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CITATIONS - Page 220

  • René Barjavel

     

    Si je mets dix hommes sur une île déserte, la loi d'attraction va les rassembler en deux groupes, et la loi d'opposition leur inspirer des idées absolument contraires sur la façon d'organiser l'île. Si un groupe pense "nord", l'autre groupe, par réflexe immédiat, pensera "sud". Et ils commenceront à ramasser des cailloux pour se convaincre réciproquement en se les envoyant sur la figure. Si un des deux groupes se montre plus fort et absorbe l'autre, une force d'opposition va naître en lui, grandir et le couper de nouveau en deux ou en plusieurs morceaux. C'est la loi! Ce n'est pas cela qui fait le malheur des hommes. Ils pourraient entre l'attraction et l'opposition, trouver un équilibre et vivre en paix, comme le soleil et les planètes. Ce qui les rend malheureux, c'est le bonheur. L'idée qu'ils s'en font, et de besoin de l'attraper. Ils s'imaginent qu'ils sont malheureux aujourd'hui, mais qu'ils pourront être heureux demain, s'ils adoptent certaine forme d'organisation. Chaque groupe a une idée d'organisation différente. Non seulement il se l'impose à lui-même, à grande souffrance, mais il cherche à l'imposer à l'autre groupe, qui n'en veut absolument pas, et qui essaie au contraire de lui faire avaler de force sa propre cuisine. Et chaque individu croit qu'il sera heureux demain, s'il est plus riche, plus considéré, plus aimé, s'il change de partenaire sexuel, de voiture, de cravate ou de soutien-gorge. Chacun, chacune attend de l'avenir des conditions meilleures, qui lui permettront, enfin, d'atteindre le bonheur. Cette conviction, cette attente, ou le combat que l'homme mène pour un bonheur futur, l'empêchent d'être heureux aujourd'hui. Le bonheur de demain n'existe pas. Le bonheur, c'est tout de suite ou jamais. Ce n'est pas organiser, enrichir, dorer, capitonner la vie, mais savoir la goûter à tout instant. C'est la joie de vivre, quelles que soient l'organisation et les circonstances. C'est la joie de boire l'univers par tous ses sens, de goûter, sentir, entendre, le soleil et la pluie, le vent et le sang, l'air dans les poumons, le sein dans la main, l'outil dans le poing, dans l’œil le ciel et la marguerite. Si tu ne sais pas que tu es vivant, tout cela tourne autour de toi sans que tu y goûtes, la vie te traverse sans que tu retiennes rien des joies ininterrompues qu'elle t'offre.

     

    in Si j'étais Dieu...

     

     

     

     

     

  • Milan Kundera

     

    Je dois me demander dans quel monde j'enverrais mon enfant. L'école ne tarderait pas à me l'enlever pour lui bourrer le crâne de contre-vérités que j'ai moi-même vainement combattues pendant toute ma vie. Faudrait-il que je voie mon fils devenir sous mes yeux un crétin conformiste ? ou bien, devrais-je lui inculquer mes propres idées et le voir souffrir parce qu'il serait enchaîné dans les mêmes conflits que moi ?

     

    in La valse aux adieux

     

     

     

  • Boris Cyrulnik

     

    La clinique des lobotomies nous conduit à un douloureux paradoxe de la condition humaine : sans angoisse et sans souffrance, l'existence perdrait son goût. Ceux qui prétendent organiser une culture sécuritaire qui détruirait l'angoisse et nous offrirait des distractions incessantes pour lutter contre l'ennui nous proposent-ils autre chose qu'une lobotomie culturelle ? 

    in L'Ensorcellement du monde

  • Erri De Luca

     

      

    Nous apprenons les alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie.

     

    in Trois chevaux

     

     

  • Jacques Prévert

     

    L'effort humain n'a pas de savoir-vivre

    l'effort humain n'a pas l'âge de raison

    l'effort humain a l'âge des casernes l'âge des bagnes et des prisons

    l'âge des églises et des usines

    l'âge des canons.

     

     in Paroles

     

     

     

  • Louise Maheux-Forcier

     

    L'amour ne se conclut pas, comme un marché. L'amour, c'est un oiseau. Imprévisible, fantasque. Fragile aussi, et périssable. Et cet oiseau, pourtant, d'un seul battement d'ailes, allège nos existences de tout le poids de l'absurdité.

     

    in Paroles et musique  

     

      

  • Michel Serres

     

    Vous reconnaîtrez l'œuvre et l'ouvrier authentique à ce signe qui ne manque pas : tous deux ensemble rajeunissent. Ils mourront enfants, à force de courir vers l'origine du monde. Créer veut dire aller vers les mains de l'ouvrier divin à l'aube des choses. Inverser le temps.

     

    in Le Tiers-Instruit