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  • Mythologie celte : déesses, fées et druidesses du paganisme matriarcal

     

     

    La mythologie celtique présente la particularité de n’avoir qu’un unique principe divin féminin. Dans la littérature mythique et dans la toponymie, différentes déités importantes en sont les émanations.

    Le souvenir d’une ère matriarcale

    Comme dans la mythologie grecque (Jason & Médée, le matricide d’Oreste…), les légendes celtiques relatent souvent les conflits et tragédies résultant du passage du matriarcat "primitif" au patriarcat du "progrès". Elles témoignent de cette nostalgie d’une ancienne ère révolue, paradis perdu sous les traits du monde de Féérie, le Sidh ("l’autre monde", ou monde des esprits, car il n’y a ni enfer ni paradis chez les païens), univers parallèle ou sous les eaux, et par delà les océans, royaumes où règnent les puissantes fées, îles merveilleuses des femmes, de la jeunesse et de l’abondance, où le temps et la souffrance ne sont plus.

    Merlin et les fées : ce court extrait du téléfilm Merlin montre ce qui transparaît, dans la mythologie celte, de l’antagonisme entre l’ancienne tradition matriarcale païenne, et la nouvelle tradition patriarcale chrétienne.

    Les fées matriarches de "l’autre monde"

    Le pays des fées est fondamentalement d’essence matriarcale. En témoignent ces nombreuses fées et Dames du Lac (qui donna l’Épée au roi Arthur), le plus souvent non mariées (supposées et dites "vierges" comme Diane-Artémis), qui séduisent et collectionnent les mortels valeureux. Malheur à qui osera rejeter les avances de ces dames. Les plus chanceux se verront expédiés dans "l’autre monde", lors d’une chasse, poursuivant un gibier magique, un animal blanc surnaturel (biche, cerf, sanglier… un animal totémique, héraldique, sacré), qui les attirera au travers d’une porte invisible du Sidh, afin qu’ils y réapprennent les bonnes manières amoureuses envers les femmes.

    Les Thuatha de Danann, fils de Dana

    Le panthéon celtique est peuplé de nombreuses femmes telles que Brigit, déesse-mère de tous les dieux. Elle règne sur les arts, la guerre, la magie et la médecine. Mais aussi Dana, la mère primordiale de l’ancienne race elfique des Tuatha Dé Danann (fils de Dana). Ce sont des dieux, des déesses, des héros et des magiciens (Bansidh). Ils maîtrisent le druidisme, le savoir et les arts. Ils vinrent d’îles merveilleuses au nord du monde, pour régner sur l’Irlande jusqu’aux invasions Aryennes des Milésiens (celtes venus par l’Espagne en 500 av-JC). Les Tuatha Dé Danann retournèrent en partie sur leurs îles, et ceux qui restèrent se cachèrent dans des palais sous les vertes collines. Ils s’appelèrent alors les Daoine Sidh, ou Peuple des fées, du latin fata (destin), ou du Gaélique faé (vaincu). Ce détail étymologique semble confirmer que c’est bien un peuple matriarcal, les fées que les envahisseurs aryens celtes ont vaincus, en conquérant l’Irlande. Ériu (ou Erin, Eri) est une déesse souveraine de l’Irlande. Elle faisait partie des Tuatha Dé Danann. Déesse éponyme de l’Irlande, tout comme ses sœurs Banba et Fotla. Elle devient la personnification de la nation irlandaise qui prendra son nom : Eire.

    Dana, déesse-mère celtique de la Terre

    Elle est l’équivalent celtique de la très populaire Gaïa. À elle seule elle représente plusieurs aspects des deux déesses terrestres Gaïa et Déméter. Elle est la mère des dieux et des humains, le « peuple de la déesse Dana » ou « Tribu de la déesse Dana » les Thuatha de Danann portent encore et toujours son nom. Elle peut-être Dana, Danu, Ana, Anna, Anu, Dôn. Déesse Mère de la terre d’Irlande, mais elle est la Terre. Elle est la mère de toute vie, autant chez les dieux que chez les humains. Son nom est si ancien, qu’on en a oublié d’où il vient. Quoi qu’il existe quelques pistes, quelques liens, de ceux qui la relient à la Diane des romains, à cette Sainte-Anne mère de la Vierge Marie mère de Jésus. Les déesses celtes sont nombreuses à avoir été avilies où réduites au statut de sainte, selon ce qui arrangeait les « romanciers » qui réécrivent l’histoire biblique de Jésus. Dana, cette grande divinité irlandaise, mère mythique de la dernière génération des dieux (dans les mythes, légendes et contes qui nous sont parvenus) qui régnèrent sur l’Irlande; les Tuatha de Danann, a laissé son nom à des rivières et aux collines jumelles nommées « Dé Chich Anann » (les seins d’Anu).

    Chanson pop celtique, "Fille de Dana", interprétée par Nolwenn

    Des fées aux prêtresses

    Dans la mythologie celtique irlandaise, une Bansidh (prononcer bannshi) est une "femme du Sidh", c’est-à-dire de l’Autre Monde, une messagère des dieux. Si la documentation nous provient essentiellement de la littérature irlandaise médiévale, cette déité est pan-celtique ; on la retrouve notamment au Moyen Âge sous le nom de banshee et en Bretagne sous le nom de Marie Morgane, dans une forme altérée par le folklore. Ne pouvant survivre en tant que telle à la christianisation, la Bansidh deviendra au niveau du folklore, une fée, une sorcière ou une guérisseuse. Les fées sont des incarnations de la Déesse-Mère ou des druidesses.

    Systématiquement, les récits insistent sur leur jeunesse et leur beauté, leur irrésistible pouvoir de séduction. Leur magie est plus puissante que celle des druides pour les affaires d’amour. Elles servent d’intermédiaire entre les dieux des Tuatha Dé Danann et les hommes. Parfois elles accordent leurs faveurs à des hommes, s’ils en sont dignes, c’est-à-dire à des héros ou à des guerriers émérites, et les emmènent avec elles, dans la « Plaine des Plaisirs », Mag Meld, un autre nom du Sidh.

    La fonction sacerdotale de la femme celte : les druidesses

    Velleda, druidesse et guerrière

    On a toujours entendu dire qu’il n’y avait pas de femmes chez les druides, seuls les hommes, étaient admis. On trouve beaucoup de controverses quand à la possibilité que les femmes aient pût, un jour être Druidesses. Cependant, dans la tradition celtique se trouvait une catégorie ouverte au, sexe féminin. Appelées BanduaidBanfhlaith ou Banfhilid, les Druidesses (tout comme les vestales Romaines) étaient gardiennes du feu. On retrouve dans le dinnsenchus de Rennes une description fort complète de leurs actions.

    A l’origine, les tribus Celtes vénéraient de nombreuses divinités féminines, et des femmes étaient au service de leur culte. Enfin, à l’avènement du patriarcat, les hommes se sont attribués leurs fonctions rituelles, et ont crées la grande caste sacerdotale. Mais jamais les femmes n’abandonnèrent leur cultes, et continuèrent à servir les Déesses Celtes.

    La classe sacerdotale des Celtes était ouverte aux femmes et plus particulièrement la fonction de prophétie, assumée par les vates (voir par exemple les Gallisenae de l’Île-de-Sein). Le vate, dans la société celtique protohistorique est un membre de la classe sacerdotale, au même titre que les druides et les bardes. Le vate est un devin, il s’occupe plus particulièrement du culte, de la divination et de la médecine.

    On observe dans la culture Druidique et dans la philosophie religieuse pré-chrétienne une prédominance de la figure féminine. Elle est un personnage central qui jouit d’une position forte. Parmi toutes ses figures, la Déesse Mère est la plus importante. Elle est le symbole de la connaissance et de la liberté, l’axe moral de la société Celte. Ce n’est pas un hasard si dans la mythologie Irlandaise la souveraineté porte les traits d’une femme. Cette mythologie comporte depuis son origine une majorité de Déesses, et toutes ses figures féminines qui présidaient à l’agriculture et aux arts ont su et sauront toujours garder leur place.

    Des romains fascinés

    Tacite mentionne l’existence de plusieurs femmes Druides qui vivaient sur l’île de Mona (ou Anglesey au Pays de Galles) en compagnie de guerriers celtes : ”Sur la plage, une troupe de soldats etaient cernés par un groupe de Druides qui criaient des formules et des maledictions. Les Druidesses participaient à ce rituel magique destiné à les maudire.

    Selon le géographe latin Pomponuis Mela (1er sc aps J.C) les Druidesses de l’île de Sein au large des côtes d’Armorique avaient le pouvoir de “commander les flots a travers leurs chants, de se transformer en animal, de soigner les maladies les plus insidieuses et de prédire l’avenir aux gens qui leur rendaient visite”. Des documents romains témoignent de l’habileté des Druidesses, “ces femmes à la fois pretresses et prophétesses maîtrisant la magie sur les éléments”.

    Des druidesses célèbres

    La mythologie compte beaucoup de Druidesses: Aoife, Birog, Bodmall, Fionn, Fidelma… Le rôle de ces magiciennes est l’initiation guerrière et sexuelle des héros. Le grand Druide Gàine, qui se trouvait en réalité être une femme, est à ce titre exemplaire, car il confirme la place importante des femmes Druidesses dans la société celte et le pouvoir dont elle jouissait sur le peuple.

    Velléda fut une Druidesse-prophétesse de la tribu des Bructères (tribu d’origine teutonique) qui vécue à l’époque de l’empereur Vespasien (69-79 après J.C). Elle dominait un vaste territoire et était l’objet d’une profonde vénération. Son rôle oraculaire était si important que son influence s’étendait jusqu’à la sphère politique.

    Tacite disait encore "qu’il était interdit a quiconque d’approcher Velleda ou de s’adresser à elle, comme pour souligner la vénération qui lui etait due. Elle restait emmure dans une haute tour, d’ou un membre de sa famille tachait de transmettre les questions et les réponses, comme s’il agissait d’une meditation entre une Déesse et une adoratrice. Beaucoup l’on tenue longtemps pour une divinité. Mais avant elle, ils ont aussi vénéré Aurinia et bien d’autres encore. Ce n’était pas par flagornerie ni d’en l’idée d’en faire des Déesses."

    Dans la mythologie celtique irlandaise, Tlachtga est une druidesse (bandrui, ce qui signifie « femme-druide »), réputée pour la puissance de sa magie. Scathach Uanaind est une magicienne puissante et redoutable qui demeure en Écosse, certains textes évoquent l’île de Skye. Selon le récit Le meurtre du fils unique d’Aifé, Scathach est aussi la sœur d’Aífé (fille d’Ardgeimm). Elle-même initiatrice des plus valeureux guerriers, experte en magie, dans l’art de la guerre et du sexe, elle commande une bande de femmes qui éduquent les héros. Aífe est à la fois une magicienne (druidesse) et une guerrière qui réside en Écosse. Elle est en guerre avec Scáthach pour le commandement d’une armée de femmes. Le héros Cúchulainn la vainc lors d’un affrontement et lui demande de respecter trois vœux : faire la paix avec sa rivale, accepter la suprématie de Scáthach et lui accorder « l’amitié de sa hanche », ce qui donnera naissance à un fils, Conla (ou Conlaech).

    Et pour finir, une description de Fidelma dans le Tain, la saga Irlandaise : "Elle avait les cheveux blonds. Elle etait enveloppee dans un manteau aux couleurs bigarrees ferme par une broche en or, et portait une tunique rouge couverte de broderies et dotee d’une capuche, ainsi que des sandales aux fermoirs dores. Son front etait large, son menton fin, la courbe de ses sourcils etaient noire et elle avait des cils noirs delicats qui jetaient une ombre sur son visage jusqu’au milieu de ses joues. Si tu l’avais vue, tu aurais cru que ses levres etaient rouges sang. Ses dents etaient comme une rangee de bijoux entre ses levres. Elle rassemblait ses cheveux en trois tresses, deux d’entre elles entouraient sa tete, tandis que la troisieme descendait le long de son dos et venait caresser ses mollets. Elle tenait dans une main un baguette legere de formes entrelacees et sertie d’or. Ses yeux avaient trois iris. Des chevaux noirs trainaient son char, et elle même etait armée."

    Pages connexes :

     

    Source : http://matricien.org/matriarcat-religion/paganisme/mytho-celte/

     

     

  • Marija Gimbutas, archéologue et préhistorienne de l’ère matristique

     

    Marija Birutė Alseikaitė ou Marija Gimbutienė, généralement connue comme Marija Gimbutas est née le 23 janvier 1921 à Vilnius et morte le 2 février 1994 à Los Angeles, Californie, USA. Elle est une archéologue et préhistorienne américaine d’origine lituanienne.

    La culture préhistorique de la déesse

    Durant quinze ans, Marija Gimbutas effectue des fouilles archéologiques dans le sud–est de l’Europe méditerranéenne, révélant au monde l’existence d’une civilisation pré-indo-européenne dénommée « culture préhistorique de la déesse », ayant existé à partir du Paléolithique et perduré plus de 25 000 ans. Le langage de la déesse (titre original : The language of the Goddess, 1989), La civilisation de la déesse (1991), Déesses et dieux de la vieille Europe (1974) comptent parmi ses œuvres majeures, qui lui valent une renommée posthume mondiale. Le langage de la déesse est également le titre d’une exposition qui lui fut consacrée en Allemagne au musée Frauen à Wiesbaden en juin 1993.

    L’hypothèse kourgane : l’avènement du patriarcat

    En 1956, M. Gimbutas publia son hypothèse kourgane, fondée sur le rapprochement de la linguistique comparative et des données archéologiques recueillies lors des fouilles des tumulus de la culture kourgane d’Asie centrale, et destinée à lever un certain nombre d’énigmes relatives aux peuples locuteurs du proto-indo-européen (PIE), qu’elle proposa d’appeler « kourganes » (c’est-à-dire peuple des tumulus des steppes) ; il s’agissait de proposer une origine et une route de migration des proto-indo-européens vers l’Europe. Cette hypothèse, par le rapprochement entre plusieurs disciplines, exerça un impact considérable sur la science préhistorique.

    Des cavaliers conquérants

    Marija Gimbutas identifie la culture des kourganes à l’habitat originel des Indo-Européens. Cette culture du Mésolithique située entre la Volga et les fleuves de l’Oural se distingue par la domestication précoce du cheval. La mobilité ainsi gagnée aurait créé des groupes de cavaliers combattants, et aurait conduit à des formes de société dites patriarcales. Entre -4500 et -3000, les Indo-européens, ce « peuple de cavaliers », auraient pénétré en plusieurs vagues successives dans la région du Dniepr, l’Ouest de l’Ukraine et la Moldavie. Ils auraient transformé la culture de type agricole existante, et se seraient établis en tant qu’aristocratie dirigeante, imposant leur langue. Cette conquête de l’Europe par la culture des kourganes serait caractérisée en archéologie par la culture rubanée et par la Culture des vases à entonnoir.

    Succès bibliographiques

    De façon inattendue, Gimbutas connut la faveur du grand public grâce à ses trois derniers livres : Dieux et déesses de l’Europe préhistorique (The Goddesses and Gods of Old Europe, 1974); Le langage de la déesse (1989, thème d’une exposition au musée de Wiesbaden), et La Civilisation de la déesse (The Civilisation of the Goddess, 1991), qui passe en revue ses recherches sur les cultures néolithiques d’Europe : l’habitat, les structures sociales, l’art, la religion et la nature des savoirs.

    Du collectivisme égalitaire et pacifique à la société hiérarchique et guerrière de castes

    Dans La Civilisation de la déesse, Gimbutas formalise son analyse des différences entre la société européenne primitive, selon elle de type matriarcal et articulée autour du culte d’une déesse mère, et la culture patriarcale (ou « androcratique », pour reprendre l’hellénisme de l’auteur) de l’Âge du bronze qui finit par la supplanter. Selon son interprétation, les sociétés matricarcales (« gynocentrique », « gylanique » pour reprendre les mots de Gimbutas) étaient pacifiques, révéraient les homosexuels et favorisaient la mise en commun des biens. Les tribus patriarcales des kourganes auraient, en migrant vers l’Europe, imposé aux populations matriarcales indigènes un système hiérarchique guerrier.

    Articles connexes :

    Le Langage de la déesse (1988)

    Les « Vénus » de la préhistoire, les figures féminines peintes sur les céramiques, les signes abstraits gravés sur des vases, tous ces vestiges représentaient, selon Marija Gimbutas, une grande déesse – symbole de la vie – dont le culte fut constant au cours de la préhistoire et du néolithique européens.

    L’histoire ancienne de l’Europe

    Une « déesse » hantait l’esprit des chasseurs de la préhistoire. Une déesse à la féminité marquée et dont la silhouette ou les traits caractéristiques – seins, fesses, pubis, grands yeux – se retrouvent partout en Europe, peints ou gravés sur les parois des cavernes, sculptés sur la pierre, l’os ou le bois. Des milliers d’années plus tard, elle subjuguait encore les paysans du néolithique. Partout en Europe, on la découvre peinte sur des céramiques ou gravée sur les objets quotidiens. Pendant près de 25 000 ans, les premiers Européens auraient ainsi voué un culte à cette déesse, symbole de nature et source de vie, qui fait naître les enfants et pousser les plantes. Puis, vers le Ve millénaire av. J.-C., des peuples indo-européens, farouches guerriers, éleveurs de chevaux, auraient pris le pouvoir sur les sociétés agraires et imposé leur langue, leur pouvoir, leurs mythes : des dieux masculins, autoritaires et violents, auraient alors refoulé dans un lointain passé les charmantes déesses préhistoriques. Voilà, à grands traits, l’histoire ancienne de l’Europe, telle que l’a reconstruite Marija Gimbutas à partir de ses nombreuses recherches archéologiques.

    Une Lituanienne à Harvard

    Née en 1921, M. Gimbutas a quitté son pays natal pour se réfugier, pendant la guerre, en Autriche, où elle débuta ses études d’archéologie et de linguistique, poursuivies en Allemagne où elle obtint son doctorat en 1946. Après la guerre, on la retrouve aux États-Unis, à l’université de Harvard, où elle est recrutée comme chercheuse, spécialiste de l’archéologie d’Europe de l’Est, domaine alors largement méconnu. C’est dans les années 1960 qu’elle se fait connaître pour sa fameuse théorie de la « culture des kourganes » qui va susciter un premier grand débat dans la communauté scientifique. Kourgane est le nom turc pour désigner les tumulus, ces sépultures monumentales collectives, apparues dans la région de la Volga, entre mer Noire et mer Caspienne, qui se sont répandues ensuite dans toute l’Europe. Les kourganes seraient, selon M. Gimbutas, les symboles les plus marquants du premier peuple indo-européen : un peuple d’éleveurs et de guerriers qui aurait envahi l’Europe et l’Inde du Nord. Par vagues successives, il aurait imposé partout sa langue et ses mythes. Avec cette théorie des kourganes, M. Gimbutas a donné une consistance archéologique à ce mythique peuple indo-européen qui, selon linguistes et mythologues, aurait constitué la souche culturelle commune de l’Europe et de l’Inde du Nord.

    En 1963, M. Gimbutas entre à l’UCLA. Dans les années suivantes débute une campagne de fouilles en Europe du Sud-Est (Yougoslavie, Grèce, Italie), fouilles qui vont se prolonger une quinzaine d’années et l’orienter vers une nouvelle direction de recherche. Parmi les vestiges sortis de terre, M. Gimbutas remarque que de nombreuses poteries ont des formes féminines. Certaines arborent des signes géométriques – formes en V, en M, zigzags. On retrouve d’ailleurs ces signes sur des céramiques en forme d’oiseau.

    Des symboles négligés par l’archéologie officielle

    Plus elle fouille, plus s’accumulent des traces, des traces trop fréquentes pour être négligées, ce que font pourtant la plupart de ses collègues : « L’ensemble des matériaux disponibles pour l’étude des symboles de la vieille Europe est aussi vaste que la négligence dont cette étude a fait l’objet ». Une nouvelle hypothèse émerge. Et si les figures féminines étaient des déesses ? Et les signes et figures géométriques qui les accompagnent des représentations symboliques de ces déesses (comme la croix remplace Jésus dans la symbolique chrétienne) ? Dans cette hypothèse, l’abondance des vestiges attesterait bien de la présence d’une forte présence féminine aux côtés des dieux masculins.

    La trinité féminine

    En 1974, M. Gimbutas publie un premier livre titré Déesses et dieux de la vieille Europe. Dans ce premier livre, elle soutient qu’un culte de trois déesses féminines était présent dans le Sud-Est de l’Europe. Par la suite, elle étendra son hypothèse à toute l’Europe et fusionnera les figures féminines en une seule et même déesse. Dans les années qui suivent, et jusqu’à sa mort en 1994, M. Gimbutas ne cessera de poursuivre cette piste. Le Langage de la déesse est en quelque sorte l’aboutissement et la synthèse de ses recherches sur la déesse de la préhistoire.

    Pour une archéomythologie

    Comment décrypter la mythologie d’une société sans écriture dont les vestiges se résument à des céramiques, des outils, des objets gravés de motifs géométriques ? En règle générale, les archéologues se gardent bien de se lancer dans des interprétations symboliques, leur tâche principale se bornant à dater et à classer les matériaux retrouvés pour reconstituer des emprunts, tracer les aires culturelles et leurs contacts possibles. M. Gimbutas, elle, a osé transgresser cet interdit. Elle s’est attachée à reconstituer l’univers mental des sociétés de la préhistoire grâce à une démarche nouvelle : l’« archéomythologie ».

    Les symboles de la déesse

    Voilà comment elle procède. Dans nombre de sociétés sans écriture, les artistes représentent les femmes non seulement par une silhouette féminine, mais parfois par une simple partie du corps : seins, fesses, yeux… Le triangle pubien est aussi souvent présent. La façon la plus simple, la plus géométrique et la plus universelle de le représenter consiste à tracer un V. Si le V est donc le symbole de la femme, M. Gimbutas pense que les nombreux motifs en chevron (deux V superposés) désignent aussi le sexe féminin. De même, comme on retrouve souvent associés la figure du V et des chevrons gravés sur des céramiques en forme d’oiseau, M. Gimbutas en déduit que la figure de l’oiseau est également un symbole féminin. En admettant cette convention (V, chevrons simples, doubles ou triples, figures d’oiseaux, seins…), il est alors apparu que le signe de la femme est omniprésent dans toute l’Europe du Sud-Est. Par glissements progressifs et juxtapositions de motifs, M. Gimbutas pense alors repérer toute une gamme de figures censées représenter la déesse. Elle peut apparaître sous la forme d’une déesse-oiseau et, par extension, d’un bec d’oiseau ou d’un œuf. L’eau est également associée à la divinité féminine. Elle peut être désignée par un filet qui coule (quelques traits verticaux) ou un M représentant l’onde. Par extension, tous les motifs en M sont supposés représenter l’eau, donc la déesse.

    Toute la symbolique de la déesse serait en lien avec le cycle de la vie, « le mystère de la naissance et de la mort, celui aussi du renouveau de la vie – pas seulement de la vie humaine, mais de toute forme de vie sur la Terre comme dans l’ensemble du cosmos ».

    La déesse est d’abord « celle qui donne la vie »

    La déesse est donc présente dans les rituels de naissance et de fertilité. Voilà pourquoi elle est associée à l’eau, source de toute vie, et par extension à l’oiseau d’eau, mais aussi à la grenouille et au poisson. La déesse est également liée au renouvellement des saisons et donc à la terre nourricière, à la mort et à la régénération. Au fond, toute la symbolique de la déesse renvoie aux « croyances de peuples agricoles concernant la stérilité et la fertilité. La fragilité de la vie, la menace constante de la destruction ainsi que le renouvellement périodique des processus générateurs de la nature sont parmi les plus tenaces ».

    De nouvelles clés d’interprétations

    Si la démarche archéomythologique prônée par M. Gimbutas est pertinente, l’avancée scientifique est de taille. Elle donne les clés pour interpréter des signes, gravures, motifs abstraits présents dans toute la préhistoire, qui étaient jusque-là traités comme de purs motifs décoratifs ou d’énigmatiques signes que l’on s’interdisait de décrypter. Du coup, les céramiques ornées dévoilent une histoire cachée, et tous ces signes qu’on avait pris pour de simples fioritures se révèlent être un riche langage symbolique associé au culte de la déesse.

    Des risques de surinterprétation

    Evidemment cette entreprise de décryptage comporte bien des risques. Le premier est celui de la « surinterprétation » des signes. Mais comme le note justement Jean Guilaine en préface, « on portera au crédit de Marija Gimbutas d’avoir ouvert la voie à une archéologie symbolique. (…) Mais justement orienter une discipline foncièrement attachée à l’étude de données matérielles vers le champ de l’imaginaire impliquait déjà un certain courage intellectuel et une forme aiguë de non-conformisme ».

     

    Source : http://matricien.org/essais/marija-gimbutas/

     

     

     

     

     

  • La Serapeum de Saqqara et ses énigmes

    Sphinx from the alley leading to the Serapeum of Saqqara, 4th-3rd C.jpg

    Sphinx de l'allée menant à la Serapeum de Saqqara , 4e-3e C, sous Nectanebo 1er
    (aujourd'hui au Louvres...)
     
     
     
     
     

    Le Serapeum de Saqqarah, vaste nécropole souterraine dédiée au dieu taureau Apis, est un important site de l'ère pharaonique, situé à quelques dizaines de km au sud du Caire.

    Le Serapeum, dont les origines remontent à quelque 1.400 ans avant JC, sous la XVIIIème dynastie, fut découvert en 1851 par l'égyptologue français Auguste Mariette, fondateur du premier service des antiquités égyptiennes.

    Il se présente sous forme de vastes galeries souterraines dans lesquelles sont disposées les tombes de granit d'une trentaine de taureaux incarnant Apis, accompagnées de stèles dont les inscriptions fournissent d'innombrables renseignements sur les règnes sous lesquels ont vécu ces animaux sacrés.

    Le Serapeum de Saqqarah avait été fermé en 2001 en raison de la forte dégradation des lieux provoquée par des infiltrations d'eau et des mouvements de terrain. Il a ré-ouvert en 2012...

     

    Alors ?

     

     

     

     

     

  • Origine de la tauromachie et du Veau d’Or : le dieu taureau fertile agricole, compagnon de la déesse-mère néolithique

     

    La fin d’un règne

    La mise à mort du taureau est un thème récurrent dans la culture patriarcale : Depuis le combat de Gilgamesh (ou Héraclès, demi-dieu patriarcal) contre le Taureau Céleste lâché par la déesse-mère Ishtar, jusqu’au meurtre du toro sur le sable de l’arène vibrante de la clameur des aficionados, que signifie cet inlassable affrontement de l’homme contre le taureau ?

    Le meurtre du taureau divinisé semble être l’éradication du symbole de fertilité virile, soit la puissance génitrice mâle, mais sans reconnaissance de paternité, propre aux sociétés matriarcales. Gilgamesh et le Taureau d’Ishtar (Sumer), Baal & le veau d’or (Canaan), Ariane et le Minotaure (Crète), Jason & les taureaux d’Héphaïstos (Grèce), l’initiation par le sang du taureau de Mithra (Perse), la fête du bœuf gras (de la Grèce à la Gaule), la tauromachie (du pays de Galles à l’Espagne)…

    Le compagnon des déesses

    Si l’homme apparait auprès du taureau, c’est le plus souvent pour le tuer ; la femme l’a précédé depuis la nuit des temps, mais dans une sorte de connivence tranquille, sans rien qui évoque le meurtre ; sur les roches du Mont Bégo, les sceaux de l’ancienne Mésopotamie, les bas-reliefs égyptiens, les coupes helléniques, les fresques de Cnossos, à Catal Huyuk comme à Mohenjo-Daro, les bovidés accompagnent une femme : grande déesse, ancêtre, mère de la tribu. Elle semble entretenir un rapport bien plus ancien, et plus paisible, avec les bêtes. Apis, Hathor et la lune (Egypte), les amours de Pasiphaé avec le Taureau Blanc (Crète), la razzia des bœufs de Cooley (Irlande)…

    Un dieu totémique agricole

     

    Le culte le plus répandu dans le monde antique était peut-être celui du taureau, l’animal consacré à la Grande Déesse. Même si l’on remonte aux plus anciens temps et mythes, quand la déesse régnait en maîtresse absolue, on trouve le taureau sacré derrière elle. Les fouilles de Ninive, Babylone et Ur, de même que celles des villes plus petites de la vallée du Tigre et de l’Euphrate, montrent que le taureau accompagnait le culte de la grande déesse-poisson Tiamat, souvent représentée par une sirène, comme sur un sceau découvert à Ninive [André Parrot]. Apis est le nom grec d’un taureau sacré de la mythologie égyptienne vénéré dès l’époque préhistorique. Les premières traces de son culte sont représentées sur des gravures rupestres, il est ensuite mentionné dans les textes des pyramides de l’Ancien Empire et son culte perdura jusqu’à l’époque romaine. Apis est symbole de fertilité, de puissance sexuelle et de force physique.

    Quand Moïse extermine ceux qui préfèrent le Veau d’Or

    Épisode de l’Exode (Ex. 32) du peuple hébreu de l’Égypte vers la « terre promise ». Pendant l’ascension du mont Sinaï par Moïse, pour recevoir les tables de la Loi, les Hébreux, nouvellement libérés du joug du Pharaon, pressèrent Aaron de leur construire une idole d’or, en fondant les bracelets et colliers qu’ils avaient réussi à prendre avec eux. Il construisit un veau d’or qu’ils adorèrent à l’imitation du taureau Apis qui était adoré en Égypte. Lorsque Moïse descendit du mont Sinaï, et qu’il vit les Hébreux adorer une idole, ce qui est littéralement interdit par le Troisième Commandement, il fut pris d’une colère si grande qu’il fracassa les Tables de la Loi sur un rocher. Dieu ordonna à Moïse de tuer tous ces hérétiques, et Moïse transmit cet ordre à ceux qui, parmi son peuple, lui étaient restés fidèles :

    • Exode 22.20 "Celui qui offre des sacrifices à d’autres dieux qu’à l’Éternel seul sera voué à l’extermination"
    • Exode 32.26 "Moïse se plaça à la porte du camp, et dit : À moi ceux qui sont pour l’Éternel ! Et tous les enfants de Lévi s’assemblèrent auprès de lui."
    • Exode 32.27 "Il leur dit : Ainsi parle l’Éternel, le Dieu d’Israël : Que chacun de vous mette son épée au côté ; traversez et parcourez le camp d’une porte à l’autre, et que chacun tue son frère, son parent."
    • Exode 32.28 "Les enfants de Lévi firent ce qu’ordonnait Moïse ; et environ trois mille hommes parmi le peuple périrent en cette journée."
    • Exode 32.29 "Moïse dit : Consacrez-vous aujourd’hui à l’Éternel, même en sacrifiant votre fils et votre frère, afin qu’il vous accorde aujourd’hui une bénédiction."

     

    Le minotaure : une diabolisation du matriarcat

    Les minoens (Crète) vénéraient la déesse-mère de la fécondité, et le dieu-taureau fertile. La religion minoenne était tournée vers la nature et le culte de la végétation. Cela se remarque particulièrement au travers de dieux et de déesses qui meurent et renaissent chaque année, et par l’utilisation de symboles tels que le taureau (ou les cornes de taureau), le serpent, les colombes, le lion, le pavot… Dans les sociétés matriarcales, telle que fut probablement la civilisation crétoise minoenne, le mariage, la paternité, le couple et la fidélité n’existent pas. C’est probablement ce qui a permis aux grecs (patriarcaux) de les caricaturer à travers la légende du minotaure. Puisque les enfants ne connaissent pas leur père, et que celui-ci est symbolisé par un taureau, c’est que les femmes doivent s’accoupler avec des taureaux. Il serait donc logique qu’elles donnent naissance à des monstres mi-homme mi-bête.

    Adultère zoophile d’une déesse-mère matriarche

    Dans la mythologie grecque, Pasiphaé (en grec ancien Πασιφάη / Pasipháê, « celle qui brille pour tous », une épithète classique de la déesse Lune), est différemment présentée comme étant une immortelle ou une magicienne (ce qui la rattache à sa sœur, la magicienne Circé). De plus, un passage de Pausanias (III, 26, 1) montre qu’elle était associée à Séléné (déesse de la pleine lune), et vénérée dans le sanctuaire oraculaire de Thalamée (déesse de la divination) en Lacédémone, en Grèce continentale, près de la cité de Sparte, qui a conservé des usages et cultes matriarcaux pré-olympiens. Pasiphaé est surtout connue pour être la mère du Minotaure. Minos n’ayant pas tenu son engagement de sacrifier à Poséidon un magnifique taureau blanc qu’il lui avait envoyé en Crète, le dieu pour se venger rend Pasiphaé amoureuse de l’animal. Selon le pseudo-Apollodore (III, 1, 2) :

    Un dieu cornu universel

    Les Pélasges adoraient la grande déesse ainsi que le dieu taureau. Les Ligures adoraient aussi le dieu-taureau du mont Bego ou le dieu-cerf du val Camonica. On peut signaler qu’à l’époque protohittite il existait dans la civilisation du Hatti un culte du cerf. Il persistera d’ailleurs, en Cappadoce un culte similaire. Les Celtes donneront le nom de "Cernunnos" aux deux formes de ce dieu.

    Un dieu de la vie et de l’adultère

    Cernunnos est le dieu de la prospérité. Les bois symbolisent la puissance fécondante et les renouvellements cycliques, ils repoussent pendant la saison claire de l’année celtique. Une sculpture de Cernunnos trouvée à Meaux, montre le sommet de son crâne muni de deux protubérances latérales qui suggèrent la repousse prochaine de la ramure. Certains voient dans l’association deux saints bretons semi-légendaires, saint Edern et saint Théleau, tous deux traditionnellement représentés comme chevauchant un cerf, un héritage de la religion celte qui tenait la bête en grande vénération. Dans la légende galloise, Edern, qui chevauchait aussi un cerf, est le fils du dieu Nuz et l’un des premiers amants de la reine Guenièvre, l’infidèle épouse du roi Arthur.

    Un dieu de la résurrection d’origine indienne ?

    La chute annuelle des bois suivie de repousse passait aux yeux des anciens pour être symbole de mort et de résurrection. Le cerf, on le sait était associé au culte rendu du dieu Cernunnos. Sa posture « bouddhique » et sa présence sur un sceau de la civilisation de l’Indus (représentation d’un dieu à cornes, assis en tailleur, entouré d’animaux) pourrait faire penser à une origine indo-européenne. Dans la civilisation néolithique de l’Indus (Harappa & Mohenjo Daro, Ve millénaire av. J.-C.), le dieu taureau trône aussi aux côté de la Grande Déesse Universelle.

     

    La déesse-mère pré-aryenne de l’Inde

    A l’origine, la "Vache Céleste " figuration de la Déesse Mère Néolithique, fut la Déesse universelle, céleste, solaire, déesse de la végétation, de la naissance et de la mort, de l’eau et du feu, du ciel et de la terre. C’était l’époque du Matriarcat et Dieu était femme. Il a fallu l’avènement des civilisations patriarcales nomades pour combattre l’influence de son culte et imposer un dieu-père. En Inde, où l’on adore toujours le taureau, le culte du taureau faisait partie du culte de la déesse qui domina jusqu’à l’époque de Rama. 

     

    Le taureau blanc, monture de Shiva

    Dans la tradition shivaïste de l’hindouisme, Shiva est considéré comme le dieu suprême et a cinq grandes fonctions : il est le créateur, le préservateur, le destructeur, le dissimulateur et le révélateur (par la bénédiction). Dans la tradition Smarta, il est considéré comme l’une des cinq formes primordiales du Dieu. Nandi est le vâhana de Shiva, le taureau blanc qui lui sert de monture.

    Le shivaïsme, un culte phallique pré-aryen en Inde

    Shiva n’est pas une divinité d’origine aryenne. Il n’est pas dans les Véda, il est une résurgence du dieu phallus des premières civilisations de l’Inde. Dans l’Inde ancienne, le lingam était le symbole du phallus, représentant le principe créateur originel tel que l’incarne Shiva, le dieu du Vivant. Ce symbole phallique constitue un rappel des anciens cultes préhistoriques de la fécondité, et son image sculptée est, dans sa stylisation, très éloignée de la nature : le lingam ressemble en fait à un tronçon de colonne, et rappelle parfois le symbole méditerranéen de l’omphalos.

    Le Culte du Phallus

    Les sanctuaires de la déesse récemment mis à jour au Proche Orient révèlent des phallus de toute forme et de toute taille. Le fait que ceux-ci, et des symboles phalliques tels que les cornes de taureaux, soient le seul signe masculin découvert dans les anciens lieux saints, indique que les adorateurs originels du phallus étaient les femmes elles-mêmes.

    Ces symboles masculins étaient en rapport avec la Déesse, et c’était pour lui plaire qu’ils abondaient dans ses sanctuaires” [Jacquetta Hawkes]. Notons que dans la mythologie égyptienne, ce fut Isis elle-même, la divinité première, qui établit le culte du phallus.

    Shiva (hindouisme), culte phallique pré-aryen : des vestiges dans l’islam ? Les piliers de Jamarat

     

     

    Source : http://matricien.org/matriarcat-religion/paganisme/taureau/

     

     

     

  • Luigi Serafini - Codex Seraphinianus

    Ce graphiste italien (architecte de profession) a composé un livre atypique, étrange, coloré de de 400 pages environ qui se présente sous la forme d'un dictionnaire encyclopédique en neuf parties qui offre de très belles qualités graphiques puisqu'il a tout dessiné : les lettres, les graphiques, les schémas et croquis... Cependant, sa particularité réside dans le fait que personne ne pourra le lire, même la plus puissante machine de déchiffrage pour la raison qu'il a inventé une écriture totalement nouvelle par rapport à toutes celles que l'on a pu découvrir.

    Il existe ainsi un livre structuré et ordonné, dans lequel l'on pourrait assez facilement reconstituer les thèmes abordés, et pourtant il ne pourra jamais être lu, mais simplement regardé et admiré. Les graphismes et les graphies sont indissociables.

    Les thèmes évoqués sont : jardinage, anatomie, mathématique, géométrie, coiffures, cartes, machines à voler, transports, analyses chimiques, labyrinthe, Babel, costumes , nourritures...

    Enfin, ce graphiste italien (pour lequel Italo Calvino a écrit la préface du livre dans l'édition FMR) a introduit une bizarrerie : dans deux planches contiguës quelques mots de français à peine cohérents dans le contexte du livre. Ils sont les seuls du livre :

    (1) "fille orgiaque surgie et devinée, le premier jour sur la digue de Balbec" (Proust, A la recherche du temps perdu, chap. VI : Albertine ; merci à Axel K. www.page2007.com de cette précision).
    "encore" "statuaire ... souvenir...voici encore" "voici... yeux blessés" en vrac ensuite : "franchir, ailleur, c'est, you, passionné, use, bien, croire, je, croyance, par".

    Pourquoi ces quelques mots, et pourquoi en français ? La première phrase vient de Proust. Les autres vocables ne semblent pas repérables. Ils sont dans le chapitre "écriture" où l'on voit un homme assis dans un rocking-chair, des patins à roulettes aux pieds, et un bras droit se terminant au lieu d'une main par la partie basse d'un stylo plume. Il écrit sur un tableau à feuilles quadrillés des mots (1). A coté de la grande bouteille d'encre ouverte, des lettres, et des mots tombent. Sur la page suivante, l'homme est couché par terre, poignardé par un stylo plume ; tout est renversé.

     

     

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    " Le "Decodex" (ce qu'a écrit l'artiste sur son œuvre) ne sera pas de fournir des réponses sur ce que le Codex signifie réellement. Serafani semble douter que quiconque réussira à "casser" ce puzzle, précisément parce qu'il insiste sur le fait que cela ne signifie rien. "L'écriture du Codex est un écrit graphique, pas une langue, même si elle donne l'impression de l'être. On dirait qu'il veut dire quelque chose, mais il n'en est rien». Pour les fans du Codex, cependant, selon l'assurance même de l'auteur, bien que la langue n'ait pas de sens, ce n'est pas une raison suffisante pour les empêcher d'essayer d'extraire les secrets du Codex.

    Luigi Serafini
    Rome, 13 Juin 2013, h 10:54:00
    Traduction de l'italien de Yann Jubier

     

    Rome, un jour de septembre 1976

    J’avais vingt-sept ans et sur la feuille d’un album, je dessinais aux crayons de couleur des corps humains sur lesquels étaient greffées des prothèses en forme de pince, de roue de véloet de stylo à encre, comme si j’étais en cours de cyber-nu dans une Space-Académie des Beaux-Arts. J’ébauchais les images en suivant un vague fil taxonomique, et j’eus l’impression à un moment donné qu’il manquait quelque chose d’écrit pour compléter un dessin qui ressemblait de plus en plus à la page d’un atlas d’anatomie comparée. Mais quelle sorte de légendes pouvais-je y ajouter, et surtout en quelle langue? Le rapprochement d’un texte et d’une image, comme on le sait, crée automatiquement un semblant de sens, même si on ne comprend pas l’un ou l’autre. Vous rappelez-vous, quand vous étiez petits, que l’on feuilletait des livres illustrés et que, faisant semblant de savoir lire, on inventait à partir des images, devant les grands ? Et si, pensai-je, une écriture indéchiffrable et étrangère nous offrait la liberté de revivre ces fugaces sensations enfantines ? Partir à la recherche de ce nouvel alphabet me sembla alors la chose la plus importante à faire. Mieux : il me fallait en inventer un qui plaise à ma main.

    C’est ainsi que je commençais à griffonner des lignes qui s’emmêlaient et s’arrondissaient en gribouillis et arabesques. Et à partir de ces entrelacs d’encre, lentement, je mettais en forme une calligraphie, avec ses majuscules et ses minuscules, sa ponctuation et ses accents. C’était une écriture qui contenait le rêve de beaucoup d’autres écritures.

    Je continuais à dessiner et, sans m’en rendre compte, je réalisai les premières planches du Codex en découvrant dans ma nouvelle façon d’écrire un automatisme heureux qui aurait plu aux Surréalistes.

    Giorgio, un camarade d’université, passa un après-midi avec une idée pour passer la soirée. La tête ailleurs, je lui répondis que je ne pouvais pas venir avec lui, parce que je travaillais à une encyclopédie. Et ce fut l’illumination.

    Jour après jour, je me glissais dans ce personnage de copiste enfermé dans le scriptorium de quelque monastère, avec sur sa table des tomes d’Aristote et de Platon à copier. C’était un état fébrile, qui allait durer près de trois ans. Pour survivre, je collaborais épisodiquement avec différents architectes et c’est ainsi que la précision du dessin technique et le noir profond de l’encre de Chine envahirent les planches du Codex.

    Mon scriptorium était au dernier étage du n°30 de la rue Sant’Andrea delle Fratte, non loin de la Piazza di Spagna, dans un immeuble délabré dont les marches en pépérite étaient usées par les siècles. Il y avait même, à deux pas de là, un cloître adossé à l’église Sant’Andrea delle Fratte, avec des cyprès et des orangers. Au centre, un bassin plein de gras poissons rouges, presque immobiles, et une sorte de rocher recouvert de mousse et de cheveux-de-Vénus, d’où s’écoulaient des gouttes d’eau. Au croisement de la Via della Mercede et de la Via di Propaganda Fide se trouvait la maison du Bernin et, près du portail de l’entrée, son élégant buste de marbre devait supporter la présence de deux chefs-d’oeuvre de son éternel rival Borromini, quelques mètres plus loin.

    Cela semble incroyable aujourd’hui, mais c’étaient les dernières années où la Rome du Trident ressemblait encore à celle qu’avait connue les romantiques du Grand Tour (en français dans le texte), à tel point que les maisons de Keats et de Goethe semblaient attendre patiemment leur retour. Le matin, les cascherini (livreurs de pain, ndt) livraient des paniers de pain frais en zigzaguant sur leurs bicyclettes, dans les bistrots, on ne buvait que du Frascati tandis que le Salon de Thé Babington représentait la seule note exotique derrière ses cinq palmiers géants. Ce que l’on nomme modernité ne pénétrait qu’à grand-peine dans les ruelles et dans les cours où d’entières colonies de chats se nourrissaient des restes qu’une main lançait de loin en loin depuis les fenêtres. De Chirico peignait ses derniers soleils couchants dont les rayons venaient glisser sur le parquet en arêtes de poisson de son atelier de la Piazza di Spagna, et Fellini rentrait chez lui le soir Via Margutta après une journée de labeur à Cinecittà, les mains dans les poches. Mais l’Arcadie elle-même voyait tomber la nuit. Un an plus tôt, Pasolini avait été assassiné et le ciel serein du Capitole s’était depuis longtemps couvert de nuages de plomb, porteurs d’imminentes tragédies.

    Mon scriptorium disposait même d’une petite terrasse, près des citernes d’eau en eternit, depuis laquelle on apercevait au loin les pins parasols de la Villa Medici. A la tombée du jour, on voyait atterrir les pigeons sur le parapet lézardé, attirés par la promesse des banquets à base de miettes que je leur offrais en abondance. En échange, je recevais les nouvelles du jour par le biais de leurs glouglou et de leurs battements d’ailes que ma grand-mère, originaire d’Ombrie et grande connaisseuse de leur langage, m’avait appris à déchiffrer. Pour ce qui est de la nourriture, je vivais de pizzas Margherita et Capricciosa et d’oeufs durs que je mangeais dans une pizzeria de la Via del Leoncino.

    Une nuit, en rentrant chez moi après dîner, je vis une chatte blanche qui battait le pavé en miaulant au coin de la via Condotti et de la via Belsiana. Elle semblait abandonnée ; je décidai alors de la ramener avec moi et nous habitâmes ensemble jusqu’à la conclusion du Codex.

    Je passais le plus clair du temps à dessiner les futures pages du livre, assis à ma table à tréteaux, face à deux fenêtres. La chatte en profitait alors pour me grimper sur les épaules et s’y blottir en ronronnant. Puis elle s’endormait, laissant pendre sa queue sur ma poitrine une fois côté droit, une autre côté gauche, et qui remuait de temps en temps au rythme de ses rêves.

    Des années plus tard, j’ai eu l’occasion de lire Rouslan et Ludmila de Pouchkine. Dans le prologue, il était question d’un chat savant qui déambulait sur une chaîne d’or entortillée autour d’un chêne : s’il allait à gauche, il racontait des histoires et s’il allait à droite, il murmurait des chansons. J’ai trouvé dans ces vers des analogies étonnantes avec ma chatte et je me suis demandé si, par hasard, elle ne m’avait pas transmis à sa façon des chansons et des histoires quand elle restait des heures immobile sur mes épaules, en contact avec mon hypophyse. C’étaient évidemment des chansons et des histoires que par la suite, je prenais pour les fruits de mon imagination… Je ne trouve pas d’autres explications à la production d’autant de dessins en aussi peu de temps, même si je conçois que tout ceci puisse paraitre bizarre.

    Pour conclure, sur la base des considérations ci-dessus et d’autres sur lesquelles je ne m’étendrai pas pour des raisons personnelles, je dois admettre ici que c’est la chatte blanche la véritable auteur du Codex et pas moi, qui depuis toujours me suis fait passer pour tel, alors que je n’en étais que le simple exécuteur manuel.

    Puisque cette confession ne pouvait avoir lieu plus tôt pour des raisons d’International Copyright, je profite de l’occasion pour exprimer, avec la permission de l’Editeur, mes plus sincères remerciements à la Chatte,in memoriam. "

     

    Source des textes : http://www.ecriture-art.com/serafini-texte.html

  • Auteur inconnu

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    Parfois, il y a des courts circuits entre les émotions, les sentiments… ça peut mettre le feu ou plonger l’esprit dans le noir… Pas le noir de l’amertume ou de la tristesse, non, juste la coupure d’électricité, la panne… et je ne sais plus ce que j’éprouve. Je sais juste que marcher se fait en mettant un pas devant l’autre, un pas après l’autre avec un peu d’attention pour voir où on met les pieds, mais toujours un pas après l’autre.

     

    cg in Journal 2004

     

     

  • Spencer Tunick - Burning man Festival

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    Mon amour est sans concession, mon amour est barbare. Pas assez dilué. J’aime ou je déteste. J’aime et tout doit brûler. Je cherche le diamant de l’homme, un cœur pur, une âme fraîche comme un torrent, une peau douce comme l’aurore. Je cherche un homme fort comme une femme et doux comme un chat.

     

    cg in Journal 2008