À découvrir sur le site de sa revue Nouveaux délits – qui vient de sortir en mars son n° 75 – sous la forme d’une citation :
« Parfois, j’ai des orgasmes de nature qui m’ouvrent le cœur en deux comme une graine mûre. Je suis l’arbre, la mésange, la grenouille, le nuage, la pluie, l’orage, je pourrais dévaster un bureau de pôle emploi, en faire une jungle pleine de feuilles, de cris et de fouillis odorant. Où est la case poète ? S’il n’y a plus de place pour les arbres, les plantes, les oiseaux, les animaux, il n’y en a pas non plus pour les enfants, les mystiques et les poètes, tout ça c’est la même chose, tout ça est connecté directement à la source, la source vitale, la source de toute chose. Pur ressenti, pure perception en résonance avec le monde des formes mais en totale inadéquation avec celui des normes et des apparences. Il n’y a pas de mystère, tout est mystère et la normalité est une affreuse invention, réduction, supercherie. » (quatrième de couverture)
Cette « mystique » génuine qui révèle au quotidien nos liens à « la source de toute chose » n’est pas la seule corde à l’arc de la poétesse dans ce nouveau recueil, qui rassemble, dirait-on, les pages d’un journal intime, non des événements extérieurs mais des infinitésimales aventures du dedans, celles de la psyché comme personnage mais aussi comme témoin et comme auteur-narrateur. Un auto-regard non complaisant mais bienveillant qui transforme, par cela même, le vécu en processus de transsubstantiation, comme si les souffrances, les dépressions, les tourments que nous traversons tous les jours seraient une sorte d’épreuves alchimiques… car : « Nous ne sommes pas que des êtres de lumière, nous sommes aussi de la même boue que les étoiles, les mêmes poussières toxiques. » (p. 40)
Sans orgueil, sans triomphalisme, sans s’envoyer des fleurs, l’âme tente de se survoler au-delà même de l’épuisement total dans lequel elle peut, si souvent, sombrer. Entre le sentiment du « ça fuit de partout, plus de jus », et le « détachement total de tout ce qui peut arriver », survient la suspension libératrice d’un instant hors du temps où le vide se fait grâce : « je me vide peu à peu de ma substance et je sens monter lentement d’une profondeur en moi inconnue, une grande mer de silence, une mer de glace, pure, vide, je lâche tout » (p.41).
La continuité est révélatrice avec un précédent recueil de Cathy Garcia Canalès, Le baume, le pire & la quintessence (à tire d’ailes, avril 2022), dédié à l’alchimie amoureuse – l’agonique polyphonie Lui / Elle – qui finit ainsi : « Les plus belles histoires d’amour sont celles qui vont jusqu’au bout de leur processus ne laissant derrière elles nulle scorie non transformée. L’Amour est un alchimiste dont nous sommes à la fois l’athanor et la materia prima. » Alors « ce qui demeure » de la relation d’amour est « incorruptible » : « Pour avoir été entièrement dissoute, sans pour autant disparaître, elle ne peut plus être détruite. »
C’est une écriture qui épouse en toute empathie l’intériorité du lecteur, ou de la lectrice. Rare et précieux, merci Cathy ! (voir aussi, dans ce même numéro, mon coup de cœur, Nos petites centrales, pp. 16-17 du recueil).
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