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  • Ossip Mandelstam

     

    À mes lèvres je porte ces verdures,  

    Ce gluant jugement de feuilles,  

    Cette terre parjure, mère  

    Des perce-neige, des érables, des chênes.

    Vois comme je deviens aveugle et fort  

    De me soumettre aux modestes racines,  

    Et n'est-ce pas trop de splendeur  

    Aux yeux que ce parc fulminant ?

    Les crapauds, telles des billes de mercure,  

    Forment un globe de leurs voix nouées,  

    Les rameaux se changent en branches  

    Et la buée en chimère de lait.

     

    30 avril 1937

    (traduit par Philippe Jaccottet)

     

     

  • André Laude

     

    Combien de taureaux dans les ruelles de l’errance où je cherche Marie-Juana au visage d’enfance abîmé par les matelots de Sydney, Vancouver et Brest-Recouvrance. Combien de taureaux fous derrière mon front de rêveur. Combien de vers dans la sombre tombe où repose mon ami. Combien de clous enfoncés dans ce cercle rouge mon coeur. Combien de prophètes et de sourciers au bout des déserts. Je cherche Marie-Juana une femme sans âge, elle est sorcière du monde des légendes des pays verts. Elle est l’hostie sur mes lèvres et la lampe à huile au fond de mes yeux. Combien de taureaux aveugles et combien de feux et combien de morts dans des guerres pour d’obscures îles.

     

     

  • Sam Shepard

     

     Le missionnaire européen était assis accroupi avec les Indiens Hurons en grand cercle autour d’un feu de camp. C’était une position à laquelle il n’était pas habitué, et il avait le sentiment qu’elle ne l’aiderait pas à convaincre les Indiens de partager son point de vue. Néanmoins il leur a exposé courageusement l’idée selon laquelle il n’était pas un mais deux. En l’entendant les guerriers ont éclaté de rire et ont commencé à jeter de gros bâtons et de la poussière dans le feu. Un étrange mélange de terreur et de ressentiment a alors envahi le cœur du missionnaire. Lorsque les rires ont cessé, il a poursuivi son exposé. Avec patience, il a expliqué aux sauvages que ce corps fait de chair et de sang qu’ils voyaient assis devant eux n’était qu’une coquille extérieure, et qu’en lui un corps invisible plus petit habitait, qui un jour s’envolerait pour vivre dans les cieux. Les Hurons ont gloussé de plus belle, en se faisant des signes de tête entendus tout en vidant les cendres de leurs pipes en pierre dans le feu crépitant. Le missionnaire avait le sentiment d’être profondément incompris, et était sur le point de se lever pour regagner sa tente, vexé, lorsqu’un vieil homme près de lui l’a arrêté en lui saisissant l’épaule. Il lui a expliqué que tous les guerriers et les chamans présents dans le cercle connaissaient l’existence de ces deux corps et qu’ils avaient également de petits êtres qui vivaient en eux, au cœur de leurs poitrines, et qui s’envolaient eux aussi au moment de la mort. Cette nouvelle a réjoui le missionnaire, et l’a convaincu que les Indiens étaient désormais sur le même chemin spirituel que lui. Avec un zèle renouvelé, il a demandé au vieil homme où, selon son peuple, ces petits êtres intérieurs s’en allaient. Les Hurons ont tous recommencé à rire, et le vieil homme a désigné du doigt la cime d’un énorme cèdre millénaire dont la silhouette se dressait dans la lueur du feu. Il a dit au missionnaire que ces « petits êtres » allaient au sommet de cet arbre puis descendaient dans son tronc et ses branches, où ils vivaient pour l’éternité, et que c’était pour cela qu’il ne pouvait pas l’abattre pour construire sa petite chapelle.  

     

    in Chroniques des jours enfuis  

     

     

     

  • Appel : soutenez Kumancaya, le village qui vole

    Mon ami Pierre Urban a réalisé ‘’Kumancaya, le village qui vole”, un documentaire tourné en Amazonie péruvienne dans la région qu’occupe le peuple Shipibo-Conibo. Vous pourrez découvrir ce film de 52’ ci-dessous  et donner une appréciation de 1 à 5  avant le 11 Mars ici : http://www.webprogram-festival.tv/les-programmes/les-programmes/kumancaya-le-village-qui-vole.html,9,245,0,0,1443

     Ceci permettra éventuellement à ce film d’être sélectionné pour son passage au festival.

    MERCI !!! Faites tourner.

    Ce film ainsi que les précédents fait partie des objectifs de son association http://shanefrance.org : sauvegarder et valoriser le patrimoine immatériel de ce peuple de la forêt. Ce film a déjà été projeté en 2015 aux : Festival du Film Chamanique, Festival de la Paix et La Maison d’Amérique Latine à Paris.
    James Arévalo, peintre shipibo et chaman est l’un un des principaux acteurs du film.