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RÉSONNANCE & COPINAGES - Page 24

  • Pat Ryckewaert

    Nulle autre qu’elle

    ne sait mieux l’amour

    et le nu du poème

    nulle autre qu’elle

    n'a de fourrure aussi profuse

    pour couvrir sa chair vive

    et son âme écorcée.

    Nulle autre qu’elle

    ne sait mieux la colère

    et le cri enfoui

    le chant des perdus.

    Elle se cache si bien

    en dessous de la bête

    qu'on est à les confondre.

    Nuls autres que la nuit

    et le vent des collines

    ne savent entendre sa plainte.

    Nul ne sait

    L’humeur labile

    l’anxieuse rumination

    la folle douleur qui l’étreint.

    Nul ne sait l’épine plantée

    entre les vertèbres de l’enfance.

     

    in À la folie

     

     

  • Myriam OH

    méfie-toi des gens sympas qui ne veulent que ton bien

    ne laisse jamais personne t’allumer à sa guise non plus

    laisse-toi tomber quand tu es fatigué

    laisse-toi aller au pathétisme

    il fait bon parfois filer un mauvais coton

    en bonne compagnie

    on entend mieux la lumière dans le noir

    et puis quand tu te sentiras

    fais-toi la douceur

    on n’a rien inventé de mieux quand les temps sont durs

    tu es né pour briller

    mais pas tous les jours mais pas par tous les temps

    fais-toi ce qu’il faut de taches de bosses de fêlures

    donne-toi le luxe du relief

    ne laisse jamais personne juger de ton éclat

    chacun avance par sa propre lumière

    les éclairages extérieurs ne sont que des points d’étape

    tantôt on est phare

    tantôt naufragé

    ne laisse jamais autre chose que ton cœur te guider

     

     

  • Eduardo Galeano

    Aucune guerre n’a l’honnêteté d’avouer : je tue pour voler.

    Les guerres invoquent toujours de nobles motifs, tuent au nom de la paix, au nom de Dieu, au nom de la civilisation, au nom du progrès, au nom de la démocratie et dans le doute, si tant de mensonge ne suffisait pas, voilà les grands médias prêts à inventer des ennemis imaginaires pour justifier la conversion du monde en un grand asile et un immense abattoir.

    Dans Le Roi Lear, Shakespeare avait écrit que dans ce monde les fous conduisent les aveugles et quatre siècles plus tard, les maîtres du monde sont des fous amoureux de la mort qui ont fait du monde un endroit où chaque minute 10 enfants meurent de faim ou de maladie curable et chaque minute 3 millions de dollars sont dépensés, 3 millions de dollars par minute dans l’industrie militaire qui est une usine de mort.

    Les armes exigent des guerres et les guerres exigent des armes et les cinq pays qui gèrent les Nations Unies, ceux qui ont le droit de veto à l’ONU se révèlent également être les cinq principaux producteurs d’armes.

    Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand la paix du monde sera-t-elle entre les mains de ceux qui font le commerce de la guerre ?

    Jusqu’à quand continuerons-nous à croire que nous sommes nés pour l’extermination mutuelle et que l’extermination mutuelle est notre destin ?

    Combien de temps encore ?
     
     

  • Lao Tseu

    Un souverain instruit dans la voie du Tao renonce à conquérir le monde par la force. Car il sait qu'à l'attaque succède la riposte. Là où sont passées les armées, ne restent que des ruines et ne poussent que des ronces. Les grandes guerres amènent des années de disette. C'est pourquoi l'homme éclairé se montre résolu sans tomber dans l'excès. Il parvient à ses fins mais n'en tire aucune gloire. Il mène à bien ses entreprises sans offenser ni détruire. Il agit sans orgueil et ne combat que par nécessité. Il ne trouble pas la grande harmonie. La force use celui qui l'utilise, car elle va à l'encontre du Tao. Et ce qui va contre le Tao va à sa perte.

     

    in le Tao Te King

     

     

  • Kathy Acker, cannibale littéraire

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    L’écrivain postmoderne Kathy Acker est morte le 29 novembre 1997, le corps ravagé par le cancer. Elle est morte dans une clinique qu’elle était allée chercher au Mexique pour y suivre un traitement alternatif. Ce n’est que très récemment qu’elle avait subi une double mastectomie et pour diverses raisons, certaines d’ordre financier, elle s’était détournée des traitements modernes, la chimiothérapie ou l’ablation du sein par exemple, pour choisir des traitements naturels.
    Kathy Acker naît en 1944 et grandit New York dans une riche famille juive allemande. Son père quitte sa mère avant qu’elle naisse, il résulte une relation difficile entre elle et sa mère, et elle se sent toujours marginale dans une famille bourgeoise. À dix-huit, sa famille lui coupe les vivres. Au début des années soixante, elle suit des cours de littérature à l’université de Boston et en Californie. Elle emménage ensuite à New York et y travaille un temps comme strip-teaseuse pour subvenir à ses besoins. Parallèlement, elle fréquente assidûment la scène littéraire et poétique de St. Mark’s Place. Cette combinaison impossible signifie qu’elle est toujours déchirée, vivant une double vie, dans deux Moi différents. À cette époque, elle ne trouve pas sa place dans la culture hippy émergeante qui déteste tout ce qui ressemble de près ou de loin aux homosexuels, dealers, travestis, prostituées et autres déviants. Elle écoute le Velvet Underground, travaille sur la 42e rue, n’est jamais très loin du milieu d’Andy Warhol et de la faune de la Factory en général. Sa mère, qui s’est remariée tardivement, se suicide au milieu des années soixante-dix. Il semble que ce drame joue un rôle important dans son écriture, mais aussi dans sa vie. Au début des années 70, elle vit à San Francisco, puis va à New York et déménage à Londres au cours des années 80. Un petit scandale éclate lorsqu’on l’accuse de plagiat pour une histoire écrite sur Toulouse- Lautrec dans Young Lust, dans laquelle est incluse une petite partie déconstruite à partir du Pirate de Harold Robins. En 1986, son roman Sang et stupre au lycée est interdit en Allemagne sous couvert de protection de l’enfance. Mis à part les thèmes de l’inceste et du sadomasochisme, le fait que ce roman n’ait prétendument pas de sens a beaucoup ulcéré et déconcerté les censeurs qui, choqués, lui reprochaient ses incorrections grammaticales, dessins, calligraphie, extraits en persan, confusion entre rêve et réalité et l’incohérence générale du récit. À son retour à New York en 1990, Kathy Acker prend brutalement conscience du fait que le milieu de l’art expérimental et avant-gardiste dans lequel elle a grandi s’est fissuré et a disparu sous la pression du conservatisme politique et des intérêts commerciaux de l’art officiel. Une fois de plus, le milieu de l’art est dominé pas les hommes et les blancs, ce pour quoi elle le critique. Il est désincarné et a pratiquement disparu. Elle s’établit alors à San Francisco. Au cours de sa carrière, elle publie nombre de livres influents et brillants, dont Sang et stupre au lycée [Blood and Guts in High School], Empire of Senseless, Don Quichotte [Don Quixote], Grandes espérances [Great Expectations], Kathy Goes to Haïti, Pussy, King of the Pirates et bien d’autres.

    Kathy Acker est un écrivain post-beat et féministe unique et irremplaçable […] Elle est morte l’année tragique qui a également vu disparaître William Burroughs et Allen Ginsberg.

    Hormis Burroughs, Kathy Acker fut très influencée par la philosophie française, le féminisme particulièrement, et connaissait très bien Bataille ou Sade (que la plupart des féministes trouvent douteux). Mais, comme elle disait, ce n’est qu’après avoir lu L’Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari, ainsi que certains travaux de Michel Foucault qu’elle a finalement compris la théorie sous-tendant ce qu’elle faisait par intuition. C’est alors seulement qu’elle a pu mettre des mots sur son travail, comprenant que d’autres expérimentent et pratiquent le même mécanisme de pensée schizoïde qu’elle-même. […]

    L’étiquette de pseudo plagiaire que l’on attribue à Kathy Acker vient d’une technique narrative par laquelle elle s’approprie des textes, partant de différentes sources, et procède à leur déconstruction en jouant avec eux, modifiant, coupant, recomposant, réécrivant et éclatant les originaux. Elle sépare, coupe et insère les textes dans des contextes différents, changeant les sexes et chamboulant l’ordre. Mais là encore cette tentative n’est pas le seul fait de Acker, ainsi Nova Express de William Burrouhs utilise des cut-ups de Shakespeare, Rimbaud et Jack Kerouac.

    Ayant passé son adolescence à New York, Kathy Acker connaissait très bien la scène du cinéma underground et expérimental. Elle s’est mariée avec le compositeur de musique expérimental Peter Gordon. De ce point de vue, le travail d’écrivain de Kathy Acker peut-être comparable à celui d’un cinéaste ou d’un musicien. De nombreuses techniques qu’elle utilise proviennent de ces médias, qu’elle applique ensuite à ses textes. Ainsi du montage, cut-ups, sampling, surimpression, postsynchronisation et le refus de la linéarité. Un temps, alors qu’elle habitait Londres, Kathy est devenue amie avec Genesis P-Orridge (de Throbbing Gristle et Psychic TV). Ils s’attaquaient ensemble à cette société imprégnée d’une sorte de sadomasochisme qui pousse les hommes à désirer leur propre répression, via la publicité, la variété commerciale et le christianisme. Où la répression du désir, la culpabilité et l’instinct de mort semblent infecter tout ce qui existe. […]

    Les féministes devraient-elles brûler Kathy ? Kathy Acker est presque toujours restée étrangère au mouvement féministe. Sa marginalité l’a quelque peu mise en porte-à-faux avec le féminisme dans ce qu’il peut avoir de plus prude. Lors d’une interview radiophonique, elle a déclaré avec désarroi que la féministe allemande Germaine Greer avait reproché à l’une de ses amies de porter des chaussures sur lesquelles était inscrit « Fuck Me ». Elle avait l’habitude d’aller dans les librairies et de dessiner des pénis dans les livres de la féministe radicale (c’est ainsi qu’on l’appelle) et militante anti-pornographie Andrea Dworkin. Elle était l’une des ses « principales bêtes noires ». […] Les féministes qui ont influencé Kathy Acker sont entre autres, Luce Irigaray, Elizabeth Grosz et Judith Butler.

     

    Paroxysm, novembre 2002
    Traduit par Norbert Naigeon

    Source : https://www.editions-laurence-viallet.com/cahier/en-memoire-de-kathy-acker-robert-lort/

     

    écouter aussi :

    https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-poetes/du-cote-de-chez-kathy-acker

     

     

     

     

     

  • Kathy Acker

    Pas d'imitation, pas d'assimilation, pas de demi-mesure dans la poésie. S'emparer, ingurgiter, arracher, dévorer, digérer, recracher. La cannibale littéraire dévore la chair d'un texte pour en faire quelque chose d'autre. Lire, dit-elle, est un acte sauvage, créer est un acte cannibale. Un texte est un corps résistant, puissant, dégoulinant et la poésie n'est pas un monument. C'est un lieu d'échange, c'est un grognement, un bousculement, un hurlement, ce sont des tripes pétries, des larmes en argent, c'est un acier tranchant, un métal brûlant. La poésie n'est pas un monument.

     

     

  • Rabindranath Tagore

    Partout sur cette terre, l'esprit du Paradis veille et fait entendre sa voix. Il atteint notre oreille intérieure sans que nous le sachions, il donne le ton à notre harpe de vie, dont la musique envoie notre aspiration au-delà du fini, non seulement en prières et en espérances, mais en temples qui sont des flammes de pierre, en peintures qui sont des rêves immortalisés, en danse qui est méditation extatique au centre immobile du mouvement

     

    in Le sens de l'art

     

     

     

  • Mathieu Slama - Adieu la liberté Essai sur la société disciplinaire

    Après l'autorisation de sortie, le pass sanitaire, le pass vaccinal voici maintenant le certificat de rétablissement valable 4 mois...... je m'exprime rarement et encore moins publiquement sur ce que nous font vivre covidoux/covidur mais surtout ses marionnettistes, estomaquée la plupart du temps par l'enchainement qui ne laisse place à aucun recul et voudrait par-dessus le marché (de la finance) nous interdire toute réflexion, avec ça le nauséabond de l'approche à pas de fourbes des élections.... Étymologie : XIe siècle, eslire, « choisir ». Emprunté du latin populaire "exlegere", réfection, d’après legere, du latin classique eligere, « arracher en cueillant, choisir, trier, élire ». Choisir, trier.... On voit bien à quel point élire a été vidé de sons sens, car si personnellement je pouvais réellement choisir et trier, ils dégageraient tous.... Bon, suis tombée ce matin sur ce bouquin, je ne l'ai pas lu mais il a le mérite d'exister, souffle d'air, je mettrais un bémol sur le mot "science" et je remplacerais par "le casino de la science".... Cette disparition de la liberté ne date pas de 2020, elle est progressive, insidieuse et planifiée depuis bien plus longtemps.... Je ne suis donc pas surprise, loin de là, les années 80 commençaient déjà à sonner le glas en nous endormant sous des couches et des couches de consommation, nous avions obtenu trop de marge, nous les peuples "libérés" de l'après-guerre mais l'accélération des deux dernières années ceci dit m'a prise de court comme bon nombre d'entre nous, je n'en ai pas perdu pour autant ma capacité à observer et réfléchir...
     

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    "La crise du Covid-19 a révélé un nouveau totalitarisme « soft » fondé sur une idéologie du « safe ». Dans cet essai incisif, Mathieu Slama analyse les faits et les mots qui ont fait croître l'acceptation de la servitude chez un peuple pourtant réputé rebelle depuis la Révolution.
    Avec l'assentiment d'une majorité de Français, une société de l'ordre et de la surveillance s'est installée ; la démocratie est devenue management, le politique s'est effacé devant la science et les citoyens libres se sont transformés en population docile à discipliner.
    Une éclipse de la liberté préparée de longue date par des renoncements successifs, rendant inéluctable l'avènement, comme l'écrivait en 1977 Gilles Deleuze, de "ce néofascisme, qui est une entente mondiale pour la sécurité, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d'étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma". "