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MES LECTURES

  • Louis Owens - Le chant du loup

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    Albin Michel, coll. 10/18, 1998

    Publication originale en 1991.

     

     

    Les yeux de l’homme étaient des lacs de lumière sans pupille

    et ils regardaient au-delà de toute chose.

     

    Une très belle écriture enracinée dans le paysage, quelques fulgurances de beauté, de dignité persistent dans un monde où la cupidité accélère la chute, des arbres et des hommes et nous sommes au dernier acte d'une longue entreprise de destruction déjà. L'ancien monde pas tout à fait encore disparu, souffle à travers les craquelures du réel désenchanté, la lutte est vaine mais finit par être l'ultime recours contre l'ensevelissement. Contre la disparition. L'homme est un homme pour l'homme. Un tueur.

     

    Quand nous, les Indiens, on vivait ici il y a longtemps, avant l’arrivée des Blancs, y avait pas de réserve naturelle et pas d’animaux sauvages. Y avait que des montagnes, la rivières, les deux-pattes, les quatre-pattes, le peuple de sous la surface de l’eau et tout le reste. Il a fallu l’arrivée des Blancs pour rendre ce pays naturel et ces animaux sauvages. Et maintenant, il faut qu’ils votent une loi pour proclamer que la région est naturelle et la protéger contre eux-mêmes.

     

     

     

  • Mary Brave Bird-Crow Dog - Femme sioux envers et contre tout

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     (co-auteur Richard Erdoes, 1995), Livre de Poche, 1997

     

     

    C'est la suite de "Lakota Woman", Marie Brave Bird-Crow Dog se livre, ombres et lumière, dans un témoignage souvent douloureux de femme sioux envers et contre tout. Violences, injustices, désespoir, résistance, force de la spiritualité et du partage, difficultés à être Sioux dans un monde volé et contrôlé par les blancs mais plus difficile encore d'être une femme sioux dans un monde d'hommes, les uns violents et racistes, les autres désespérés, noyés dans l'alcool et donc violents. Comme dans le premier de ses livres, je suis stupéfaite de tout ce qui me relie à cette femme, des similitudes de certains de nos vécus qui n'ont pourtant rien à voir au premier abord et cela me questionne en profondeur et surtout met en relief l'universalité de la souffrance des femmes qui veulent être libres et des ruades pour s'en arracher, où que l'on soit. Après, il y a toute l'histoire tragique des peuples autochtones amérindiens qui me touche et me bouleverse depuis l'enfance sans que je puisse expliquer pourquoi si ce n'est l'évidente empathie qu'elle devrait déclencher chez tout le monde. Je suis née wasishu et respecte trop la douleur de ces peuples pour jouer les wanabee, j'ai juste très conscience que la lutte de ces peuples pour leur droit à exister dans la dignité et la sécurité, est toujours malheureusement encore et toujours en cours et dans un silence assourdissant. Les injustices auxquelles ils continuent à être confrontés, un génocide qui n'a jamais dit son nom, sont innombrables, je dirais même qu'elles sont l'ADN de l'Amérique...

     

    "Résistance spirituelle, mais aussi résistance active d'une Indienne et de son peuple face aux dangers qui menacent les réserves dans l'Amérique d'aujourd'hui. Reprenant le récit de sa vie au moment des événements de Wounded Knee, Mary Brave Bird-Crow Dog raconte son militantisme au sein de l'American Indian Movement, son action en faveur de la tradition et son combat en tant que femme, mère et indienne. Elle retrace également la période de sa vie partagée avec Leonard Crow Dog, homme-médecine et traditionaliste lakota. Avec franchise, elle conte les jours heureux et les périodes difficiles d'une existence mouvementée. Mais avant tout, c'est le destin d'un peuple à la conquête de ses droits qu'elle nous dépeint ---- et plus encore, les constantes difficultés des femmes indiennes à se faire reconnaître. Par l'hommage qu'elle rend au courage et à la volonté de celles-ci, par sa dignité et sa force de conviction inébranlable, Mary Brave Bird-Crow Dog confirme qu'elle est porteuse d'une voix unique et majeure dans la littérature indienne."

     

     

  • Leslie Feinberg - Stone Butch Blues

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    Publiée chez Hystériques et associées en 2014 (épuisée), puis en 2019.

    Version française de la version modifiée et corrigée par l'auteur

    pour les 20 ans de la sortie de son livre, version dédiée à CeCe McDonald.

    (la première version de Stone Butch Blues est sortie aux États-Unis en 1993).

     

     

     

    "Stone Butch Blues raconte l’histoire de Jess, né·e aux États-Unis dans les années 1950 au sein d’une famille juive et prolétaire. De son enfance rythmée par les interrogations des passant·e·s sur son genre (« c’est un garçon ou c’est une fille ? ») à son adolescence et sa découverte des bars de nuit où se côtoient lesbiennes, drag queens et travailleuses du sexe, de ses premières embauches en usine avec d’autres butchs à sa transition, jusqu’à sa rencontre avec le mouvement LGBT naissant, son parcours traverse les décennies et nous parle d’amour, d’amitié, de politique, d’identité. Par dessus tout, Stone Butch Blues est un hommage à la solidarité et à la construction de ces communautés qui nous permettent de tenir ensemble et de survivre à la violence de ce monde."

    Un livre lourd et puissant, violent comme les systèmes de domination et doux comme toustes celleux qui aiment et donnent. Un morceau d'histoire loin d'être terminée, de luttes toujours à renouveler car hélas... la haine est dure et coriace. Et sale...

     

    Pour en savoir plus sur ce livre qui est dispo gratuitement dans sa version numérique selon les souhaits de l'auteur.e : https://hysteriquesetassociees.org/sbb/

     

     

    Leslie Feinberg est une autrice américaine lesbienne butch transgenre. Née dans une famille juive, elle grandit en tant que lesbienne butch. Elle commence à travailler à 14 ans pour subvenir à ses besoins, et découvre à cette époque la culture des bars gays de Buffalo, dans l'État de New York. Elle quittera à l’adolescence sa famille biologique qui était hostile à son orientation sexuelle. Feinberg se dit transgenre car assignée femme à la naissance mais perçue comme un homme en raison de son expression de genre. En 1996, elle affirme avoir eu recours à deux reprises à la chirurgie et aux hormones. Elle se décrit également comme communiste et antiraciste. Elle a été membre du Parti du monde des travailleurs et écrivait pour son journal officiel, "Workers World". Elle publie plusieurs essais sur le mouvement transgenre, et deux romans : "Stone Butch Blues" (1993) et "Drag King Dreams" (2006). "Stone Butch Blues", un roman, partiellement inspiré de sa propre expérience en tant qu'ouvrière et lesbienne butch, a gagné en 1994 le Stonewall Book Award, dans la catégorie littérature. Elle vit avec l'essayiste et poétesse lesbienne Minnie Bruce Pratt (1946), sa partenaire pendant 22 ans, et épouse à partir de 2011. Leslie Feinberg décède de complications liées à la maladie de Lyme, dont elle souffrait depuis les années 1970.

    Pour en savoir plus sur Leslie Feinberg (1949-2014) : https://www.lesliefeinberg.net/

     

     

  • La fin des monstres de Tal Madesta

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    La Déferlante éd., 2025

    Cité aussi dans le dernier n° de ma revue : Tal Madesta nous fait vivre et comprendre la violence de sa disparition et la puissance de sa renaissance et toute la difficulté de ce parcours qui pourrait être évité si nous n'étions pas enlisé-e-s dans les ornières d'un système autoritairement binaire, cishétéro, patriarcal etc. qui s'est imposé comme une norme alors que c'est une construction avec une histoire et des buts avérés. Tal Madesta témoigne pour toute la communauté des personnes trans et il est essentiel que cette parole soit entendue, essentiel de tisser des ponts et d'arrêter surtout de parler à leur place. 

     

     

     

    Tal Madesta est journaliste indépendant spécialisé dans les luttes LGBT+. Il est l’auteur de Désirer à tout prix (Binge Audio Éditions, 2022). La Fin des monstres est son deuxième livre.

     

     

     

  • Jean-Claude Carrière - Le vin bourru

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    Plon, 2000

     

    "Le Vin bourru était le premier vin que l'on goûtait, au début du mois de novembre. Il était différent d'une cave à l'autre. Il conservait un duvet, une bourre, quelque chose d'inachevé, de provisoire, comme si le vin nouveau-né se protégeait encore contre les agressions du monde."

     

    Un récit sur le monde rural du côté du Mont Caroux, pour celles et ceux qui connaissent, un autrefois pas si lointain mais dont on a quasi tout perdu, l'auteur le premier, qui né dans une culture a vécu dans une autre avec un savoir inutile et pourtant tellement précieux. Et il lui a fallut une visite dans un écomusée alsacien pour le réaliser, visite qui est à l'origine de l'écriture de ce livre.

    Pour moi, cela fait écho à ma propre enfance, où j'ai pu encore entrevoir les derniers vestiges de ces savoirs, de ce mode de vie, chez d'autres issus de familles de paysans ou encore en activité et j'ai pu mesurer le grand écart et le gouffre qui s'est formé entre les générations, entre les milieux ruraux et urbains, tout un mode de vie ingénieux, autonome, sans gaspillage, englouti dedans. Mode de vie lentement élaboré au cours des siècles, à la dure souvent mais qui avait donc déjà des solutions aux problèmes d'aujourd'hui et très certainement de demain. La mémoire devrait nous permettre d'avancer en gardant non pas tout de façon obstinément passéiste, surtout pas, mais juste le meilleur, garder ce qui a fait ses preuves, garder ce qui est bon pour nous et la planète sans pour autant nous mortifier mais hélas non, on croit qu'on avance mais en réalité on recule, on gesticule et quand on fonce, c'est dans le mur.

     

     

     

  • Leonard Crow Dog - Fils de la nation sioux - Vie et combats d'un homme-medecine

     

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    Albin Michel 1995

    et Richard Erdoes, le co-auteur aussi de Lakota woman, voir : 

    http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2025/02/12/mary-crow-dog-lakota-woman-6535133.html

     

     

    "Je suis capable d'établir des relations individuelles avec les Blancs ; certains d'entre eux sont d'ailleurs devenus des amis. Mais en tant que groupe, c'est différent. Les Wasichus ont fait de moi un être au rabais. Leur mode de vie m'a rendu tellement malade qu'n plus de l'école buissonnière, j'ai dû faire la "vie buissonnière", c'est à dire fuir le type d'existence qu'ils m'imposaient pour sauvegarder mes propres valeurs spirituelles. Les Blancs m'ont coupé en deux. Et maintenant que je suis vieux, j'essaie de recoller les moitiés car, bien que sang-pur, je dois vivre dans leur monde, dans cet univers où il est indispensable d'avoir constamment à portée de la main un avocat, un policier, un juge, un psychiatre, des somnifères et beaucoup d'argent."

     

    "Cette saga familiale couvre quatre générations. Elle commence avec le premier Crow Dog né vers 1830, un contemporain de Sitting Bull et Crazy Horse, qui prend une part active à la danse des Esprits, laquelle donne lieu au massacre de Wounded Knee en décembre 1890. Elle s'achève avec son arrière-petit-fils, Leonard, né en 1942 sur la réserve de Rosebud (Dakota du Sud). C'est lui qui ressuscitera la danse des Esprits à Wounded Knee en 1973, lors de l'occupation du site par les militants de l'American Indian Movement. En effet, parce qu'aux yeux des siens il est doté de pouvoirs, Leonard est initié, dès son plus jeune âge, à la religion lakota, aux cérémonies et rites sacrés. A treize ans, il devient wichasha wakan, homme-médecine. Dans les années 60 et 70, il joue un rôle majeur dans la "renaissance" indienne. Conseiller spirituel de l'American Indian Movement, il est harcelé par le FBI. Jugé de façon douteuse, il est condamné au quartier de haute sécurité. Pendant près de trois ans, il est transféré d'une prison à l'autre, à travers les États-Unis. II faudra une forte mobilisation pour faire réviser ses procès et obtenir sa libération. Ainsi ses mémoires sont aussi un livre de combat pour la survie d'une culture, d'une spiritualité et d'une certaine vision du monde. "

     

     

     

  • Le loup au crépuscule de Kent Nerburn

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    aux éditions du Sonneur, 2024

    La suite de ni loup ni chien, voir : 

    http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2024/12/13/kent-nerburn-ni-loup-ni-chien-6527061.html

     

     


    "Si tu ne vis que pour toi et que tu sais que tous les autres ne vivent que pour eux-mêmes, tu sais que personne ne t’aider si tu trébuches. Or, tout le monde trébuche un jour ou l’autre, aussi sûr qu’il y aura toujours de la pluie et du mauvais temps.

    (…) Tout de que votre système enseigne, c’est comment ne pas être mauvais. Il n’explique pas comment être bon.
    En apprenant aux enfants cette voie de la peur, on les met sur un mauvais chemin. On leur apprend à grandir en ne pensant qu’à eux-mêmes. Le partage n’est alors qu’une petite baguette et non pas la branche principale de l’arbre de la vie. Ils apprennent à protéger, pas à donner, et ça érige un mur autour de leur cœur.
    Il faut changer ça. Il faut leur apprendre la voir de l’entraide, leur donner une vision de ce qui est bon, pas seulement de ce qui est mauvais. On doit leur apprendre qu’être fort, c’est aider les faibles ; qu’être riche, c’est donner ; que diriger, c’est servir."

     

    Le loup au crépuscule raconte le drame des pensionnats, des orphelinats et des asiles dans lesquels des dizaines de milliers d'enfants des communautés autochtones ont été assimilés de force. Le loup au crépuscule est le deuxième volet de la trilogie consacrée par Kent Nerburn à Dan, vieil Indien lakota vivant dans une réserve du Dakota. Après avoir évoqué, dans ni loup ni chien la façon – douloureuse, vorace et violente – dont les États-Unis se sont construits aux dépends des Amérindiens, Kent Nerburn s'attache, dans le loup au crépuscule, à raconter le drame des pensionnats, des orphelinats et des asiles dans lesquels des dizaines de milliers d'enfants des communautés autochtones ont été assimilés de force et où ils étaient victimes d'horribles sévices. Car Dan, qui fut l'un d'eux, demande à Nerburn de l'aider à découvrir ce qui est arrivé à sa sœur Yellow Bird, disparue près de quatre-vingts ans auparavant. Nerburn part dès lors à la recherche de documents et d'indices pour aider le vieil homme à résoudre un mystère qui l'a hanté toute sa vie.


    Le loup au crépuscule s'inscrit dans la dénonciation de cet épisode tragique de l'histoire du continent nord-américain qui s'appuyait sur un réseau de milliers d'écoles gérées par le gouvernement ou des institutions religieuses, ayant comme objectif l'assimilation culturelle et la spoliation des territoires des peuples autochtones – dénonciation lancée il y a près d'une trentaine d'années en vue d'obtenir une reconnaissance de ces crimes, des excuses ainsi qu'une réparation. 

     

     

     

     

     

  • Mary Crow Dog - Lakota Woman

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    (Mary Crow Dog et Richard Erdoes, 1990)

    Livre de Poche 1992

     

     

    À dix ans, je pouvais boire une demi-bouteille de whisky sans être saoule. Quand j’avais douze ans, les sœurs m’ont frappée parce que je « prenais trop de libertés avec mon corps », j’avais simplement tenu la main d’un garçon. À quinze ans, j’ai été violée. Si vous avez l’intention de naître, arrangez-vous pour naître blanc et mâle.

    (…)

    On ne peut pas marcher plus d’un kilomètre sans rencontrer la colline de voyance d’une famille, un ancien cercle de la Danse du Soleil lakota, un ancien champ de bataille, un lieu où s’est déroulé un évènement marquant : souvent une mort, mort de brave ou mort d’ivrogne. Nous sommes très doués pour mourir.

     

    (…)

     

    O ! Soleil, Lune, Étoiles,
    Vous qui mouvez
    Dans les cieux,
    Écoutez-moi !
    Parmi vous
    Une Nouvelle Vie est arrivée
    Rendez-lui le chemin agréable.

    Prière omaha pour un nouveau-né

     

    (…)

     

    Ils ne veulent pas laisser vivre les Indiens comme moi. D’accord.
    Je mourrai jeune.

    Annie Mae Aquash

     

    (…)

     

    Ensuite il eut affaire aux psychiatres. L’un d’eux lui demanda s’il avait des troubles physiques. Léonard lui répondit qu’il avait une irritation. Quel genre d’irritation ? s’enquit le psychiatre. Crow Dog déclara que le gouvernement américain l’irritait. « Avez-vous un traitement contre les promesses non tenues ? Avez-vous un traitement contre le mensonge ? ».

     

    (…)

    Ne brouillez pas mon esprit, dit-il à l’homme au Valium, ou je brouillerai le vôtre. (…) »

     

    *

     

    Un livre important, terrible, qu'il faut lire.

     

     

     

     

  • Le pont suspendu de Marie-Françoise Ghesquier

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    Extraits :

    Arpenteur penché en direction de la terre
    marque le sillon du même encore
    dédié au retour à la ligne.

    (…)

    On se demande s’il faut arracher des os
    aux cages thoraciques 
    de la nuit

    (…)

    La voilà lune vestale
    nacre fluide
    à l’aune d’un sentier
    scandé sur la fin des temps

    (…) Les bâtis du Port Nord survivent
    comme autant de reliques recroquevillées,
    bâtis en ramassis sur eux-mêmes
    relégués à l’extrême onction
    des voies de garage.

    (…)
    On ne voit que des formes abstraites
    Dans l’empierrement des yeux.

    (…)

    On chemine entre les flaques. L’air est élimé. On sent la
    rouille qui s’infiltre
    insidieusement : rouille fongique fallacieuse
    pénétrant la peau, les yeux, l’artère fémorale.

    Les mots naissent-ils de la décomposition du monde ?

    (…)

    Des nuées d’oiseaux sombres volent à contre-jour
    formant dans le ciel une plaie de cendres.

    (…)

    On se perd dans tout cet amas de pièces détachées
    entre bords et lignes,
    entre taches et traits,
    à profusion abrasés.

    De ces tas entassés torves
    surgit le chaos en étages achalandés,
    brocante de rouille en points de bâti surjetés
    au bord du décor démultiplié cubique.

    (…)

    Des volets bouclent la voix des murs.

    (…)

    Le temps est ailleurs,
    aspiré dans les cylindres soufflets métallo-souffreteux
    dans les tubes tuyaux béton granuleux
    jusqu’aux poutres d’acier s’entrecroisant
    tout là-haut dans le ciel emmêlé de nuages.

    (…)

    On sent un parfum de terre mouillée
    un parfum de vase
    venant du fleuve.

    L’oubli a donc une odeur ?

    (…)

    On entend le bruit lointain de l’autoroute,
    Une inquiétude qui tord les viscères,
    Les glissières de sécurité.
    On entend les poncifs crucificateurs. De les entendre
    à même le sol réclame l’entaille des veines.

    (…)

    On sent dans le dos les chaines qui bloquent l’entrée des
    portes condamnées

    (…)

    Lune rose pleine entière ronde lune immense posée
    comme dans un grand nid troué de noir profond.

     

    *

     

    Paru chez Rafael de Surtis fin 2022. J'ai publié des poèmes de ce recueil dans le n°75 de Nouveaux délits, en avril 2023.

     

     

    ghesquier.jpgTraductrice de formation, Marie-Françoise Ghesquier vit actuellement en Saône-et-Loire, près de Chalon-sur-Saône. Elle écrit dans des revues (Décharge, Comme en Poésie, Traction Brabant, Nouveaux Délits, Cabaret). Son premier recueil de poèmes, Aux confins du printemps, paraît en 2013 aux Éditions Encres Vives. Viennent ensuite À hauteur d’ombre, chez Cardère (2014), La parole comme un cristal de sel (2016), De tout bois si (2017), aux Éditions Henry, Danse en résistance chez Jacques Flament (2021).

     

     

     

     

     

     

  • Poing d’ombre de Guénane (extraits)

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    Poésie
    ce mot ourle
    toutes les lèvres
    mais si peu savent
    entrer en silence
    et l’accueillir.


    (…)

    Tout poème vous invite
    à fuguer en vous-même
    ce gouffre où personne
    ne vous coupe la parole.

     

    (…)

    D’instinct l’enfant sait
    le pilotage des fenêtres
    les godilles secrètes
    les bômes où il envergue
    les rideaux de son rêve.

     

    (…)

    Poésie
    souffle de survie
    porte de sortie des incurables.

     

    (…)
    tous 
    ils crochent
    des dents se cachent
    derrière chaque
    question harpon
    être grand c’est mentir.

     

    (…)

    L’Ange est un chat
    aux ailes angora
    l’Enfant est en cale sèche
    dans la basilique secrète
    de l’abandon. Elle écoute
    l’orgue barbare des murmures.
    Dormir
    c’est un peu mourir
    au fond de soi-même
    mais moins dangereux
    que se pencher
    à la portière de la vie.

     

    (…)

    De l’enfance elle ne retint que les manques
    les vides les silences

     

    (…)

    Les erreurs balisent
    la piste où tu cahotes.
    Décollage imminent
    prendre une bonne hauteur de rêve
    avant la rechute

     

    (…)

    à demi dévorés
    à demi dévoreurs
    faisons en sorte
    que le jour rapporte
    un butin de lumières.

     

    (…)

    Ceux qui rament 
    dans un marigot de larmes.
    Ceux à qui
    une vie ne suffit
    pour naître.

     

    (…)

    Il faut fuir tous les miroirs
    surtout les regards
    ils déforment.

    Pourtant certains poèmes
    vous parlent et vous aiment
    dans la langue des miroirs.

     

    (…)

    Qui fournit la formule
    pour exister
    quand dans nos veines
    coule par moitié
    le sang de l’angoisse.

    — D’où venez-vous ?
    — De moi-même.

     

    (…)

    Être poète
    c’est tenter de rendre habitable 
    une solitude.

     

    (…)
    Aimer c’est dormir sans amarre
    Sur un fleuve rongé de rapides.

    Aimer 
    c’est attiser
    la gâchette
    d’un révolver intérieur
    qui cliquette
    entre tempe et cœur

    Aimer est un mot créateur
    les autres sont à demi-morts.

     

    (…)

    Triomphante solitude
    au bout du parcours
    l’amour
    tout sculpté de ses coups.

     

    (…)

    Lueur 
    craquelure
    rayon inquisiteur
    chaque flaque palpite
    accueille sa claque de lumière.

     

    (…)

    Faut-il revenir 
    pas à pas vers soi-même
    pour ne plus être ce poing d’ombre
    qui nous assomme ?

     


    Paru chez Rougerie éd., 2000

     

    Pour en savoir plus sur Guénane : http://www.guenane.esy.es/

     

     

     

  • L’affolement des courbes de Marc Tison

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    *

    Des terres vierges sont en attente au fond des verres
    Sublimation des cuites solidaires
    Dans les bars si dégueulasses qu’on y rêve
    Éternelle infusions d’étoiles
    Et la voix de Billie Holiday raye l’illusion
    Profond

    (…)

    En enfouissement sous les sourires
    Les indifférences cachées dans la foule
    S’obstinent à crever les yeux
    L’aveuglement l’aveuglement l’aveuglement

    Les écrans regardent s’éloigner les enchantements
    aux geôliers consentis s’offrent les derniers discernements
    nos intimités dépecées en dons

    (…)

    Parlons marketing, parlons de stimulation des besoins
    Parlons d’enfants mineurs adaptés à l’extraction de tonnes de minerais rares et toxiques nécessaires à la fabrication des téléphones portables avec la lampe torche intégrée
    (…)
    Parlons de marketing d’enfants à l’obsolescence programmée

    (…)

    Réalité minorée. Ça s’efface. Un delate sur le clavier
    Un choix éditorial à la tv
    Le quotidien impur disparaît des vérités
    Avec les cris, les pleurs, les dignités

    (…)

    Il m’arrive d’attendre allongé sur l’herbe
    Sur un lit de pénombre
    Posé dans la banquette arrière de la voiture
    Debout entouré d’une foule que j’éteins
    Dans le shaker des hontes quotidiennes

    Il m’arrive d’attendre
    Un instant admirable
    Une expiration qui n’en finit pas
    De définir l’apaisement

    Les espaces profonds
    Entre les souffles et les inspirations
    Des apnées d’évasion

    (…)

    Dans le remuage
    La voix ma voix
    Parle parle parle de nouveau
    Comme roule le ruisseau de montagne
    Où s’abreuvent les estives
    Dévale les pentes au-dessus des pierres
    Saute les obstacles de relief

    Porte cette voix dans les vallées
    Contre les falaises qui résonnent
    Tapage la parole dans les canyons
    Sur les crêtes
    Parle parle parle
    Couvre les oracles nauséeux

    (…)

    Tu es tout ce que j’ai et qui ne m’appartient pas

    (…)

    Mélancolie des ombres qui fuguent de soi

    Au bout du chemin le silence habité des feuilles sous le vent
    La transition où s’opère la mue des soirs solitaires

    (…)

    Devenir la sueur
    Devenir l’air
    Devenir le vent
    Devenir la disparition
    Le rien le tout

    Mais devenir

    (…)

    Quel spleen rattrape l’horizon qui s’éloigne
    Sur des oiseaux danseurs aux clairs obscurs du ciel

    (…)

    Dans la montagne souffle le baiser coupant des névés
    Dans les cheveux frissonne le chant des pierres
    Éparpillées sur le chemin
    Un chant de brisure

     

     

    La chienne Édith, collection Nonosse, 2020

     

     

  • Abdellatif Laâbi - L’espoir à l’arraché

    LEspoir-larrache-dAbdellatif-Laabi_0-2304881982.jpgHYPOTHÈSE

    (…)

    J’aurais pu 
    partir 
    – avant qu’il ne soit trop tard –
    beau, ténébreux
    fleurant bon mes arômes naturels
    superbement romantique
    vif comme l’éclair
    apte au service permanent
    de l’impossible

    J’aurais pu 
    me taire
    me taire pour de bon
    épargner à mes semblables
    un tel lamento

     

    M’armer du silence
    de ceux qui ne connaissent de la mer
    que les vagues ennemies
    et le cimetière des fonds
    Ceux qui dans la boue glaciale
    se lavent le visage
    avec le sang des barbelés
    ceux que tout accuse et condamne :
    le nom, la couleur
    la langue, le pays
    (…)

    J’aurais pu
    me réfugier dans une grotte
    en sceller l’entrée
    M’y exercer 
    à la surdité
    à la cécité
    l’insensibilité
    En finir 
    avec le vacarmes des images
    et livrer ma mémoire
    au grand réparateur
    qu’est l’oubli

     


    DUPE

    (…)

    Peut-on dire alors
    qu’en plus du rire
    du langage
    être dupe
    est le propre de l’homme

    Tiens
    j’ajouterais bien à cette liste
    la trahison

     


    RENONCEMENT

    La porte entrebâillée
    et que l’on sait être
    la dernière
    Pour la pousser
    il faudra davantage
    que du courage
    la noblesse du renoncement

     


    LA MARGE

    (…)
    Adieu chaînes
    qui m’ont paru aimables
    Je me détache 
    m’écarte
    et retourne à ma place
    dans la marge extrême
    Ce sera
    je présume
    ma dernière adresse connue

     

    À VOIX BASSE

    (…)
    L’horreur 
    nous épuise
    Elle malmène en nous
    la bonté
    et bride
    jusqu’au désir

     


    FINITIONS

    La vérité ?
    Ce que j’avais à dire
    je crois l’avoir amplement dit
    et si je m’accroche encore un peu
    à l’écriture
    c’est par acquit de conscience
    pour les finitions
    vous dira l’artisan

     

    Il y a beaucoup de très beaux poèmes dans ce recueil paru au Castor Astral en 2018, ils feront l'objet d'une lecture enregistrée prochainement, à suivre donc...

     

     

  • Les vertiges de la forêt de Rémi Caritey


    Les-vertiges-de-la-foret_Transboreal_Remi_Caritey.jpg(...) Je me grise de l’ondulation puissante, de la souplesse organique du tronc, comme agrippé au col d’un troll endormi, dodelinant d’un sommeil antique. Je fais corps avec cette pulsion de rêves archaïques ; ce faisant, je reviens peut-être à quelque chose du début de la vie, quelque chose d’avant la naissance, un balancement calme, irrépressible, continu et consolateur.

    (…) Un manteau d’humanité, qui réchauffe les solitaires bercés par les voix de la Création, relie ceux qui se mettent à l’écoute des rêves de la Terre, nous renvoie à un sanctuaire intérieur, un lieu de ravissement, où les désirs sont sans objet parce que c’est la Terre qui nous possède, et de notre abandon à cette possession jaillit une paix totale.

    (…) Tout faisait appel à la capacité non pas de saisir, mais d'honorer et de rejoindre.

    (…) Ce creuset de l’animisme et du sacré, je rêve d’une écologie politique qui oserait s’y refonder.


    (…) Marcher dans la nuit sous la lune, s’approcher d’une clairière en croyant voir les reflets d’un étang et découvrir un cercle de graminées reliées au firmament : voilà qui renvoie à la pulsation profonde du monde et qui réveille le sauvage en nous. Et que veut-il ce sauvage ? Le privilège de la lenteur. Vivre au rythme de ses rêves. Célébrer la beauté de toute chose. Mesurer son action à l’aune de son corps, de son âge, de la simplicité de ses besoins. Laisser ses pensées suivre leur cours, grandir, s’épurer, avec pour seul stimuli les voix de la nature. La forêt nous immerge dans un milieu vivant, totalement animé. Anima, l’âme des choses. Un milieu qui nous éloigne de la pulsion de conquête et nous rapproche d’une pulsation vitale, universelle.

    (…) Et comme ces hommes élevés par les forêts ancestrales il nous faudra, au sortir de notre traversée des pins, un temps infini pour retrouver un rythme intérieur à peu près compatible avec la marche du monde, et un semblant d’intérêt pour le tumulte.

     

    Transboréal éd. 2018

     

     

     

    Né à Remiremont en 1957, Rémi Caritey conserve l’empreinte de la forêt vosgienne, dont il avait ressenti enfant toute la magie. Lycéen, il pratique la photographie et le tirage en noir et blanc. Il acquiert une caméra 8 mm et met en scène jardins, montagnes et amis. Pour ne pas porter d’uniforme en forêt, il écarte le métier de garde forestier et, afin de ne pas entrer en photographie dans un cadre scolaire, il opte pour des études d’architecture intérieure aux Beaux-Arts de Nancy. En 1977, diplôme en poche, il reprend son cheminement photographique en toute liberté, y compris celle d’une année sans déclenchement afin de tester le renoncement à sa passion.

    Ces années de formation autodidacte à la photographie et au cinéma sont aussi celles des premières saisons de récolte de graines d’arbres, pour lesquelles Rémi Caritey fréquente les plus beaux massifs répertoriés en tant que peuplements semenciers par l’Office national des forêts. Ces récoltes s’effectuent à la cime des arbres et, outre le plaisir – et le danger – d’escalader des géants, sont prétexte à des bivouacs prolongés, que ce soit dans les Landes, les Pyrénées, le Massif central, le Luberon, le Bassin parisien, le Jura ou les Vosges, ou bien en Alsace et en Normandie? Des journées entières dans les arbres !

    Rémi Caritey découvre l’Afrique en 1981, par le biais d’une amie sociologue au Sénégal. En 1985, il applique un regard ethnographique sur son village natal et réalise une série de portraits d’automobilistes lors du passage à la station-service – vue comme l’oasis des pays développés. Cette série d’images, « Station en service », donnera lieu à plusieurs publications et expositions. Photographe pour Libération à cette date, il prend les portraits du jour et couvre l’actualité socioculturelle. Il réalise par ailleurs L’Autocar qui, s’attachant aux pas de ses protagonistes, révèle le miroir aux alouettes d’un voyage organisé en Thaïlande. En 1989, il s’éloigne du journalisme pour renouer avec la lenteur en voyage, et s’établit pour un an dans un village de Casamance, à Diakène-Diola, où il installe son laboratoire. Dans un studio de toile, en lumière du jour, il photographie ses voisins et les objets de leur vie quotidienne. Ce travail, « Eebiteye », sera exposé en 1990 et publié dans L’Autre Journal ainsi que dans Le Monde diplomatique.

    De retour dans les Vosges, Rémi Caritey renoue avec le rythme des bivouacs saisonniers en forêt en vue de récolter les graines des arbres, alternant avec des séjours au Sénégal où il retrouve les habitants de Diakène-Diola, dorénavant réfugiés à Dakar. Entre 1990 et 1994, il produit en 16 mm ?il-Village, un journal d’exil qui relie l’Afrique et les Vosges. En 1996, il s’installe en Côte d’Ivoire, où il photographie les chantiers de la Société de développement des forêts. Il réalise aussi Gardiens de la terre pour lequel il fréquente la confrérie des chasseurs dozos afin de présenter comment les communautés s’insèrent avec sagesse et respect dans leur environnement naturel : une insertion contrariée par l’administration qui se sent menacée par cette autorité traditionnelle à laquelle elle prétend se substituer. Dans Hippotrague, il filme en outre la création du parc national du mont Sangbé, pour laquelle se pose la question de délocaliser cinq villages, un parc national se devant d’être inhabité. C’est un troublant dossier que celui de l’application d’une stricte réglementation à un territoire de vie : exclure l’humain de la nature pour mieux la préserver !

    Les troubles politiques qui secouent la Côte d’Ivoire à partir de 2000 mettent un terme à tous les projets de Rémi Caritey. Son rapatriement en France signifie un retour aux forêts et aux récoltes saisonnières, quoique sa figure de l’arbre se soit enrichie des visions africaines. Son activité professionnelle multimédia s’articule désormais autour de l’écosystème forestier. En 2005, il rencontre José Le Piez, le créateur des Arbrassons, et esquisse le film L’Arbre en nous sur ces pièces d’arbre sculptées qui, caressées, résonnent d’harmoniques et évoquent l’instrument sacré qui apaise les génies de la forêt en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les Vertiges de la forêt, paru en 2011, est né de cette longue fréquentation des forêts en vue de la récolte de graines. De ces récoltes de graines de chêne, douglas, épicéa, érable, mélèze, pin maritime principalement, sont issus des milliers d’hectares de feuillus et de résineux qui nous rejoindront par le biais de l’architecture, de la menuiserie, de la lutherie et, peut-être même, sous la forme du papier de ses prochains livres.

    En 2012, Rémi Caritey expose à Andrésy, sur l’île Nancy située à la confluence de l’Oise et de la Seine, dans le cadre de « Sculpture en l’île ». Il y présente « Filigrane », une série de photographies qui relient la forêt fluviale aux sylves tropicales. Il publie également dans le catalogue de cette exposition plusieurs portraits d’arbres insulaires, choisis pour leur singularité. Ce travail d’écriture se poursuit les années suivantes et aboutit, en 2017, à l’édition par la ville d’Andrésy d’un recueil de textes, Le Sentiment de l’arbre, offert aux visiteurs. Ce recueil est au format d’une carte géographique, sur laquelle on retrouve l’emplacement des « arbres singuliers » du site. On découvre également, dans les plis de cette carte, des graines récoltées par l’auteur à l’automne 2016, qui font des visiteurs de l’île des agents de dissémination de cette forêt insulaire.

    En 2017, Rémi Caritey publie également, chez Gérard Louis, Un arbre couleur pourpre, Quatre saisons à la Pépinière. Né d’une rencontre avec les jardiniers de la ville de Nancy, ce journal d’un arbre est une invitation à cheminer dans l’arborescence d’un hêtre pourpre historique, au cœur du parc nancéen de la Pépinière. En 2020, à la suite d’une résidence de territoire à la maison Laurentine, à Châteauvillain, en Haute-Marne, il publie La Forêt heureuse aux éditions Liralest/Le Pythagore. Il préside depuis 2023 l’association Préservons l’environnement du col des Hayes, qui vise à faire en sorte que soit prise en compte la réalité des bouleversements climatiques dans les projets d’aménagement du massif vosgien, en particulier en ce qui concerne la réouverture d’une carrière de granit dans le périmètre d’un espace naturel sensible.



  • On n'en taire pas les fantômes de Marine Leconte

    marine-leconte-on-nen-taire-pas-les-fantomes.jpegJ'ai lu On n'en taire pas les fantômes de Marine Leconte, pas facile d'accès, j'en ai aimé justement ce cheminement qui dit, ne dit pas, comme quelque chose qui tente de s'échapper encore et encore, j'ai aimé les illustrations aussi parfaitement en osmose, j'y ai ressenti de l'enfermement, de la douleur, de la rage, mais aussi la force et la capacité d'échapper à chaque nasse que les mots pourraient refermer, c'est très personnel, on reste sur le bord mais on ressent fortement.

    "Les mots sortent gluants de sa bouche
    on dirait de la purée de presque taire"

    Des mots valises, des mots qui se retournent, font voir l'endroit sur leurs envers, ce qui bascule, des mots qui disent autre chose à l'intérieur, déminés "des flagrances

    qui de loin lui arrivent"

     

    Il y a des fleurs paraffinées qui s'égouttent, des corbeaux, l'homme géométrique et la petite, puis l'issue peut-être en des répétitions, comme formules de conjuration :

    "Répète
    Tu es l'antédiluvienne
    Répètes comment tu t'épelles
    Reprend
    Articule
    Moins 
    Marge 
    Mâche"

     

    Paru chez L'Ire de l'Ours, 2024.