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Après "Le chant du loup" (son premier roman inspiré de ses origines), mon prochain sur la liste est la suite de celui ci-dessus, "Le joueur de ténèbres". J'aime l'ambiance de ces livres, un peu âpre, le mystère et l'étrangeté qui se mêlent à une intrigue, l'esprit des origines, ici Choctaw, étouffé par la colonisation mais que certains personnages cultivent précieusement à l'abri des regards, cette essentielle question de l'identité perdue, la beauté et la puissance de la nature versus la noirceur de l'âme humaine. La mort et les ombres qui cherchent leurs os et toujours le poids de la guerre du Vietnam qui a rendu fous tant de vétérans, et particulièrement les autochtones amérindiens qu'on envoyait devant....
Louis Owens, né le 18 juillet 1948 à Lompoc, en Californie, aux États-Unis, et mort le 25 juillet 2002 à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, est un écrivain américain. Il est d’ascendance Chactas par son père et Cherokee, irlandaise et Cajun par sa mère. Après avoir travaillé comme garde forestier et pompier pour le service forestier américain, il fait des études à l'université de Californie à Santa Barbara, puis enseigne la littérature américaine à l'université de Californie à Santa Cruz, à l'Université d'État de Californie à Northridge et à l'université du Nouveau-Mexique.
"La chair est triste hélas", avait inauguré la collection "Fauteuse de trouble"
de l'éditrice Vanessa Springora chez Julliard en 2023
« Ovidie livre un texte électrisant, intime et corrosif, dans lequel elle raconte la trajectoire qui l’a amenée à s’extraire de la sexualité hétérosexuelle. »
Causette
"Ce livre est la confession intime d’une femme qui a décidé de ne plus avoir de relations sexuelles. Au fil des pages, écrites dans un souffle, et dont chaque ligne porte le poids d’une colère longtemps contenue, elle raconte ce jour où elle n’a plus été capable de partager son lit avec qui que ce soit. Entre lassitude face à la répétition des mêmes scénarios érotiques et refus général de céder aux injonctions faites aux femmes, la narratrice s’octroie alors le droit de se tenir désormais éloignée de la sexualité. Une étape qui l’amène à revisiter certaines anecdotes marquantes de son existence, bouleversant le regard qu’elle porte aujourd’hui sur son parcours de femme, mais aussi sur les relations sociales formatées par une culture hétérocentrée. Un texte sans concession, toujours sincère et poignant, qui n’épargne ni les hommes ni les femmes, ni l’autrice elle-même, et ne laisse personne indifférent."
Autrice, réalisatrice et documentariste, Ovidie, de son vrai nom Eloïse Delsart, est spécialiste de l’intime et du rapport au corps. Elle retrace ici la trajectoire qui l'a conduite à quatre années de grève du sexe. Elle a notamment réalisé Là où les putains n’existent pas (2018), Tu enfanteras dans la douleur (2019), la série Libres sur Arte, adaptée de sa BD éponyme publiée avec Diglee, et a remporté un Emmy Award pour sa série Des gens bien ordinaires (2022).
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Manifeste uppercut, sincère, intime, courageux, subjectif et honnêtement assumé comme tel, qui n'engage que l'autrice dans cette recherche d'une plus authentique et heureuse version d’elle-même et qui peut engager toutes celles qui s'y reconnaitront et c'est là que le défi est lancé : je parie qu'elles sont et seront très nombreuses pour peu qu'elles se soient vraiment questionnées au-delà de ce qui est communément admis. Questionnement, il me semble, essentiel pour sortir la relation hétérosexuelle de l'impasse patriarcale, développer d'autres formes plus épanouissantes de relations entre les hommes et les femmes. Pour ma part, j'ai été stupéfaite de l'effet miroir à cette lecture, ce constat auquel je suis arrivée moi-même, par phases : rapidement et très jeune pour ce qui est du diktat du paraître « baisable », mais beaucoup, beaucoup plus lentement sur comment je suis passée à côté de moi-même. Exactement comme Ovidie, c'est grâce à ce que m'a apporté et m'apporte encore l'expérience dont il est question ici. Plus qu'expérience, c'est une nécessité, une sorte de longue convalescence et pour en être sortie un moment, je n'ai pu que constater et cette fois enfin de façon hyperlucide, la triste impasse et l'impossibilité pour moi de vivre ce mode de relation, tout comme Ovidie, avec les mêmes interrogations et pas de côté. Même si j'ai moins la rage, qui pour moi fait encore partie de l'aliénation à ce que je ne veux plus et ne veux pas cultiver une colère, même justifiée — j'ai conscience que chacun, femme ou homme, n'a pas forcément eu le recul pour réaliser comment son genre assigné le modèle, le cantonne, le dirige, l'enferme et qu'il est toujours plus facile de ne pas se poser de questions quand le rôle attribué est privilégié — j'ai été impressionnée. Ovidie, dont j'apprécie déjà le travail et le courage de dire, est venue mettre des mots sur les conclusions auxquelles je suis moi-même — hélas ! — arrivée. Je suis pourtant je pense très différente d'elle donc ça n’a rien à voir avec le fait d’être un type particulier de femme. Conclusions donc mais aussi totale remise en question profonde de ce que j'ai cru devoir faire et être depuis l'âge d'être "baisée", voire avant, en tant que petite fille façonnée de l'extérieur par les codes, normes, éducation, médias etc. et avec cette sensation vertigineuse d'avoir été volée d'une certaine façon de ma vie. Alors, La chair est triste hélas, un livre qui peut faire du bien à beaucoup de femmes, un peu comme vomir soulage la nausée et éclairer le chemin des jeunes femmes pour qu'elles perdent moins de temps, peut-être, à ne pas être qui elles sont vraiment et qui elles ont envie d'être mais qui devrait aussi être lu par bon nombre d'hommes prêts à laisser de côté leurs arsenaux de réactions critiques, prêts, eux aussi, à se questionner sincèrement en profondeur, à accepter d'entendre la colère, la douleur, la révolte d'une femme qui se cherche avec une profonde intelligence.
« Ce texte n’est ni un essai, ni un manifeste. Il n’est en rien une leçon de féminisme ni un projet de société. (…) Je l’ai pensé comme une série d’uppercuts dans le vide, une gesticulation vaine, les babines retroussées d’un animal blessé qu’on n’ose aider à se redresser. Il est un vernis qui craquelle si on le gratte trop fort et qui laisse apparaître ma laideur et celle des autres, celle qu’on ne peut pas voir. Il est tout ce que je ne peux dire, tout ce que je m’interdis de verbaliser de peur que mes mots dépassent ma pensée. »
"Quand Harley voyait son père, Calvin Wind Soldier, et son frère Duane dans ses rêves, ils portaient des couronnes de verre. Des filets de sang coulaient sur leur front, se transformaient en perles sur leurs cils noirs et glissaient jusqu'aux commissures des lèvres. Quatre semaines avant sa naissance, son père et son frère aîné avaient été victimes d'un accident de la route."
Ainsi s'ouvre ce remarquable premier roman d'une jeune Sioux originaire de la réserve de Standing Rock (Dakota du Nord) qui, à trente-deux ans, fait une entrée fracassante en littérature. Publié aux États-Unis en 1994, son Danseur d'Herbe est déjà traduit dans une dizaine de langues. À travers le destin d'Harley Wind Soldier, un jeune Sioux d'aujourd'hui, s'élabore une étonnante fresque familiale où, de personnage en personnage, d'une génération à l'autre, secrets et drames se répercutent jusqu'à nos jours. Le bien et le mal, l'esprit et la matière sont des notions bien dépassées dans cet univers où se côtoient magique, merveilleux et irrationnel, où les esprits des ancêtres prédestinent les vivants."
Susan Power est née à Chicago. Sa mère est affiliée aux Sioux de la réserve de Standing Rock, dans le Dakota du nord. Elle est diplômée en psychologie et en droit de l'université de Harvard. Alors qu'elle se fait opérer de l'appendicite, elle a une vision et décide d'abandonner sa carrière juridique pour l'écriture. Son premier roman, Grass dancer, a reçu un accueil triomphal aux États-Unis et a été traduit dans une dizaine de langues.
Elle est également l'auteur de plusieurs autres romans, non traduits à ce jour en français. Elle enseigne à l'université de Hamline, dans le Minnesota.
Je suis en train de le terminer, c'est un roman superbe, à la construction particulière, comme une rivière qui retournerait à sa source. Une voix de femme sioux, très belle voix, atypique, qui va fouiller en profondeur dans les racines de son peuple mais aussi de la terre et de la puissance féminine universelle. Magie noire, magie blanche, magie rouge, quelque chose d'universel qui parle des blessures et de leurs conséquences.
Les yeux de l’homme étaient des lacs de lumière sans pupille
et ils regardaient au-delà de toute chose.
Une très belle écriture enracinée dans le paysage, quelques fulgurances de beauté, de dignité persistent dans un monde où la cupidité accélère la chute, des arbres et des hommes et nous sommes au dernier acte d'une longue entreprise de destruction déjà. L'ancien monde pas tout à fait encore disparu, souffle à travers les craquelures du réel désenchanté, la lutte est vaine mais finit par être l'ultime recours contre l'ensevelissement. Contre la disparition. L'homme est un homme pour l'homme. Un tueur.
Quand nous, les Indiens, on vivait ici il y a longtemps, avant l’arrivée des Blancs, y avait pas de réserve naturelle et pas d’animaux sauvages. Y avait que des montagnes, la rivières, les deux-pattes, les quatre-pattes, le peuple de sous la surface de l’eau et tout le reste. Il a fallu l’arrivée des Blancs pour rendre ce pays naturel et ces animaux sauvages. Et maintenant, il faut qu’ils votent une loi pour proclamer que la région est naturelle et la protéger contre eux-mêmes.
(co-auteur Richard Erdoes, 1995), Livre de Poche, 1997
C'est la suite de "Lakota Woman", Marie Brave Bird-Crow Dog se livre, ombres et lumière, dans un témoignage souvent douloureux de femme sioux envers et contre tout. Violences, injustices, désespoir, résistance, force de la spiritualité et du partage, difficultés à être Sioux dans un monde volé et contrôlé par les blancs mais plus difficile encore d'être une femme sioux dans un monde d'hommes, les uns violents et racistes, les autres désespérés, noyés dans l'alcool et donc violents. Comme dans le premier de ses livres, je suis stupéfaite de tout ce qui me relie à cette femme, des similitudes de certains de nos vécus qui n'ont pourtant rien à voir au premier abord et cela me questionne en profondeur et surtout met en relief l'universalité de la souffrance des femmes qui veulent être libres et des ruades pour s'en arracher, où que l'on soit. Après, il y a toute l'histoire tragique des peuples autochtones amérindiens qui me touche et me bouleverse depuis l'enfance sans que je puisse expliquer pourquoi si ce n'est l'évidente empathie qu'elle devrait déclencher chez tout le monde. Je suis née wasishu et respecte trop la douleur de ces peuples pour jouer les wanabee, j'ai juste très conscience que la lutte de ces peuples pour leur droit à exister dans la dignité et la sécurité, est toujours malheureusement encore et toujours en cours et dans un silence assourdissant. Les injustices auxquelles ils continuent à être confrontés, un génocide qui n'a jamais dit son nom, sont innombrables, je dirais même qu'elles sont l'ADN de l'Amérique...
"Résistance spirituelle, mais aussi résistance active d'une Indienne et de son peuple face aux dangers qui menacent les réserves dans l'Amérique d'aujourd'hui. Reprenant le récit de sa vie au moment des événements de Wounded Knee, Mary Brave Bird-Crow Dog raconte son militantisme au sein de l'American Indian Movement, son action en faveur de la tradition et son combat en tant que femme, mère et indienne. Elle retrace également la période de sa vie partagée avec Leonard Crow Dog, homme-médecine et traditionaliste lakota. Avec franchise, elle conte les jours heureux et les périodes difficiles d'une existence mouvementée. Mais avant tout, c'est le destin d'un peuple à la conquête de ses droits qu'elle nous dépeint ---- et plus encore, les constantes difficultés des femmes indiennes à se faire reconnaître. Par l'hommage qu'elle rend au courage et à la volonté de celles-ci, par sa dignité et sa force de conviction inébranlable, Mary Brave Bird-Crow Dog confirme qu'elle est porteuse d'une voix unique et majeure dans la littérature indienne."
Publiée chez Hystériques et associées en 2014 (épuisée), puis en 2019.
Version française de la version modifiée et corrigée par l'auteur
pour les 20 ans de la sortie de son livre, version dédiée à CeCe McDonald.
(la première version de Stone Butch Blues est sortie aux États-Unis en 1993).
"Stone Butch Blues raconte l’histoire de Jess, né·e aux États-Unis dans les années 1950 au sein d’une famille juive et prolétaire. De son enfance rythmée par les interrogations des passant·e·s sur son genre (« c’est un garçon ou c’est une fille ? ») à son adolescence et sa découverte des bars de nuit où se côtoient lesbiennes, drag queens et travailleuses du sexe, de ses premières embauches en usine avec d’autres butchs à sa transition, jusqu’à sa rencontre avec le mouvement LGBT naissant, son parcours traverse les décennies et nous parle d’amour, d’amitié, de politique, d’identité. Par dessus tout, Stone Butch Blues est un hommage à la solidarité et à la construction de ces communautés qui nous permettent de tenir ensemble et de survivre à la violence de ce monde."
Un livre lourd et puissant, violent comme les systèmes de domination et doux comme toustes celleux qui aiment et donnent. Un morceau d'histoire loin d'être terminée, de luttes toujours à renouveler car hélas... la haine est dure et coriace. Et sale...
Pour en savoir plus sur ce livre qui est dispo gratuitement dans sa version numérique selon les souhaits de l'auteur.e : https://hysteriquesetassociees.org/sbb/
Leslie Feinberg est une autrice américaine lesbienne butch transgenre. Née dans une famille juive, elle grandit en tant que lesbienne butch. Elle commence à travailler à 14 ans pour subvenir à ses besoins, et découvre à cette époque la culture des bars gays de Buffalo, dans l'État de New York. Elle quittera à l’adolescence sa famille biologique qui était hostile à son orientation sexuelle. Feinberg se dit transgenre car assignée femme à la naissance mais perçue comme un homme en raison de son expression de genre. En 1996, elle affirme avoir eu recours à deux reprises à la chirurgie et aux hormones. Elle se décrit également comme communiste et antiraciste. Elle a été membre du Parti du monde des travailleurs et écrivait pour son journal officiel, "Workers World". Elle publie plusieurs essais sur le mouvement transgenre, et deux romans : "Stone Butch Blues" (1993) et "Drag King Dreams" (2006). "Stone Butch Blues", un roman, partiellement inspiré de sa propre expérience en tant qu'ouvrière et lesbienne butch, a gagné en 1994 le Stonewall Book Award, dans la catégorie littérature. Elle vit avec l'essayiste et poétesse lesbienne Minnie Bruce Pratt (1946), sa partenaire pendant 22 ans, et épouse à partir de 2011. Leslie Feinberg décède de complications liées à la maladie de Lyme, dont elle souffrait depuis les années 1970.
Cité aussi dans le dernier n° de ma revue : Tal Madesta nous fait vivre et comprendre la violence de sa disparition et la puissance de sa renaissance et toute la difficulté de ce parcours qui pourrait être évité si nous n'étions pas enlisé-e-s dans les ornières d'un système autoritairement binaire, cishétéro, patriarcal etc. qui s'est imposé comme une norme alors que c'est une construction avec une histoire et des buts avérés. Tal Madesta témoigne pour toute la communauté des personnes trans et il est essentiel que cette parole soit entendue, essentiel de tisser des ponts et d'arrêter surtout de parler à leur place.
Tal Madesta est journaliste indépendant spécialisé dans les luttes LGBT+. Il est l’auteur de Désirer à tout prix (Binge Audio Éditions, 2022). La Fin des monstres est son deuxième livre.
"Le Vin bourru était le premier vin que l'on goûtait, au début du mois de novembre. Il était différent d'une cave à l'autre. Il conservait un duvet, une bourre, quelque chose d'inachevé, de provisoire, comme si le vin nouveau-né se protégeait encore contre les agressions du monde."
Un récit sur le monde rural du côté du Mont Caroux, pour celles et ceux qui connaissent, un autrefois pas si lointain mais dont on a quasi tout perdu, l'auteur le premier, qui né dans une culture a vécu dans une autre avec un savoir inutile et pourtant tellement précieux. Et il lui a fallut une visite dans un écomusée alsacien pour le réaliser, visite qui est à l'origine de l'écriture de ce livre.
Pour moi, cela fait écho à ma propre enfance, où j'ai pu encore entrevoir les derniers vestiges de ces savoirs, de ce mode de vie, chez d'autres issus de familles de paysans ou encore en activité et j'ai pu mesurer le grand écart et le gouffre qui s'est formé entre les générations, entre les milieux ruraux et urbains, tout un mode de vie ingénieux, autonome, sans gaspillage, englouti dedans. Mode de vie lentement élaboré au cours des siècles, à la dure souvent mais qui avait donc déjà des solutions aux problèmes d'aujourd'hui et très certainement de demain. La mémoire devrait nous permettre d'avancer en gardant non pas tout de façon obstinément passéiste, surtout pas, mais juste le meilleur, garder ce qui a fait ses preuves, garder ce qui est bon pour nous et la planète sans pour autant nous mortifier mais hélas non, on croit qu'on avance mais en réalité on recule, on gesticule et quand on fonce, c'est dans le mur.
"Je suis capable d'établir des relations individuelles avec les Blancs ; certains d'entre eux sont d'ailleurs devenus des amis. Mais en tant que groupe, c'est différent. Les Wasichus ont fait de moi un être au rabais. Leur mode de vie m'a rendu tellement malade qu'n plus de l'école buissonnière, j'ai dû faire la "vie buissonnière", c'est à dire fuir le type d'existence qu'ils m'imposaient pour sauvegarder mes propres valeurs spirituelles. Les Blancs m'ont coupé en deux. Et maintenant que je suis vieux, j'essaie de recoller les moitiés car, bien que sang-pur, je dois vivre dans leur monde, dans cet univers où il est indispensable d'avoir constamment à portée de la main un avocat, un policier, un juge, un psychiatre, des somnifères et beaucoup d'argent."
"Cette saga familiale couvre quatre générations. Elle commence avec le premier Crow Dog né vers 1830, un contemporain de Sitting Bull et Crazy Horse, qui prend une part active à la danse des Esprits, laquelle donne lieu au massacre de Wounded Knee en décembre 1890. Elle s'achève avec son arrière-petit-fils, Leonard, né en 1942 sur la réserve de Rosebud (Dakota du Sud). C'est lui qui ressuscitera la danse des Esprits à Wounded Knee en 1973, lors de l'occupation du site par les militants de l'American Indian Movement. En effet, parce qu'aux yeux des siens il est doté de pouvoirs, Leonard est initié, dès son plus jeune âge, à la religion lakota, aux cérémonies et rites sacrés. A treize ans, il devient wichasha wakan, homme-médecine. Dans les années 60 et 70, il joue un rôle majeur dans la "renaissance" indienne. Conseiller spirituel de l'American Indian Movement, il est harcelé par le FBI. Jugé de façon douteuse, il est condamné au quartier de haute sécurité. Pendant près de trois ans, il est transféré d'une prison à l'autre, à travers les États-Unis. II faudra une forte mobilisation pour faire réviser ses procès et obtenir sa libération. Ainsi ses mémoires sont aussi un livre de combat pour la survie d'une culture, d'une spiritualité et d'une certaine vision du monde. "
"Si tu ne vis que pour toi et que tu sais que tous les autres ne vivent que pour eux-mêmes, tu sais que personne ne t’aider si tu trébuches. Or, tout le monde trébuche un jour ou l’autre, aussi sûr qu’il y aura toujours de la pluie et du mauvais temps.
(…) Tout de que votre système enseigne, c’est comment ne pas être mauvais. Il n’explique pas comment être bon. En apprenant aux enfants cette voie de la peur, on les met sur un mauvais chemin. On leur apprend à grandir en ne pensant qu’à eux-mêmes. Le partage n’est alors qu’une petite baguette et non pas la branche principale de l’arbre de la vie. Ils apprennent à protéger, pas à donner, et ça érige un mur autour de leur cœur. Il faut changer ça. Il faut leur apprendre la voir de l’entraide, leur donner une vision de ce qui est bon, pas seulement de ce qui est mauvais. On doit leur apprendre qu’être fort, c’est aider les faibles ; qu’être riche, c’est donner ; que diriger, c’est servir."
Le loup au crépuscule raconte le drame des pensionnats, des orphelinats et des asiles dans lesquels des dizaines de milliers d'enfants des communautés autochtones ont été assimilés de force. Le loup au crépuscule est le deuxième volet de la trilogie consacrée par Kent Nerburn à Dan, vieil Indien lakota vivant dans une réserve du Dakota. Après avoir évoqué, dans ni loup ni chien la façon – douloureuse, vorace et violente – dont les États-Unis se sont construits aux dépends des Amérindiens, Kent Nerburn s'attache, dans leloup au crépuscule, à raconter le drame des pensionnats, des orphelinats et des asiles dans lesquels des dizaines de milliers d'enfants des communautés autochtones ont été assimilés de force et où ils étaient victimes d'horribles sévices. Car Dan, qui fut l'un d'eux, demande à Nerburn de l'aider à découvrir ce qui est arrivé à sa sœur Yellow Bird, disparue près de quatre-vingts ans auparavant. Nerburn part dès lors à la recherche de documents et d'indices pour aider le vieil homme à résoudre un mystère qui l'a hanté toute sa vie.
Le loup au crépuscule s'inscrit dans la dénonciation de cet épisode tragique de l'histoire du continent nord-américain qui s'appuyait sur un réseau de milliers d'écoles gérées par le gouvernement ou des institutions religieuses, ayant comme objectif l'assimilation culturelle et la spoliation des territoires des peuples autochtones – dénonciation lancée il y a près d'une trentaine d'années en vue d'obtenir une reconnaissance de ces crimes, des excuses ainsi qu'une réparation.
À dix ans, je pouvais boire une demi-bouteille de whisky sans être saoule. Quand j’avais douze ans, les sœurs m’ont frappée parce que je « prenais trop de libertés avec mon corps », j’avais simplement tenu la main d’un garçon. À quinze ans, j’ai été violée. Si vous avez l’intention de naître, arrangez-vous pour naître blanc et mâle.
(…)
On ne peut pas marcher plus d’un kilomètre sans rencontrer la colline de voyance d’une famille, un ancien cercle de la Danse du Soleil lakota, un ancien champ de bataille, un lieu où s’est déroulé un évènement marquant : souvent une mort, mort de brave ou mort d’ivrogne. Nous sommes très doués pour mourir.
(…)
O ! Soleil, Lune, Étoiles, Vous qui mouvez Dans les cieux, Écoutez-moi ! Parmi vous Une Nouvelle Vie est arrivée Rendez-lui le chemin agréable.
Prière omaha pour un nouveau-né
(…)
Ils ne veulent pas laisser vivre les Indiens comme moi. D’accord. Je mourrai jeune.
Annie Mae Aquash
(…)
Ensuite il eut affaire aux psychiatres. L’un d’eux lui demanda s’il avait des troubles physiques. Léonard lui répondit qu’il avait une irritation. Quel genre d’irritation ? s’enquit le psychiatre. Crow Dog déclara que le gouvernement américain l’irritait. « Avez-vous un traitement contre les promesses non tenues ? Avez-vous un traitement contre le mensonge ? ».
(…)
Ne brouillez pas mon esprit, dit-il à l’homme au Valium, ou je brouillerai le vôtre. (…) »
Arpenteur penché en direction de la terre marque le sillon du même encore dédié au retour à la ligne.
(…)
On se demande s’il faut arracher des os aux cages thoraciques de la nuit
(…)
La voilà lune vestale nacre fluide à l’aune d’un sentier scandé sur la fin des temps
(…) Les bâtis du Port Nord survivent comme autant de reliques recroquevillées, bâtis en ramassis sur eux-mêmes relégués à l’extrême onction des voies de garage.
(…) On ne voit que des formes abstraites Dans l’empierrement des yeux.
(…)
On chemine entre les flaques. L’air est élimé. On sent la rouille qui s’infiltre insidieusement : rouille fongique fallacieuse pénétrant la peau, les yeux, l’artère fémorale.
Les mots naissent-ils de la décomposition du monde ?
(…)
Des nuées d’oiseaux sombres volent à contre-jour formant dans le ciel une plaie de cendres.
(…)
On se perd dans tout cet amas de pièces détachées entre bords et lignes, entre taches et traits, à profusion abrasés.
De ces tas entassés torves surgit le chaos en étages achalandés, brocante de rouille en points de bâti surjetés au bord du décor démultiplié cubique.
(…)
Des volets bouclent la voix des murs.
(…)
Le temps est ailleurs, aspiré dans les cylindres soufflets métallo-souffreteux dans les tubes tuyaux béton granuleux jusqu’aux poutres d’acier s’entrecroisant tout là-haut dans le ciel emmêlé de nuages.
(…)
On sent un parfum de terre mouillée un parfum de vase venant du fleuve.
L’oubli a donc une odeur ?
(…)
On entend le bruit lointain de l’autoroute, Une inquiétude qui tord les viscères, Les glissières de sécurité. On entend les poncifs crucificateurs. De les entendre à même le sol réclame l’entaille des veines.
(…)
On sent dans le dos les chaines qui bloquent l’entrée des portes condamnées
(…)
Lune rose pleine entière ronde lune immense posée comme dans un grand nid troué de noir profond.
*
Paru chez Rafael de Surtis fin 2022. J'ai publié des poèmes de ce recueil dans le n°75 de Nouveaux délits, en avril 2023.
Traductrice de formation, Marie-Françoise Ghesquier vit actuellement en Saône-et-Loire, près de Chalon-sur-Saône. Elle écrit dans des revues (Décharge, Comme en Poésie, Traction Brabant, Nouveaux Délits, Cabaret). Son premier recueil de poèmes, Aux confins du printemps, paraît en 2013 aux Éditions Encres Vives. Viennent ensuite À hauteur d’ombre, chez Cardère (2014), La parole comme un cristal de sel (2016), De tout bois si (2017), aux Éditions Henry, Danse en résistance chez Jacques Flament (2021).
Poésie ce mot ourle toutes les lèvres mais si peu savent entrer en silence et l’accueillir.
(…)
Tout poème vous invite à fuguer en vous-même ce gouffre où personne ne vous coupe la parole.
(…)
D’instinct l’enfant sait le pilotage des fenêtres les godilles secrètes les bômes où il envergue les rideaux de son rêve.
(…)
Poésie souffle de survie porte de sortie des incurables.
(…) tous ils crochent des dents se cachent derrière chaque question harpon être grand c’est mentir.
(…)
L’Ange est un chat aux ailes angora l’Enfant est en cale sèche dans la basilique secrète de l’abandon. Elle écoute l’orgue barbare des murmures. Dormir c’est un peu mourir au fond de soi-même mais moins dangereux que se pencher à la portière de la vie.
(…)
De l’enfance elle ne retint que les manques les vides les silences
(…)
Les erreurs balisent la piste où tu cahotes. Décollage imminent prendre une bonne hauteur de rêve avant la rechute
(…)
à demi dévorés à demi dévoreurs faisons en sorte que le jour rapporte un butin de lumières.
(…)
Ceux qui rament dans un marigot de larmes. Ceux à qui une vie ne suffit pour naître.
(…)
Il faut fuir tous les miroirs surtout les regards ils déforment.
Pourtant certains poèmes vous parlent et vous aiment dans la langue des miroirs.
(…)
Qui fournit la formule pour exister quand dans nos veines coule par moitié le sang de l’angoisse.
— D’où venez-vous ? — De moi-même.
(…)
Être poète c’est tenter de rendre habitable une solitude.
(…) Aimer c’est dormir sans amarre Sur un fleuve rongé de rapides.
Aimer c’est attiser la gâchette d’un révolver intérieur qui cliquette entre tempe et cœur
Aimer est un mot créateur les autres sont à demi-morts.
(…)
Triomphante solitude au bout du parcours l’amour tout sculpté de ses coups.
(…)
Lueur craquelure rayon inquisiteur chaque flaque palpite accueille sa claque de lumière.
(…)
Faut-il revenir pas à pas vers soi-même pour ne plus être ce poing d’ombre qui nous assomme ?
Des terres vierges sont en attente au fond des verres Sublimation des cuites solidaires Dans les bars si dégueulasses qu’on y rêve Éternelle infusions d’étoiles Et la voix de Billie Holiday raye l’illusion Profond
(…)
En enfouissement sous les sourires Les indifférences cachées dans la foule S’obstinent à crever les yeux L’aveuglement l’aveuglement l’aveuglement
Les écrans regardent s’éloigner les enchantements aux geôliers consentis s’offrent les derniers discernements nos intimités dépecées en dons
(…)
Parlons marketing, parlons de stimulation des besoins Parlons d’enfants mineurs adaptés à l’extraction de tonnes de minerais rares et toxiques nécessaires à la fabrication des téléphones portables avec la lampe torche intégrée (…) Parlons de marketing d’enfants à l’obsolescence programmée
(…)
Réalité minorée. Ça s’efface. Un delate sur le clavier Un choix éditorial à la tv Le quotidien impur disparaît des vérités Avec les cris, les pleurs, les dignités
(…)
Il m’arrive d’attendre allongé sur l’herbe Sur un lit de pénombre Posé dans la banquette arrière de la voiture Debout entouré d’une foule que j’éteins Dans le shaker des hontes quotidiennes
Il m’arrive d’attendre Un instant admirable Une expiration qui n’en finit pas De définir l’apaisement
Les espaces profonds Entre les souffles et les inspirations Des apnées d’évasion
(…)
Dans le remuage La voix ma voix Parle parle parle de nouveau Comme roule le ruisseau de montagne Où s’abreuvent les estives Dévale les pentes au-dessus des pierres Saute les obstacles de relief
Porte cette voix dans les vallées Contre les falaises qui résonnent Tapage la parole dans les canyons Sur les crêtes Parle parle parle Couvre les oracles nauséeux
(…)
Tu es tout ce que j’ai et qui ne m’appartient pas
(…)
Mélancolie des ombres qui fuguent de soi
Au bout du chemin le silence habité des feuilles sous le vent La transition où s’opère la mue des soirs solitaires
(…)
Devenir la sueur Devenir l’air Devenir le vent Devenir la disparition Le rien le tout
Mais devenir
(…)
Quel spleen rattrape l’horizon qui s’éloigne Sur des oiseaux danseurs aux clairs obscurs du ciel
(…)
Dans la montagne souffle le baiser coupant des névés Dans les cheveux frissonne le chant des pierres Éparpillées sur le chemin Un chant de brisure