Ana Minski
in Les lézardes de feu
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in Les lézardes de feu
Cette vie, l’agrandir
par le corps réveillé,
l’infini paysage
qui nourrit le désir
de trouver un passage
et de reprendre pied.
L’agrandir par la mer,
par la vague et par l’aile,
par la voile et le vent.
L’inventer fraternelles
par les yeux grands ouverts
qui nous font plus présents.
in De chair et de mots
J'ai atteint le centre. J'écoute le battement d'on ne sait quelle horloge divine à travers la mince cloison charnelle de la vie pleine de sang, de tressaillements et de souffles. Je suis près du noyau mystérieux des choses comme la nuit on est quelquefois près d'un cœur.
in Feux
Et tu dors
Dans Uluru la porteuse
Maternelle de l'ocre semence
Des crépuscules
Où tu agites
Ton ombre
Là-bas sur la Grande Terre
Où tu n'es pas quelque chose
D'isolé mais un morceau non détaché
Du cordon ombilical
Des millénaires en cours
Là-bas Uluru dort
à ta place
et remplit le contrat initial
de rêver l'essentiel
Et son nombril est un tunnel d'étoiles
Vers l'âme unique de la matière
Et l'œil humide de l'amour
in Uluru
L'art nous fait appréhender le réel à travers une expérience subjective. Avec la science, la connaissance de l'univers évolue d'étape en étape, comme si elle gravissait les degrés d'un escalier sans fin, chacune réfutant souvent celle qui l'a précédée, au nom de vérités particulières objectives. En art, la connaissance est toujours une vision nouvelle et unique de l'univers, un hiéroglyphe de la vérité absolue. Elle est reçue comme une révélation, ou un désir spontané et brûlant d'appréhender intuitivement toutes les lois qui régissent le monde : sa beauté et sa laideur, sa douceur et sa cruauté, son infinité et ses limites.
in Le temps scellé
Je suis celui qui tend le filet et je suis l'oiseau ;
je suis l'image et je suis le miroir ;
je suis le cri et je suis l'écho.
Les pierres de ton jardin parlent plus haut que les passants
elles se réclament d'une ascendance qui remonte à la première caverne
quand deux silex détenaient le feu et qu'un vent pauvre
balayait les ronces d'un alphabet atteint de surdité
Les choses étant ce qu'elles sont
Il suffit de serrer une pierre dans ta main pour vibrer
avec la planète
détecter la fronde d'un volcan
le cri d'une montagne écroulée par une fourmi
(...) il pleure parce qu’il a oublié la dernière fois où il a pris l’initiative de la serrer dans ses bras pour l’embrasser, l’étreindre, ou pour lui murmurer une bêtise à l’oreille comme il le faisait si souvent jadis, il y a mille ans, comme on est censé le faire, comme on doit le faire, et plus souvent que souvent, parce que c’est la seule manière de traverser les forêts d’épines de la vie.
in Ton absence n’est que ténèbres
Chargez-vous aussi de pollen stellaire
pour les prairies de la terre;
et demain, lorsque s’y noueront
les roses sauvages de mes poèmes,
nous aurons des cynorrhodons aériens
et des semences sidérales.
in Traduit de la Nuit
À sa naissance, l’homme est faible et malléable. Quand il meurt, il est dur de chair et de cœur. Le bois de l’arbre qui pousse est tendre et souple. Quand il sèche et perd sa souplesse, l’arbre meurt. Cœur sec et force sont les compagnons de la mort. Malléabilité et faiblesse expriment la fraîcheur de l’existant. C’est pourquoi ce qui a durci ne peut vaincre.
Il a dévalé la colline
Ses pieds faisaient rouler des pierres
Là-haut, entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie
Il respirait l'odeur des arbres
De tout son corps comme une forge
La lumière l'accompagnait
Et lui faisait danser son ombre
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il sautait à travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil
Les canons d'acier bleu crachaient
De courtes flammes de feu sec
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il est arrivé près de l'eau
Il y a plongé son visage
Il riait de joie, il a bu
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il s'est relevé pour sauter
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Une abeille de cuivre chaud
L'a foudroyé sur l'autre rive
Le sang et l'eau se sont mêlés
Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil
Le temps de rire aux assassins
Le temps d'atteindre l'autre rive
Le temps de courir vers la femme
Il avait eu le temps de vivre.
De ce qui sort de la mine, quel est le plus précieux : le charbon, le fer, l'or ?
Non c'est l'homme.