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RÉSONNANCE & COPINAGES - Page 23

  • Ana Minski

     

    Combien sommes-nous à rêver le désencerclement
    l’ouverture des portes, le désenchaînement des pierres
    pour que surgisse enfin celle que nous nommons mère
    et qui n’est autre que l’heure magique de l’aurore.

    in Les lézardes de feu

     

     

     

  • Michel Baglin

    Cette vie, l’agrandir
    par le corps réveillé,
    l’infini paysage
    qui nourrit le désir
    de trouver un passage
    et de reprendre pied.
    L’agrandir par la mer,
    par la vague et par l’aile,
    par la voile et le vent.
    L’inventer fraternelles
    par les yeux grands ouverts
    qui nous font plus présents.

     

    in De chair et de mots

     

     

     

  • Marguerite Yourcenar

    J'ai atteint le centre. J'écoute le battement d'on ne sait quelle horloge divine à travers la mince cloison charnelle de la vie pleine de sang, de tressaillements et de souffles. Je suis près du noyau mystérieux des choses comme la nuit on est quelquefois près d'un cœur.

     

    in Feux 

     

     

  • Werner Lambersy

    Et tu dors
    Dans Uluru la porteuse
    Maternelle de l'ocre semence
    Des crépuscules
    Où tu agites
    Ton ombre
     
    Là-bas sur la Grande Terre
    Où tu n'es pas quelque chose
    D'isolé mais un morceau non détaché
    Du cordon ombilical
    Des millénaires en cours
     
    Là-bas Uluru dort
    à ta place
    et remplit le contrat initial
    de rêver l'essentiel
     
    Et son nombril est un tunnel d'étoiles
    Vers l'âme unique de la matière
    Et l'œil humide de l'amour

    in Uluru

     

     

  • Andreï Tarkovski

    L'art nous fait appréhender le réel à travers une expérience subjective. Avec la science, la connaissance de l'univers évolue d'étape en étape, comme si elle gravissait les degrés d'un escalier sans fin, chacune réfutant souvent celle qui l'a précédée, au nom de vérités particulières objectives. En art, la connaissance est toujours une vision nouvelle et unique de l'univers, un hiéroglyphe de la vérité absolue. Elle est reçue comme une révélation, ou un désir spontané et brûlant d'appréhender intuitivement toutes les lois qui régissent le monde : sa beauté et sa laideur, sa douceur et sa cruauté, son infinité et ses limites.

     

    in Le temps scellé

     

     

  • Vénus Khoury-Ghata

     

    Les pierres de ton jardin parlent plus haut que les passants
    elles se réclament d'une ascendance qui remonte à la première caverne
    quand deux silex détenaient le feu et qu'un vent pauvre
    balayait les ronces d'un alphabet atteint de surdité
    Les choses étant ce qu'elles sont
    Il suffit de serrer une pierre dans ta main pour vibrer
    avec la planète
    détecter la fronde d'un volcan
    le cri d'une montagne écroulée par une fourmi


     

     

  • Jón Kalman Stefánsson

    (...) il pleure parce qu’il a oublié la dernière fois où il a pris l’initiative de la serrer dans ses bras pour l’embrasser, l’étreindre, ou pour lui murmurer une bêtise à l’oreille comme il le faisait si souvent jadis, il y a mille ans, comme on est censé le faire, comme on doit le faire, et plus souvent que souvent, parce que c’est la seule manière de traverser les forêts d’épines de la vie.

    in Ton absence n’est que ténèbres

     

     

  • Jean Joseph Rabearivelo

     

    Chargez-vous aussi de pollen stellaire
    pour les prairies de la terre;
    et demain, lorsque s’y noueront
    les roses sauvages de mes poèmes,
    nous aurons des cynorrhodons aériens
    et des semences sidérales. 

     

    in Traduit de la Nuit

     

     

     

  • Stalker dans le film de Tarkovski

     

     

    À sa naissance, l’homme est faible et malléable. Quand il meurt, il est dur de chair et de cœur. Le bois de l’arbre qui pousse est tendre et souple. Quand il sèche et perd sa souplesse, l’arbre meurt. Cœur sec et force sont les compagnons de la mort. Malléabilité et faiblesse expriment la fraîcheur de l’existant. C’est pourquoi ce qui a durci ne peut vaincre.

     

     

  • Boris Vian - L’évadé

     

    Il a dévalé la colline
    Ses pieds faisaient rouler des pierres
    Là-haut, entre les quatre murs
    La sirène chantait sans joie

    Il respirait l'odeur des arbres
    De tout son corps comme une forge
    La lumière l'accompagnait
    Et lui faisait danser son ombre

    Pourvu qu'ils me laissent le temps
    Il sautait à travers les herbes
    Il a cueilli deux feuilles jaunes
    Gorgées de sève et de soleil

    Les canons d'acier bleu crachaient
    De courtes flammes de feu sec
    Pourvu qu'ils me laissent le temps
    Il est arrivé près de l'eau

    Il y a plongé son visage
    Il riait de joie, il a bu
    Pourvu qu'ils me laissent le temps
    Il s'est relevé pour sauter

    Pourvu qu'ils me laissent le temps
    Une abeille de cuivre chaud
    L'a foudroyé sur l'autre rive
    Le sang et l'eau se sont mêlés

    Il avait eu le temps de voir
    Le temps de boire à ce ruisseau
    Le temps de porter à sa bouche
    Deux feuilles gorgées de soleil

    Le temps de rire aux assassins
    Le temps d'atteindre l'autre rive
    Le temps de courir vers la femme
    Il avait eu le temps de vivre.