Raphael Macek

fragile-moi
évade-moi
sois mon cheval nu
réveille le chaos entre mes cuisses
cg in Tisonne, 2013
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fragile-moi
évade-moi
sois mon cheval nu
réveille le chaos entre mes cuisses
cg in Tisonne, 2013

Je ne pars pas en Asie les mains vides. Je pars avec des bagages de lumière. A moi de savoir les utiliser. La nervosité me guette mais je connais les moyens de l’apaiser. C’est l’esprit qui créé cet état alors c’est l’esprit qu’il faut calmer. Pour cela le corps est un instrument exceptionnel. L’esprit est le cheval, le souffle est le cavalier. Seul le cavalier peut maîtriser le cheval.
cg in Journal 1999

Les mouches fermières ronronnent sur la peau de lait. Déguisé en mendiant, un bleuet part en fumée. Sur les toits, une pie s’effarouche et dans les herbes hautes, les cailles s’endorment en rêvant à des nids sur la lune. Une guêpe allumée dessine des jarretelles sur les pattes d’une musaraigne. Les laitues sont aux champs, les biches aux abois. Les murmures pourrissent sur des chemins d’épines.
Aux portes de la ville, valse de muses infécondes. Cantiques de murailles à faire froid dans le dos. La langue râpeuse de l’étranger, sa langue hachée, servie juste trop cuite à ceux qui pensaient pouvoir l’avaler. Des gorgones, des maux de têtes apparaissent les soirs de grand vent. Ces soirs où les passants passent comme des mortes-feuilles, où les enfants s’accrochent aux lampadaires qui urinent sans façon sur des chiens vêtus de noir.
Dans les jardins publics, qu’il vente ou qu’il pleuve, les mantes non religieuses sucent des fourmis à miel. Cela offusque et excite les vieilles coquettes, chapeau, gants, eau de violette. Diamants concassés dans leurs regards éteints.
Oui, juste un peu de poussière.
cg 2000
in Trans(e)fusées
En ligne sur http://jlmi22.hautetfort.com/
On s’entasse ici une identité, comme on amasse de la sécurité. Des murs, des enceintes, des cocons d’objets. Je suis comme une éternelle étrangère, cherchant désespérément ses semblables et cette solitude là est abyssale, mais à quoi cela sert-il de ressasser. La poésie est le langage de l’étranger.
cg in Journal 2006

La laideur nous fait subir un interrogatoire. Hantise de nos forêts ténébreuses, de nos landes glauques. Nous devons réintégrer nos monstres, qu’ils cessent d’errer seuls, désespérément cruels. Laisser s’exprimer le réprimé, le refoulé, l’exilé. Nos migrations intimes, nos frontières, nos gardes chiourme, gardes chiottes. Toute cette merde en nous, ordure ou fumier ?
cg in Vous avez dit satyre ?
in Qué wonderful monde (Nouveaux Délits 2012)

MON LOUP D’AMAZONIE
A Punch
Il y avait un ruisseau au fond du potager, l’Amazone, et au-delà c’était la forêt, la grande, la vraie. Et puis toi et moi, à la belle aventure. Toi, loup berger noir et fauve et moi intrépide héroïne chaussée de caoutchouc vert.
Le pont d’allumettes franchi, nous glissions dans le lit sauvage du ru, pour remonter son cours et pister ses secrets, humer l’acidulé des pommes humides, le frisson phosphorescent d’étoiles grenouilles sur l’argile moussue.
Nous apprenions la langue de l’eau, entre le chuchotis des rives vierges, les périlleux méandres et l’obscur ensorcellement des racines.
Nous galopions, bondissions entre ronces et lianes, nous enfoncions au plus profond de la mer végétale pour connaître soudain la joie ivre et farouche de se savoir enfin perdus. Quand Réel et Imaginaire tissaient le Temps du Jeu alors TOUT devenait possible !
Je m’abandonnais heureuse à cette magie du monde qui m’a tout enseigné. Et toi beau loup fidèle sans faute toujours, à la civilisation tu me ramenais.
Civilisation dont l’entrée se situait à hauteur exacte de la première rangée de carottes du potager.
cg 2005

Je ne veux plus me perdre dans le marais des illusions. J’ai encore besoin d’apprendre à distinguer le vrai, l’humain, le naturel de l’artifice et de la poudre jetée aux yeux par les apparences. A vrai dire, je passe plus de temps à préparer ma mort – et ça sans aucune morbidité de ma part – plutôt qu’à envisager ma vie.
Après tout, je n’ai que 22 ans et j’ai déjà pas mal avancé, si ce n’est socialement – quel intérêt ? – au moins intellectuellement et spirituellement. Je finis toujours par me dire que la vie est fascinante, parce que c’est un mystère et que le moindre détail est une richesse : le pigeon qui roucoule, le chat qui somnole, la pendule qui marque les secondes et les battements de mon cœur. On pourrait passer sa vie à ne faire que vivre si seulement on ne subissait pas la pression de cette société qui veut que tout humain soit un produit rentable.
Le silence parfois est magnifique. Vivre par amour ce n’est pas perdre sa vie.
cg in Journal 1992

Mais qu’est-ce que tu racontes ? Allo ? ? ? Le tournis, la confusion, que sèment le moindre échange de paroles entre toi et moi. Mais qu’est-ce que tu dis ? Je ne comprends pas ! Tu n’as pas dit ce que j’entends et tu n’entends pas ce que je dis. Pire, tu entends des choses que non seulement je n’ai pas dites, mais que je n’ai même pas pensées et tu dis quelque chose, puis tu dis que tu n’a pas dit ça. Allo ? Je deviens folle avec toi. Seule avec ma poésie, mes élans, mes désirs, mes passions et mes abîmes, seule et l’âme toujours et encore assoiffée.
cg in A la loupe, tout est rituel

QUI ES-TU TOI ?
Qui es-tu toi
portée de vagues
qui me creusent ?
Qui es-tu toi
entrée sans frapper
à la porte du monde ?
Qui es-tu toi
pour me donner
autant de joie ?
Qui es-tu toi
cherchant mon sein
pour l’engloutir
et mon cœur avec ?
Qui es-tu toi
qui pleures, qui cries
à qui veut entendre
je vis, je vis ?
Qui es-tu toi
perchée au bord
de mes sourires ?
Une fée ? Une angelette
égarée dans mes plis ?
Qui es-tu toi
que j’ose appeler
ma fille ?
Qui es-tu toi
qui a donné sens
essentiel
à ma vie ?
Chut !
Ne dis-rien
garde ton secret
Laisse-moi simplement
t’aimer.
cg 2003

Laver ses sens et se faire confiance. Le quotidien nouveau est là. Aussi limpide, aussi simple et évident qu’une fleur de véronique, une évidente beauté. La vie ne peut pas être qu’une longue et interminable suite de conflits et de problèmes. Il faut un temps pour le rire et pour la fête, pour respirer à pleins poumons, chanter, aimer, délivrer le corps. Je veux du bonheur maintenant, du bonheur tout simple, bon comme du pain frais.
cg in A la loupe, tout est rituel, 2013

Papillon de jour attiré par la nuit ou papillon de nuit attiré par le jour ?
cg in Journal 2006

L’homme sans racine s’enfauve, s’enrapace. Sans racine, l’homme s’en meurt, s’enfuit et ne revient plus au lieu mythique où il a laissé son cœur. Un cœur nouveau né abandonné qui sait à peine battre mais qui pourtant cogne, résonne comme un tambour.
cg in Chroniques du hamac, 2008

Loin devant marche le primitif éclaireur. Visionnaire, il conserve quelques braises sous ses paupières. Il ne les rendra aux hommes que lorsqu’ils cesseront de souffler sur les cendres.
La connaissance est périlleuse.
cg in Les mots allumettes (Cardère 2011)

LÀ-BAS
Le cri du coq jaillit du bord de l'aube
Il y aura des œufs à ramasser
Une gamine dans la cour tire sur sa robe
Et s’en court au pré pas encore fauché
Des nuées d'oiseaux sur son passage
Croassent de sombres avertissements
Là-bas au loin la grande faucheuse
Cogne aux tambours de l’enfer
Mais l’enfant ignore le présage
Elle court et saute les barrières
L'air est suave, pur, ni fumées, ni poudre
La folle fillette papillonne en chantant
Une comptine à conjurer la foudre
Sur ses lèvres rose sang
Elle a les joues rouges et les yeux qui brillent
Quand elle atteint le ruisseau
A son front des gouttes perlent et scintillent
Elle sourit, elle est joyeuse, il fait chaud
A genoux sur le sable au bord de l'eau
Elle ferme les yeux et offre un beau visage
L’oreille aux bruissements des roseaux
Aux fleurs, au soleil nouveau-né
Avec toute la ferveur de son âge
Au vent qui chuchote leurs secrets
Promet d’être sage comme une image
Et envoie au ciel un vœu de paix
Le monde soudain déboule en rafales
L’enfant sans un cri bascule en arrière
Tombe comme tombent aussi les pétales
Des petites fleurs changées en suaire
Pas de place pour l’enfance à la saison des guerres
Et pas de tombeau pour les fillettes inconnues
Seuls des fleuves de haine qui s’en retournent à la terre
Et des fleurs qui saignent sous les balles perdues
Le cri du coq jaillit du bord de l'aube
Il y aura des corps à ramasser.
cg, texte original de 1994, paru dan Pandémonium 1 (ed. Clapàs 2001)
version remaniée pour Guerre et autres gâchis (Ed. Nouveaux Délits 2014)
La monstera deliciosa, plante d’intérieur qui me suit depuis tant d’années pour consoler mes nostalgies brésiliennes, renaît de ses tiges rasées… On l’appelle aussi l’ananas du pauvre.
cg in Jardin du causse, 2004
Ed. de l'Atlantique 2011)