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LA SOURCE ORIGINELLE - Page 33

  • Un "Green Man" (1297-1318) - Cloître de la Cathédrale de Norwich - Angleterre

    Green Man, Norwich Cathedral UK  1297.jpg

    On appelle Homme vert ou « Homme feuillu » les représentations sculptées ou dessinées d'un visage d'homme orné de feuillage, ou encore de branches, pousses ou autres motifs végétaux. C'est un symbole d'origine très ancienne dont on retrouve le mythe dans de nombreuses cultures. Aux travers de celles-ci il prend des aspects différents. Même si toutes ces cultures n'avaient pas de contacts entre elles, il semblerait qu'il soit continuellement lié à la Nature et au printemps. Mike Harding qui a publié un petit ouvrage sur le sujet cite des représentations similaires à Bornéo, au Népal et en Inde. Dans le monde occidental on le retrouve principalement sculpté dans les églises ou en ornement sur des bâtiments séculiers. On en trouve donc des représentations très anciennes à Bornéo, au Népal, en Inde, au Liban, en Israël et en Irak. En sanskrit, l'homme vert est relié au motif du Kirtimukha qui est relié à une lila de Shiva et Rahu. Le Kirtimukha se rencontre souvent dans l'art et l'iconographie thangka du bouddhisme vajrayāna, dans lequel il couronne souvent la roue de l'existence karmique. Dans l'islam, el khidr, le Verdoyant, est un sage, dont on dit parfois que l'herbe pousse partout où il s'assoit, car il aurait bu de l'eau de vie. Il a une place importante dans le soufisme. En Inde il prend le nom de "Kizr".

     

     

  • Un excellent article de Don Juanito : ON A RETROUVÉ DON JUAN MATUS

    Source : http://magick-instinct.blogspot.fr/2014/12/on-retrouve-do...

     

     

     

          Quelle commotion, n'est-ce pas ? Le très controversé Bert Hellinger, créateur de la méthode thérapeutique des constellations familiales, a retrouvé don Juan Matus, le maître mythique de Carlos Castaneda. Tata Cachora (ou Kachora), de son vrai nom Victor González Sandoval, est un yaqui originaire de Tecate, un guérisseur traditionnel qui, même avant d'avoir été identifié comme le don Juan de Castaneda, était fort respecté. C'est un herboriste remarquable, rivalisant avec nos meilleurs kallawaya, puisqu'il dit connaître 4000 plantes médicinales. "J'ai revêtu l'habit de don Juan Matus pour initier Carlos. Puis je l'ai ôté et ne l'ai plus jamais remis" assure-t-il.

          L'homme dit être né le 14 janvier 1914. Découvert dans sa 96ème année par Hellinger qui s'est de suite déclaré son disciple, le dynamique vieillard aura donc bientôt 101 ans. Entre-temps, dans le confusionnisme grandissant, les activités commerciales des deux parties ont fait un bond impressionnant au Mexique. Les constellations familiales ayant épousé le chamanisme, Bert Hellinger écrit des livres à succès, tirant profit de la gloire du Nagual. Des conférences sont organisées où le sorcier légendaire sert de figure publicitaire aux constellations familiales.

          Si don Juan Matus fait bien plus jeune que son âge canonique, c'est sans doute en vertu d'une histoire de pouvoir. Il faut dire que comme beaucoup d'indiens d'un certain âge, don Cachora n'avait pas de papiers, ce qui crée un intéressant flou artistique autour de sa date de naissance. On s'est aperçu de cette absence de documents d'identité trois semaines avant la sortie du Nagual du territoire mexicain, alors qu'il devait se rendre en Allemagne pour fêter les 85 ans de Bert Hellinger, qui est lui-même devenu depuis une vraie star au Mexique.

          Branle-bas de combat, tout le monde s'est mobilisé pour fournir un passeport à l'insigne Nagual, soudain transformé en patrimoine, en fierté nationale. Grâce à la sœur du président de la république, Tata Cachora a donc pu rapidement obtenir ses papiers et voyager vers l'Europe. "Il a fallu qu'un si grand maître voyage hors de son pays pour être enfin reconnu" s'étonne, oublieuse de l'indifférence à l'importance et à l'histoire personnelles, une dame dans la video.
     
          Malgré le grand âge du Nagual, le problème chronologique reste pourtant entier. Déjà très âgé lors de sa première rencontre avec le facétieux Carlos et plus vieux que don Genaro, don Juan Matus devrait plutôt avoir 120 ans, objectent les connaisseurs. Et Carlos n'avait-il pas écrit que le Nagual, tel Enoch, avait disparu dans la lumière en déjouant la mort ? Mais qu'à cela ne tienne, on y croit dur comme fer. Starisé, don Juan Matus est de retour.

          Et depuis, sans être avare de profondes banalités, Tata Cachora se laisse promener et rencontre les sages de la planète. Même le Dalaï-Lama l'aurait invité nous dit-on. En 2013, l'enterrement de son fils adoptif et héritier spirituel (Flecha Dorada), excellent danseur kumiai mort dans un accident de voiture, a été l'occasion de singulières rencontres œcuméniques. Le rite syncrétique mélangeant traditions locales, Nouvel Age et pratiques amérindiennes du nord, a permis au Nagual de faire connaissance, entre autres, avec un chef Dakota et un sheikh Nakshbandi, mandatés par l'ONU. Il faut dire que depuis que Flecha Dorada était entré dans la danse, les activités organisées autour de don Cachora avaient pris un tour singulièrement New Age, attirant une clientèle nouvelle, peu ou prou semblable à celle que connaît le renouveau chamanique français.
     
            Ce n'est pas la première fois que des personnages littéraires de Castaneda apparaissent soudain dans la vraie vie, dont on se demande d'ailleurs si elle n'est pas, la coquine, de plus en plus menteuse. On se souvient du coup d'éclat - pétard mouillé en vérité - de Dominique Aubier, qui prétendait être la fameuse Catalina, rencontrée par Carlos en 1962. Son envoyée spéciale, devenue la Carol du Feu du dedans, est spécialiste en diète alimentaire et journaliste à Paris-Match. Missionnée par Catalina Aubier, cette compagne de Demis Roussos, Veronique Skawinska, tentera en vain de convaincre Castaneda en lui livrant la carte de l'inconnu kabbalisée par Aubier. La bourgeoisie se spiritualise comme elle peut...
     
          Toutefois, c'est en faisant quelques recherches sur Tata Cachora que j'ai été mené à explorer, quoique trop superficiellement, le précieux enseignement du Sheikh Abdoul Rauf. Frappant contraste que cette nourriture très consistante. Rien de commun avec le commerce spirituel et ses stratégies marketing mensongères. Calife d'Amérique Latine vivant en Patagonie, Abdoul Raouf est disciple d'un maître pour lequel j'ai beaucoup de respect, le regretté Mawlana Sheikh Nazim. Mais cela n'empêche pas le Sheikh de se faire abuser comme les autres, tout émoustillé qu'il fut dans sa jeunesse par les récits de don Carlos.

          En écoutant le compte rendu de la visite du Sheikh à don Cachora, je réalise à quel point les indiens peuvent être méconnus, même de ceux qui vivent près d'eux en Patagonie. Ceci n'empêche pas de donner un avis autorisé sur ce qu'ils sont et ne sont pas, soulignant au passage le caractère viral des projections occidentales dont les indiens sont l'objet.

          Ainsi, le Sheikh Abdoul Rauf vit en Patagonie sans vraiment fréquenter les autochtones. Heureusement il les découvre. Il les rencontre en voyageant au Mexique, au Pérou, au Panama, dans un contexte souvent plus néo-chamanique que traditionnel. D'après lui, un grand nombre de rites de certaines ethnies proviennent de l'islam et seraient dus à la venue d'explorateurs musulmans bien avant Colomb. Chacun tire la couverture à soi, c'est peut-être de bonne guerre. On a beau aimer l'indien, notre approche, invasive ou captatrice, tend à l'instrumentaliser. N'a-t-on pas vu récemment le faux roi français d'Araucanie défiler à Paris contre le "mariage pour tous", au nom des valeurs mapuche, qui, comme chacun sait, sont parfaitement catholiques, hétérosexuelles et françaises ? Mais l'appropriation de l'indigène et de son image n'empêche pas celui-ci de défiler dans les rues de Santiago au coté des lesbiennes.

          Le Sheikh Abdoul Raouf s'étonne de ce que les amérindiens possèdent naturellement les qualités indispensables à la voie, qualités que nous autres occidentaux devons cultiver avec de grands efforts pour pouvoir les obtenir. Selon lui, les indiens au sud du Mexique sont des musulmans qui s'ignorent et se montrent curieux des croyances de l'autre. Il suffit de leur dire qu'ils sont musulmans sans le savoir pour qu'ils se convertissent. Car le but affirmé du Sheikh est bien entendu de convertir les indiens, et même don Cachora.

          Nous retrouvons-là un trait caractéristique du colonialisme et du monothéisme. Il ne vient pas à l'idée du Sheikh que les indiens n'ont pas besoin de devenir musulmans, puisqu'ils disposent déjà d'une spiritualité. Je me suis déjà exprimé sur cette tendance de la pensée chu'lla et n'y reviendrai donc pas. Notre universalisme devant être imposé comme exclusif et inévitable, nous exploitons souvent, pour le ramener à nos vues et changer l'autre, l'inclusivisme indigène. C'est un trait occidental commun non seulement aux grandes religions monothéistes, mais aussi au néo-chamanisme ou au New Age, tel que celui produit par Michael Harner.
          L'une des particularités de l'influence New Age est la tendance à construire des structures adoptant une forme d'entreprise plutôt que celle d'un groupe spirituel. La totalité de l'activité consiste à organiser des séminaires, proposer des formations, donner des conférences, organiser des voyages, vendre des livres, des DVD. On peut appeler ces structures "école", "méthode", "fondation", "ONG", "académie" "cercle" ou "faculté", l'esprit qui les anime reste celui de la boutique.

          On fait la promotion d'une ère nouvelle et d'une nouvelle conscience, mais l'on fonctionne sous le mode de l'ancienne. Loin de représenter une alternative réelle au monde de la marchandise, le New Age en est plutôt la représentation, le produit final qui introduit capital et marketing au Royaume des Cieux. Bientôt coté en bourse, l'être fait vendre. La corruption cerne l'essentiel au plus près pour mieux le parodier.

          Danièle Hervieu-Léger décrit fort bien ces nouveaux trusts religieux. Il s'agit de proposer des services symboliques à des consommateurs, sur un marché du "bien-être" devenu diversifié et très concurrentiel. Le consommateur peut passer de l'un à l'autre de ces produits "sans engagement" de sa part. Le mode d'emploi doit être facile et le produit rapide à consommer. L'individualisme étant poussé au paroxysme, la demande du consommateur exerce une influence déterminante sur les biens symboliques proposés et leur conception. On ne s'adapte pas à la voie, c'est la voie qui s'adapte. Autrement dit, l'épicier de l'esprit ne va pas chercher à satisfaire les besoins réels du client mais uniquement sa demande, son caprice, son rêve. Le client est roi et les boutiquiers construisent et étudient le discours pour le séduire. Il n'est pas possible à l'entreprise de dire, par exemple, que tout le monde n'est pas fait pour être "chamane". Cela équivaudrait pour elle à un suicide commercial. Pour gagner des parts de marché, il lui faut donc construire un produit qui fasse illusion et s'adresser à un public aussi large que possible.

          L'état modifié de conscience, l'extase, devient donc un simple état de méditation et de relaxation. La vision devient une visualisation et l'on part à la recherche de son animal de pouvoir grâce à la méditation guidée au son du tambour, ou pourquoi pas, du CD fourni avec la méthode. Rien n'est plus facile que cette proposition considérablement appauvrie. Le long apprentissage est remplacé par des séminaires d'un week-end. A l'engagement de toute une vie se substitue l'abonnement à l'année. Si l'on ajoute à ceci l'atrophie du chuyma que nous avons étudiée le mois dernier, on ne saurait douter du fort nivellement qu'induisent ces stratégies.

          Il est évident qu'un livre comme La Voie du Chamane de Michael Harner repose entièrement sur ces opérations de substitution. Dès sa conception, il s'agit d'un produit destiné à un vaste marché, conçu spécialement pour des consommateurs pressés. Il suit donc scrupuleusement les règles du marketing spirituel énoncées par Danièle Hervieu-Léger, ainsi que le montre ce mémoire de Constantin Lupascu. Peu importe que le fonds de commerce repose sur des thèses douteuses, puisqu'on ne lui demande pas d'être vrai mais de le paraître.

          A ce jour d'ailleurs, le néo-chamanisme ne se distingue plus du New Age. Il en est l'une des branches les plus populaires et de nombreux anthropologues étudiant le phénomène soulignent l'identité du néo-chamanisme et du New Age. Les ONG et autres fondations qui prétendent œuvrer à la sauvegarde et la préservation du soi-disant "chamanisme", tout en faisant la promotion du néo-chamanisme, sont en pleine dissonance cognitive. Elles contribuent grandement à la destruction des traditions locales, leur substituant peu à peu une forme occidentalisée de spiritualité, véritable soupe mondiale marchandisée. Les projets d'écotourisme, le tourisme spirituel et même l'alphabétisation, entraînent une occidentalisation des valeurs locales. Faire croire qu'il n'en est rien et que par de telles initiatives on protège une culture, c'est mentir. On détruit forcément d'un coté ce que l'on tente de sauver de l'autre. C'est une situation très inconfortable qui mériterait d'être reconnue plutôt que niée. Car il n'est pas possible de réfléchir sur un problème que l'on refuse de voir en face.

          Les acteurs de la destruction du mal nommé "chamanisme" ont souvent recours au sophisme pour ne pas reconnaître l'évidence de cette dissonance. Comme le suggère l'anthropologue Roberte Hamayon, le "chamanisme" n'a jamais été statique et constitue un ensemble mouvant, susceptible d'évolutions notables, de recevoir des influences. J'ajouterai en revanche qu'existent des seuils et des proportions au-delà desquelles l'effondrement est total. Pourtant cet argument suffit souvent aux néo-chamanes pour ne plus prendre de précautions, imposant partout l'étalon de leur occidentalité. S'engouffrant dans la brèche de la plasticité chamanique, ils refusent de reconnaître ce que produit mondialement la promotion de ces pratiques déculturées inconsistantes.

          Malgré les maigres avantages qu'y trouverait la ménagère de cinquante ans, l'effet est manifeste : une perte irréparable de profondeur et de diversité. L'indien yaqui se met à chanter comme un amérindien du nord, frappant sur un tambour identique à celui des "chamanes" celtiques, sibériens, lakotas, etc. Le "chamanisme" devient partout le même, là où il variait autrefois fortement d'une communauté à l'autre, à quelques kilomètres de distance seulement. Aussi Michael Harner n'a-t-il pas décrit un "chamanisme universel" : il l'a fabriqué.

          Une autre échappatoire pour ne pas mesurer les méfaits de l'entreprise consiste à minimiser les objections académiques. Pour reprendre l'exemple de Michael Harner, celui-ci est plébiscité en francophonie comme étant un homme courageux ayant fait l'objet d'attaques d'anthropologues concurrents. C'est une information édulcorée qui n'est jamais documentée. On ne nous dit pas en quoi consistent ces objections académiques, ni si elles proviennent d'observations de terrain irréfutables. Non seulement on reste aussi vague que possible, mais on discrédite le milieu qui formule ces réserves en évoquant une jalousie d'anthropologues. Rien ne saurait être plus caricatural car il existe des arguments très sérieux contre le travail de Harner, notamment du fait qu'il repose sur des hypothèses de Mircea Eliade - très largement réfutées depuis le milieu des années 80 - ou qu'il crédite la délicieuse imposture de Castaneda.

          Ce qui me semble encore plus douteux, c'est qu'à aucun moment n'est mentionnée la parole autochtone. C'est un indice très fort de l'attitude colonialiste. On prend bien soin de ne pas écrire que les autochtones eux-mêmes produisent une critique virulente du travail de Michael Harner, se plaignant d'être traités par sa Fondation avec beaucoup d'arrogance. Or, c'est tout de même leurs arguments à eux, qui devraient être écoutés en premier.

          La raison peut donc trouver des justifications à tout, même à l'injustifiable. Et tant qu'il s'agira de produire un discours permettant seulement d'avoir raison ou de pérenniser un marché, plutôt que d'ouvrir les yeux sur un problème bien réel, il est clair qu'aucune approche saine des spiritualités indiennes ne pourra voir le jour, au-delà de cet esprit boutiquier.

          Par petites touches, ce blog devenu très fréquenté et dont les visiteurs quotidiens ont doublé depuis le mois de mai 2014, tente d'explorer une autre manière de voir. C'est un très modeste début de piste qui certes, pose plus de questions qu'il n'en résout.

          Au début, je me disais que le lecteur n'allait guère apprécier le point de vue critique que j'y exprime. J'étais certain de le perdre peu à peu, mais c'est le contraire qui s'est produit, signe que nous ne sommes peut-être pas des cas aussi désespérés et pouvons accepter de ne pas être toujours caressés dans le sens du poil.

          En revanche la fréquentation du blog est honteuse, c'est-à-dire que malgré son nombre important de visiteurs, peu de gens le placent en lien sur leur site ou leur blog. On le consulte en secret et en catimini. Cet ostracisme est très compréhensible et n'empêche pas l'information de circuler. Au fond, ce blog joue le rôle qui est le sien, un rôle qui n'attend pas d'être reconnu mais qui est utile. Déjà à l'époque du site Magick-instinct, la fréquentation pouvait atteindre 2000 visiteurs par jour alors que le site n'était relayé que par peu de personnes et que je m'interdisais d'en faire la publicité ou de le promouvoir. De l'anti-marketing, en quelque sorte. Un travail, s'il sert à quelque chose, n'a pas besoin d'être claironné. On ne fait pas de publicité pour les clés USB parce que tout le monde sait à quoi ça sert. Mais on en fait pour Coca-Cola.

          Alors certes, la fréquentation de ce lieu virtuel est plus modeste que celle de Magick-Instinct en 2001. Mais elle est presque équivalente à celle des deux sites réunis d'une célèbre ONG qui fait la promotion du néo-chamanisme en Amazonie et bénéficie de nombreux liens sur les sites professionnels de néo-chamanes occidentaux. Je suis donc très satisfait et fier de ce résultat et j'en remercie vivement mes lecteurs.

          Aujourd'hui, j'aimerais bousculer de nouveau le visiteur en l'amenant à réfléchir sur certaines notions qui bouleversent les codes sémantiques habituels. Voyons par exemple ce qu'il en est des termes "chamane", "chamanisme", "extase" et "transe". De quelle manière pourrions-nous réajuster le contenu de ces termes pour y voir plus clair ?
    Attractions touristiques à Iquitos. Photos C. Guislain
          Remarquons tout d'abord que le mot chamane ne veut plus rien dire du tout, tellement on en a abusé. On parle de chamanisme à propos de Jean de Patmos, d'Odin, de Socrate, du soufisme ou de soirées en boite bien arrosées. Il serait peut-être temps d'interroger ce terme, pour se rendre compte que le chamanisme n'est pas du tout une tradition vieille de milliers d'années, mais une invention occidentale du XXème siècle. A cette condition, le mot pourrait être honnêtement utilisé. Et dans ce sens, la distinction entre chamane et néo-chamane deviendrait presque superflue, puisqu'il n'y a de chamanisme que dans l'occident moderne et ses annexes touristiques. On sait que dès que surgit le mot, il s'agit d'une construction occidentale. On n'est plus dans un contexte proprement indigène mais dans celui d'une occidentalité s'appropriant un folklore, des "techniques", ou nommant l'autre par des termes qui lui sont étrangers.

          Il n'y a pas de chamane indien à proprement parler. Même en Sibérie le mot n'est pas utilisé ailleurs que dans un contexte occidentalisé, excepté chez les Evenks. Les amérindiens du nord dénoncent avec force le caractère colonial de cette appellation qu'ils détestent. Pourquoi ne tiendrions-nous pas compte, enfin, de leur avis ? Dans les milieux kallawaya, aymara et quechua que j'ai pu fréquenter, ce terme n'est jamais prononcé. Si je l'avais entendu, j'aurais immédiatement compris qu'une influence occidentale était à l'oeuvre et qu'il s'agissait en réalité de néo-chamanisme. En revanche, j'ai rencontré des paqos, des yatiris, des wachumeros, des amautas, tous très différents les uns des autres. Mais pas de "chamanes". C'est donc que le chamanisme est un concept de l'occident moderne, plutôt qu'une survivance archaïque.

          Les anthropologues modernes n'utilisent souvent le terme que par défaut, mais sont de plus en plus nombreux à en interroger la pertinence. Le spécialiste en religions comparées Daniel Noel y reconnaît un "phantasme, une fiction, une oeuvre de l'imagination". Michael Tausig parle d'une "projection de l'Ouest". L'historien Andy Letcher n'y voit qu'une "construction d'orientaliste". En 1903, Arnold van Gennep écrivait que parmi les mots " créés par les voyageurs, adoptés ensuite sans réflexion par les dilettantes de l’ethnopsychologie et employés à tort et à travers […], l’un des plus dangereux est celui de chamanisme ". Grand spécialiste des Evenks et sur les lieux mêmes où apparut le mot saman, Shirokogoroff écrit dès les années 30 que " Le 'chamanisme' comme création européenne est un échec total ". Il a été largement démontré que le chamanisme en tant que pratique archaïque ou catégorie universelle n'existait pas et n'était qu'une construction littéraire développée par Eliade. Le mot lui-même, appliqué à toutes les sauces et dans tous les contextes, continue de nous laisser croire que cette unité universelle du chamanisme existe, alors qu'elle n'est qu'une projection nous empêchant de réellement connaître les cultures et les êtres que nous désignons ainsi. Le regard de l'observateur extérieur sur ces cultures en altère dès le départ l'idiosyncrasie, la corrode, la soumet. Dans une étude intitulée Le Chamanisme aujourd'hui : construction et déconstruction d'une illusion scientifique, Håkan Rydving dénonce un piège épistémologique, là où je reconnais pour ma part une habitude culturelle de la pensée ch'ulla, autrement dit, de l'universalisme occidental :

          " Il est par trop tentant de croire qu’en décidant d’appeler « chamane » une personne dotée d’une fonction rituelle dans telle ou telle culture, on aura mieux compris le contenu particulier de sa fonction sociale. C’est en fait le contraire qui est le cas. La traduction de böö, noaidi, angakkoq, etc. par « chamane » cache plus qu’elle ne révèle, car elle laisse croire que nous « savons » ce qu’est un böö, un noaidi, un angakkoq, etc. Elle nous amène à nous concentrer sur les aspects qui correspondent à notre propre définition de « chamane », laissant de côté l’étude précise de la personne envisagée dans son contexte culturel et social et avec les variations qu’elle connaît. Par ailleurs, cela permet d’accepter des constructions théoriques larges, reposant sur une littérature de seconde main, ce qui ne répond pas aux critères d’un travail anthropologique de qualité constitués par une bonne connaissance des langues et d’autres compétences en matière d’études des civilisations."

          La dernière phrase semble être une allusion à la façon dont travaillait Mircea Eliade. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas simplement de chipoter sur des mots. L'usage des termes "chamane" et "chamanisme" a permis de construire la stratégie d'appropriation coloniale des savoirs indigènes, dont nous sommes témoins aujourd'hui. En même temps, il a détruit une diversité au profit d'une universalité uniformisante. C'est la tactique habituelle de la pensée ch'ulla. Il a fallu tout d'abord universaliser un concept, pour pouvoir s'approprier et effacer ensuite les singularités où il était projeté. Mais Mircea Eliade et Michael Harner se sont trompés sur un point : il n'y a pas de chamanisme universel proprement dit. Håkan Rydving poursuit :

    " Beaucoup de collègues considèrent « chamane » et « chamanisme » comme des catégories générales et ils estiment que l’usage de ces termes est nécessaire, car il rend la comparaison possible. D’après moi, c’est tout le contraire. Si nous utilisons les catégories « chamane » et « chamanisme » pour comparer les traditions des Bouriates et des Inuit, par exemple, c’est qu’on a présupposé des similitudes entre elles. Au contraire, les études comparatives doivent se fonder sur les traditions et concepts locaux/autochtones. Sinon, la comparaison n’est pas valable puisqu’elle est en partie déjà implicite par le choix des catégories analytiques. D’un point de vue méthodologique, il est donc préférable de comparer un böö avec un angakkoq plutôt que comparer un « chamane » bouriate avec un « chamane » inuit. " 

          " Les concepts de « chamane » et de « chamanisme » ont créé une illusion d’homogénéité (régionale ou mondiale). Ils nous laissent croire que nous comprenons les phénomènes que nous prétendons étudier, alors qu’en réalité le risque est qu’ils nous empêchent de bien les comprendre. Concluons que le temps est venu d’abandonner ces termes comme concepts comparatifs."


          J'ai mis en caractères gras la phrase qui réfute l'hypothèse de travail de Mircea Eliade, reprise par Michael Harner pour élaborer son core-shamanism. C'est à raison que Mircea Eliade est considéré par bien des anthropologues comme le grand-père du néo-chamanisme, puisqu'il est l'inventeur de l'universalisation du concept de "chamanisme", tel que nous la connaissons aujourd'hui. On comprend sans difficultés les motifs pour lesquels l'auteur est adulé par les praticiens chamaniques occidentaux, sans que ceux-ci prennent la peine d'étudier les réfutations, désormais nombreuses, de l'oeuvre de l'intellectuel roumain.

          Mais cette tentative d'universalisation repose sur des bases trop fragiles. Sous prétexte qu'existent des prêtres dans presque toutes les religions, serait-il possible de regrouper celles-ci sous le concept unique de "prêtrisme" ? Et qu'aurions-nous dit de plus alors ? De même, si comme Harner nous tentions de regrouper sous un seul terme une poignée de techniques que nous croirions reconnaître dans les pratiques religieuses de toute la planète, ne pourrions-nous pas résumer en un seul terme l'ensemble des cultures pratiquant l'oraison ? Cela s'appellerait peut-être "religion". Et dans ce cas nous n'aurions finalement pas du tout avancé.

          La conclusion du travail de Håkan Rydving rejoint ce que j'ai exprimé plus haut :

          " Est-ce que cela signifie qu’il n’y a pas de contexte où les mots « chamane » et « chamanisme » pourraient être utilisés comme concepts au sens strict (sauf chez les Évenks) ? Bien sur qu’il y en a ! Avec le même point de départ que j’ai souligné pour les traditions indigènes (que l’analyse devrait être basée sur les concepts et terminologies vernaculaires) on peut maintenir que là où « chamane » et « chamanisme » sont utilisés comme auto-désignations, c’est-à-dire dans certains groupes du New Age inspirés par Eliade, Castaneda, Harner et autres, et pour les participants aux cours de développement personnel portant le label « chamanisme », ils sont appropriés comme concepts. Mais, c’est là – dans l’Occident et dans des contextes plus ou moins occidentalisés et mondialisés – et là seulement, que nous pouvons trouver un objet de recherche qu’on pourrait appeler « chamanisme » ".
    Kallawaya : le maître et l'apprenti.
          Un autre point sémantique intéressant est celui de l'"extase" ou de la "transe" chamanique. En anthropologie, l'extase est un marqueur important de la catégorie "chamanisme". Depuis Eliade, la définition du chamane impose la "transe" comme moyen de communication entre le chamane et le sacré. Ceci pose néanmoins de nombreux problèmes méthodologiques et c'est pourquoi, au cours des vingt dernières années, les chercheurs ont de moins en moins utilisé la définition du chamane comme technicien de l'extase, lui préférant une acception plus large. Håkan Rydving en donne deux exemples :

          Pour Vladimir Basilov, les chamanes sont "les élus des esprits", tandis que le chamanisme est la "croyance en la nécessité d'intermédiaires particuliers entre la masse des hommes et les esprits (déités)". D'où l'inanité d'un concept tel que le "chamanisme démocratique" en anthropologie, puisque le chamanisme est, par définition, une élection des esprits.

          Pour Christian Malet, le chamane est " un homme sain de corps et d'esprit qui, ayant répondu à une vocation éprouvante, est devenu apte - au terme d'une initiation - à entrer en relation avec les puissances spirituelles auprès desquelles il intercède pour le bien des membres de sa communauté ".

          On note que dans ces deux définitions, l'extase ne sert plus de marqueur à la condition du chamane. D'autres part, les chercheurs insistent sur le rôle social et communautaire du chamane, ce qui correspond mieux à la réalité de terrain que les seules lectures neuro-psychologiques et individualistes. Mais quelles sont les raisons pour lesquelles l'extase et les états modifiés de conscience ne sont plus considérés comme le trait principal de ce qui a été qualifié de  "chamanisme" ?

          On constate aisément qu'existent de nombreuses disciplines (le tantrisme, le yoga, la magie...) travaillant sur ces aspects de la conscience, sans pour autant être qualifiées de chamaniques. De plus, à l'intérieur même de cette catégorie dite "chamanique", toutes sortes d'opérations sont exécutées sans nécessiter de transe ni d'états modifiés de conscience. Enfin, le concept d'état modifié de conscience est, nous le verrons, extrêmement flou. Eliade en vient même à le manipuler facilement, pour le soumettre à ses préjugés. Selon lui, il existe par exemple des transes licites et des transes illicites. Une transe de possession est considérée par Eliade comme une dégénérescence du chamanisme, tout comme la transe produite par l'usage de plantes hallucinogènes. C'est un a priori culturel évident.

          Il faut rappeler que le livre d'Eliade qui a défini le champ d'étude du chamanisme pendant plus de 50 ans fut écrit par un homme qui n'était ni ethnologue ni anthropologue. Eliade n'a jamais rencontré de chamane, n'a pas vécu au sein de peuplades pratiquant les rites qu'il décrit. Tout ce qu'il consigne dans son livre est composé à partir d'ouvrages rédigés par d'autres et à ceci s'ajoute le fait que les sources bibliographiques russes les plus importantes et donc, les plus directes, restèrent inaccessibles jusqu'à la fin de la guerre froide, moment à partir duquel son oeuvre commença d'ailleurs à être sérieusement mise en doute.

          Eliade ne retient de ses sources que des détails lui permettant de confirmer son opinion préconçue. A telle enseigne que Marjorie Mandelstam Balzer finit par déclarer qu'Eliade est : " remarquablement inexact sur le chamanisme sibérien ". Ignorant les faits qui ne correspondent pas à ses théories, Eliade finit par faire des affirmations générales complètement fausses. Il considère que les chamanes sont principalement caractérisés par l'extase, le vol de l'âme, l'ascension céleste, le voyage hors du corps vers le royaume de l'esprit. Mais il dévalorise tout ce qui ne correspond pas à cette description. Or, pour Anna-Leena Sikala, l'interaction avec les esprits se fait en Sibérie selon trois modes : le voyage, la possession et la convocation. Aucun de ces procédés n'est dévalorisé, ni même hiérarchisé. Les trois interviennent souvent dans une même cérémonie.

        L'ouvrage de Mircea Eliade sur le chamanisme est rempli de références au ciel, à l'ascension, à la verticale plutôt que l'horizontale. Le sacré est réduit à ce plan axial transcendant, au centre plutôt que la périphérie ou le contour des choses. C'est au centre, au pôle de la tente, de la montagne, de l'axe du monde, que le chamane communique avec le ciel, monte à travers l'ouverture centrale, ou vers la montagne sacrée, vers le paradis. L'influence du symboliste René Guénon pèse trop lourdement sur cette production, en faisant un livre d'ésotérisme plutôt qu'une oeuvre scientifique. Eliade est toujours disposé à dénigrer comme décadent ou aberrant tout chamanisme dans lequel l'ascension vers le ciel jouerait un rôle insuffisamment important. Le chamanisme toungouse d'aujourd'hui, dit-il - c'est-à-dire celui des années 1930, lorsque Shirokogoroff produit ses études les plus importantes - ne peut pas être considéré comme le chamanisme dans sa forme classique, à cause, entre autres choses, du "rôle mineur qu'y joue l'ascension vers le ciel." Ne tenant aucun compte des aspects sombres et ambigus de cette discipline, c'est cette même vision morale et chrétienne du chamanisme que nous retrouvons aujourd'hui dans le néo-chamanisme New Age.

          En accordant une importance disproportionnée au "voyage chamanique", Eliade néglige les autres formes de relation aux esprits, les diabolise même. Non seulement cette différentiation obéit à un a priori religieux personnel, mais en définissant le chamanisme comme le seul produit d'une technique, Eliade réduit l'expérience du sacré à un domaine purement cérébral et physiologique, connu désormais sous le nom de modèle neuro-psychologique. L'oeuvre de Michael Harner suit la même inclination et s'avère plus étroite encore, puisqu'elle limite le champ du chamanisme au seul soin thérapeutique individualiste. Or, celui-ci est autrement plus étendu.

          Pour ne m'en tenir qu'au domaine scientifique, autrement dit en m'abstenant d'entrer dans des considérations spirituelles, ce modèle neuro-psychologique a fait l'objet de critiques remarquées. Dans un texte devenu célèbre intitulé Pour en finir avec la "transe" et l'"extase" dans l'étude du chamanisme, Roberte Hamayon note tout d'abord l'imprécision des catégories employées. Les descriptions de "l'état chamanique" sombrent souvent dans la contradiction : " il est difficile de savoir s’il est vraiment en transe ou s'il fait seulement semblant ", " la transe peut être aussi efficace quand elle n’est que simulée ", " le rituel n’opère pas forcément même si la ‘transe’ est authentique ". Ou inversement : " le rituel peut opérer même en l’absence de ‘transe’ manifeste ". Nous sommes ici face à une catégorie aussi imprécise que la fameuse "gnose" de la chaos-magick, dont j'ai tantôt souligné le manque de précision, tant théorique que pratique.

          Quand on songe que sont utilisés parfois des termes aussi opposés entre eux que "transe" et "extase" pour désigner les mêmes "états modifiés de conscience", on ne saurait douter de l'inutilité de ces outils analytiques, tout au moins en l'état. Mais ce qui retient surtout l'attention de Roberte-Hamayon, c'est l'absence complète de notions semblables dans le discours des peuples chamanistes traditionnels :

          " À ma grande surprise, ce terme, courant dans les travaux occidentaux sur le chamanisme, surtout depuis la publication du livre d’Eliade, ne m’était apparu d’aucune utilité tout au long de mon travail de thèse sur les formes sibériennes de chamanisme. Il n’était la traduction d’aucun terme autochtone utilisé dans le discours chamanique.[...]"

          " Ainsi les peuples sibériens (comme beaucoup d’autres peuples chamanistes) qualifient l’épisode rituel que les auteurs appellent transe en termes d’actions en rapport avec des esprits (mouvement du chamane vers eux ou mouvement de ceux-ci vers le chamane). Leur discours évoque l’idée d’une rencontre ou d’un contact qui est à la fois le moyen et la preuve de l’exercice de la fonction de chamane."

          Il est tout de même curieux qu'aucune des sociétés supposées utiliser le processus de la transe chamanique ne dispose de termes spécifiques pour désigner l'état de conscience altérée, l'extase (passive) ou la transe (active). Plus encore, lorsqu'on questionne les principaux acteurs de la transe, ceux-ci ne comprennent pas du tout les questions qui leur sont posées et répondent à coté des attentes, se référant essentiellement à des données cosmologiques. C'est donc que nous errons peut-être quant à l'approche.

          Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'être dans un état modifié de conscience pour percevoir différemment ou pour "voir" ce qui normalement est invisible. Je pourrais sur ce sujet apporter différents témoignages personnels, ou constatés chez mes amis indiens, mais je suis peu prolixe quant aux récits intimes relevant de phénomènes paranormaux, surtout lorsqu'il s'agit de le faire par écrit. Dans ma tradition, certaines choses - et notamment les pratiques et les expériences de ce type - ne se communiquent jamais qu'oralement et en confrérie. Quoi qu'il en soit, la possibilité de percevoir à l'état de veille des choses que l'on estime ne pouvoir devenir sensibles qu'en état altéré de conscience, constitue un élément de nuance qu'il me semble très important de noter.

          Rétrospectivement, nous pouvons remarquer maintenant que le tableau du renü Aukanaw que j'ai commenté le mois dernier est en effet influencé par les conceptions occidentales de Eliade et de Harner. Il induit la pensée que pour percevoir autrement, il faut être obligatoirement dans un autre état que l'état de veille. Or, non seulement ce n'est pas toujours le cas, mais la lecture des phénomènes de vision subtile en fonction du seul modèle neuro-psychologique entretient nombre de préjugés coloniaux. Puisque toute vision peut être interprétée en termes de conscience altérée, on en déduit facilement qu'il s'agit d'hallucinations et que le pauvre "primitif" ne sait pas distinguer la réalité de l'illusion. C'est en général ce que produit l'analyse neuro-psychologique d'un phénomène de ce type, lorsqu'on l'isole du contexte cosmologique et sociétal qui en explique la pertinence.

          D'autre part, concernant la pratique, les paradigmes influencent la perception. En interprétant la visite des esprits en termes de changement d'état de conscience, nous passons du domaine mystique de l'échange au domaine pseudo-scientifique de l'individu s'auto-interprétant ; nous allons d'un symbolisme chaud vers un symbolisme froid et rationalisé, technicien et sans âme. Le mythe cosmologique a une charge, un poids, une chaleur, une force, une grâce et un pouvoir communautaire importants. Le vocabulaire scientifique est dépourvu de cette propriété dynamique et amoureuse qui donne à la pratique son élan, son énergie visionnaire. "La science remplace nos mythologies passées. C'est une mythologie bien triste", écrivait Jorge Luis Borges parlant de la psychanalyse. Dans une approche concrète de la pratique visionnaire, le modèle neuro-psychologique représente bien le même type d'appauvrissement.

           L'anthropologue mexicain Roberto Martínez González met particulièrement bien en relief l'inconvénient du modèle neuro-psychologique, notamment dans son article Lo que el chamanismo nos dejó, cién años de estudios chamánicos en México y Mesoamérica, ou encore dans El chamanismo y la corporalización del chamán : argumentos para la deconstrucción de una falsa categoría antropológica. Pour R. M. González, la diffusion du modèle neuro-psychologique, en accordant trop d'importance aux états modifiés de conscience, centrant l'investigation sur le seul cerveau du chamane, a entretenu la " représentation de l'autre comme incapable de distinguer entre la croyance et la réalité ". L'idée que l'autre croit uniquement parce qu'il l'a expérimenté au cours d'états de conscience altérée est un argument dévalorisant les croyances autochtones, utilisé depuis au moins le XVIème siècle. C'est aussi devenu l'argument décisif des sceptiques. Pourquoi entrer dans ce jeu et continuer d'y recourir alors qu'existent des perspectives plus pertinentes ?

          R. M. González cite plusieurs chroniqueurs espagnols, ainsi que des extraits du Repertorium Inquisitorum, pour montrer que les religieux utilisaient déjà ces failles du modèle neuro-psychologique afin de dénigrer l'expérience religieuse des païens européens (les sorcières) et des amérindiens : " Et nul ne doit devenir idiot au point [nec debet aliquis in tentam venire stultitam] de croire que s'est produit corporellement ce que l'on a seulement rêvé ". Dans la mesure où elle n'est pas relative à l'état de veille et objective, l'autre réalité n'est plus qu'une hallucination sans valeur, inspirée par le démon de la confusion.

          La réduction de la perception de l'autre à une hallucination continue d'être, à mon sens, le gros inconvénient de la seule lecture neuro-psychologique des spiritualités visionnaires. Or, même Harner n'en sort pas. Du vol de la sorcière à l'apparition du faune, de la vision de la Vierge Marie au voyage dans l'Autre Monde, de la transformation en jaguar à la vue à distance, tout est désormais réduit par ce modèle explicatif à l'hallucination, ce pour quoi il apparaît nécessaire de le compléter par le contexte de la cosmovision elle-même, favorisant ainsi la compréhension non plus seulement psychologique, mais sociale, politique, écologique, symbolique, imaginale, spirituelle et communautaire de ces phénomènes et de leur portée sapientielle.

    Maître de l'invisible et du secret, le dieu-hibou s'abrite sous le corps arc-en-ciel du dieu-félin bicéphale. Notez les spirales doubles en symétrie inverse sur le centre thoracique (céramique mochica)

     

     

     

  • Soleil triste mine

    soleil_triste_mine.jpg

    Un filament de matière a récemment transformé la surface du soleil en visage triste, lui donnant étrangement l'apparence d'un émoticône. Un large filament de de matière froide s'est déplacé sur la partie inférieure du soleil pendant ces derniers jours. Quand cette ligne est étirée à son maximum (les scientifiques appellent cela un filament) elle s'étend sur plus de 600 000 kilomètres. Les spécialistes de la Nasa affirment que ce filament est plus long que 67 planètes de la taille de la Terre alignées.

    Quelques jours seulement après le cliché d'une "galaxie souriante" capturée par l'objectif de Hubble, la Nasa a rendu public ce cliché du soleil aux allures d'émoticône triste. Cette expression tracassée qui occupe la face du soleil a été capturée mardi 10 février. Sur ces clichés, le "Solar Dynamics Observatory" de la Nasa, (SOD) restitue les matières froides avec des couleurs foncées, et les matières chaudes en teinte claire. 


    "Cela signifie que cette ligne est en fait une énorme projection de matière froide qui pénètre l'atmosphère du soleil" indique la Nasa. Ce type de filament peut rester visible plusieurs jours avant de disparaître. 

     

     

  • La civilisation matriarcale dravidienne de l’Indus : un paradis pacifique urbain détruit par les aryens

     

    Les conquérants patriciens aryens

    La théorie de l’invasion aryenne (TIA) soutient qu’un peuple de cavaliers et de guerriers nomades de « race indo-européenne », connu sous le nom d’« Aryens » et originaire de l’Iran, a connu une grande expansion démographique et militaire entre les xviie et xvie siècles av. J.-C., et a envahi l’Europe et l’Inde du Nord. Elle part du postulat que la dénomination d’Aryens (ou Aryas, Aryans) désigne une ethnie en particulier, pratiquant une religion codifiée vers le xie siècle av. J.-C. dans les Veda. En s’installant dans la plaine indo-gangétique, ce peuple se sédentarisa et se mêla aux populations autochtones du nord de l’Inde ; un phénomène analogue se produisit en Europe. Dans ce modèle, il s’agit d’une invasion violente et subite, qui impose aux peuples soumis une culture patriarcale, une langue originelle (indo-européenne) et un panthéon. Tant en Europe qu’en Inde, cette invasion se serait produite autour de 1100-1200 avant notre ère.

    Lire Jean Boulnois – la civilisation pré-aryenne de Mohenjo Daro n’est pas morte !

    Les autochtones pré-aryens de l’Inde

    Carte de répartition des quatre sous-familles des langues dravidiennes

    Les peuples dravidiens, également Dravidiens sont les termes utilisés pour désigner les différents peuples non aryens et non himalayens en Inde. Ces personnes parlent des langues dravidiennes et sont mis en opposition aux ethnies du nord de l’Inde. Deux exceptions existent pour le nord, une peuplade afghano-pakistanaise et une népalaise. Le terme « dravidien » est construit sur le mot sanscrit « drâvida », qui désigne le peuple occupant le sud de l’Inde et plus particulièrement l’extrême-sud. On pense qu’à l’arrivée des Aryas, le groupe aborigène devait être celui des Drâvidiens comme en témoignent de nos jours des « îlots linguistiques » apparentés, ainsi que la survivance de nombreux vocables qu’a adopté la philosophie védique. L’origine des langues dravidiennes est mal connue. On a tenté de relier les langues dravidiennes à la civilisation de la vallée de l’Indus, dont les habitants se seraient dispersés après la chute de cette civilisation. Pourtant, des indices le suggèrent (iconographie yogie, interprétée comme pouvant être « proto-shiva » dans le site archéologique indusien Mohenjo Daro).

    Lire Matriarcat Nair (Inde) : la caste guerrière du dieu-serpent fertile, compagnon de la déesse-mère

    Une civilisation sans mariage et sans prostitution

    Ruines de Mohenjo Daho, Indus, Pakistan

    L’Inde, de par les invasions aryennes dont elle fut victime, connaît deux types de civilisations. Le premier, le plus ancien, nommé « civilisation de l’Indus » a laissé au Ve millénaire av. J.-C. des traces dans des villes archaïques très surprenantes : Harappa et Mohenjo-Daro. Ses vestiges révèlent un monde totalement étrange que les archéologues tentent d’élucider, de restituer. Il semble qu’il s’agissait d’une société gentilice (tribale), sans mariage, sans état, plutôt pacifique, tournée vers le culte des ancêtres. Ignorant le mariage et la famille conjugale, cette société semble aussi avoir ignoré la prostitution; le type de prostitution [dite « sacrée »] a existé dans certaines civilisations anciennes, mais il ne semble pas que cela ait été le cas en ce qui concerne la civilisation de l’Indus. Des serpents sacrés, des déesses et des figurines de femmes se retrouvent sur des sceaux et font penser aux Divinités-Mères.

    Lire Matriarcat pré-aryen dans l’hindouisme : Krishna-Christ contre Indra, tueur du serpent de la Déesse

    La déesse et le serpent, sans pouvoir central

    Les connaissances sur la civilisation de l’Indus, dite aussi civilisation harappéenne, progressent très lentement, pourtant elle est exemplaire : pas de palais, pas de temple ni d’idole, très peu d’armes, pas de fortification. Une société non-violente, qui est pourtant en relation commerciale avec de puissants voisins, la Chine et la Mésopotamie. Des serpents sacrés, des déesses et des figurines de femmes se retrouvent sur des sceaux et font penser aux Divinités-Mères.

    Science et Yoga avant les lois de Manou

    Rien ne révèle la présence d’un pouvoir central, mais en revanche, la spiritualité semble avoir une place importante et pourrait avoir été à l’origine du yoga, bien avant les Lois de Manu, expression du nouveau pouvoir sans partage des pères. Le cœur de cette civilisation très sophistiquée, Mohenjo Daro, la plus grande ville connue de la haute Antiquité, date du IVe millénaire av J-C. Les Harppéens savaient que la terre était ronde, et ils avaient calculé la bonne distance terre-soleil et terre-lune. Une civilisation qui a disparu vers 1800 avant notre ère.

    Une civilisation influente détruite par les aryens

    La civilisation de l’Indus (apogée sur 3500-1500 av J.-C) étendait son influence à l’est, jusqu’à la région de Delhi, à l’ouest par un réseau commercial qui la reliait à Sumer. La thèse la plus communément admise considère que la civilisation de l’Indus fut détruite vers 1500 av J. C. par les invasions aryennes. Les habitants étaient surtout des agriculteurs qui cultivaient des céréales (blé, orge et sésame), des légumes (pois) et du coton, et pratiquaient l’élevage de bovidés, de moutons et de porcs.

    Agriculteurs contre pasteurs

    La civilisation de l’Indus était à forte tendance urbaine et ressemblait très peu à celle décrite dans les Vedas aryens, qui avait un caractère pastoral. Peu d’éléments d’une civilisation aussi manifestement urbaine (par exemple, les structures des temples, système de collecte des eaux usées) sont décrits dans les Vedas. Elle ignorait totalement le cheval, alors que cet animal est présent dans les Vedas.

    Commerce maritime international

    Sa population s’est établie essentiellement autour du fleuve Indus (sites de Harappa et Mohenjo-Daro). Son territoire, 2 fois plus grand que la France, comptait plus de 5 millions d’habitants. Ses réseaux commerciaux maritimes s’étendaient jusqu’en Perse et en Mésopotamie. Des tablettes cunéiformes mésopotamiennes décrivent des transactions avec les marchands indusiens qui exportaient des métaux précieux, des perles, de l’ivoire, du cuivre travaillé, de la céramique et de la verrerie. Ces navigateurs remontaient jusqu’aux ports d’Arabie par la mer Rouge.

    Des villes immenses

    Son vaste urbanisme (jusqu’à 40 000 habitants) était sophistiqué et égalitaire : plan réfléchi, standards de construction, et réseaux hydrauliques pour tous… Lors des fouilles, les archéologues furent stupéfaits par le plan méthodique et très étudié des villes comme à Mohenjo Daro, à Harappa et à Dholavira. Moenjodaro a ainsi été surnommée la Manhattan de l’Age du Bronze. La ville basse, quadrillée de rues disposées en damier, est en effet traversée du nord au sud par un boulevard de plus de cent mètres de large, que coupent à angle droit des ruelles orientées d’est en ouest, délimitant des blocs d’habitation eux-mêmes desservis par des voies plus étroites. Les rues disposaient, à intervalles réguliers, de sortes de guérites, où devaient s’abriter des vigiles.

    L’urbanisme connu le plus ancien

    On ne trouve rien de comparable ni en Mésopotamie, ni en Égypte. La civilisation de l’Indus est donc le plus ancien exemple d’urbanisme. Les peuples de l’Indus furent aussi les premiers à employer la brique cuite à grande échelle dans la construction. Les archéologues furent frappés par le degré de standardisation dans la construction. Les briques utilisées étaient toutes de dimensions rigoureusement égales. Les maisons d’habitation étaient généralement de même modèle et de même taille, à l’exception de quelques constructions particulières, probablement des édifices publics.

    Un urbanisme moderne en avance sur son temps

    Les maisons semblent avoir été conçues de manière à assurer un maximum de confort et de sécurité. Des cours intérieures assuraient l’éclairage et les fenêtres étaient fermées par des treillages de terre cuite ou d’albâtre. Bon nombre de maisons disposaient d’un puits individuel. Les plus petites demeures mises à jour comportaient deux pièces avec salle de bain. Les fouilles ont aussi révélé la présence de WC. Les eaux usées étaient collectées dans de petites fosses revêtues de briques situées au bas des murs des maisons, avant d’être acheminés par des conduits vers un réseau de canalisations creusées sous le pavement des rues et recouvertes de briques dures. Ces canalisations débouchaient sur un système plus vaste d’égouts, également couverts, qui évacuaient les eaux usées hors des secteurs habités de la ville. Sur un tertre artificiel de 7 à 14 mètres de haut, on a dégagé d’importants monuments, dont le Grand bain, profond de plus de deux mètres, une construction en briques d’une conception remarquable pour l’époque. L’étanchéité du bassin – 11,90 m de long sur 7 m de large – est encore préservée intacte.

    Une civilisation non-violente ?

    Une des caractéristiques de cette civilisation est son apparente non-violence. Contrairement aux autres civilisations de l’antiquité, les fouilles archéologiques n’ont pas trouvé la trace de dirigeants puissants, de vastes armées, d’esclaves, de conflits sociaux, de prisons et d’autres aspects classiquement associés aux premières civilisations patriarcales.

    Une société idéale ?

    Les archéologues n’ont à ce jour découvert aucune sculpture monumentale mais beaucoup de petites figurines humaines et des représentations de la maternité en terre cuite. Autrement dit on n’a pas trouvé le moindre signe d’une royauté ou d’une théocratie puissante. Les archéologues se demandent même si cette civilisation possédait une armée : quelques armes ont bien été retrouvées (peut-être appartenaient-elles aux envahisseurs aryens), mais aucune représentation de scènes guerrières.

    Un peuple pacifique et égalitaire

    Ce peuple agricole, pacifique et lettré n’a laissé aucune trace d’activités militaires. Les villes n’étaient pas fortifiées. Les archéologues ont établi que ni armements, ni remparts n’existaient avant le patriarcat. Cette société ignorait la division en classes sociales. Quant à la religion, il n’en reste que des traces fugitives. La statuaire révèle le culte de la maternité, d’un « roi-prêtre » ainsi que d’une divinité cornue ithyphallique. : statuettes assimilées souvent à des déesses-mères, amulettes, représentations de mise à mort d’un buffle d’eau. Mais aussi des arbres sacrés et d’un « proto-shiva », un homme cornu à plusieurs têtes en position yoguique. Certains spécialistes y voient des prémices de la religion hindoue et du jaïnisme.

  • Matriarcat pré-aryen dans l’hindouisme : Krishna-Christ contre Indra, tueur du serpent de la Déesse

     

    Guerre des dieux pour l’avènement du patriarcat

    D’après le Mahābhārata, une lutte dynastique entre les clans frères des Kauravas et des Pandavas pour le trône de Hastinapur s’est soldée en une bataille dans laquelle tous les anciens royaumes ont participé en tant qu’alliés des deux clans rivaux. Les Pandavas vaincront, et reprendront ainsi le pouvoir.

    La bataille de Kurukshetra oppose les Pandava aux Kaurava, dans l’épisode central du Mahabharata.

    Le premier monarque du monde

    « Dans la lointaine Inde aryenne, la révolution du Bélier, menée par le roi-dieu Râma lui-même, amena le triomphe des patriarches. Râma attaqua de l’intérieur, pour ainsi dire, en obtenant d’abord la main de la princesse héritière Sîtâ, puis dominant cette dernière, la maltraita et usurpa finalement sa place de souveraine. Râma serait mort en Inde il y a 5000 ans, et son règne a été suivi de siècles de guerre entre le peuple du Taureau, les Kaurava, et le peuple du Bélier, les Pandava. Il fallut attendre la venue de Vishnou pour que le peuple du Bélier l’emporte enfin et que l’Inde s’installe dans un patriarcat intégral et ininterrompu. » Merlin Stone – Quand Dieu était femme page 130.

     » C’est lui que les Hindous honorent encore sous son propre nom de Rama; c’est lui que le Tibet, la Chine, le Japon et les immenses régions du nord de l’Asie, connaissent sous le nom de Lama, de Pa, de Pa-pa, de Pa-di-Shah, ou de Pa-si-pa. C’est lui que les premiers ancêtres des Persans, les Iraniens, ont nommé Giam-Shyd, à cause qu’il fut le premier monarque du monde. » nous dit l’occultiste Fabre d’Olivet (1767 – 1825). Si Ram est bel et bien le premier roi des hommes, c’est aussi le titre de Gilgamesh.

    Lire Philippe Annaba – Les dieux usurpateurs de la mythologie sumérienne spolient la déesse primordiale

    Lire Matriarcat de Karakoum (Turkménistan) : le 1er roi-père vole le Saint Graal de la déesse-mère

     » C’est ici que les historiens profanes commencent l’histoire. Ils voient bien la race blanche ou aryenne partir de l’Inde pour apporter de là, la tradition blanche sur toute la Terre ; mais ils ne savent pas que les Blancs étaient venus d’ailleurs et d’Occident dans l’Inde. «  – {Livre, Traité élémentaire de sciences occultes, 1888, Papus, Ed. Dangles}

    Polyandrie chez les dieux sans père, aux vierges mères

    Les Kauravas (en sanskrit : कौरव) sont une famille légendaire de l’épopée de l’hindouisme le Mahabharata. Elle aurait eu cent fils de Gāndhārī (en sanskrit : गांधारी). Ces enfants sont un cadeau de Shiva pour la remercier de sa bonté envers Lui. Elle épouse ensuite Dhritarāshtra, un roi aveugle. C’est elle encore qui maudit Krishna pour avoir autorisé la bataille de Kurukshetra où tous ses enfants moururent, en lui disant que c’est son indifférence qui a causé tout ceci.

    Les Pandava (en sanskrit पाण्‍डव (pāṇḍavaḥ)) sont l’un des deux groupes protagonistes du Mahabharata, qui conte le combat de ces cinq fils de Pandu contre leurs cousins les cent Kaurava. Le Mahābhārata montre que ces héros sont des demi-dieux, fils d’une mortelle et d’un dieu : Pandu n’a engendré aucun d’eux. En effet, Pându, jeune marié qui n’avait pas encore d’héritier, part à la chasse et blesse un ascète qui le maudit : s’il couche avec ses épouses, il mourra au moment du plaisir.

    « Constamment, le roi pleurait de vivre sans enfant. Il proposa même à Kunti de faire l’amour avec un autre, comme cela se pratiquait dans les jours anciens, lorsque les femmes n’étaient pas encore attachées à un seul et même homme. » – Le Mahabharata traduit et raconté par Jean-Claude Carrière, page 48

    Kunti, sa première épouse, va utiliser le don qu’encore fillette elle a reçu d’un brahmane : elle peut convoquer n’importe quel deva et lui demander de lui donner un fils, qui naîtra immédiatement. Kunti a déjà utilisé ce don avant son mariage avec Pandu, et a ainsi conçu le premier fils. Elle propose donc à Pandu de choisir ensemble qui seront ses pères divins : l’un sera Indra, le roi des dieux, tueur du serpent de la déesse-mère Danu. Madri, la deuxième épouse de Pandu, réclame le même traitement. Les cinq frères ont une épouse commune, la princesse Draupadi, et chacun a des épouses en propre. Dans le Mabinogi celte-gallois, les enfants de la déesse-mère Dôn, sous le contrôle de leur oncle maternel Math, présenteraient ainsi une structure identique à celle des Pandava.

    Une civilisation sans mariage et sans prostitution

    Ruines de Mohenjo Daho, Indus, Pakistan

    L’Inde, de par les invasions aryennes dont elle fut victime, connaît deux types de civilisations. Le premier, le plus ancien, nommé « civilisation de l’Indus » a laissé au Ve millénaire av. J.-C. des traces dans des villes archaïques très surprenantes : Harappa et Mohenjo-Daro. Ses vestiges révèlent un monde totalement étrange que les archéologues tentent d’élucider, de restituer. Il semble qu’il s’agissait d’une société gentilice (tribale), sans mariage, sans état, plutôt pacifique, tournée vers le culte des ancêtres. Ignorant le mariage et la famille conjugale, cette société semble aussi avoir ignoré la prostitution. Le type de prostitution, dite « sacrée », a existé dans certaines civilisations anciennes, mais il ne semble pas que cela ait été le cas en ce qui concerne la civilisation de l’Indus. Des serpents sacrés, des déesses et des figurines de femmes se retrouvent sur des sceaux et font penser aux Divinités-Mères. Rien ne révèle la présence d’un pouvoir central, mais en revanche, la spiritualité semble avoir une place importante et pourrait avoir été à l’origine du yoga, bien avant les Lois de Manu, expression du nouveau pouvoir sans partage des pères.

    Lire La civilisation matriarcale dravidienne de l’Indus : un paradis pacifique urbain détruit par les aryens

    Les nobles et fidèles aryens, Maîtres et Pères de famille

    Drapeau de la communauté Rom

    Le mot Aryen est la forme française du mot sanskrit Arya (du sanskrit : fidèle, noble). Alexandre Langlois (1872) traduit chaque occurrence du mot arya dans le Rig-Véda par « maître » ou par « père de famille ». Il considère ce mot comme fort important. Son opinion est que le peuple Arya, originaire de la contrée nommée Arie, Ariane, ou Hiran (Iran) sise à l’ouest du fleuve Indus, fut mené par Manou (qui est aussi l’ancêtre des Manouches) dans la région de l’Aryâvartta, et qu’ils colonisèrent ensuite cette terre dont ils devinrent les « Maîtres » (d’où sa première traduction du mot Arya). Ce nom passe ensuite dans la tradition indienne pour désigner des hommes bons, de bons « pères de famille » qui commanditent des sacrifices védiques nommés yajña pour honorer les devas (d’où sa seconde traduction, plus fréquente, du mot Arya). Il oppose aussi au peuple Arya de la plaine, les autochtones brigands montagnards que le Rig-Véda nomme Dasyou.

    Lire Patriarcat Rom : mariage forcé d’enfants consanguins, dot, virginité, impureté de la mère

    Les autochtones, des esclaves hors-castes

    Les Dâsas sont des peuples de l’Inde ancienne, ennemis des Aryas, que l’on suppose être la race drâvidienne autochtone, contre laquelle les conquérants aryens eurent à lutter, pied a pied pendant des siècles. Quelques indianistes les identifient avec les Dasyous (être malfaisants et redoutables que le Rig-Veda dépeint comme des athées, ennemis des Dieux, perpétrant des sacrifices et mangeurs de chair humaine). Dans la littérature post-védique, le nom de dâsa devient synonyme d’« esclave », et paraît s’appliquer au Shoûdras et aux hors castes.

    Manou, premier législateur du patriarcat aryen

    Dans l’hindouisme, Manu est le premier humain sur Terre. Il est comparable à Adam pour un occidental. Il est associé au dieu Vishnou et son avatar: Matsya, le poisson, pour avoir remis la vie sur Terre après le déluge, qui mit fin à l’ère matriarcale. Manu est aussi célèbre pour avoir écrit les Lois de Manu ou Manava Dharma Shastra un livre antique très connu sur le sous-continent indien qui donne pour les fidèles les devoirs, les lois à suivre. Manu est le premier Législateur, presque un être divin, le créateur de la nouvelle humanité patriarcale.

    Castes chastes pour ne pas mélanger les couleurs

    Une caste est un groupe social hiérarchisé, endogame et héréditaire. Le mot vient du portugais casta (« pur, non mélangé », à rapprocher du français « chaste »).

    Selon l’indianiste Sormani: «Bien des études ont été effectuées sur la véritable origine des castes; les théories les plus fondées font remonter cette origine aux invasions de l’antiquité. Les Aryens à la peau blanche ne voulaient pas se mêler aux premiers habitants, les Dravidiens à la peau colorée (en sanskrit, le mot caste, varna, signifie couleur). Les premières mesures qui ont entraîné la division de la population en castes, ont été les lois interdisant les mariages mixtes entre Aryens et Dravidiens.»

    Dans un texte plus tardif, la Bhagavad Gita, le héros aryen Arjuna craint de miner «les fondements de la société», entraînant un état d’anarchie qu’il décrit comme «la corruption des femmes», qui conduirait finalement au «mélange des castes».

    Castes et répression sexuelle

    La Manusmṛti (sanskrit : मनुस्मृति), aussi appelée Mānava-Dharmaśāstra (sanskrit : मानवधर्मशास्त्र) traduit par: Lois de Manu est un dharmaśāstra, un traité de loi qui est daté environ du iie siècle de notre ère. Il s’agit d’un texte en vers le plus important et le plus ancien de la tradition hindoue du dharma. Ainsi il parle des devoirs des brahmanes et des autres castes. L’inégalité entre les castes y est dictée. Les devoirs d’un roi, les punitions pour les crimes y sont également prescrits.

    • Manou instaura le droit du père, ou patriarcat : « L’enfant appartient au père comme le propriétaire de la vache devient propriétaire du veau ».
    • Manou condamnait la femme qui avait « violé effectivement son devoir envers son seigneur, à être dévorée par des chiens dans un lieu très fréquenté ».
    • Manou impose la mise sous tutelle des femmes, sous l’autorité du père, du mari, puis du fils :  » Jour et nuit, l’homme doit veiller à ce que les femmes (de sa maison) ne soient pas indépendantes, car elles sont attachées aux plaisirs des sens. Les hommes doivent donc les garder sous contrôle. Enfant, elles dépendent de leur père. Jeunes, elles dépendent de leur seigneur (de leur époux). Vieilles, elles dépendent de leurs fils. Une femme n’a pas le droit d’agir de sa propre initiative. » - Mânava-dharma-shâstra, 5, 147-149

    Représentation de la Sati, au moment où la veuve va se jeter dans le bûcher (gravure britannique des années 1820).

    Vertueuses et fidèles, jusque dans la mort

    • L’épouse n’aura son salut spirituel qu’à travers son époux, et sera responsable de sa vie en toutes circonstances. La satî, « vertueuse », fidèle jusque dans la mort, symbole du dévouement total de l’épouse à son mari, consiste pour la veuve fautive à monter sur le bûcher du défunt et mourir brûlée vive.
    • Les familles Hindou des castes élevées doivent avoir au moins un enfant masculin, pour poursuivre la lignée patrilinéaire. A défaut, les ancêtres seront tourmentés dans un enfer spécifique.

    La burqa indienne de chasteté

    Purdah ou Pardaa (urdu : پردہ, hindi : पर्दा signifiant littéralement « rideau ») désigne une pratique empêchant les hommes de voir les femmes, pour prévenir toute sexualité hors mariage, qui remettrait en cause la reconnaissance de paternité, pilier du patriarcat. Le purdah prend deux formes : ségrégation physique entre les sexes et obligation aux femmes de couvrir leur corps. La purdah exige des femmes qu’elle couvrent leur peau de tissus pour ne pas laisser apparaître leurs formes. Elle leur impose également des restrictions de mouvement, leur interdit d’adresser librement la parole aux hommes et manifeste la subordination de la femme. Le purdah existe sous plusieurs formes dans les communautés hindoues et musulmanes principalement du sous-continent indien. La stricte application du purdah restreint les activités personnelles, sociales et économiques des femmes à l’extérieur de la maison.

    L’enfant sans père, un bâtard hors-caste

    Les Intouchables, Parias (désignation obsolète), Dalits,ou Harijan sont en Inde, un groupe d’individus exclus du système des castes, « hors du système des castes », au même titre que les populations aborigènes du pays. Ces individus sont considérés comme littéralement intouchables : « que l’on ne peut et ne doit toucher ». Ils sont par conséquent sujets à de nombreuses discriminations : contact interdit avec l’eau (et donc les puits) et la nourriture des autres castes, restrictions à la liberté de se déplacer et au droit à la propriété, etc. La caste étant déterminée par le père, un enfant conçu hors mariage sera hors-caste, un intouchable, puisque seul le mariage légitime la reconnaissance de paternité. Les autochtones matriarcaux de l’Inde ne pratiquant pas le mariage, ils ne connaissaient donc pas leur filiation paternelle, et étaient donc exclus de la société hindouiste.

    Lire Qui sont les matriciens ? La plèbe sans père de Rome

    La caste des Intouchables, le sort des autochtones vaincus

    La civilisation aryenne s’est formée à partir de l’invasion, vers 1 500-1000 avant notre ère, des plaines de l’Indus et du Gange par des peuples de souche aryenne venus des plateaux iraniens. Le peuplement originel du sous-continent indien connaît alors une civilisation avancée. Mais ils sont vaincus et soumis par l’envahisseur. Ils forment alors le quatrième rang social, à fonction domestique, tandis que les envahisseurs s’organisent de manière tripartite. Depuis les invasions aryennes, imposant une société patriarcale de castes, les indusiens sont aujourd’hui relégués aux plus basses couches de la société. Cependant, une fraction de cette population refuse de se soumettre. Elle est alors considérée comme dangereuse et répugnante. Elle forme peu à peu, bien malgré elle, le cinquième groupe dont descendent les intouchables.

    Lire Matriarcat Nair (Inde) : la caste guerrière du dieu-serpent fertile, compagnon de la déesse-mère

    Manasa, la reine-mère des serpents des tribus autochtones

    Manasa (Bengali: মনসা, Manasha), ou Manasa Devi, est une déesse des serpents, populaire au Bengale et dans le nord et nord-est de l’Inde. Elle protège et guéri des morsures de serpent, et apporte fertilité et prospérité. Elle est la reine des serpents. Elle est aussi appelée Manasha, ou Ma Manasha. Ma signifiant la Mère Universelle. A l’origine, Manasa était une déesse des tribus autochtones de l’Inde (Adivasi) avant les invasions aryennes. Elle a été intégrée dans le panthéon hindouiste, et vénérée par les basses castes. Plus tard, elle fut élevé à une plus haute caste du panthéon, et est désormais considérée d’avantage comme une déesse Hindu qu’une déesse indigène.

    Lire Hindouisme : serpents Nagas fertiles, totems des clans matriarcaux, protecteurs de la Déesse-Mère

    La vache sacrée, déesse-mère pré-aryenne de l’Inde

    En Inde, nombre d’animaux sont sacrés (singe, cobra, taureau, paon), mais Gau Mata, la Mère Vache ou « La Vache-Mère », les dépasse tous (de même, les Déesse hindoues s’appellent « Mère Kâlî » (Kali Mata), etc.). La vache est en effet vue en Inde comme une « Mère universelle » (la vache, sous le terme gaya, veut dire aussi « douceur »), du fait qu’elle donne son lait à tous, même à ceux qui ne sont pas ses veaux ; en Inde, la vache n’est pas seulement « sacrée » en tant que telle, elle représente la sacralité de toutes les créatures. Identifiant la vache comme la « Mère » de toute civilisation, son lait nourrit toute créature. Cette qualité « maternelle », réservée à la vache, est saluée comme la plus haute forme de don.

    Appelée aussi Kamadhenu ou Surabhi, elle est la mère de toutes les vaches, et par conséquent, elles sont toutes sacrées. Cette déesse n’a pas de temple, elle est vénérée uniquement par la dévotion accordée à toutes les vaches. Les vaches laitières sont également appelés aghnya « que l’on ne peut pas tuer ». Cette terminologie indique clairement la protection absolue dont la vache (bovin) doit bénéficier. Selon les mythes hindous, la vache Surabhi serait apparue lors du barattage de l’Océan de lait (ou guerre du Graal d’immortalité – voir plus bas). Cette vache merveilleuse est réputée accorder l’abondance : elle distribue aux êtres humains la satisfaction de tous les désirs.

    « En vérité, la vache représente la Mère de l’univers et elle est un idéal pour tous ceux qui sont doux, purs, désinteressés et innocents. C’est la vache qui donne le lait dont l’homme tire la crème, le beurre et le ghî. Elle est la mère des taureaux qui tirent la charrue dans les champs pour la nourriture de l’homme. Ses bouses elles-mêmes sont très utiles comme combustibles ; en Kathiawar, où il n’y a ni arbres ni forêts, il n’y a pas d’autre combustible que les pains de bouse de vache. Et, après sa mort naturelle, sa peau et ses os servent à faire des quantités de choses. Ô mère ! En vérité tu es vraiment Kâmadhenu (vache mythique qui exauce tous les désirs de celui qui la possède) ! » — Carnet de pèlerinage, Swami Ramdas, p. 107, éditions Albin Michel, 1973.

    A l’origine, la « Vache Céleste  » figuration de la Déesse Mère Néolithique, fut la Déesse universelle, céleste, solaire, déesse de la végétation, de la naissance et de la mort, de l’eau et du feu, du ciel et de la terre. C’était l’époque du Matriarcat et Dieu était femme. Il a fallu l’avènement des civilisations patriarcales nomades pour combattre l’influence de son culte et imposer un dieu-père. En Inde, où l’on adore toujours le taureau, le culte du taureau faisait partie du culte de la déesse qui domina jusqu’à l’époque de Rama. Dans la civilisation néolithique de l’Indus, le dieu taureau trône aussi aux côté de la Grande Déesse Universelle.

    Le yoga, une création matricienne de Shiva ?

    Vers le xviie siècle av. J.-C., les Aryens envahissent le Penjab, ils amènent avec eux leur religion codifiée dans les Veda, racine de l’Hindouisme auquel se rattache le yoga. Ils imposent leur langue, le sanskrit, mais s’imprègnent des traditions autochtones du Nord de l’Inde, notamment les pratiques yogiques existant originellement chez les Dravidiens. La mise à jour progressive à partir de 1920 de la cité antique de Mohenjo-daro, et l’exhumation de nombreux trésors archéologiques appartenant à la civilisation de la vallée de l’Indus, motive l’hypothèse d’une origine pré-aryenne du Yoga. Parmi les objets découverts figurent des cachets de stéatite dont l’un représente un homme cornu à trois visages, entouré d’animaux et assis tel un yogi, qui rappelle étrangement l’attitude de Shiva dit Paśupati, le « Seigneur des animaux ».
    Pashupati est utilisé dans le Rig-veda comme une des épithètes de Rudra, divinité védique des animaux, de la mort et des orages. Se fondant sur cette signification, John Marshall a interprété un sceau de Mohenjo-daro dans la vallée de l’Indus comme un proto-Shiva. Pashupati présente des similitudes avec les dieux pré-chrétiens d’Europe, comme le Cernunnos du chaudron de Gundestrup, similitudes observées également sur de nombreux points du culte.

    Le taureau blanc, monture de Shiva

    Dans la tradition shivaïste de l’hindouisme, Shiva est considéré comme le dieu suprême et a cinq grandes fonctions : il est le créateur, le préservateur, le destructeur, le dissimulateur et le révélateur (par la bénédiction). Dans la tradition Smarta, il est considéré comme l’une des cinq formes primordiales du Dieu. Nandi est le vâhana de Shiva, le taureau blanc qui lui sert de monture.

    Lire Origine de la tauromachie et du Veau d’Or : le dieu taureau fertile agricole, compagnon de la déesse-mère néolithique

    Phallus cosmique et énergie féminine de la déesse-serpent

    Le lingam ou linga (en sanskrit लिङ्गं, liṅgaṃ (« signe ») est une pierre dressée, souvent d’apparence phallique, représentation classique de Shiva, et de l’énergie masculine. Le lingam, toujours dressé et donc potentiellement créateur, est souvent associé au yoni (« lieu »), symbole de la déesse Shakti et de l’énergie féminine.

    Dans le tantrisme, la shakti est identifiée à la Kuṇḍalinī, déesse-serpent existant dans le corps de chaque être humain à la base du sacrum, et dont l’éveil prélude à la délivrance des réincarnations, le moksha, par son union à Shiva à la pointe du crâne. Certaines textes la décrivent comme parèdre de Shiva, enroulée autour de son cou sous la forme d’un cobra. Elle est l’énergie féminine manifestée, complété par la puissance masculine de Shiva. Leur union représente, à l’image de Shiva, la totalité du monde.

    Lire Le dieu serpent fertile, gardien de l’arbre cosmique, et compagnon de la Déesse-Mère primordiale

    La vulve de la Déesse, origine de la vie et de l’agriculture

    Yoni (sanscrit: योनि yoni, littéralement «vagin» ou «utérus») est le symbole de la Déesse (Shakti ou Devi), la Mère Divine Hindou. Dans la philosophie hindoue, selon Tantra, yoni est à l’origine de la vie. Les Aryens ont utilisé le terme yoni dans l’agriculture pour désigner une bonne récolte. Dans le shivaïsme, la secte dédiée au dieu Shiva, le yoni symbolise sa parèdre. L’homologue masculin de la yoni est le linga de Shiva. Leur union représente le processus éternel de la création et de la régénération.

    Lire Déméter et les mystères d’Eleusis : le culte secret de la déesse-mère de l’agriculture

    Un culte pré-aryen

    Shiva n’est pas une divinité d’origine aryenne. Il n’est pas dans les Véda, il est une résurgence du dieu phallus des premières civilisations de l’Inde. Dans l’Inde ancienne, le lingam était le symbole du phallus, représentant le principe créateur originel tel que l’incarne Shiva, le dieu du Vivant. Ce symbole phallique constitue un rappel des anciens cultes préhistoriques de la fécondité, et son image sculptée est, dans sa stylisation, très éloignée de la nature : le lingam ressemble en fait à un tronçon de colonne, et rappelle parfois le symbole méditerranéen de l’omphalos. Des Lingam et Yonis ont été retrouvés sur les sites archéologiques de Harappa et Mohenjo-Daro, une partie de la civilisation de l’Indus. Il existe des preuves solides pour soutenir qu’il existe une filiation culturelle de la civilisation de l’Indus (Harappa, Indus-Sarasvati) aux pratiques védiques et hindoues modernes.

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    Les adoratrices du culte du Phallus

    Les sanctuaires de la déesse récemment mis à jour au Proche Orient révèlent des phallus de toute forme et de toute taille. Le fait que ceux-ci, et des symboles phalliques tels que les cornes de taureaux, soient le seul signe masculin découvert dans les anciens lieux saints, indique que les adorateurs originels du phallus étaient les femmes elles-mêmes.

    Ces symboles masculins étaient en rapport avec la Déesse, et c’était pour lui plaire qu’ils abondaient dans ses sanctuaires” [Jacquetta Hawkes]. Notons que dans la mythologie égyptienne, ce fut Isis elle-même, la divinité première, qui établit le culte du phallus.

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    La Grande Déesse du Principe Absolu

    Devî, appelée aussi Mahâdevî, la Grande Déesse, est dans l’hindouisme une forme apparente de l’absolu lorsqu’elle est avec Shiva : « Les dieux assemblés s’approchant de la Grande Déesse lui demandèrent : « Qui es-tu ? » Elle leur répondit : « Je suis la forme apparente du principe ultime, le Brahman. De moi sont issus la Nature et la Personne (Prakriti et Puruṣa) qui constituent l’univers. » » Devî Atharvashiras (1-2)

    Dans certains textes, la Grande Déesse est appelée Viraj, la mère universelle, ou Aditi, la mère des dieux ou encore Ambhrini, celle qui est née de l’océan primordial. Dourgâ représente la nature protectrice de la maternité. Yaganmatri est un autre nom qui signifie « Mère de l’univers » en sanskrit. De nos jours, Devî a de multiples formes. Les multiples divinités indiennes sont toutes considérées comme des facettes de la mère universelle.

    Amma, la déesse-mère pré-aryenne des basses castes

    Voici ce qu’explique le Professeur Norman Brown : «Si nous n’en avons pas entendu parler plus tôt, c’est que de toute évidence la Grande Mère n’est pas d’origine aryenne et que les brahmanes mirent du temps à la reconnaître. Elle est tout à fait différente des divinités féminines du Rig Veda… Le culte de la Grande Mère Divine est largement répandu aujourd’hui dans l’Inde non aryenne; dans le sud de l’Inde, chaque village possède sa collection d’Ammas, ou Mères. Leur adoration constitue la principale activité religieuse du village… et les prêtres (il y a également des prêtresses) ne sont pas des brahmanes… mais ils appartiennent à des castes inférieures, ce qui indique l’origine pré-aryenne ou tout au moins non aryenne de ces déesses.»

    Brown nous dit que la Déesse a été finalement intégrée dans la littérature brahmanique, mais il fait remarquer que «la conception de la Grande Mère reste encore ambiguë dans les cercles de brahmanes».

    Déesse du désir des aborigènes matriarcaux

    Kamakhya (Assam: কামাখ্যা)) est une déesse tantrique importante, qui a évolué dans les collines de l’Himalaya. Les textes tantriques (Kalika Purana, Yogini Tantra) sont la base de son culte. Son nom signifie «déesse renommée du désir». Shakti est reconnue comme une forme de Kamakhya.

    Une déesse-mère Khasi

    Son temple a été construit au 16ème siècle, dans la province Kamrup de l’Assam. Elle y réside sous la forme symbolique d’un yoni (organe génital féminin). Le Temple Kamakhya Kamarupa est l’un des 18 Maha Shakti Peetha, qui sont des sanctuaires ou des lieux divins de la Déesse Mère. Il est probable que ce soit un ancien site sacrificiel khasi. Les fidèles viennent encore chaque matin avec des chèvres à offrir à Shakti. Cette déesse est probablement antérieure à l’aryanisation de l’Assam. Elle est probablement liée à une déesse importante du peuple khasi, une tribu originaire de l’Assam, qui conserve des systèmes sociaux matrilinéaires.

    Lire Matriarcat Khasi (Inde) : déesses-mères des mégalithes, et meilleure scolarisation du pays

    La fusion des cultes autochtones et aryens

    Le culte de toute divinité féminine dans l’Assam symbolise la « fusions de croyances et de pratiques» aryennes et non aryennes dans l’Assam. Les différents noms associés à la déesse, sont des noms de déesses locales, aryennes et non aryennes. Selon Banikanta Kakati, les Garos, un peuple matrilinéaire, vouaient un culte antérieur sur le site du temple de Kamakhya, en sacrifiant des porcs. En général, les femelles sont exemptées de ces sacrifices.

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    Pour convertir les tribus de la Déesse-Mère

    Vatsayana, un sage védique à Varanasi, au cours du premier siècle, a été consulté par le roi de la région de l’Himalaya (Népal), pour trouver une solution, afin de convertir les tribus à un culte plus socialement accepté. Le Sage a suggéré le culte d’une déesse tantrique, Tara, qui s’est propagé de la ceinture de l’Himalaya oriental, jusqu’aux Collines des Garo, où les tribus adoraient Kameke, une déesse yoni de la fertilité.

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    La fête des menstrues créatrices de la Déesse

    Kamakhya est une déesse qui saigne, représentée comme une jeune fille de 16 ans. Ambubachi Mela est la célébration des menstruations annuelles de la déesse Kamakhya. On croit que pendant les pluies de la mousson, la puissance créatrice des «règles» de la Terre Mère devient accessible aux fidèles. Elle est adorée sous la forme d’un yoni de pierre, d’où coule une source naturelle. La fleur rouge est son symbole, particulièrement l’hibiscus.

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    Le sang impur de la Déesse aux yeux des aryens

    Le temple reste fermé pendant trois jours au cours de la Mela, car on croit que la Terre-Mère y devient impure, comme lors de l’isolement menstruel traditionnel des femmes dans l’hindouisme. Pendant ces trois jours, certaines restrictions sont observées par les fidèles, comme ne pas cuisiner, ne pas prier, ou lire de livres saints, pas d’agriculture, etc. Après ces trois jours, la déesse Kamakhya est baignée, et d’autres rituels sont effectués, pour veiller à ce que la déesse retrouve sa pureté. Ensuite, les portes du temple sont rouvertes, et le Prasad est distribué. Le quatrième jour, les fidèles sont autorisés à entrer dans le temple, et vénérer Kamakhya. La nourriture cérémonielle, ou Prasad, est distribuée sous deux formes – Angodak et Angabastra. Angodak signifie littéralement la partie fluide du corps – l’eau de la source, et Angabastra signifie littéralement le tissu recouvrant le corps – un morceau de tissu rouge utilisé pour couvrir le yoni en pierre pendant les jours de la menstruation.

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    Le dieu éléphant : un totem aborigène sans père ?

    Statue de Ganesha dans le temple de Prambanan, Java, Indonésie

    Shiva est marié à Shakti appelée aussi Parvati, la déesse-mère. Il a deux fils, nés de Parvati, dont Ganesh, le dieu à tête d’éléphant. Ganesh a la particularité d’avoir été conçu par Parvati seule. Shiva coupa la tête de cet enfant illégitime, et la perdit, mais la déesse exigea de lui qu’il lui redonne la vie. Shiva promit de remplacer la tête par la tête du premier « enfant » hors de la vue de sa mère. Le premier être rencontré correspondant à cette description fut un éléphanteau dont la mère dormait en lui tournant le dos… Par cet acte, et bien que Ganesh ait été conçu sans lui, Shiva assume sa paternité.

    Krishna, un christ matriarcal pré-aryen

    Krishna (Krichna, Kṛṣṇa, कृष्ण, sombre, bleu-noir, en sanskrit) est une divinité centrale de l’hindouisme. Krishna est la divinité la plus vénérée de l’Inde à l’origine de nombreuses sectes dédiées à son adoration. Dans le Mahâbhârata, il enseigne la Bhagavad-gita, l’un des textes fondamentaux de la pensée indienne.

    Des autochtones exterminés par Indra

    Dans l’hymne védique, on trouve le récit d’une défaite de 50 000 krishna et de leurs familles par le dieu Indra. Les populations qui peuplaient la plaine gangétique avant l’arrivée des aryens ont une carnation foncée qui serait ainsi à l’origine du nom de Krishna.

    Le Seigneur de l’Univers, un totem aborigène pré-aryen

    Dans l’hindouisme, Jagannâtha, « Seigneur de l’Univers » (de jagat, le monde, l’univers et nâtha, seigneur) est le nom donné à Krishna lorsqu’il est considéré comme la divinité suprême. On le trouve aussi écrit Djaggernat. Jagannath est adoré dans une triade, avec son frère Balabhadra, et sa sœur Subhadra. La divinité, est représentée en noir, car cette couleur est le nom même de Krishna, son frère est en blanc, et sa sœur en jaune.Le temple de Jagannath (Oriya: ବଡଦେଉଳ, ଶ୍ରୀମନ୍ଦିର) est un célèbre temple hindouiste dédié à Jagannath et situé dans la ville côtière de Puri capitale de l’état de l’Orissa en Inde. Le temple abrite une trinité de divinités : Jagannath, Balabhadra (frère de Krishna) et la déesse Subhadra (demi-sœur de Krishna). Selon la saison, elles sont habillées de façon différentes et portent des bijoux spécifiques. Il est possible que le culte de ces divinités provienne d’un sanctuaire tribal antérieur.

    Un totem de bois contraire aux dieux védiques

    L’apparence, les pratiques, les sacrements et les rites de Jagannath ne sont pas conformes à l’hindouisme classique. Jagannath manque de références védiques claires. Il n’est pas un membre du panthéon hindou classique. La structure et la forme de Jagannath est celle d’un totem. Il est fait de bois de neem, ce qui est exceptionnel dans l’iconographie des divinités hindoues brahmaniques, toujours faites de métal ou de pierre.

    Le dieu des adorateurs des arbres

    La tribu des Savaras, les premiers habitants de l’Orissa, adoraient les arbres, et leurs rituels incluaient des danses et des chants pour leur dieu nommé Jaganata. Parmi les tribus de la région de Vindhya, le culte de l’arbre, ou Khamba (pilier) est très répandu. Lorsque les Aryens védiques ont conquis l’Orissa, ils ont assimilé les traditions locales de ce culte, et le transformèrent en un Jagannath aryanisé.

    Un dieu sans castes

    Il n’y a pas de distinction de castes dans le culte de Jagannath, qui est semblable aux pratiques des populations tribales. Les Daitas sont les serviteurs héréditaires de Jagannath, d’origine tribale et non-brahmane (caste des prêtres). Même les intouchables, parias hors-castes, peuvent lui faire des offrandes. La cérémonie de régénération du corps de la divinité est une coutume tribale, et se retrouve parmi les tribus autochtones, comme les Savaras et les Konds.

    Né d’une vierge

    A l’origine, vierge signifiait non-mariée, et non pas non-pénétrée. Le mariage servant à légitimer la reconnaissance de paternité, la figure de la Vierge-Mère est celle qui procrée hors mariage, donc sans père reconnu. C’est une femme émancipée de la tutelle du père puis du mari. Dans la famille matriarcale, c’est l’oncle maternel et non le père, non reconnu, qui élève l’enfant.

    Au nom du père, de la mère, et du fils

    La religion indienne n’a pas éliminé totalement la femme de sa hiérarchie comme l’ont fait les religions juive et chrétienne avec leur trinité toute masculine. Car, dans la trinité hindoue, il y a le père, la mère, et le fils ; et la mère vierge de Krishna, Devaki, est la seconde personne de la trinité. Elle est l’objet d’un culte en tant que“Déesse de la Raison, Mère des Dieux, Auteur de la Création”. La prière à Devaki dit :“Tu es l’Intelligence, la mère du savoir, la mère du courage ; le firmament et les étoiles sont tes enfants ; tout ce qui existe vient de toi ; tu es descendue sur terre pour le salut du monde” [Edouard Schuré].

    L’oncle maternel sans père diabolisé ?

    Devaki engendra Krishna sans qu’elle ait été fécondée par son mari. Krishna était le huitième enfant de la famille. Or avant sa naissance, son oncle Kamsa, un roi cruel, avait reçu la prédiction que le huitième enfant de sa sœur le tuerait. Kamsa – comme Hérode – fait tuer tous ses neveux maternels nouveau-nés, mais Krishna lui échappe. Selon le Bhâgavata Purâna, Kamsa n’est pas le fils biologique d’Ugrasena son père officiel, mais d’un démon ayant pris l’apparence de Ugrasena pour séduire sa mère Padmavati.

    Sauvé comme Moïse

    Il fut échangé à la naissance avec le fils d’un berger afin d’échapper à son oncle. Pour échapper à ce massacre, Krishna fut mis dans un panier flottant et laissé à la dérive sur la rivière Yamunâ. Les eaux de la Yamunâ se séparèrent pour laisser le passage à Krishna et son père officiel.

    La Mère Terre diabolisée ?

    Krishna rêve qu’une géante, une sorcière nommée Putana, et envoyée par son oncle maternel pour le tuer, a enduit ses seins de poison. En tétant, il la tue en aspirant sa vie, elle s’écroule inanimée, ses yeux deviennent des puits et ses seins des collines.

    Krishna le coquin

    Dès l’âge de sept ans, Krishna aimait la compagnie des femmes. Le jeune Krishna était vacher au village de Vrindavan. Sa fréquentation des gopis, les vachères du village, jeunes filles ou femmes mariées, est le sujet de nombreuses histoires. L’une des plus célèbres, maintes fois illustrée par des miniatures, est l’épisode où, trouvant les gopis se baignant nues dans un étang, il leur vole leurs vêtements et se réfugie au sommet d’un arbre, ne daignant leur rendre leurs affaires que lorsqu’elles viennent les lui demander au pied de l’arbre.

    L’amant des femmes non-mariées et des épouses adultères

    De toute la campagne des environs du village, accouraient les bergères au palais pour voir Krishna, et danser autour de lui sur le son de sa flûte, en faisant la ronde en chantant « hare Krishna ! hare Krishna !« . C’est ainsi qu’il inventa la danse Rasa, union divine entre les gopis et lui même. Un millier d’entre elles comme Lalita, Vishakha, Campakalata, Citra, Tungavidya, Indulekha, Rangadevi, Sudevi auraient été ses maîtresses, mais Radha sera sa compagne préférée. Radha (devanāgarī: राधा, Rādhā), également appelée Radhika, Radharani et Radhikarani est, dans le Bhagavata Purana, une des gopis, amie d’enfance et amante de Krishna. Elle n’est pas l’épouse de Krishna, et est déjà mariée.

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    Un rebelle aux nouveaux dieux aryens

    Krishna s’oppose aussi aux dieux aryens, plus récents, ce qui tend à confirmer son origine aborigène. Jeune homme, il persuade son beau-père et les autres vachers de Vrindâvana de ne plus vénérer le dieu Indra, dieu de la pluie et des moissons, mais en lieu et place, de faire une pūjā (cérémonie d’offrande et d’adoration) à la colline Govardhana et aux vaches (la Terre-Mère et la Déesse-Mère). Le dieu, irrité de ne plus être prié, déclenche un déluge, mais Krishna soulève la colline et dit aux habitants du village de se réfugier sous elle, où ils seront à l’abri et où tous leurs besoins seront satisfaits. Comprenant sa défaite, Indra se prosternant devant Krishna, implore qu’on lui pardonne son orgueil et sa colère. Il rend cependant hommage à Agni, le dieu védique du feu sacrificiel, et en obtient le chakra, une arme incendiaire terrible. On a, dans l’épisode avec Indra, le compte-rendu du remplacement de la vénération d’une divinité védique récente, manifestant orgueil et colère, par celles anciennes et compassionnelles, Krishna et la vache sacrée.

    Le dieu du patriarcat aryen

    Indra (devanagari: इन्द्र) est le roi des dieux, et Seigneur du Ciel dans la mythologie védique de l’Inde ancienne. Il est originellement issu du dieu aryen de la guerre et de l’orage. Il est comparé à Zeus. Indra apparaît comme l’une des principales divinités dans le Rig-veda. Il est le deva le plus souvent mentionné dans le Rig-véda (250 sûkta environ se réfèrent à lui).

    Divinité guerrière et seigneur des hommes

    Il est en particulier célébré comme le meurtrier de Vṛtrá. Il est qualifié de nombreux épithètes, notamment Vṛtrahan, meurtrier de Vrtra, le dragon rétenteur des eaux célestes. Au sein du védisme ancien, en tant que dieu guerrier, sa puissance se manifeste dans la fonction guerrière des kshatriyas. Un compagnonnage guerrier, les Maruts, comparable à celui qui entoure le dieu nordique Odin, l’accompagne. Divinité guerrière et seigneur de ses hommes, sa puissance est celle d’un général d’armée. L’avènement de l’hindouisme transforme ce dieu tutélaire des Aryas en roi des devas.

    La foudre patricienne

    Taranis gaulois

    Indra a été rapproché par Georges Dumézil et d’autres spécialistes de l’histoire des religions d’autres dieux aryens de la guerre et de l’orage, tels que le dieu nordique Thor, le dieu lituanien Perkunas ou encore le dieu slave Péroun, dont il partage les caractéristiques essentielles. L’arme d’Indra, celle qu’il utilise pour abattre Vṛtrá est l’éclair Vajra, son foudre de guerre forgé par Tvastar. Son vâhana ou véhicule est Airâvata, l’éléphant blanc aux quatre défenses qui se tient à l’entrée de Svarga, le domaine du dieu dont la capitale est Amarâvatî. C’est là où résident les héros après leur mort sur le champ de bataille et où ils profitent du spectacle des apsaras et des gandharvas.

    Le tueur de serpent matricien

    Marduk contre Tiamat à Babylone

    Son rôle de « frappeur » est un autre héritage de sa fonction orageuse. Pour Xavier Delamarre, les compagnons d’Indra, les Maruts, sont également des divinités orageuses. Leur nom serait à rapprocher du dieu latin de la fonction guerrière Mars. En accord avec ses homologues aryens, Indra est avant tout honoré en tant que tueur du serpent Vṛtra qui retient les eaux célestes et les biens de la saison claire.

    Lire L’avènement du patriarcat à Sumer : quand les nouveaux dieux-pères détrônent l’ancienne déesse

    Indra terrasse le serpent de la Déesse-Mère

    Une divinité de premier plan des Vedas est Indra, et c’est un dieu guerrier, or les hommes de l’Indus semblent avoir été plutôt pacifiques. On peut en déduire que les Indusiens et les gens qui ont rédigé les Vedas (les locuteurs du sanskrit) étaient deux peuples différents. Il existe des mythes communs aux Indiens et aux autres peuples aryens, comme le mythe du serpent ou du dragon, Vritra dans les textes indiens, retenant les eaux ou avalant le soleil. Il est vaincu par un dieu armé de la foudre, Indra en Inde, Zeus terrassant Typhon fils de Gaïa en Grèce, ou Marduk terrassant Tiamat à Sumer.

    Le fils de Dana

    Il aurait empêché, avec l’aide de sa mère Danu, les eaux de s’écouler. Il avait la forme d’un serpent ou d’un dragon. Chez les celtes d’Irlande, les Thuatha de Danann sont la race elfique des fils de Dana, la déesse-mère primordiale. Vṛtrá a été tué par Indra, ce qui a valu à ce dernier l’appellation de Vṛtráhan. En le tuant, Indra a libéré les eaux et a permis au soleil de monter au ciel.

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    Les serpents avaleurs de soleil

    Tulsa Doom, dans le film Conan le Barbare (1982), avec Arnold Schwarzenegger

    Les Aryens vivaient sûrement en Bactriane (Afghanistan) avant de descendre vers l’Inde. Aux alentours du xxe siècle av. J.-C., il s’y trouvait une assez brillante civilisation de l’âge du bronze, or certaines caractéristiques la rattachent aux Vedas. Par exemple, on voit, sur des vases, des représentations de serpents installés sur des montagnes et contenant des soleils. C’est peut-être une illustration du mythe du serpent avaleur, Vritra, qui est rapporté dans les Vedas.

    Lire Hindouisme : serpents Nagas fertiles, totems des clans matriarcaux, protecteurs de la Déesse-Mère

    La cruche d’éternité de la mer de lait primordiale

    La Kumbh Mela ou Kumbha Mela (en hindi कुम्भ मेला (kumbh mēlā), littéralement « fête de la cruche ») est un pèlerinage hindou organisé quatre fois tous les douze ans et qui a lieu, à tour de rôle, dans les villes saintes de Prayag (le nom hindou d’Allahabad dans l’Uttar Pradesh), Haridwar (Uttaranchal), Ujjain (Madhya Pradesh) et Nashik (Maharashtra).

    L’utérus de la Déesse-Mère

    Les racines historiques de la Kumbh Mela se trouvent peut-être dans des cérémonies propitiatoires organisées aux temps des semailles, cérémonies au cours desquelles des pots de grains sont trempés dans les eaux des fleuves sacrés et mis à germer. Elle a aussi été considérée comme un rituel de fertilité, la cruche symbolisant par sa forme non seulement la Déesse-Mère mais également l’utérus, la matrice du monde. Elle serait alors naturellement associée à l’eau, en général, et à celles des fleuves en particulier, fleuves qui ont toujours joué un rôle majeur dans le monde indien, depuis la civilisation de la vallée de l’Indus, tout au moins comme semble l’indiquer le tank de Mohenjo-daro.

    La guerre pour le Saint Graal d’immortalité

    L’observance de la Kumbh Mela est basée sur le mythe hindou du barattage de la mer de lait. Dans les temps très anciens, les deva et les asura, les dieux et les démons, firent une alliance provisoire de façon à travailler ensemble à l’élaboration de l’amrita, le nectar de l’immortalité, à partir de la Ksheera Sagara, la mer primordiale de lait, et à partager ensuite cet amrita. Pour ce faire, ils devaient utiliser le serpent Vâsuki, le roi des Nâgas, pour mettre la montagne en rotation en tirant alternativement.

    Vishnou danse au sommet du Mont Méru, tandis que les asuras (à gauche) et les devas (à droite) utilisent Vasuki pour baratter la mer de lait (Aéroport Suvarnabhumi de Bangkok)

    Cependant, quand la kumbha, la cruche, contenant l’amrita apparut, les démons s’en emparèrent et s’enfuirent au loin pourchassés par les dieux. Durant douze jours et douze nuits divines, l’équivalent de douze années humaines, les dieux et les démons combattirent dans le ciel pour la possession de la cruche d’amrita. Pendant la bataille, des gouttes d’amrita tombèrent en quatre endroits: Prayag, Hardwar, Ujjain et Nashik, raison pour laquelle ces villes sont sacrées et le lieu de la célébration de la Kumbh Mela.

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    L’utérus d’or, ou la création de l’univers

    Hiraṇyagarbha, est un terme sanskrit de l’hindouisme qui se traduit par: œuf d’or ou matrice d’or; ou qui signifie littéralement le « fœtus doré » ou l’« Utérus d’or », il correspond au lieu d’où est issu la création, la cause de l’univers d’après le Rig-Veda (X, 121). La matrice de la création, l’œuf d’or sont le lieu où réside Bindu, fondement de toutes choses. Les Upanishads indiquent que le Hiranyagarbha flotta dans le vide pendant un certain temps puis se brisa en deux moitiés qui formèrent le Ciel et la Terre. Ce récit existe dans presque toutes les cultures antiques.

    Source : http://matricien.org/matriarcat-religion/paganisme/krishna-christ/