Lily Seika Jones
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J’habite la lumière où mes mots
font un bruit de chevaux emballés.
PRÉPARATIFS DE DÉPARTS
Parmi les branches tremblantes
La visage de l'orage se montre.
Mais dans tes yeux revient la lumière.
ici il y a des îles très belles
Elles ont des boucles. Elles savent sourire,
Un navigateur passe, les salue.
Et longtemps encore leur crépuscule persiste
Parmi les églantiers ou les groseilles.
Arrêt aux frontières du sommeil
Là où les troupeaux se mirent dans les nuages
Et les bergers effrayés en même temps que les bateliers
Lisent les destins tracés par la foudre.
Les montagnes se regarderont-elles face à face ?
Ou seulement les eaux reposées dans les tuyaux de la
ville ?
Et pourtant les fleuves
Mourront comme des volailles ;
Des grandes forêts, les parfums
S'en iront vers les scieries avec les arbres.
La nuit essayera les fenêtres
Elle y mettra des cadenas de pluies
Il y aura des vents plus grands que les villes,
Des oiseaux becquetteront tes larmes.
Sauras-tu alors ramasser les paroles
Comme des ailes, en toi-même
Et ton cri écraser le silence
Comme un vin dans le grain de raisin ?
Mais seule, la voix restera
Comme le sel d'une mer assassinée.
Et les murailles s'en iront dans la nuit
Comme des barques détachées des rivages.
in Patmos, 1977
Quarante ans d’écriture pour dire une seule et même chose, tenter de dire. Empêchée de vivre, empêchée d’être, bonzaï abandonné. La forme n’a pas plu, le fond sera, et pour toujours, délibérément ignoré. Le reste ne sera que la même et minable pièce jouée et rejouée devant une salle vide. Pas qu’une impression, pas une illusion : je ne suis pas comme vous, les autres, la plupart en tout cas. Je suis la tache indélébile qui ne part point. Quarante années de tentative d’intégration et l’ombre qui n’a cessé de me grignoter, l’araignée avide de ma non-existence. J’ai beaucoup essayé, différemment essayé, je suis épuisée. Asséchée, non, des océans de larmes encore disponibles et un amour, amputé de tous ses membres mais pugnace. J’ai le cœur tabassé, la peur jusque sous les ongles, respirer devient de plus en plus laborieux. Je suis une cible parfaite, une autoroute pour vos jugements, vos médisances, votre intolérance. Et je vous juge et vous déteste pour le mal que ça me fait. I’m lost since ever. Une cible idéale pour conforter votre normalité. Je n’ai jamais été protégée, balancée molle et nue dans ce monde de marteaux, de pilons, de rouleaux compresseurs. Mais quelque chose en moi cependant vous terrifie, quelque chose à massacrer, à détruire. Je n’ai jamais été protégée de vos mensonges, manipulations, ignorance. J’ai tout pris de plein fouet, l’âme trouée comme une lune, martelée. Et comment ne serais-je pas polie avec autant de coups ? Miroir. Je vous renvoie ce que vous êtes, pas ce que je suis, je n’ai jamais été. Juste dépouillée continuellement de l’intérieur, par l’ordre de ne pas être. Rebelle pourtant, oui rebelle de toute mon âme, le cœur brisé.
cg in Ourse bipolaire