Chant des Sœurs du monastère Sainte Barbara de l'Église orientale (Syrie) - Angels Khanums
Direction artistique : Ivana Caffaratti Giro
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Direction artistique : Ivana Caffaratti Giro
l’incise de la langue sorcière
la voilà qui tu n’es pas gentille qui
reproche tu n’es pas aimable qui
taraude qui affable rode
allez couche-toi brutale carrément qui
ta langue pendue on croirait un étendard qui
triture quiqui toi toi moi spectatrice insolvable
baisse-la tu veux ta petite tête mais tu veux causer
et la voilà qui ouvre sa grande bouche pas jolie tu cries tu es moche
on voit tes dents elles ne sont pas white tu pleures on voit ton plombage
là
elle l’ouvre encore et
as-tu essayé la tête sous l’eau pour voir c’est radicalta langue n’est pas rose
arrêtes de hurler ainsi tu es toute déformée
tu as toujours été agressive
tu me fatigues je te le dis dans la langue des yeux puis je me couche
je suis sans mots vacante vacancetu m’as échappée je te portais en moi
on n’aime pas trop ce qui nous échappetu peux crier moi suis couchée emmitouflée dans mon corps
barricadée forclose fous le feu à la baraque si tu veux
tu verras ça avec le croque-mitaine je ne te le conseille pas
aimes-tu les cimetières ?tu as peur tu es malade elle est ma-la-de
c’est triste ça commence mal !
on va s’enliser si on va par
là on va s’enfoncer dans mon lit j’y suis souvent
il faut que cette fille baisse la tête et se couche silence ! pitié
ou alors il aurait fallu mais non il aurait mais ouiiiii
un garçon
oooooooooh cela aurait été bien plus simple si
mais nongarçon ne pleure pas
c’est antinomique
je vais te museler si tu continues
pas de chichi ils sont forts
ça m’impressionne je ne sais pas ce que ça cacheje ne sais pas ce qu’ils font de leurs déchets
comment dissocient-ils leurs émotions du reste de leur corps
s’évaporent-elles
leurs larmes où doncsi je retiens je ne sais plus trier
le mot de l’ivraie
ma langue se défait défaille me dédit
m’encombre s’affole se fige
s’onomatopéïse
piétine balbutie turlupine
se débraille inconvenante
on me dit méchanteje me nulle
me désolidarise de moi-même
ma peau fourvoyée se flamme
faut me cacherme sortent tatouées les émotions maltraitées
je me couche pour la bienséance du monde
car
j’ai un corps qui s’exclame
on n’aime pas trop les corps par ici
d’autant moins lorsqu’ils s’expriment dans leur langue
qui comme chacun sait est une langue barbare
tu ne peux pas encore savoir
tu es petite et ignorante
tu cries dans ta langue enfante
comme qui chanteraitchanter pas bien vu non plus
dans la rue par exemple par distraction
ou par insouciance surtout pas de
ou de spontanéité
on va t’enfermer maladie contagieuseet arrête de sautiller comme ça
c’est un lit pas un terrain de jeutoi non plus tu ne sais pas retenir
maladroite tu te rues engouée
alors que tu as des pores comme tout le monde
ça devrait pouvoir s’aérer avec une certaine éléganceque ta peau est délicate je l’aime son grain gamin
l’ai tant soignée rien à faire elle se flammec’est que l’on ne choisit pas son héritage
tu me portes en toi tout comme je t’ai porté en moi
nous sommes des mot-valiseselle se croit libre la mioche
excuses-moi si je ris non je t’assure je ne fais pas exprès
suis fatiguée laisse-moi
arrête de me harceler comme ça tu ne sais rien de moi
de mon histoire que tu porterasje me couche pour l’exemple
moins j’en fais et plus je me couche dedans
mais elle tend vers dehors petite branche naine vers la lumière
la vie en moi se couche oh oui tout doux tout doux
je m’enfonce mmmhhh c’est bon
je survole je glisse mmhhh
je somnole tout se tait tout senon mais là voilà qui se lève à nouveau je rêve
assez rêvé je n’ai pas demandé à rêver
juste dormir indolore
une bouillote oh oui une bouillotte ça fait du bien mmmhhhet ça continue couche-toi tu veux
l’autre avec ses petits cris là débout increvable
branches tordues vers la lumière et moi qui voulais somnoler
mmmmhhh somnoler
alors que débout vigilante qui va là sur le qui-vive
qui veux-tu qui aille là rien qui vailledes gens des mots s’étourdissant de redites
garrotant ton esprit et ses touches funambules
ses lumières ses éclairs ses éclats ses nuances
car
ils savent vivre savent comment faire
tout carré oui parfaitement
d’un jugement assuré
savent où commence et où se termine une pensée
point barre et à la ligne
dans nos périmètres sécurisés nous sommes rectilignes
nous exécrons le mouvement le changement le tempo
et les vagues
nous convient mieux un monde statique
nous entre nous
nous ainsi satisfaits du monde ma chère mon cher
et de nous-même on n’est pas des guignols
performant tout va bien très très bien
dans des bouches rassasiées de mots bien repus
assommant de Il FAUT d’un ton dégagéje me couche ça me fauche la chique
c’est vide qu’on cause et si c’est vide pour quoi faire
faut-il qu’on remplisse
pourquoi ça parle
comme pour comme si
de rien comme s’il n’en était
rien
comme s’il n’en restait pas moins que
rien
comme si n’étions-nous
tu parles sans écho
pourquoi ça parle comme pour
comme si de rien comme s’il n’en était
rien
comme si de rien d’être
sommes-nous sans écho tu parlesoui
je redoutes à chaque fois à nouveau y couler dans cette nébuleuse
et cette parole sans suite de son tout plein asséché
et ce son creux qui retentit à l’intérieur le dévale
sans fond sans face l’informe qui guette
le sens qui fuite par tous mes pores
en vrac sur le lit en manque d’agencementfatiguée
je me couche
on m’a fait vide
je ne sais plus quoi faire de ces quatre bras pieds mains jambes
je confonds ça fait huit je ne sais pas quoi en faire
et ces mots liquéfiés en dedans
mes bras pieds mains jambes qui en épongeant s’effilochentje me noie je prends l’eau
monte elle monte
me déborde
monte elle monte
me bouche les oreillesdormir
mais on me secoue on m’habite
elle m’habite debout làun bon shoot de mélancolie et tu vas voir comme tu te calmes ma belle
là ouf enfin docile
couchée bien aimableelle voulait élargir sa pensée par les mots
excuses-moi si je ris non je t’assure je ne le fais pas exprès
ne sais-tu pas que ça fait mal
ce n’est si souple que tu le crois la matière grise
ça pousse les membranes vers l’extérieur quand ça grabuge
un mal de chien encagé n’y songes même pasooooh ! un peu de silence à présent
toi et moi
on a nos petits secrets ça donne du charme
tu me ressembles que tu es jolie
tu me donnes envie d’ouvrir grand les yeux
dans mon beau miroir speculum
là toutes les deux allongées
réfléchies aimantesaliénées paisiblement
ça rime éternellement
ah non arrête
tu ne vas pas te remettre debout encore des questions
laisse-moi me reposer sois mignonne rasante la miochemais oui j’avais oublié tu parles toi aussi
et dire que c’est moi qui t’ai appris mais tu m’as échappé
et après que je cause et que je questionne
que je m’amuse à la tournoyer la faire claquer clapoter cette langue
dans les bulles de ma bouche et virevolter virtuose carrément
que c’est amusantque tu crois
souviens-toi de la voix de grand-père :
t’es comme toutes les bonnes femmes une emmerdeusec’est moelleux ici dans mon lit n’est-ce pas
restons-en là toi et moi
bien sûr pour les garçons c’est différent
je le dis pour ton bien
c’est tout un apprentissage que de parler en femelle
en son nom dans son sang en son seing
moi tu vois couchée pas même besoin de mots mondains
et pourtant j’avais un corps je croismaintenant que la dépossession est inoculée tu vas voir
la saveur du silence mmmhhhh comme une saignée
ça soulagebéante souris oui tu es mignonne
qu’ils imaginent toi face au monde couchée
on ne s’en sortirait pas autrement comment veux-tu
qui est-ce la grande personne là c’est moi et je te dis que : !
jusqu’à qu’on ne sache plus ce qu’on ressent et ce qu’on fabule
comme ça pour faire partie non pas participer non
appartenir
ooooh appartenir
ooooh je ne suis pas ma seule partie amputée moi
moi j’appartiens et je colle
je colle je colle je colle à
une image
devant le miroir je m’y essaie
je suis conforme soulagement je jolie
selon les jours j’y arrive
je décolle mes mots de mon corps
l’un après l’autre ça fait un peu mal
et les voilà sans corps
et à la place du corps des mots des images sur mon corps creux
et un grand bruissement général continu accablant confondantdonc
la vérité mon enfant que tu cherches tant dans les mots
tu peux toujours chercher
tu le vois bien qu’ils sont vides sans corps
souvent
tout ce vide entre noustu l’entends
ce silence
qu’aucun mot
aucune image aucune chose
allez parlons d’autre chose
je t’avais bien dit de te coucher mais non debout là
avec tes petits halte-là une contradiction !! je pointe !
tu crois changer quoi le monde ?
avec ta langue qui je thaumaturge j’abracadabre
s’y croit
full d’as abattu sur table nous révèle who’s whoa-t-on droit à un joker ?
met-là au rancart ta langue tu veux
somnolons ensemble
mmmhhhh
c’est bon le goût d’un blanc ça creuse le mystèreallez viens-là te coucher près de moi et laisses-moi rire dans ma barbe
car je me laisse pousser la barbe depuis que les hommes les mots tout ça
m’a passé
me voilà sorcière couchée
https://www.terreaciel.net/Silvia-Marzocchi
à lire aussi son entretien avec Claire Regy publié à la suite
une expo choc sur le féminicide
et une démarche extrêmement intéressante
Merci à Voix Dissonantes pour la découverte.
à 16 ans je lisais Les armoires vides, à 31, Se perdre, à 37, Le journal du dehors et ça me suffit pour dire que je suis très contente qu'Annie Ernaux soit nobelisée parce qu'avant tout elle est aussi une femme de parole, fidèle à ses belles convictions, véritablement engagée c'est à dire pas indifférente et sans mémoire...
Un écrivain que j'apprécie beaucoup est parti rejoindre d'autres cimes et vallées... Parti Déneiger le ciel avec sa Fée d'hiver...
Voir ma note de lecture à propos de Fée d'hiver :
http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2012/10/22/fee-d-hiver-d-andre-bucher.html
André Bucher, écrivain, paysan, planteur d'arbres est décédé à l’âge de 76 ans des suites d’une longue maladie à Montfroc dans la Drôme, entouré des siens.
Auteur de dix romans et deux récits publiés chez Sabine Wespieser puis aux éditions Le mot et le reste, il était regardé par François Busnel comme « l’un de nos meilleurs écrivains ».
Considéré comme l’un des tenants majeurs du nature-writing à la française, la nature n’était pas un décor mais un personnage central de ses histoires, dans lesquelles les hommes habitent un pays qui ressemble à celui de l'écrivain.
"De même qu’il existe une lutte à mener sur le langage, on peut être natif d’un pays, supposé enraciné – je préfère dire ancré – et le regarder mourir. On peut aussi venir d’ailleurs et en faire partie intégrante. On en revient à cette évocation des racines. Aériennes, souterraines, elles vous poussent ou vous retiennent. En soi, l’écriture propose un déracinement dans ce mélange permanent d’appartenance et d’exil. Ce qui explique mon obstination face à cet incessant flux et reflux, à vouloir planter, éclaircir, élaguer et non seulement abattre, mais remplacer, réparer même. Les arbres symbolisent la jonction, une symbiose adéquate entre ces pratiques."
À l’écart, son dernier ouvrage paru en 2016 est un récit (qu'il a écrit sur une demande de son éditeur Le mots et le reste) où l’auteur développe un ensemble de thématiques qui circonscrivent son univers. André Bucher prend la parole et partage sa vision sur le rôle de l’écrivain-paysan, son rapport au temps et aux saisons, l’enracinement au lieu et le déracinement pas l’écriture. Qu’est-ce qu’écrire sur la vallée du Jabron et passer d’une expérience particulière à une vision plus globale ? Au fil de ces textes, André Bucher revient sur l’écologie actuelle, le rapport que ce précurseur de l’agriculture bio entretient avec la nature, le lien qu’il tisse entre ces paysages où il évolue et son imaginaire. À l’écart dessine la géographie intime d’André Bucher, permet de mieux cerner son œuvre et porte au jour des questionnements actuels. Voir ici : https://lemotetlereste.com/litteratures/alecart/
André Bucher, entre terre et ciel, un documentaire de Benoît Pupier (2013, 2h09) :
Caroline Rémy, dite Séverine (1855-1929), aura été l’une des pionnières du journalisme et l’une des grandes figures de l’histoire des mouvements révolutionnaires. Disciple et amie de Jules Vallès, première femme à diriger un quotidien national, elle se lance à corps perdu dans la grande mêlée sociale de la « Belle Époque ». Sa plume, ardente et infatigable, n’aura de cesse de défendre le peuple face à ses ennemis : le capital et la bourgeoisie. Féministe, pacifiste et libertaire, d’une intégrité à toute épreuve, elle sera en première ligne de tous les combats de son temps.
Durant toute sa vie, Séverine a écrit plus de 6 000 articles dans de nombreux journaux : Le Cri du Peuple, La Fronde, Gil-Blas, L’Humanité, Le Figaro, etc. Dans ce recueil sont réunis ses textes les plus flamboyants. Au détour de ces pages apparaissent les grands et petits noms de l’anarchisme auxquels elle rend hommage, les innombrables batailles des femmes et du mouvement ouvrier, et le parfum de poudre et de révolte de ces années tumultueuses.
—
« D’avoir gardé le don précieux de s’amuser de tout, ou, mieux, de m’intéresser à beaucoup de choses ; de rire au soleil et de rêver aux étoiles ; d’enrichir ma vue de tout ce qui reluit, or ou cuivre, paillette ou paillon ; de garder fidèlement en ma mémoire le reflet de tout ce qui vit, de tout ce qui passe, je me suis constitué, pour toute l’existence, un trésor que les plus longs jours n’arriveront pas à épuiser. Mais j’ai travaillé beaucoup et je n’ai jamais été riche. C’est peut-être notre opulence, à nous, que la fraîcheur éternelle de la sensation et la saveur des rares instants de liberté. »
Séverine
https://fuegodelfuego.blogspot.com/2021/09/poemes-de-rosa-chavez-traduits-en.html
La chance de l'avoir vu hier soir, 90 mn de pur bonheur, j'aurais beaucoup à dire mais elle dit tout ce qui me turlupine (ha, ha, ha) depuis et au coup de ces derniers 35 ans ! Alors à chacun-e de se faire son opinion, s'il passe près de chez vous, foncez !
lhttps://www.facebook.com/ppo.spectacle/
Source : http://www.zones-subversives.com/2020/08/le-recherche-de-la-jouissance-feminine.html
Publié le 17 Septembre 2020
La sexualité peut rapidement devenir mécanique et routinière. Ce sont notamment les femmes qui ressentent de la déception sur le plan sexuel. La simulation de l’orgasme féminin reste bien connue et même popularisé par les médias. Pourtant, les pratiques sexuelles n’évoluent pas. Mais cette routine sexuelle n’est pas uniquement un problème individuel. C’est le produit d’une culture et d’une société. La pénétration vaginale de quelques secondes reste la seule figure de la sexualité au cinéma.
La recherche de l’orgasme prend différentes formes aux Etats-Unis. Les groupes de parole, la pornographie, la méditation orgasmique, la relaxation, les sex toys, le tantra sont explorés. Mais aussi le clitoris, le souffle, la connexion à l’autre, la solitude, le lâcher-prise permettent d’inventer une nouvelle culture. En France, des comptes Instagram, des podcasts et des sites sont consacrés à la sexualité et à la jouissance féminine. Le mouvement #MeToo a permis une libération de la parole politique et sexuelle.
Ce ne sont pas des recettes normatives mais des pratiques qui permettent surtout de légitimer les femmes dans une relation autonome à leur corps et à leur sexualité. Les mythes de l’amour et du prince charmant perdurent avec l’idée que ce sont les hommes qui doivent apporter l’orgasme aux femmes. Ce qui nie l’autonomie sexuelle des femmes, et met la pression sur les hommes. Les femmes se masturbent encore peu. Elles sont considérées comme passives. Cette culture sexuelle entrave l'accès des femmes à leur propre plaisir. La journaliste Sarah Barmak mêle reportages et réflexions dans son livre Jouir. En quête de l’orgasme féminin.
Culture de la répression sexuelle
Au sous-sol d’un Sex Shop de Toronto se déroule un groupe de parole. Des femmes de tous âges évoquent leur frustration sexuelle et leur absence de plaisir. Elles refusent de toucher leur sexe avec leurs propres mains. « Et c’est un secret qui s’aggrave avec l’âge : plus ces femmes vieillissent, plus il y a de chances qu’elles se résignent à faire le deuil de leur satisfaction sexuelle », confie Sarah Barmak. Mais ces femmes ont aussi peur de perdre le contrôle.
La révolution sexuelle s’amorce dans les années 1960. La contraception et l’avortement permettent de libérer la sexualité du risque de procréation involontaire. Désormais, les images pornographiques sont accessibles et même les clips musicaux multiplient les gros plans anatomiques. La nudité est même présente dans la rue sur les panneaux publicitaires. Mais si nous semblons libres en apparence, l’espace pour développer une sexualité individuelle reste limité. Beaucoup de femmes ordinaires ne ressentent aucun plaisir au lit.
Des courants culturels contestent les vieilles croyances sur la sexualité des femmes. La sexualité et la recherche du plaisir restent un mystère. « Je me suis demandé pourquoi la sexualité féminine est devenue un sujet très en vogue, alors même qu’elle semble rarement mieux comprise qu’à l’époque où elle était taboue », interroge Sarah Barmak. Le sexe reste un sujet très clivant en Occident. Les femmes sont soumises à des injonctions contradictoires. Elles doivent se montrer à la fois sexy et prudes. Les femmes sont humiliées lorsqu’elles expriment leur sexualité. « Mais l’omniprésence d’images hypersexualisées et très normées dans nos vies quotidiennes est devenue bien plus oppressante que libératrice », observe Sarah Barmak. La lutte féministe passe par la recherche de l’égalité sur le plan sexuel. Cette quête du plaisir passe par la libération du regard des autres.
Le clitoris et le plaisir féminin sont valorisés dans la région du Moyen-Orient et dans l’Islam médiéval. En revanche, les sociétés occidentales et chrétiennes dénigrent le corps des femmes. Le puritanisme s’impose jusqu’au XIXe siècle avec l’époque victorienne. Une épouse respectueuse doit se soumettre à un consentement passif. Sortir de ce cadre relève alors de la nymphomanie. Sigmund Freud dénigre le clitoris. Le psychanalyste considère l’orgasme vaginal comme le seul valable. Alors même que ce plaisir est provoqué par les frottements du clitoris.
En 1953, Alfred Kinsey lance une enquête sur la sexualité des femmes. Il montre la diversité des pratiques sexuelles et l’importance de la masturbation féminine. Ce qui écorne le modèle de la mère de famille américaine des années 1950. En 1976, la sexologue Shere Hite publie un rapport qui montre que 70% ne jouissent pas pendant le coït. En revanche, elles peuvent jouir avec une stimulation adéquate. Elles n’ont pas besoin d’un pénis ni même d’une autre personne pour ressentir l’orgasme. Shere Hite écrit un autre livre pour évoquer la pression excessive subie par les hommes sur leurs performances sexuelles. Mais, malgré son succès public, elle reste vivement critiquée par les médias.
En marge des recherches scientifiques, des groupes de lesbiennes explorent leur corps et leur sexualité. Ce qui permet de découvrir l’orgasme et l’anatomie féminine. Des groupes de féministes radicales, comme Gynepunk à Barcelone, critiquent le contrôle des médecins. Ces féministes pro-sexe veulent se réapproprier les savoirs gynécologiques. « Elles sont à l’aise avec leur corps et à leurs besoins physiques, plutôt sur le mode j’en-ai-rien-à-battre », observe Sarah Barmak. Le corps et l’anatomie féminine ont subit une longue histoire de répression et de désinformation.
Quête de l’orgasme
Les orgasmes ne se ressemblent pas d’une personne à une autre. Ce sont des expériences diverses et plurielles. Des points communs existent dans la description de l’orgasme : tension croissante, plaisir intense, sentiment de libération. Mais certaines personnes ne ressentent aucun relâchement au moment de jouir. D’autres trouvent que l’orgasme n’est pas forcément agréable. Mais la jouissance fait l’objet de peu de description. Au contraire de la gastronomie qui fait l’objet d’une analyse détaillée des diverses nuances de saveurs. L’orgasme conserve une part de mystère.
Si le plaisir masculin se traduit par l’éjaculation, l’orgasme féminin se révèle plus subjectif. Des expériences scientifiques observent les stimulis agréables qui proviennent du cerveau. Les stimulations sensorielles augmentent par paliers jusqu’à déclencher une explosion de plaisir. L’orgasme n’est pas un simple réflexe mécanique, mais provient de stimulations qui doivent rester agréables. L’orgasme reste une perception. Il provient de l’esprit et non des muscles. La jouissance masculine permet la procréation alors que l’orgasme féminin reste inutile, et donc peu étudié.
Des femmes dénoncent la course à l’orgasme. Le sexe n’est plus un moment agréable qui permet de se libérer du stress et des tensions accumulées. C’est un domaine dans lequel il faut évaluer ses performances. Pourtant, le plaisir repose sur l’abandon. Se demander si on est belle, si on fait bien les choses, si le partenaire est excité empêchent cet abandon. « L’orgasme nous est difficile parce qu’il nécessite une forme de capitulation. Une capitulation brève mais totale, qui n’est possible que si nous lâchons enfin les rênes que nous pensons devoir tenir d’un main de fer, à chaque instant », souligne Sarah Barmak. La pression de l’orgasme empêche de fixer son attention sur les sensations agréables, et empêche l’orgasme. « Laisser tomber les objectifs. Simplement apprécier ce moment. Prendre son temps », préconise Sarah Barmak.
One Taste, une entreprise de San Francisco, propose la méditation orgasmique. Cette pratique consiste à se focaliser uniquement sur les sensations de plaisir. Les caresses et la sensualité priment sur une sexualité mécanique avec ses obligations et ses conditionnements sociaux. Le désir et le plaisir sont valorisés. « Oui Messieurs, vous caressez pour votre propre plaisir, parce que c’est agréable au toucher, et pas parce que vous voulez obtenir quelque chose d’elle », indique un animateur. Néanmoins, cette pratique reste très codifiée et laisse peu de place à la spontanéité. Pour les tenants de cette méditation, la sexualité reste régie par de nombreux codes qu’il est possible de déjouer uniquement en imposant d’autres règles.
Les jeunes femmes qui luttent contre la culture du viol et participent à la Marche des salopes développent également de nouvelles pratiques. La pornographie féministe, des ateliers de masturbation, des massages de parties génitales expriment une autre approche de la sexualité. Ce sont surtout les jeunes femmes qui participent à modifier les comportements sexuels. La culture populaire accompagne et reflète ces évolutions de la société. La chanteuse Katy Perry parle d’embrasser une fille et d’aimer ça. « Dans la culture populaire, les femmes initient de plus en plus souvent les rapports sexuels, et restent aux commandes », observe Sarah Barmak. La sexualité féminine ordinaire dissimule tout un univers de non-conformisme et d’expérimentation.
La pornographie mobilise surtout une sexualité visuelle. Les autres sens, le toucher et le goût, sont niés. Pourtant, l’érotisme provient surtout d’une dimension charnelle et sensuelle. Le toucher et les caresses permettent de réveiller l’animalité. Mais la pornographie reste plus cérébrale et rassurante. Ce sexe en vidéo semble immédiat et désincarné. « Mais, ce sexe-là, il ne prépare ni les hommes ni les femmes à la rencontre avec un être humain, un être vrai et vulnérable. Il ne les prépare ni à se révéler dans leur propre corps imparfait, ni à se délecter de tous les plaisirs que ce même corps imparfait peut leur offrir », souligne Sarah Barmak. Néanmoins, le porno alternatif refuse les normes esthétiques et montre des vulves de toutes formes.
Révolution sexuelle
La recherche du plaisir sexuel n’est pas considérée comme un sujet sérieux par les féministes gauchistes. Les luttes pour l’accès à l’avortement, pour l’égalité salariale ou contre les violences faites aux femmes sont davantage valorisées. Le plaisir sexuel reste considéré comme secondaire par rapport aux urgences sociales et féministes. Pourtant, la question du bonheur et du plaisir ne doit pas être négligée. La notion de consentement affirmatif permet aux femmes de ne plus se soumettre aux exigences des hommes. Mieux connaître son corps, ses désirs, ses sensations de plaisir permet de mieux reconnaître les gestes brutaux voire douloureux.
Le carcan du sexe conventionnel reflète également des sociétés occidentales gangrenées par la culture du résultat. Le stress et les problèmes au travail empêchent de s’abandonner à la jouissance. « Si vous êtes surexposée au stress et que vous n’avez jamais le temps de vous poser, votre corps ne sera pas sur la bonne longueur d’onde pour faire l’amour », observe Sarah Barmak. Le sexe reflète la vie dans son ensemble.
Sarah Barmak propose un livre original. La journaliste propose des reportages sur différentes expériences sexuelles, parfois loufoques. Elle permet de montrer l’émergence d’une véritable contre-culture qui place le plaisir sexuel au centre de l’existence. Sarah Barmak propose une réflexion stimulante sur la répression sexuelle qui perdure dans les sociétés occidentales. La recherche de la jouissance se heurte souvent à la culture et à la société. Les femmes doivent se soumettre à des normes et des contraintes sociales. Elles peuvent davantage parler de sexe, mais pas de leur corps et de leurs désirs. Le stress, dans le couple ou au travail, empêche également de véritablement s’abandonner au plaisir. Sarah Barmak montre l’importance des conditionnements sociaux. Elle critique également la sexualité mécanique, peu à l’écoute de son corps et de ses sensations.
Néanmoins, son exploration des alternatives et des groupes thérapeutiques révèle ses limites. D’ailleurs, Sarah Barmak observe ces communautés avec un regard critique. Cette quête de l’orgasme rejoint les dérives des hippies voire des thérapeutes freudo-marxistes. Ces groupes veulent sortir des normes sociales en imposant de nouveaux codes, tout aussi contraignants. Les stages tantriques reposent sur tout un folklore et un ensemble de règles qui semblent peu regardant des désirs des individus. Sarah Barmak montre également comment cette quête de l’orgasme devient une pression supplémentaire qui empêche de ressentir les sensations agréables et de véritablement jouir.
Mais Sarah Barmak reste plutôt compréhensive à l’égard de ses expériences. Ces stages orgasmiques restent pourtant dans le cadre du développement personnel. La réussite d’objectifs individuels prime sur l’épanouissement collectif. Même les thérapies les plus bienveillantes semblent peu efficaces. Il évidemment possible d’apprendre à mieux connaître son corps et ses sensations de plaisir. Néanmoins, la lutte contre la répression sexuelle ne peut pas se réduire à une thérapie individuelle. C’est un changement de société qui s’impose. Pour sortir des conditionnements sociaux, il semble indispensable de détruire la logique capitaliste et patriarcale.
Seule une société sans classe et sans hiérarchie peut permettre la jouissance de chaque personne. Il semble également important d’en finir avec un monde qui impose la performance dans tous les domaines de la vie, au travail comme dans la sexualité. Contrairement à ce que pensent les gauchistes, le plaisir et le bonheur ne sont pas des accessoires. Ce sont les véritables objectifs d’une société communiste libertaire. La suppression de l’exploitation ne doit pas déboucher vers une autogestion du capital qui impose de nouvelles contraintes sociales. Une association libre de producteurs libres doit permettre de placer le désir et le plaisir au centre de l’existence.
Sarah Barmak, Jouir. En quête de l’orgasme féminin, traduit par Aude Sécheret, Zones – La Découverte, 2019
Merci à Voix Dissonantes
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m'envahit
in Les yeux d'Elsa