Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • Dérives des âmes et des continents de Shubhangi Swarup

     

    traduit de l’anglais (Inde) par Céline Schwaller

    swarup-1-article.jpg

    éd. Métailié, 12 mars 2020. 368 pages, 22 €.

     

    Au cœur des voix et des sensations se cache une prémonition de ce qui va se produire. Toute évolution est guidée par l’instinct primordial. Celui qui nous rend libres d’explorer les géographies incertaines du désir, pour finalement découvrir le bonheur de la mortalité. L’instinct nous conduit tous vers le lac primordial. Flottant telles de simples cellules isolées, attendant que la vie cesse.

     

    Tectoniques des plaques et tectoniques des existences, Dérives des âmes et des continents est un bien étrange et déroutant roman, avec un soupçon de conte et de magie et une grande érudition scientifique : les sciences de la Terre. Il prend racine dans les îles d’Andaman encore habitées de quelques ethnies autochtones et où les Britanniques avaient construit le plus grand et sinistre bagne politique du monde au XIXsiècle. Des îles qui ont été frappées en 2004 par un tsunami des plus meurtriers suite à un des séismes les plus puissants jamais enregistrés. Un jeune couple de mariés s’installe sur une des îles — dans les années 50 on suppose dans une ancienne demeure coloniale pleine de fantômes. Lui, Girija Prasad, est scientifique, il a étudié à l’Université d’Oxford, c’était le premier étudiant indien du Commonwealth ; elle, Chanda Devi, médaillée d’or en mathématiques et en sanskrit, est un peu sorcière. Leur histoire qui forme la première partie du roman est tellement belle, même si elle est triste, que l’on éprouve une vraie nostalgie lorsque l’auteur nous déloge de ces îles et nous propulse dans le temps et l’espace. Il devient alors plus difficile de s’ancrer car tout bouge, comme sur cette ligne de faille qui va de l’Océan indien à l’Himalaya. Lointain passé géologique, évolution des espèces, mémoire, présent, futur, contexte politique, drames et violence, résilience, tout se mêle et se bouscule et le lecteur part lui aussi à la dérive. Des liens entre quelques-uns des personnages offrent quelques repères mais le temps fait des boucles. La nature avec ses hoquets, ses sursauts, ses bouleversements, reste peut-être le seul fil conducteur : le descendant du couple originel du roman que l’on rencontre à la fin est un géologue qui travaille sur la probabilité qu’un nouveau sommet himalayen surgisse à l’intérieur des frontières indiennes, bien plus haut que l’Everest.

    Mais avant cela nous rencontrons Mary, née Rose Mary en 1926 dans une colonie karen des îles Andaman. Elle entrera au service de Girija Prasad à la mort de son épouse, alors que leur fille est encore un bébé. Bien plus jeune, elle avait dû laisser son propre fils âgé de 8 mois, après avoir poignardé à mort, alors qu’elle était enceinte de 7 mois, son mari, un pêcheur birman devenu très violent après avoir sombré dans l’alcool. Les îles étaient passées de la domination japonaise, qui persécutaient les habitants d’origine birmane, à celle des dirigeants indiens qui y avaient amené « quelque chose qui prospérait depuis des siècles sur le continent et qui symbolisait la nouvelle république (…). La pauvreté. »

    Le fils de Mary, élevé par ses grands-parents paternels, s’auto-nommera Platon. Étudiant révolutionnaire, arrêté et torturé au début des années 70, par la junte birmane, il rencontrera sa mère pour la première fois à sa sortie de prison, il a alors une vingtaine d’années. Pour retrouver son fils et tenter de le faire libérer, elle est venue travailler à Rangoon, comme domestique pour une famille indienne, aidée en cela par Thapa, un trafiquant désabusé et ami de Platon. Platon qui retournera encore à la clandestinité et à la guérilla dans la jungle himalayenne à la frontière indo-birmane pendant douze ans avant d’être à nouveau arrêté. Sa mère recommencera alors à se battre pour sa libération.

    Thapa, lui, est népalais et il a perdu toute sa famille dans un glissement de terrain qui emporta une nuit tout son village avec entre autres sa femme et son fils de deux ans, alors que lui était parti vendre la production de leur ferme à la ville la plus proche, c’est-à-dire à trois jours de marche. En suivant Thapa, on se retrouvera dans le quartier de Thamel à Katmandou : « Gravats, échafaudages, fossés à moitié creusés et bâtiments à demi-construits, tous tassés dans les coins et recoins de cette ville marécageuse. »  Sa jeune voisine toujours affamée est stripteaseuse dans un bar à touristes. Thamel, avec sa foule « de randonneurs, rabatteurs, mendiants, parieurs, accros au crack, prostituées trop jeunes et clients trop vieux. »

    Dérive des âmes et des continents, parle de la vie et de la mort et même de l’entre-deux, chaque individu étant l’épicentre du séisme de sa propre existence. Les vies passent, la planète, elle, poursuit la sienne à l’échelle de son propre temps qui n’est pas celui des hommes. Ceux-ci sont comme des poussières balayées par le vent, emportées par les rivières et c’est dans une langue de toute beauté que Shubhangi Swarup nous égare et nous disperse dans ce premier et impressionnant roman, déboussolant et foisonnant.

     

    Cathy Garcia Canalès

     

     

    shuhangi-swarup-c-nikhil-hemrajani-.jpgShubhangi Swarup est née en 1982 à Nashik, dans l'État du Marahashtra. Journaliste, réalisatrice, pédagogue, elle vit aujourd'hui à Bombay. Dérive des âmes et des continents est son premier roman. Elle a obtenu la bourse d'écriture créative Charles Pick à l'Université d'East Anglia (Norwich).

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Tristan Tzara

     

    les cloches sonnent sans raison et nous aussi

    nous marchons pour échapper au fourmillement des routes

    avec un flacon de paysage une maladie une seule

    une seule maladie que nous cultivons la mort

    je sais que j’en porte la mélodie en moi et n‘en ai pas peur

     

     

     

     

  • Kinatay de Brillante Mendoza (2009)

    Toujours dans la série film réaliste ultra noir, filmé de façon clinique sans en rajouter ce qui ne fait que rendre la violence plus violente encore, avec le talent de Brllante Mendoza, réalisateur philippin que j'apprécie beaucoup : ceci dit Kinatay c'est une claque qu'on n' a pas envie de se reprendre deux fois...

     

     

     

  • Ayka de Sergey Dvortsevoy (2019)

     

    Dans la série film réaliste noir noir noir, un super bon film sur la question des clandestins kirghizes entre autre à Moscou, présenté à Cannes, en 2018, il a valu à la comédienne kazakhe Samal Yeslyamova le Prix – ultra mérité – d’interprétation féminine.

     

     

     

     

  • James Wainwright

    James Wainwright 0.jpg

     

    Ces nuits où l’on rêve

    Que l’abcès est crevé

    Que l'amour est revenu

    Décrocher les pendus

     

    L’espoir galope et galope

    Enragé dans nos veines

    Charade enjôleuse

    Des nuits moites

     

    Le cœur bat trop fort

    Attiré au-dehors

    Et nos yeux dans le noir

    Abîment les miroirs

     

     

    in Claques & boxons, Nouveaux délits éd. 2013

     

     

  • Pauline Ohrel

    Pauline Ohrel Magic Wire Mesh Sculpture.jpg

     

    femme fantôme

    aux yeux de cendres

     fruit de brume

    à la bouche anémone

    tu souffles

    de douces spirales

    sur mes insomnies

    ton nom est gravé sur un os

    enfoui quelque part

    sous une colline

     

    marquise vaporeuse

    offre-moi

    la dernière valse

    un tour de passe-passe

    car sur mes lèvres la vie

    déjà se consume

     

    in Mon collier de sel, à tire d'ailes 2020