Buson
La lune passe à l’ouest
L’ombre des fleurs
S’étire à l’est
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La lune passe à l’ouest
L’ombre des fleurs
S’étire à l’est
La fabrique du gel se prépare
Déjà les pierres tendent le dos
L’imaginaire rôde vers des taïgas indéfinies
Et on s’occupe à domestiquer un feu.
Je me fous de l’enfer, je ne suis point paveur
Le joyeux est reconnaissable à dix lieues à la ronde. Il empeste. Il suinte le grand large. On l’envie. On le jalouse. La joie dérange à l’instar des rêves, des voyages, des amours : on s’y abandonnerai à priori mais quelque chose en eux nous effraie et nous empêche d’aller jusqu'au bout ; on leur préfère souvent la tristesse, la contrition, le conformisme, la médiocrité, voire la haine – moins amènes mais caressant davantage la bête dans le sens du poil. En quoi la joie, plus durable, plus dense et totalisante, ne serait réduit pas au plaisir, plus éphémère, partiel, impur, protéiforme ; il est en effet des plaisirs malheureux, des plaisirs de la tristesse, des plaisirs de la haine, des joies compensatoires en quelque sorte, des joies minables, des joies frelatées de peigne-cul : lorsque nous imaginons malheureux l’être que nous haïssons, nous éprouvons une étrange ivresse, empreinte de fureur, de tristesse, de bassesse. Ainsi la médisance – l’un des grands plaisirs de l’existence.
in La joie
Ne tue pas la mouche
Vois comme elle tend
Vers toi les pattes
Aime t-on la personne
Au souffle près de soi ?
Ou la vaine statue taillée
Impatiemment
Par les ciseaux abrupts d’un quotidien, trop peu regardant.
Une salamandre au mur m’attire et m’écrase en elle ; je plonge dans un grand bac de lumière, de flammes, de bras tous maternels et beaux. Conneries ! Même un chien devient ma mère ! J’la vois partout, la sens qui tremble avec la terre et des volcans ! partout ! dis-je, des milliers de jets de pierres, de feu, et cet immense partout donc je n’aurais jamais profité !
Quelque part en montagne,
le temps cède.
- J’aimerais justement aller à cet étang du Miroir.
- Allez-y donc.
- Est-ce que c’est un endroit qu’on a envie de peindre ?
- C’est un endroit où l’on en a envie de se noyer
in Oreiller d’herbes
Ils m’ont dit que tes mains seraient
Moitié sapin moitié rizière
Aussi pâles que les bouleaux
Aussi dorées que les volcans
Ils m’ont dit que tes dents seraient
Moitié tigre moitié panthère
Blanches et serrés comme un roc
Dures et bleues comme un couteau
Ils m’ont dit que tes yeux seraient
Moitié iris moitié jachère
Les bourgeons d’un saule amoureux
La rive fleurie d’un ruisseau
in Métissage
Le monastère du torrent bleu
Quand surgit la lune aux monts d'Est
il médite en sa chambre des sommets
Dans la forêt vide, nul feu n'éclaire sa veille
Esseulé dans la nuit, il puise à la source froide
Trente années de vie, sans redescendre jamais
au monastère du Torrent bleu
Le loup ravale sa faim de loup,
La carpe gobe une émeraude,
L’aigle reploie ses précipices,
Toi seul tu reste indécis ;
in Ce que l’on ne peut dire…
Parfois il faut boire, pour désigner l’indicible,
Découvrir des territoires d’absence
Et retrouver l’ivresse de la langue. Force obscure de la vie.
C’est le seul mérite d’être élevé au rang des hommes.
AMER INDIEN.
Son cœur soulève une canine de puma.
Oser un pas
vers cet orgueil dressé.
Visage d'avant le pillage
la cruauté
l'alcool et les bacilles
l'indifférence.
Visage d'un Paradis massacré
d'un Premier Homme
histoire d'un silence.
Sur ses avant-bras pendent
des cascades de colliers.
« One dollar »
articule l' Indien sans ciller.
Contretemps du rêve
accroc aux armoiries du Paradis
partir sans se retourner
peur de lire le mépris
sur des lèvres guarani.
Le fleuve était gros.
Un concert de crapauds imprima son sillon
s'y lova l' Homme-Blason.
Océan
que n'as-tu englouti
les caravelles de Colomb?
Humain perdu
à jamais tu rends visite
à l' Humaine qui m' habite.
Errance, ma patrie. Fraternelle, les nuages. Ne pouvoir vivre sans les sentences d’horizon. Avancer sur la terre fumante. (...) Même sous les ronces et les averses, l’exultation m’est familière.
in Veille le vent