées ! 
    Quelle imposture, quelle escroquerie ! l’homme est serein, calme car il a l’arme magique en plastique avec autorisation systématique. 
    Dans la foule intéressée, il y a le rat… le rat hume, se réjouit, le rat s’étale, le rat rit, le rat focus, le rat ADORE !  le rat croque… 

    J.

     

     

     

     

    Passion.jpg

    C.

     

    Passage_cible_passion_envers_espoir

     

     

    *

    Comme il méditait sur la passion de la Vierge défigurée, le joli moine rouge sentit monter en lui l’espoir – envers et contre tout – d’un possible passage dans la cible du réel, nourri d’écume et de carillons. 

    B.

     

     

    *

    Orient - Occident, voyez le visage de la passion, empreint d’espoir, du moine. Les pierres bleues nous envoient des ondes magiques pour faciliter notre passage. C’est la cible de la vie, cet espace rond et profond qu’il ne faut pas rater envers et contre tous et tout, pas facile n’est-ce pas ? 

    J.

     

     

    *

    Il ne faut pas se tromper de cible. Le passage d’ici-bas à l’au-delà, même si l’espoir te porte, n’est pas si simple. Tu peux prier au bord d’une rivière ou derrière les murs d’une abbaye, la porte du ciel se refermera irrémédiablement si tu croques la pomme avec passion. Certes, sur la terre tu auras atteint le 7e ciel. Mais en dehors des liens du mariage et de l’anneau sacré, point de salut. Et ouais, faire les pieds au mur, la tête à l’envers avec n’importe qui, te condamne à errer dans les limbes pour l’éternité.

    L.

     

    *

    Toupie douce
    monde flocon
    à l'envers de toutes passion
    j'ai oublié la cible 
    convoitises et châteaux en Espagne. 
    Je distille l'espoir
    me fraie un passage
    nue et lucide 
    devant la source neuve

    O.

     

    *

    Allume la lampe, entends les carillons ! La Terre est ronde et à l’envers de l’espoir, tu as percé un passage. Têtue, sauvage, mystique, patiente, tu n’as cessé de viser le cœur de la cible. Aiguise tes passions, renverse tes châteaux d’Espagne, croque la pomme, passe-toi l’anneau au doigt l’anneau de mariage. Aujourd’hui, c’est toi que tu épouses, pour le meilleur et délivrée du pire.

    C.

     

     

    Merci à toutes !

     

     

     

     

  • John Fowles - L'arbre

     

    9782848930022_1_75.jpgUn essai paru en 1979, par le grand écrivain anglais John Fowles, une vraie surprise, tant sa pensée rejoint la mienne, et aussi celle de nouvelles générations aujourd'hui, ce qui en fait un livre très moderne, à découvrir donc ou à redécouvrir. Dans toutes les critiques lues à son propos, je me rend compte qu'il n'est pas évoqué la dimension clairement écologique de ce livre, dans le sens le plus "primitif" du terme, une écologie naturelle qui serait celle de l'humain non domestiqué et pourtant plus sage parce que non séparé de ce nous nommons environnement. Une façon de ressentir que l'on retrouve chez bon nombre de peuples autochtones avant dénaturation, surtout ceux qui ont pu avancer jusqu'à aujourd'hui sans être éliminés avant ou totalement acculturés.

     

    Il est publié pour la première fois en France en avril 2003, aux ed. des Deux Terres.

     

    "Dans ce petit livre autour de son enfance et de son travail d'artiste, John Fowles explique l'impact de la nature sur sa vie et les dangers inhérents à notre besoin traditionnel de catégoriser, de dompter et finalement de posséder le paysage. Ce besoin de possession amène à une désaffection, voire à un antagonisme à l'égard du désordre apparent du monde naturel et de son aspect aventureux. Pour Fowles, l'arbre, en symbolisant le côté sauvage de notre psyché, est ce qui existe de plus comparable à la prose romanesque. Et soulignant l'importance dans l'art de l'imprévisible, de l'inexplicable, du sensible, il nous gratifie d'une brillante démonstration de ce qu'est l'artiste, ou plutôt de ce qu'il ne doit pas être, c'est à dire catalogué, taillé, modelé, emprisonné. Ce texte d'une beauté et d'une perception inhabituelles, devenu depuis sa parution en 1979 en Angleterre un livre-culte pour les admirateurs de Fowles, n'a jamais encore publié en France où il devrait prendre solidement racine. Car il offre aussi une clé à la compréhension de l’œuvre de cet écrivain dont la fulgurante acuité intellectuelle et la prodigieuse originalité en font un des maîtres incontestés de la littérature anglo-saxonne."

     

     

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  • Ludovic Frobert - Quelques lignes d’utopie - Pierre Leroux et la communauté des « imprimeux » (Boussac,1844-1848)

     
     

    Frobert_Imprimeux_UNE150_v4.jpgEntre narration historique et fictive, ce récit retrace la naissance, la vie et la mort de la communauté utopique des « Imprimeux » qui s’est développée autour de deux activités : une imprimerie, puis une ferme. Rassemblée autour de la figure de Pierre Leroux, cette association entre industrie et agriculture s’est développée dans une petite commune de la Creuse – Boussac – entre 1844 et 1848, et réunit pas moins de quatre-vingts membres à son apogée.

    Typographe, maçon, journaliste, mais aussi philosophe, homme politique et théoricien du socialisme, Pierre Leroux était l’ami de George Sand. En plus de lui dédier Spiridon, cette dernière le soutien financièrement dans son installation. En 1843, dans la foulée de l’obtention de son brevet d’imprimeur, Leroux installe donc ses presses au sein d’un ancien hospice, où il fabrique des revues à l’image de ce siècle : politiquement effervescentes.

    Soucieux de convertir en acte sa pensée socialiste, il invité son frère – également typographe – à diriger l’imprimerie à ses côtés. Peu à peu se constitue une colonie de travailleurs basée sur l’autosuffisance et l’égalité salariale. Jusqu’à ce que la révolution de 1848 en sonne le glas : Pierre Leroux proclame la République, est élu maire de Boussac puis député de la Seine ; il quitte alors la Creuse, laissant l’imprimerie aux mains de ses camarades.

    Afin de reconstituer l’existence, aussi brève qu’intense, de la communauté des imprimeux, Ludovic Frobert met à contribution sa propre imagination pour compléter les matériaux historiques qu’il a rassemblés. Évoquant autant les petits que les grands évènements, l’aventure des idées que la réalité quotidienne, il redonne vie aux échanges, discussions et polémiques que cette cohabitation a fait naître. Il ravive le souvenir d’un homme dont les idées et l’œuvre ont marqué ses plus illustres contemporains – dont Karl Marx et Jean Jaurès – mais dont l’image s’est peu à peu effacée.

     

    En savoir plus : https://agone.org/livres/quelques-lignes-dutopie

     

     

  • Prochain atelier Collage & écriture à La Souris Verte, Cajarc (46) : vendredi 1er décembre

    Atelier Collage & écriture (2).png

     
    Au Bistrot Littéraire La Souris Verte, Place de l’Église à Cajarc 
    14h - 17 h
     
     
     
    Un moment très ludique et créatif à partager avec la poète et artiste Cathy Garcia Canalès.
    Tarif : 15 €/pers. Matériel fourni sauf colle & ciseau. S'INSCRIRE avant le 30 novembre par mail : mc.gc@orange.fr ou directement en passant à La Souris Verte (fermé lundi et mardi).
     
    Cet atelier peut créer une addiction qui ne nuira en aucune façon à la santé, bien au contraire et il a lieu TOUS LES PREMIERS VENDREDIS DU MOIS !
     
    Sur inscription UNIQUEMENT, places très limitées !
     
     
  • Eric JULIEN - Kogis, le chemin des pierres qui parlent

    9782330163389.jpgJ'ai connu l’association Tchendukua dès sa naissance en octobre 1997, fruit d’une rencontre improbable, en 1985, entre l’alpiniste et géographe Éric Julien et des communautés autochtones de la sierra Nevada de Santa Marta en Colombie qui lui avaient alors sauvé la vie. S’en était suivie une promesse qu’il mettra dix ans à tenir. Il relate cette histoire dans son premier livre sur le sujet, Le chemin des neuf mondes, paru en 2001 et un film dont j’ai toujours la VHS. J’avais été immédiatement passionnée par les Kogis et ce qu'ils ont à nous apprendre car, les peuples premiers et moi, c'est une longue histoire que je ne m'explique pas mais qui remonte à mon enfance, avec toujours cette cruelle sensation d'être née chez l' « ennemi »... et surtout avec la profonde certitude que ces peuples avaient les savoirs et les réponses donc nous avions besoins pour sauver cette planète et nous sauver nous-mêmes. J'ai donc soutenu Tchendukua, participé à l'époque où je le pouvais (au rachat des terres ancestrales notamment) tout comme j’ai soutenu l’association Survival International et d’autres encore pendant de très longues années. Maintenant les autorités spirituelles des Kogis, viennent en France, ce n’est pas la première fois mais cette fois, ce n’est pas seulement pour nous rencontrer dans des salles de conférence en ville mais pour ausculter nos terres, nos montagnes et nous dire à leur façon, à quel point elles sont malades et comment les aider. Ce n'est pas du folklore, c'est de la connaissance, séculaire, très précise, qui est confrontée aujourd'hui à celle de différents scientifiques ouverts d'esprit (ça semble une lapalissade et pourtant... hélas non), et ce livre relate le fruit de cette extraordinaire expérience, la première d’une série qui je l’espère va se répandre partout (trois États américains appliquent déjà de telles techniques pour mieux préserver les forêts) et pour moi, l’exaltante confirmation, encore une fois, de mon plus profond et ressenti qui m’habite et me guide depuis aussi loin que je puisse me souvenir. 

     

    Kogis, le chemin des pierres qui parlent, Éric Julien (Actes sud, coll. Voix de la Terre, 2022).

    https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/kogis-le-chemin-des-pierres-qui-parlent

     


    "À l’heure des grands déséquilibres écologiques,économiques et sociaux, ce livre raconte l’histoire d’une improbable rencontre. En 2018, deux Mamas et une Saga, autorités spirituelles des Indiens kogis (Colombie), ont participé avec une vingtaine de scientifiques français à la réalisation d’un diagnostic croisé de santé territoriale du Haut-Diois, petit territoire de la Drôme. Au cours de ces quelques semaines véritablement extra-ordinaires, des échanges féconds, tout en délicatesse et respect mutuel par- delà les différences culturelles, ont permis l’émergence fragile d’une nouvelle pensée, d’un nouveau paradigme, en alliance avec ce vivant qui nous traverse, nous porte et nous fait vivre.


    Le dialogue est une réinvention permanente, signe de conscience et de maturité des sociétés, des organisations qui le permettent, le pratiquent et le transmettent. Il révèle que, seuls, nous ne sommes rien, que les autres, humains et non humains, nous renseignent sur ce que nous ne savons pas ou plus de nous, et qu’ensemble tout est possible.


    Alors que l’on déplore aujourd’hui une véritable crise de sens et un désarroi croissant, et si écouter les “voix de la Terre” nous permettait de retrouver les “voies de la guérison” et de la résilience ?"

     

     

    Une soixantaine de scientifiques et experts, dont Cédric Villani, ont signé cette tribune que je retranscris ci-dessous pour appeler à faire dialoguer connaissances des peuples autochtones et savoirs scientifiques pour soigner ensemble la Terre. 


    Vous aussi, vous pouvez signer cet appel au dialogue, pour changer notre rapport au vivant et mieux prendre soin de nos territoires : https://www.change.org/p/faire-dialoguer-connaissances-ancestrales-et-savoirs-scientifiques-pour-soigner-la-terre


    « Il y a 500 ans, les conquistadors débarquaient sur les côtes caraïbes de l'actuelle Colombie. Dans son essai Le Rêve mexicain ou la Pensée interrompue (1988), Jean-Marie Gustave Le Clézio se prend à imaginer : et si les Espagnols avaient choisi le dialogue avec les civilisations amérindiennes plutôt que leur écrasement, la modernité en aurait-elle été changée ?

    Parmi ces civilisations précolombiennes, l'une des plus brillantes était celle des Tayronas. Cinq siècles plus tard, les Kogis, leurs héritiers directs, qui ont survécu à la barbarie et préservé leur culture en se repliant dans les hautes vallées de la Sierra de Santa Marta en Colombie, nous interpellent : «Nous avons confiance dans le fait que si nous partageons les connaissances que nous avons reçues de nos lointains ancêtres, nous pourrons ensemble trouver un chemin qui, au-delà de nos différences, permettra de préserver l'harmonie du monde et de tous ses habitants. En tant que Kogis, c'est un pont que nous voulons tendre vers vous pour le dialogue et la compréhension commune ».

    Saurons-nous saisir la main tendue ?


    Notre Terre est «malade»… Les constats sont précis, des remèdes connus. Et pourtant aucune inflexion à la hauteur des enjeux ne se dessine. «Rien n'est inventé, parce que la nature a déjà tout écrit. L'originalité consiste toujours à revenir aux origines». Et si, pour affronter cette crise écologique, on tentait d'invoquer les origines comme le suggérait Antonio Gaudi, l'architecte catalan ? Et si le dialogue avec les peuples autochtones, qui n'ont jamais perdu ce lien d'alliance avec la nature, était une porte d'entrée ? Pour Éric Julien, géographe et fondateur de l'association Tchendukua Ici et Ailleurs, « l'histoire de la vie nous rappelle, vivants parmi les vivants, que nous avons besoin de la terre, de l'eau, de l'air pour poursuivre notre chemin». Ne serait-il pas temps de remettre le vivant au cœur de nos pensées, de nos analyses et de nos actions ? Bien qu'ils ne représentent que 5% de la population mondiale, les peuples autochtones habitent des territoires où se concentrent 80% de la biodiversité de la planète (Banque mondiale, 2008). Parmi ces sociétés, les Kogis se considèrent les gardiens de la «Terre Mère» et jouent un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et des écosystèmes de la Sierra Nevada de Colombie. Leurs savoirs ancestraux ont été reconnus patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO en 2022. Pourraient-ils nous aider à comprendre, prendre soin et réveiller la mémoire de nos propres territoires ? C'est le sens de leur main tendue.

    Croiser nos savoirs et leurs connaissances pour élargir notre regard en retissant notre lien organique avec la nature, telle est l'ambition de Shikwakala, le diagnostic croisé de santé territoriale initié par l'association Tchendukua. En 2018, une première expérimentation était lancée dans la Drôme : une vingtaine de scientifiques et experts dialoguaient avec quatre représentants du peuple Kogi. Une première historique au cours de laquelle des représentants de ces sociétés, qui étaient autrefois qualifiées avec condescendance de «sauvages» ou «primitives», venaient à notre rencontre au cœur de nos territoires pour partager avec nous, leurs «petits frères», leur connaissance du vivant. Les premiers résultats se sont avérés aussi étonnants que déroutants, avec deux constats sous forme d'évidence : l'expertise des Kogis s'applique hors de leur territoire ; ils disposent bien de connaissances qui nous sont étrangères.


    Cette nouvelle rencontre approfondira le dialogue unique engagé depuis 2018 entre connaissances ancestrales et savoirs scientifiques. En avril 2023, six scientifiques français passaient deux semaines avec les Kogis dans les montagnes de la Sierra, sans visée ethnographique mais dans une démarche respectueuse de dialogue. Parmi eux, Cédric Villani, mathématicien médaillé Fields : « Moi qui suis, dans le monde des idées, un serviteur du projet exponentiel – la croissance indéfinie du savoir – je me suis senti bousculé comme rarement quand il a fallu tenter de traduire notre savoir livresque et dispersé en un conte à taille humaine. Où trouver la signification enfouie dans la masse des connaissances ? ».


    Le dialogue, signe de maturité d'une société, peut contribuer à faire émerger de nouvelles clés de lecture, un nouveau regard sur ce que le monde moderne a choisi d'appeler «la nature» ou «l'environnement». Du 25 septembre au 17 octobre, un second diagnostic croisé de la santé de nos territoires réunit cinq Kogis et une cinquantaine de scientifiques et experts de différentes disciplines. De Genève à Paris, en passant par la Corse, ils parcourront des sites très urbanisés et fragilisés, avec un regard particulier pour le Rhône et la question de l'eau.


    Cette nouvelle rencontre approfondira le dialogue unique engagé depuis 2018 entre connaissances ancestrales et savoirs scientifiques. Il ne s'agit ni d'idéaliser les peuples autochtones ni de dénigrer la modernité, la science et ses avancées. Mais dans notre époque de déséquilibres et d'incertitudes, comme le suggère le sculpteur italien Miguel Angelo Pistoletto, de tenter de prendre le meilleur de ces deux mondes, le naturel et l'artificiel, pour essayer d'inventer d'autres voies. À rebours de la logique historique des rapports Nord/Sud, continuer à poser les jalons d'un véritable échange interculturel et, peut-être, redécouvrir la puissance de ces savoirs sensibles que nos cultures occidentales ont tant occultés.


    500 ans après l'arrivée des conquistadores… il n'est pas trop tard ! »

     

    L’association Tchendukua : https://www.tchendukua.org/

     

     

     

     

     

     

  • Joseph Delteil 

     

    Là règne un homme qu'on appelle le Paysan. Les Tranchées, c'est affaire de remueurs de terre, c'est affaire de paysans. C'est l'installation de la guerre à la campagne, dans un décor de travaux et de saisons. Les Tranchées, c'est le retour à la terre.
    En fait, il restait surtout des paysans dans les tranchées. A la mobilisation, tout le monde était parti gaiement. Se battre, le Français aime ça (pourvu qu'il y ait un brin de clairon à la cantonade). L'offensive, la Marne, la course à la mer, un coup de gueule dans un vent d'héroïsme : ça va, ça va ! Avec un sou d'enthousiasme, on peut acheter cent mille hommes. Mais après les grandes batailles, dès qu'on s'arrêta, lorsque vint l'hiver avec ses pieds gelés, et la crise des munitions aidant, l'occasion, la chair tendre, les malins se débinèrent. Chacun se découvrit un poil dans les bronches, un quart de myopie, et d'ailleurs une vocation chaude, une âme de tourneur. Les avocats plaidèrent beaucoup pour l'artillerie lourde. Les professions libérales mirent la main à la pâte. Ce fut un printemps d'usines.

    Le paysan, lui, resta dans les Tranchées.

    Il se tient là, dans son trou, tapi comme ces blaireaux, ces fouines qu'il connaît bien. Creuser le sol, ça le connaît, n'est-ce pas ! Il creuse, de Dunkerque à Belfort, des lignes profondes. De l'époque des semailles jusqu'au mois des moissons, il creuse. A l'heure où le raisin mûrit, à l'heure où le colza lève, il creuse. Il creuse, dans la longue terre maternelle, des abris comme des épouses, des lits comme des tombes. Chaque tranchée est un sillon, et chaque sape un silo. Ces boyaux, ils sentent la bonne cave. Mille souvenirs champêtres fleurissent dans les entonnoirs. La terre est une grande garenne. Les copains soufflent comme des vaches à l'étable. Le flingot a un manche de fourche. Et toutes ces armes industrielles, ces engins nouveaux comme des étoiles, ces crapouillots à quatre pattes, ces lance-mines et ces tas d'obus fauves, tout a un grand air animal, un air d'animaux à cornes. La lune est toujours la lune des prairies. Il y a un merle sur une gueule de canon. De la pluie, de la pluie qui fait germer les avoines. Et le vent des tuiles passe sur les hommes de chair.

     

    extraits des Poilus (1926), Grasset

     

    Merci jlmi !