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RÉSONNANCE & COPINAGES - Page 17

  • Interview : En bande organisée ? de Flore Vasseur

     

    Le livre de Flore Vasseur est sorti en 2013.... "Clara, Jérémie, Bertrand, Vanessa, Sébastien, Antoine, Alison appartiennent à la première génération élevée par les marques, la télévision et l’algorithme de Google. Bons petits de la méritocratie, ils se sont connus bébés requins à HEC. Aujourd’hui, à 40 ans, ils se trouvent aux portes du pouvoir de la finance, la politique, la communication, la presse, le hacking. Réussir, c’est grimper tout en haut : du toboggan, de la tour à la Défense, de la chaîne alimentaire. Ils représentent la relève, n’ont plus le temps de rien. Ils se croient surpuissants, redoutent le déclassement. Ne pas devenir totalement fou est leur unique objectif.
    De petits accommodements en grands renoncements, ils participent à la collusion entre la finance mondiale et les dirigeants politiques européens qui, main dans la main, ruinent le vieux continent. Jusqu’au jour où l’un des sept est retrouvé mort. Suicide ? Assassinat ? Aujourd’hui, tout est suspect.
    “En bande organisée” s’inspire de faits réels. Il est le fruit d’une enquête menée par l’auteur autour des manipulations de certains pays de la zone Euro pour accéder à la monnaie unique. Sommes nous toujours en démocratie ? Qui nous gouverne ? Que vaut la réussite dans un monde condamné à sa perte ?
    Pour connaître la face cachée de notre société, il faut lire de toute urgence ce thriller économique et politique qui nous embarque dans un train fantôme, dévale les montagnes russes et nous promet le grand huit à chaque page. Si vous n’avez pas peur, plongez dans ce roman hallucinant. Sinon, continuez à regarder la télévision.

     

    https://florevasseur.com/books/en-bande-organisee-editions-des-equateurs/

     

     

     

     

     

  • Carl Sagan - Pale Blue Dot - 1994

    palebluedot2.jpg

     

    « Regardez ce point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Dessus se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez jamais entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. La somme de nos joies et de nos souffrances. Des milliers de religions, d’idéologies et de doctrines économiques remplies de certitudes. Tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations. Tous les rois et paysans, tous les jeunes couples d’amoureux, tous les pères, mères, enfants remplis d’espoir, inventeurs et explorateurs. Tous les moralisateurs, tous les politiciens corrompus, toutes les “superstars”, tous les “guides suprêmes”, tous les saints et pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici… Sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.

    La Terre est une scène minuscule dans l’immense arène cosmique. Songez aux rivières de sang déversées par tous ces généraux et empereurs afin que, nimbés de triomphe et de gloire, ils puissent devenir les maîtres temporaires d’une fraction… d’un point. Songez aux cruautés sans fin infligées par les habitants d’un recoin de ce pixel aux habitants à peine différents d’un autre recoin. Comme ils peinent à s’entendre, comme ils sont prompts à s’entretuer, comme leurs haines sont ferventes. Nos postures, notre soi-disant importance, l’illusion que nous avons quelque position privilégiée dans l’univers, sont mises en perspective par ce point de lumière pâle.

    Notre planète est une poussière isolée, enveloppée dans la grande nuit cosmique. Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, rien ne laisse présager qu’une aide viendra d’ailleurs, pour nous sauver de nous-mêmes. La Terre est jusqu’à présent le seul monde connu à abriter la vie. Il n’y a nulle part ailleurs, au moins dans un futur proche, vers où notre espèce pourrait migrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Que vous le vouliez ou non, pour le moment, c’est sur Terre que nous nous trouvons.

    On dit que l’astronomie incite à l’humilité et forge le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la vanité humaine que cette lointaine image. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue. »

     

    Carl Sagan, Pale Blue Dot, 1994. Texte inspiré par la photo ci-dessus prise le 14 février 1990 par la sonde Voyager 1, alors qu’elle se trouvait à plus de 6 milliards de kilomètres de la Terre, au-delà de l’orbite de Neptune.

     

     

     

     

     

  • Silvia Marzocchi in Terre à Ciel

     

     

     

    l’incise de la langue sorcière

    la voilà      qui      tu n’es pas gentille      qui
    reproche      tu n’es pas aimable      qui
    taraude      qui      affable rode
    allez couche-toi brutale carrément      qui
    ta langue      pendue on croirait un étendard      qui
    triture      qui

    qui toi         toi moi         spectatrice insolvable
    baisse-la tu veux      ta petite tête      mais tu veux causer
    et la voilà qui ouvre sa grande bouche      pas jolie tu cries tu es moche
    on voit tes dents elles ne sont pas white tu pleures on voit ton plombage
                                                                                                                         là
                                                                                              elle l’ouvre encore      et
    as-tu essayé la tête sous l’eau pour voir                   c’est radical

    ta langue n’est pas rose

    arrêtes de hurler ainsi            tu es toute déformée

    tu as toujours été agressive

    tu me fatigues      je te le dis dans la langue des yeux puis je me couche
    je suis sans mots                  vacante                  vacance

    tu m’as échappée             je te portais en moi
    on n’aime pas trop ce qui nous échappe

    tu peux crier      moi suis couchée      emmitouflée dans mon corps
    barricadée          forclose           fous le feu à la baraque si tu veux
    tu verras ça avec le croque-mitaine je ne te le conseille pas
    aimes-tu les cimetières ?

    tu as peur       tu es malade       elle est ma-la-de
    c’est triste      ça commence mal !
    on va s’enliser si on va par

    là on va s’enfoncer dans mon lit                  j’y suis souvent
    il faut que cette fille baisse la tête et se couche       silence ! pitié
    ou alors il aurait fallu       mais non      il aurait      mais ouiiiii
    un garçon
    oooooooooh      cela aurait été bien plus simple si
    mais non

    garçon ne pleure pas
    c’est antinomique
    je vais te museler si tu continues
    pas de chichi      ils sont forts
    ça m’impressionne je ne sais pas ce que ça cache

    je ne sais pas ce qu’ils font de leurs déchets
    comment dissocient-ils leurs émotions du reste de leur corps
    s’évaporent-elles
    leurs larmes où donc

    si je retiens je ne sais plus trier
    le mot de l’ivraie
    ma langue se défait défaille me dédit
    m’encombre s’affole se fige
    s’onomatopéïse
    piétine balbutie turlupine
    se débraille inconvenante
    on me dit méchante

    je me nulle
    me désolidarise de moi-même
    ma peau fourvoyée se flamme
    faut me cacher

    me sortent tatouées les émotions maltraitées

    je me couche pour la bienséance du monde
    car
    j’ai un corps qui s’exclame

    on n’aime pas trop les corps par ici
    d’autant moins lorsqu’ils s’expriment dans leur langue
    qui comme chacun sait est une langue barbare
    tu ne peux pas encore savoir
    tu es petite et ignorante
    tu cries dans ta langue enfante
    comme qui chanterait

    chanter      pas bien vu non plus
    dans la rue par exemple par distraction
    ou par insouciance      surtout pas de
    ou de spontanéité
    on va t’enfermer maladie contagieuse

    et arrête de sautiller comme ça
    c’est un lit pas un terrain de jeu

    toi non plus      tu ne sais pas retenir
    maladroite tu te rues engouée
    alors que tu as des pores comme tout le monde
    ça devrait pouvoir s’aérer avec une certaine élégance

    que ta peau est délicate      je l’aime son grain gamin
    l’ai tant soignée      rien à faire      elle se flamme

    c’est que l’on ne choisit pas son héritage
    tu me portes en toi tout comme je t’ai porté en moi
    nous sommes des mot-valises

    elle se croit libre la mioche
    excuses-moi si je ris      non je t’assure je ne fais pas exprès

    suis fatiguée            laisse-moi

    arrête de me harceler comme ça      tu ne sais rien de moi
                                                                     de mon histoire que tu porteras

    je me couche pour l’exemple
    moins j’en fais et plus je me couche dedans
    mais elle tend vers dehors             petite branche naine vers la lumière
    la vie en moi se couche      oh oui tout doux            tout doux
    je m’enfonce      mmmhhh      c’est bon
    je survole      je glisse                mmhhh
    je somnole      tout se      tait      tout      se

    non mais      là voilà qui se lève à nouveau      je rêve

    assez rêvé je n’ai pas demandé à rêver      
    juste dormir      indolore
    une bouillote oh oui      une bouillotte ça fait du bien      mmmhhh

    et ça continue            couche-toi tu veux
    l’autre avec ses petits cris      là           débout      increvable
    branches tordues vers la lumière      et moi qui voulais somnoler
    mmmmhhh somnoler
    alors que débout      vigilante      qui va là sur le qui-vive
    qui veux-tu qui aille là      rien qui vaille

    des gens des mots      s’étourdissant de redites
    garrotant ton esprit et ses touches funambules
    ses lumières ses éclairs ses éclats ses nuances
    car
    ils savent vivre      savent comment faire
    tout carré           oui parfaitement
    d’un jugement assuré
    savent où commence et où se termine une pensée
    point barre et à la ligne

    dans nos périmètres sécurisés nous sommes rectilignes
    nous exécrons le mouvement le changement le tempo
    et les vagues
    nous convient mieux un monde statique
    nous entre nous
    nous ainsi satisfaits du monde ma chère mon cher
    et de nous-même on n’est pas des guignols
    performant tout va bien      très très bien
    dans des bouches rassasiées de mots bien repus
    assommant de Il FAUT d’un ton dégagé

    je me couche      ça me fauche la chique
    c’est vide qu’on cause et si c’est vide pour quoi faire
    faut-il qu’on remplisse

    pourquoi ça parle
    comme pour       comme si
    de rien           comme s’il n’en était
    rien
    comme s’il n’en restait      pas moins que
    rien
    comme si n’étions-nous
    tu parles                       sans écho
    pourquoi ça parle comme pour
    comme si de rien      comme s’il n’en était
    rien
    comme si de rien d’être
    sommes-nous sans écho             tu parles

    oui
    je redoutes à chaque fois à nouveau y couler dans cette nébuleuse
    et cette parole sans suite de son tout plein asséché
    et ce son creux qui retentit à l’intérieur le dévale
    sans fond sans face l’informe qui guette
    le sens qui fuite      par tous mes pores
    en vrac sur le lit      en manque d’agencement

    fatiguée
    je me couche

    on m’a fait vide
    je ne sais plus quoi faire de ces quatre bras pieds mains jambes
    je confonds ça fait huit je ne sais pas quoi en faire
    et ces mots liquéfiés en dedans
    mes bras pieds mains jambes qui en épongeant s’effilochent

    je me noie      je prends l’eau
    monte            elle monte
    me déborde
    monte            elle monte
    me bouche les oreilles

    dormir

    mais on me secoue      on m’habite
    elle m’habite      debout là

    un bon shoot de mélancolie et tu vas voir comme tu te calmes ma belle

    là            ouf                  enfin docile
    couchée               bien aimable

    elle voulait élargir sa pensée par les mots
    excuses-moi si je ris      non je t’assure je ne le fais pas exprès
    ne sais-tu pas que ça fait mal
    ce n’est si souple que tu le crois la matière grise
    ça pousse les membranes vers l’extérieur quand ça grabuge
    un mal de chien encagé                  n’y songes même pas

    ooooh !      un peu de silence à présent

    toi et moi
    on a nos petits secrets      ça donne du charme
    tu me ressembles             que tu es jolie
    tu me donnes envie d’ouvrir grand les yeux
    dans mon beau miroir speculum
    là      toutes les deux allongées
    réfléchies      aimantes

    aliénées paisiblement

    ça rime éternellement

    ah non arrête
    tu ne vas pas te remettre debout                encore des questions
    laisse-moi me reposer       sois mignonne      rasante la mioche

    mais oui j’avais oublié       tu parles toi aussi
    et dire que c’est moi qui t’ai appris      mais tu m’as échappé
    et après que je cause et que je questionne
    que je m’amuse à la tournoyer la faire claquer clapoter cette langue
    dans les bulles de ma bouche et virevolter virtuose carrément
    que c’est amusant

    que tu crois

    souviens-toi de la voix de grand-père :
    t’es comme toutes les bonnes femmes      une emmerdeuse

    c’est moelleux ici dans mon lit      n’est-ce pas
    restons-en là      toi et moi

    bien sûr pour les garçons c’est différent
    je le dis pour ton bien
    c’est tout un apprentissage que de parler en femelle
    en son nom dans son sang en son seing
    moi tu vois couchée pas même besoin de mots mondains
    et pourtant j’avais un corps      je crois

    maintenant que la dépossession est inoculée tu vas voir
    la saveur du silence      mmmhhhh      comme une saignée
    ça soulage

    béante      souris      oui tu es mignonne
    qu’ils imaginent      toi face au monde couchée

    on ne s’en sortirait pas autrement            comment veux-tu
    qui est-ce la grande personne là       c’est moi       et je te dis que :       !
    jusqu’à qu’on ne sache plus ce qu’on ressent et ce qu’on fabule
    comme ça      pour faire partie      non pas participer          non
    appartenir
    ooooh appartenir
    ooooh je ne suis pas ma seule partie amputée moi
    moi j’appartiens      et      je colle
    je colle je colle je colle à
    une image
    devant le miroir je m’y essaie
    je suis conforme      soulagement      je jolie
    selon les jours j’y arrive
    je décolle mes mots de mon corps
    l’un après l’autre      ça fait un peu mal
    et les voilà sans corps
    et à la place du corps des mots des images sur mon corps creux
    et un grand bruissement général continu accablant confondant

    donc
    la vérité mon enfant que tu cherches tant dans les mots
    tu peux toujours chercher
    tu le vois bien qu’ils sont vides      sans corps
    souvent
    tout ce vide entre nous

    tu l’entends

    ce silence

    qu’aucun mot

    aucune image aucune chose

    allez      parlons d’autre chose
    je t’avais bien dit de te coucher      mais non      debout là
    avec tes petits halte-là une contradiction !! je pointe !
    tu crois changer quoi                    le monde ?
    avec ta langue      qui je thaumaturge      j’abracadabre
    s’y croit
    full d’as      abattu sur table      nous révèle      who’s who

    a-t-on droit à un joker ?

    met-là au rancart ta langue tu veux
    somnolons ensemble
    mmmhhhh
    c’est bon le goût d’un blanc       ça creuse le mystère

    allez viens-là te coucher près de moi et laisses-moi rire dans ma barbe
    car je me laisse pousser la barbe depuis que les hommes les mots tout ça
    m’a passé
    me voilà sorcière couchée

     

     

    https://www.terreaciel.net/Silvia-Marzocchi

    à lire aussi son entretien avec Claire Regy publié à la suite