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RÉSONNANCE & COPINAGES - Page 19

  • Silvia Marzocchi in Terre à Ciel

     

     

     

    l’incise de la langue sorcière

    la voilà      qui      tu n’es pas gentille      qui
    reproche      tu n’es pas aimable      qui
    taraude      qui      affable rode
    allez couche-toi brutale carrément      qui
    ta langue      pendue on croirait un étendard      qui
    triture      qui

    qui toi         toi moi         spectatrice insolvable
    baisse-la tu veux      ta petite tête      mais tu veux causer
    et la voilà qui ouvre sa grande bouche      pas jolie tu cries tu es moche
    on voit tes dents elles ne sont pas white tu pleures on voit ton plombage
                                                                                                                         là
                                                                                              elle l’ouvre encore      et
    as-tu essayé la tête sous l’eau pour voir                   c’est radical

    ta langue n’est pas rose

    arrêtes de hurler ainsi            tu es toute déformée

    tu as toujours été agressive

    tu me fatigues      je te le dis dans la langue des yeux puis je me couche
    je suis sans mots                  vacante                  vacance

    tu m’as échappée             je te portais en moi
    on n’aime pas trop ce qui nous échappe

    tu peux crier      moi suis couchée      emmitouflée dans mon corps
    barricadée          forclose           fous le feu à la baraque si tu veux
    tu verras ça avec le croque-mitaine je ne te le conseille pas
    aimes-tu les cimetières ?

    tu as peur       tu es malade       elle est ma-la-de
    c’est triste      ça commence mal !
    on va s’enliser si on va par

    là on va s’enfoncer dans mon lit                  j’y suis souvent
    il faut que cette fille baisse la tête et se couche       silence ! pitié
    ou alors il aurait fallu       mais non      il aurait      mais ouiiiii
    un garçon
    oooooooooh      cela aurait été bien plus simple si
    mais non

    garçon ne pleure pas
    c’est antinomique
    je vais te museler si tu continues
    pas de chichi      ils sont forts
    ça m’impressionne je ne sais pas ce que ça cache

    je ne sais pas ce qu’ils font de leurs déchets
    comment dissocient-ils leurs émotions du reste de leur corps
    s’évaporent-elles
    leurs larmes où donc

    si je retiens je ne sais plus trier
    le mot de l’ivraie
    ma langue se défait défaille me dédit
    m’encombre s’affole se fige
    s’onomatopéïse
    piétine balbutie turlupine
    se débraille inconvenante
    on me dit méchante

    je me nulle
    me désolidarise de moi-même
    ma peau fourvoyée se flamme
    faut me cacher

    me sortent tatouées les émotions maltraitées

    je me couche pour la bienséance du monde
    car
    j’ai un corps qui s’exclame

    on n’aime pas trop les corps par ici
    d’autant moins lorsqu’ils s’expriment dans leur langue
    qui comme chacun sait est une langue barbare
    tu ne peux pas encore savoir
    tu es petite et ignorante
    tu cries dans ta langue enfante
    comme qui chanterait

    chanter      pas bien vu non plus
    dans la rue par exemple par distraction
    ou par insouciance      surtout pas de
    ou de spontanéité
    on va t’enfermer maladie contagieuse

    et arrête de sautiller comme ça
    c’est un lit pas un terrain de jeu

    toi non plus      tu ne sais pas retenir
    maladroite tu te rues engouée
    alors que tu as des pores comme tout le monde
    ça devrait pouvoir s’aérer avec une certaine élégance

    que ta peau est délicate      je l’aime son grain gamin
    l’ai tant soignée      rien à faire      elle se flamme

    c’est que l’on ne choisit pas son héritage
    tu me portes en toi tout comme je t’ai porté en moi
    nous sommes des mot-valises

    elle se croit libre la mioche
    excuses-moi si je ris      non je t’assure je ne fais pas exprès

    suis fatiguée            laisse-moi

    arrête de me harceler comme ça      tu ne sais rien de moi
                                                                     de mon histoire que tu porteras

    je me couche pour l’exemple
    moins j’en fais et plus je me couche dedans
    mais elle tend vers dehors             petite branche naine vers la lumière
    la vie en moi se couche      oh oui tout doux            tout doux
    je m’enfonce      mmmhhh      c’est bon
    je survole      je glisse                mmhhh
    je somnole      tout se      tait      tout      se

    non mais      là voilà qui se lève à nouveau      je rêve

    assez rêvé je n’ai pas demandé à rêver      
    juste dormir      indolore
    une bouillote oh oui      une bouillotte ça fait du bien      mmmhhh

    et ça continue            couche-toi tu veux
    l’autre avec ses petits cris      là           débout      increvable
    branches tordues vers la lumière      et moi qui voulais somnoler
    mmmmhhh somnoler
    alors que débout      vigilante      qui va là sur le qui-vive
    qui veux-tu qui aille là      rien qui vaille

    des gens des mots      s’étourdissant de redites
    garrotant ton esprit et ses touches funambules
    ses lumières ses éclairs ses éclats ses nuances
    car
    ils savent vivre      savent comment faire
    tout carré           oui parfaitement
    d’un jugement assuré
    savent où commence et où se termine une pensée
    point barre et à la ligne

    dans nos périmètres sécurisés nous sommes rectilignes
    nous exécrons le mouvement le changement le tempo
    et les vagues
    nous convient mieux un monde statique
    nous entre nous
    nous ainsi satisfaits du monde ma chère mon cher
    et de nous-même on n’est pas des guignols
    performant tout va bien      très très bien
    dans des bouches rassasiées de mots bien repus
    assommant de Il FAUT d’un ton dégagé

    je me couche      ça me fauche la chique
    c’est vide qu’on cause et si c’est vide pour quoi faire
    faut-il qu’on remplisse

    pourquoi ça parle
    comme pour       comme si
    de rien           comme s’il n’en était
    rien
    comme s’il n’en restait      pas moins que
    rien
    comme si n’étions-nous
    tu parles                       sans écho
    pourquoi ça parle comme pour
    comme si de rien      comme s’il n’en était
    rien
    comme si de rien d’être
    sommes-nous sans écho             tu parles

    oui
    je redoutes à chaque fois à nouveau y couler dans cette nébuleuse
    et cette parole sans suite de son tout plein asséché
    et ce son creux qui retentit à l’intérieur le dévale
    sans fond sans face l’informe qui guette
    le sens qui fuite      par tous mes pores
    en vrac sur le lit      en manque d’agencement

    fatiguée
    je me couche

    on m’a fait vide
    je ne sais plus quoi faire de ces quatre bras pieds mains jambes
    je confonds ça fait huit je ne sais pas quoi en faire
    et ces mots liquéfiés en dedans
    mes bras pieds mains jambes qui en épongeant s’effilochent

    je me noie      je prends l’eau
    monte            elle monte
    me déborde
    monte            elle monte
    me bouche les oreilles

    dormir

    mais on me secoue      on m’habite
    elle m’habite      debout là

    un bon shoot de mélancolie et tu vas voir comme tu te calmes ma belle

    là            ouf                  enfin docile
    couchée               bien aimable

    elle voulait élargir sa pensée par les mots
    excuses-moi si je ris      non je t’assure je ne le fais pas exprès
    ne sais-tu pas que ça fait mal
    ce n’est si souple que tu le crois la matière grise
    ça pousse les membranes vers l’extérieur quand ça grabuge
    un mal de chien encagé                  n’y songes même pas

    ooooh !      un peu de silence à présent

    toi et moi
    on a nos petits secrets      ça donne du charme
    tu me ressembles             que tu es jolie
    tu me donnes envie d’ouvrir grand les yeux
    dans mon beau miroir speculum
    là      toutes les deux allongées
    réfléchies      aimantes

    aliénées paisiblement

    ça rime éternellement

    ah non arrête
    tu ne vas pas te remettre debout                encore des questions
    laisse-moi me reposer       sois mignonne      rasante la mioche

    mais oui j’avais oublié       tu parles toi aussi
    et dire que c’est moi qui t’ai appris      mais tu m’as échappé
    et après que je cause et que je questionne
    que je m’amuse à la tournoyer la faire claquer clapoter cette langue
    dans les bulles de ma bouche et virevolter virtuose carrément
    que c’est amusant

    que tu crois

    souviens-toi de la voix de grand-père :
    t’es comme toutes les bonnes femmes      une emmerdeuse

    c’est moelleux ici dans mon lit      n’est-ce pas
    restons-en là      toi et moi

    bien sûr pour les garçons c’est différent
    je le dis pour ton bien
    c’est tout un apprentissage que de parler en femelle
    en son nom dans son sang en son seing
    moi tu vois couchée pas même besoin de mots mondains
    et pourtant j’avais un corps      je crois

    maintenant que la dépossession est inoculée tu vas voir
    la saveur du silence      mmmhhhh      comme une saignée
    ça soulage

    béante      souris      oui tu es mignonne
    qu’ils imaginent      toi face au monde couchée

    on ne s’en sortirait pas autrement            comment veux-tu
    qui est-ce la grande personne là       c’est moi       et je te dis que :       !
    jusqu’à qu’on ne sache plus ce qu’on ressent et ce qu’on fabule
    comme ça      pour faire partie      non pas participer          non
    appartenir
    ooooh appartenir
    ooooh je ne suis pas ma seule partie amputée moi
    moi j’appartiens      et      je colle
    je colle je colle je colle à
    une image
    devant le miroir je m’y essaie
    je suis conforme      soulagement      je jolie
    selon les jours j’y arrive
    je décolle mes mots de mon corps
    l’un après l’autre      ça fait un peu mal
    et les voilà sans corps
    et à la place du corps des mots des images sur mon corps creux
    et un grand bruissement général continu accablant confondant

    donc
    la vérité mon enfant que tu cherches tant dans les mots
    tu peux toujours chercher
    tu le vois bien qu’ils sont vides      sans corps
    souvent
    tout ce vide entre nous

    tu l’entends

    ce silence

    qu’aucun mot

    aucune image aucune chose

    allez      parlons d’autre chose
    je t’avais bien dit de te coucher      mais non      debout là
    avec tes petits halte-là une contradiction !! je pointe !
    tu crois changer quoi                    le monde ?
    avec ta langue      qui je thaumaturge      j’abracadabre
    s’y croit
    full d’as      abattu sur table      nous révèle      who’s who

    a-t-on droit à un joker ?

    met-là au rancart ta langue tu veux
    somnolons ensemble
    mmmhhhh
    c’est bon le goût d’un blanc       ça creuse le mystère

    allez viens-là te coucher près de moi et laisses-moi rire dans ma barbe
    car je me laisse pousser la barbe depuis que les hommes les mots tout ça
    m’a passé
    me voilà sorcière couchée

     

     

    https://www.terreaciel.net/Silvia-Marzocchi

    à lire aussi son entretien avec Claire Regy publié à la suite

     

     

     

  • Raymond Devos

    Excusez-moi ! je suis un peu essoufflé, je viens de traverser une ville où tout le monde courait...Je ne peux pas vous dire laquelle... je l'ai traversée en courant. Lorsque j'y suis entré, je marchais normalement, mais quand j'ai vu que tout le monde courait... je me suis mis à courir comme tout le monde, sans raison !
    A un moment je courais au coude à coude avec un monsieur...Je lui dis : - - - -Dites-moi... Pourquoi tous ces gens-là courent-ils comme des fous ?
    -Parce qu'ils le sont !
    - Vous êtes dans une ville de fous ici... Vous n'êtes pas au courant ?
    - Si, si, des bruits ont couru !
    - Ils courent toujours !
    - Qu'est-ce qui fait courir tous ces fous ?
    - Tout ! Tout ! Il y en a qui courent au plus pressé. D'autres qui courent après les honneurs... Celui-ci court pour la gloire... Celui-là court à sa perte !
    - Mais pourquoi courent-ils si vite ?
    - Pour gagner du temps ! Comme le temps c'est de l'argent, plus ils courent vite, plus ils en gagnent !
    - Mais où courent-ils ? "
    - À la banque ! Le temps de déposer l'argent qu'ils ont gagné sur un compte courant... et ils repartent toujours courant, en gagner d'autre !
    - Et le reste du temps ?
    - Ils courent faire leurs courses au marché !
    - Pourquoi font-ils leurs courses en courant ?
    - Je vous l'ai dit... parce qu'ils sont fous !
    - Ils pourraient tout aussi bien faire leur marché en marchant...tout en restant fous !
    - On voit bien que vous ne les connaissez pas ! D'abord le fou n'aime pas la marche...
    - Pourquoi ?
    - Parce qu'il la rate !
    - Pourtant, j'en vois un qui marche !?
    - Oui, c'est un contestataire ! Il en avait assez de courir comme un fou. Alors il a organisé une marche de protestation !
    - Il n'a pas l'air d'être suivi ?
    - Si, mais comme tous ceux qui le suivent courent, il est dépassé !
    - Et vous, peut-on savoir ce que vous faites dans cette ville ?
    - Oui ! Moi j'expédie les affaires courantes. Parce que même ici, les affaires ne marchent pas !
    - Et où courez-vous là ?
    - Je cours à la banque !
    - Ah !... Pour y déposer votre argent ?
    - Non ! Pour le retirer ! Moi je ne suis pas fou !
    - Mais si vous n'êtes pas fou, pourquoi restez-vous dans une ville où tout le monde l'est ?
    - Parce que j'y gagne un argent fou !... C'est moi le banquier !
     
     
     
     

  • Annie Ernaux

    annie ernaux.jpg

     

    à 16 ans je lisais Les armoires vides, à 31, Se perdre, à 37, Le journal du dehors et ça me suffit pour dire que je suis très contente qu'Annie Ernaux soit nobelisée parce qu'avant tout elle est aussi une femme de parole, fidèle à ses belles convictions, véritablement engagée c'est à dire pas indifférente et sans mémoire...

     

     

  • André Bucher, hommage

    Un écrivain que j'apprécie beaucoup est parti rejoindre d'autres cimes et vallées... Parti Déneiger le ciel avec sa Fée d'hiver... 

     

    Voir ma note de lecture à propos de Fée d'hiver

    http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2012/10/22/fee-d-hiver-d-andre-bucher.html

     

    André Bucher, écrivain, paysan, planteur d'arbres est décédé à l’âge de 76 ans des suites d’une longue maladie à Montfroc dans la Drôme, entouré des siens.
    Auteur de dix romans et deux récits publiés chez Sabine Wespieser puis aux éditions Le mot et le reste, il était regardé par François Busnel comme « l’un de nos meilleurs écrivains ».
    Considéré comme l’un des tenants majeurs du nature-writing à la française, la nature n’était pas un décor mais un personnage central de ses histoires, dans lesquelles les hommes habitent un pays qui ressemble à celui de l'écrivain.

    "De même qu’il existe une lutte à mener sur le langage, on peut être natif d’un pays, supposé enraciné – je préfère dire ancré – et le regarder mourir. On peut aussi venir d’ailleurs et en faire partie intégrante. On en revient à cette évocation des racines. Aériennes, souterraines, elles vous poussent ou vous retiennent. En soi, l’écriture propose un déracinement dans ce mélange permanent d’appartenance et d’exil. Ce qui explique mon obstination face à cet incessant flux et reflux, à vouloir planter, éclaircir, élaguer et non seulement abattre, mais remplacer, réparer même. Les arbres symbolisent la jonction, une symbiose adéquate entre ces pratiques."


    À l’écart, son dernier ouvrage paru en 2016 est un récit (qu'il a écrit sur une demande de son éditeur Le mots et le reste) où l’auteur développe un ensemble de thématiques qui circonscrivent son univers. André Bucher prend la parole et partage sa vision sur le rôle de l’écrivain-paysan, son rapport au temps et aux saisons, l’enracinement au lieu et le déracinement pas l’écriture. Qu’est-ce qu’écrire sur la vallée du Jabron et passer d’une expérience particulière à une vision plus globale ? Au fil de ces textes, André Bucher revient sur l’écologie actuelle, le rapport que ce précurseur de l’agriculture bio entretient avec la nature, le lien qu’il tisse entre ces paysages où il évolue et son imaginaire. À l’écart dessine la géographie intime d’André Bucher, permet de mieux cerner son œuvre et porte au jour des questionnements actuels. Voir ici :
    https://lemotetlereste.com/litteratures/alecart/

     

     

     

    André Bucher, entre terre et ciel, un documentaire de Benoît Pupier (2013, 2h09) :

     

     

  • L'insurgée, biographie de Séverine (1855-1929)

     
    LINSURGEE-Severine-couv.pngà paraître vendredi 21 octobre 2022

    Caroline Rémy, dite Séverine (1855-1929), aura été l’une des pionnières du journalisme et l’une des grandes figures de l’histoire des mouvements révolutionnaires. Disciple et amie de Jules Vallès, première femme à diriger un quotidien national, elle se lance à corps perdu dans la grande mêlée sociale de la « Belle Époque ». Sa plume, ardente et infatigable, n’aura de cesse de défendre le peuple face à ses ennemis : le capital et la bourgeoisie. Féministe, pacifiste et libertaire, d’une intégrité à toute épreuve, elle sera en première ligne de tous les combats de son temps.

    Durant toute sa vie, Séverine a écrit plus de 6 000 articles dans de nombreux journaux : Le Cri du Peuple, La Fronde, Gil-Blas, L’Humanité, Le Figaro, etc. Dans ce recueil sont réunis ses textes les plus flamboyants. Au détour de ces pages apparaissent les grands et petits noms de l’anarchisme auxquels elle rend hommage, les innombrables batailles des femmes et du mouvement ouvrier, et le parfum de poudre et de révolte de ces années tumultueuses.

    « D’avoir gardé le don précieux de s’amuser de tout, ou, mieux, de m’intéresser à beaucoup de choses ; de rire au soleil et de rêver aux étoiles ;  d’enrichir ma vue de tout ce qui reluit, or ou cuivre, paillette ou paillon ; de garder fidèlement en ma mémoire le reflet de tout ce qui vit, de tout ce qui passe, je me suis constitué, pour toute l’existence, un trésor que les plus longs jours n’arriveront pas à épuiser. Mais j’ai travaillé beaucoup et je n’ai  jamais été riche. C’est peut-être notre opulence, à nous, que la fraîcheur éternelle de la sensation et la saveur des rares instants de liberté. »
    Séverine

     

     

     

  • Rosa Chávez (Guatemala)

    Rosa2.jpeg

     
     
    L'esprit s'en va si l’on ne prend pas soin de lui
    il prend sa propre route s'il se sent mal à l'aise
    il prend son propre remède s'il tombe malade
    il part comme si de rien n'était, survole la mer
    ne dit pas au revoir
    nous quitte sans remords
    ni culpabilité
    en son absence
    nous cessons d'être sacrés
    nous devenons quelque chose sans nom.
     
     
    El espíritu se va si no lo cuidamos
    agarra su propio camino si se incomoda
    toma su propia medicina si se enferma
    se va como si nada, pasando sobre el mar
    no dice adiós
    se aleja sin remordimientos,
    sin culpas
    en su ausencia
    dejamos de ser sagrados
    nos volvemos algo sin nombre.

     
     
    Huit autres poèmes de Rosa sur Fuego del fuego  traduits par Laurent Bouisset : 

    https://fuegodelfuego.blogspot.com/2021/09/poemes-de-rosa-chavez-traduits-en.html

     

     

     

  • Préliminaires, pénétration, orgasmes ? Un spectacle de La Centrifugeuse par Claire Mo et Agneska

    La chance de l'avoir vu hier soir, 90 mn de pur bonheur, j'aurais beaucoup à dire mais elle dit tout ce qui me turlupine (ha, ha, ha) depuis et au coup de ces derniers 35 ans ! Alors à chacun-e de se faire son opinion, s'il passe près de chez vous, foncez !

     

     

    lhttps://www.facebook.com/ppo.spectacle/

    des extraits et interview à écouter ici : https://radiodici.com/.../preliminaires-penetration-orgasme/

     

     

     

  • Jouir. En quête de l’orgasme féminin de Sarah Barmak

    Publié le 17 Septembre 2020

     

     

    Le sexe semble omniprésent dans la société actuelle. Mais le plaisir beaucoup moins. La quête de l'orgasme féminin fait l'objet de diverses expérimentations. Des femmes veulent se réapproprier leur corps pour mieux connaître leurs désirs et leur jouissance. 

     

    La sexualité peut rapidement devenir mécanique et routinière. Ce sont notamment les femmes qui ressentent de la déception sur le plan sexuel. La simulation de l’orgasme féminin reste bien connue et même popularisé par les médias. Pourtant, les pratiques sexuelles n’évoluent pas. Mais cette routine sexuelle n’est pas uniquement un problème individuel. C’est le produit d’une culture et d’une société. La pénétration vaginale de quelques secondes reste la seule figure de la sexualité au cinéma.

    La recherche de l’orgasme prend différentes formes aux Etats-Unis. Les groupes de parole, la pornographie, la méditation orgasmique, la relaxation, les sex toys, le tantra sont explorés. Mais aussi le clitoris, le souffle, la connexion à l’autre, la solitude, le lâcher-prise permettent d’inventer une nouvelle culture. En France, des comptes Instagram, des podcasts et des sites sont consacrés à la sexualité et à la jouissance féminine. Le mouvement #MeToo a permis une libération de la parole politique et sexuelle.

    Ce ne sont pas des recettes normatives mais des pratiques qui permettent surtout de légitimer les femmes dans une relation autonome à leur corps et à leur sexualité. Les mythes de l’amour et du prince charmant perdurent avec l’idée que ce sont les hommes qui doivent apporter l’orgasme aux femmes. Ce qui nie l’autonomie sexuelle des femmes, et met la pression sur les hommes. Les femmes se masturbent encore peu. Elles sont considérées comme passives. Cette culture sexuelle entrave l'accès des femmes à leur propre plaisir. La journaliste Sarah Barmak mêle reportages et réflexions dans son livre Jouir. En quête de l’orgasme féminin.

     

                             Jouir - En quête de l'orgasme féminin eBook by Sarah BARMAK,Maïa MAZAURETTE  

     

    Culture de la répression sexuelle

     

    Au sous-sol d’un Sex Shop de Toronto se déroule un groupe de parole. Des femmes de tous âges évoquent leur frustration sexuelle et leur absence de plaisir. Elles refusent de toucher leur sexe avec leurs propres mains. « Et c’est un secret qui s’aggrave avec l’âge : plus ces femmes vieillissent, plus il y a de chances qu’elles se résignent à faire le deuil de leur satisfaction sexuelle », confie Sarah Barmak. Mais ces femmes ont aussi peur de perdre le contrôle.

    La révolution sexuelle s’amorce dans les années 1960. La contraception et l’avortement permettent de libérer la sexualité du risque de procréation involontaire. Désormais, les images pornographiques sont accessibles et même les clips musicaux multiplient les gros plans anatomiques. La nudité est même présente dans la rue sur les panneaux publicitaires. Mais si nous semblons libres en apparence, l’espace pour développer une sexualité individuelle reste limité. Beaucoup de femmes ordinaires ne ressentent aucun plaisir au lit.

    Des courants culturels contestent les vieilles croyances sur la sexualité des femmes. La sexualité et la recherche du plaisir restent un mystère. « Je me suis demandé pourquoi la sexualité féminine est devenue un sujet très en vogue, alors même qu’elle semble rarement mieux comprise qu’à l’époque où elle était taboue », interroge Sarah Barmak. Le sexe reste un sujet très clivant en Occident. Les femmes sont soumises à des injonctions contradictoires. Elles doivent se montrer à la fois sexy et prudes. Les femmes sont humiliées lorsqu’elles expriment leur sexualité. « Mais l’omniprésence d’images hypersexualisées et très normées dans nos vies quotidiennes est devenue bien plus oppressante que libératrice », observe Sarah Barmak. La lutte féministe passe par la recherche de l’égalité sur le plan sexuel. Cette quête du plaisir passe par la libération du regard des autres.

     

    Le clitoris et le plaisir féminin sont valorisés dans la région du Moyen-Orient et dans l’Islam médiéval. En revanche, les sociétés occidentales et chrétiennes dénigrent le corps des femmes. Le puritanisme s’impose jusqu’au XIXe siècle avec l’époque victorienne. Une épouse respectueuse doit se soumettre à un consentement passif. Sortir de ce cadre relève alors de la nymphomanie. Sigmund Freud dénigre le clitoris. Le psychanalyste considère l’orgasme vaginal comme le seul valable. Alors même que ce plaisir est provoqué par les frottements du clitoris.

    En 1953, Alfred Kinsey lance une enquête sur la sexualité des femmes. Il montre la diversité des pratiques sexuelles et l’importance de la masturbation féminine. Ce qui écorne le modèle de la mère de famille américaine des années 1950. En 1976, la sexologue Shere Hite publie un rapport qui montre que 70% ne jouissent pas pendant le coït. En revanche, elles peuvent jouir avec une stimulation adéquate. Elles n’ont pas besoin d’un pénis ni même d’une autre personne pour ressentir l’orgasme. Shere Hite écrit un autre livre pour évoquer la pression excessive subie par les hommes sur leurs performances sexuelles. Mais, malgré son succès public, elle reste vivement critiquée par les médias.

    En marge des recherches scientifiques, des groupes de lesbiennes explorent leur corps et leur sexualité. Ce qui permet de découvrir l’orgasme et l’anatomie féminine. Des groupes de féministes radicales, comme Gynepunk à Barcelone, critiquent le contrôle des médecins. Ces féministes pro-sexe veulent se réapproprier les savoirs gynécologiques. « Elles sont à l’aise avec leur corps et à leurs besoins physiques, plutôt sur le mode j’en-ai-rien-à-battre », observe Sarah Barmak. Le corps et l’anatomie féminine ont subit une longue histoire de répression et de désinformation.

     

     

     

    Quête de l’orgasme

     

    Les orgasmes ne se ressemblent pas d’une personne à une autre. Ce sont des expériences diverses et plurielles. Des points communs existent dans la description de l’orgasme : tension croissante, plaisir intense, sentiment de libération. Mais certaines personnes ne ressentent aucun relâchement au moment de jouir. D’autres trouvent que l’orgasme n’est pas forcément agréable. Mais la jouissance fait l’objet de peu de description. Au contraire de la gastronomie qui fait l’objet d’une analyse détaillée des diverses nuances de saveurs. L’orgasme conserve une part de mystère.

    Si le plaisir masculin se traduit par l’éjaculation, l’orgasme féminin se révèle plus subjectif. Des expériences scientifiques observent les stimulis agréables qui proviennent du cerveau. Les stimulations sensorielles augmentent par paliers jusqu’à déclencher une explosion de plaisir. L’orgasme n’est pas un simple réflexe mécanique, mais provient de stimulations qui doivent rester agréables. L’orgasme reste une perception. Il provient de l’esprit et non des muscles. La jouissance masculine permet la procréation alors que l’orgasme féminin reste inutile, et donc peu étudié.

    Des femmes dénoncent la course à l’orgasme. Le sexe n’est plus un moment agréable qui permet de se libérer du stress et des tensions accumulées. C’est un domaine dans lequel il faut évaluer ses performances. Pourtant, le plaisir repose sur l’abandon. Se demander si on est belle, si on fait bien les choses, si le partenaire est excité empêchent cet abandon. « L’orgasme nous est difficile parce qu’il nécessite une forme de capitulation. Une capitulation brève mais totale, qui n’est possible que si nous lâchons enfin les rênes que nous pensons devoir tenir d’un main de fer, à chaque instant », souligne Sarah Barmak. La pression de l’orgasme empêche de fixer son attention sur les sensations agréables, et empêche l’orgasme. « Laisser tomber les objectifs. Simplement apprécier ce moment. Prendre son temps », préconise Sarah Barmak.

     

    One Taste, une entreprise de San Francisco, propose la méditation orgasmique. Cette pratique consiste à se focaliser uniquement sur les sensations de plaisir. Les caresses et la sensualité priment sur une sexualité mécanique avec ses obligations et ses conditionnements sociaux. Le désir et le plaisir sont valorisés. « Oui Messieurs, vous caressez pour votre propre plaisir, parce que c’est agréable au toucher, et pas parce que vous voulez obtenir quelque chose d’elle », indique un animateur. Néanmoins, cette pratique reste très codifiée et laisse peu de place à la spontanéité. Pour les tenants de cette méditation, la sexualité reste régie par de nombreux codes qu’il est possible de déjouer uniquement en imposant d’autres règles.

    Les jeunes femmes qui luttent contre la culture du viol et participent à la Marche des salopes développent également de nouvelles pratiques. La pornographie féministe, des ateliers de masturbation, des massages de parties génitales expriment une autre approche de la sexualité. Ce sont surtout les jeunes femmes qui participent à modifier les comportements sexuels. La culture populaire accompagne et reflète ces évolutions de la société. La chanteuse Katy Perry parle d’embrasser une fille et d’aimer ça. « Dans la culture populaire, les femmes initient de plus en plus souvent les rapports sexuels, et restent aux commandes », observe Sarah Barmak. La sexualité féminine ordinaire dissimule tout un univers de non-conformisme et d’expérimentation.

    La pornographie mobilise surtout une sexualité visuelle. Les autres sens, le toucher et le goût, sont niés. Pourtant, l’érotisme provient surtout d’une dimension charnelle et sensuelle. Le toucher et les caresses permettent de réveiller l’animalité. Mais la pornographie reste plus cérébrale et rassurante. Ce sexe en vidéo semble immédiat et désincarné. « Mais, ce sexe-là, il ne prépare ni les hommes ni les femmes à la rencontre avec un être humain, un être vrai et vulnérable. Il ne les prépare ni à se révéler dans leur propre corps imparfait, ni à se délecter de tous les plaisirs que ce même corps imparfait peut leur offrir », souligne Sarah Barmak. Néanmoins, le porno alternatif refuse les normes esthétiques et montre des vulves de toutes formes.

     

         
     

        

    Révolution sexuelle

     

    La recherche du plaisir sexuel n’est pas considérée comme un sujet sérieux par les féministes gauchistes. Les luttes pour l’accès à l’avortement, pour l’égalité salariale ou contre les violences faites aux femmes sont davantage valorisées. Le plaisir sexuel reste considéré comme secondaire par rapport aux urgences sociales et féministes. Pourtant, la question du bonheur et du plaisir ne doit pas être négligée. La notion de consentement affirmatif permet aux femmes de ne plus se soumettre aux exigences des hommes. Mieux connaître son corps, ses désirs, ses sensations de plaisir permet de mieux reconnaître les gestes brutaux voire douloureux.

    Le carcan du sexe conventionnel reflète également des sociétés occidentales gangrenées par la culture du résultat. Le stress et les problèmes au travail empêchent de s’abandonner à la jouissance. « Si vous êtes surexposée au stress et que vous n’avez jamais le temps de vous poser, votre corps ne sera pas sur la bonne longueur d’onde pour faire l’amour », observe Sarah Barmak. Le sexe reflète la vie dans son ensemble.

     

    Sarah Barmak propose un livre original. La journaliste propose des reportages sur différentes expériences sexuelles, parfois loufoques. Elle permet de montrer l’émergence d’une véritable contre-culture qui place le plaisir sexuel au centre de l’existence. Sarah Barmak propose une réflexion stimulante sur la répression sexuelle qui perdure dans les sociétés occidentales. La recherche de la jouissance se heurte souvent à la culture et à la société. Les femmes doivent se soumettre à des normes et des contraintes sociales. Elles peuvent davantage parler de sexe, mais pas de leur corps et de leurs désirs. Le stress, dans le couple ou au travail, empêche également de véritablement s’abandonner au plaisir. Sarah Barmak montre l’importance des conditionnements sociaux. Elle critique également la sexualité mécanique, peu à l’écoute de son corps et de ses sensations.

    Néanmoins, son exploration des alternatives et des groupes thérapeutiques révèle ses limites. D’ailleurs, Sarah Barmak observe ces communautés avec un regard critique. Cette quête de l’orgasme rejoint les dérives des hippies voire des thérapeutes freudo-marxistes. Ces groupes veulent sortir des normes sociales en imposant de nouveaux codes, tout aussi contraignants. Les stages tantriques reposent sur tout un folklore et un ensemble de règles qui semblent peu regardant des désirs des individus. Sarah Barmak montre également comment cette quête de l’orgasme devient une pression supplémentaire qui empêche de ressentir les sensations agréables et de véritablement jouir.

     

    Mais Sarah Barmak reste plutôt compréhensive à l’égard de ses expériences. Ces stages orgasmiques restent pourtant dans le cadre du développement personnel. La réussite d’objectifs individuels prime sur l’épanouissement collectif. Même les thérapies les plus bienveillantes semblent peu efficaces. Il évidemment possible d’apprendre à mieux connaître son corps et ses sensations de plaisir. Néanmoins, la lutte contre la répression sexuelle ne peut pas se réduire à une thérapie individuelle. C’est un changement de société qui s’impose. Pour sortir des conditionnements sociaux, il semble indispensable de détruire la logique capitaliste et patriarcale.

    Seule une société sans classe et sans hiérarchie peut permettre la jouissance de chaque personne. Il semble également important d’en finir avec un monde qui impose la performance dans tous les domaines de la vie, au travail comme dans la sexualité. Contrairement à ce que pensent les gauchistes, le plaisir et le bonheur ne sont pas des accessoires. Ce sont les véritables objectifs d’une société communiste libertaire. La suppression de l’exploitation ne doit pas déboucher vers une autogestion du capital qui impose de nouvelles contraintes sociales. Une association libre de producteurs libres doit permettre de placer le désir et le plaisir au centre de l’existence.

     

    Sarah Barmak, Jouir. En quête de l’orgasme féminin, traduit par Aude Sécheret, Zones – La Découverte, 2019

     

     

  • Louis Aragon

     

    Lorsque je les prends comme une eau de neige

    Qui fond de partout dans mes mains à moi

    Sauras-tu jamais ce qui me traverse

    Ce qui me bouleverse et qui m'envahit

     

    in Les yeux d'Elsa