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FUSIONS POÉTIQUES - Page 15

  • Andreea Dumuta

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    Me présenter sans masque  face au miroir, sans me laisser ni absorber, ni m'en détourner. Cette fois je ne veux pas m’échapper. Échapper à moi-même. Il me semble que je suis face à un miroir moins déformant, très limpide, très beau, très pur mais je sais que rien n’est seulement beau et pur. Il y a aussi la face cachée des miroirs, la crasse. Ce qui demande à être nettoyé justement. Toujours polir le miroir, toujours l’aimer pour sa franchise et ne jamais oublier que chaque affirmation a ses limites, à partir desquelles tout est possible : le meilleur comme le pire. Deux faces. Janus. La porte.

     

    in Journal 2006

     

     

  • Agnès Cécile

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    Turbulences mentales. Le poids des questions.

     

    Aux quatre faire où aller, sinon en l’air ?

     

    Confusion. Grand toboggan. Oppressant, n’est-il pas ?

     

    Savoir que nous ne sommes pas seuls permet d’être seul, car grande est la tentation du terrier. Seul on se torture et on aime ça.

     

    J’ai beaucoup d’envies mais n’ai plus l’envie de l’envie.

     

    in Le poulpe et la pulpe

     

     

     

  • Cate Edwards

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    BIZARRE
    Les chats de nos jours n’aiment plus le soleil.
     
    REBIZARRE
    Mais si jamais ils se mettent au soleil,
    c’est allongé de tout leur long sur le dos,
    les quatre pattes en l’air, style la plage…
     
     
    in Purgatoire du quotidien
     
     
     
     
     
     
  • Vija Celmins - Sea Drawing with Whale, graphite on paper, ca. 1969

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    Emmène-moi voir les aurores boréales, écouter le chant pur des étoiles et des baleines. Emmène-moi là où tu m’aimeras si fort et si vrai que je pourrais tracer du bout des doigts le contour de nos souffles sur le tableau noir de la nuit originelle. Nous baignerons nos âmes dans une vapeur de résine et les mettront à sécher au soleil de minuit. Puis dans une chambre de glace bleue translucide, nos corps se métamorphoseront en bêtes chaudes et suantes enlacées dans une même flamme.

     

    in Partie pour rester

     

     

  • Victorien Neiro

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    Il faut tenir bon, s’accrocher à la barre, museler le mental, l’attacher au mât… Il faut tenir bon, océan, désert, jungle étouffante, être les héros de nos tragi-comédies, les aventuriers du néant quotidien, les chevaliers du rêve, les ninjas de nos emmerdes banales et ridicules, naufragés de la méduse en plastique, recalés de la Grande Parade. Il nous faut tenir et surtout, rester bons.

     

    in Le livre des sensations

     

     

     

  • Celia Anahin

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    Chaque jour, comme si cela voulait m’abattre ou me forcer à développer une nouvelle façon de percevoir tout ce que je vis qui ne me fasse plus souffrir. Un détachement si total de tout ce qui peut arriver – et il en arrive sans cesse, ça frappe et frappe encore là où c’est déjà trop sensible - que je ne vois pas ce que je pourrais être sinon un minéral. Froid, détaché, imperturbable ou alors m’abandonner à une dissolution telle que plus rien n’aurait de sens. C’est la douleur, cette foutue douleur qui fausse mes perceptions, obstrue mon accès à cette joie inconditionnelle que j’ai su trouver parfois, la douleur que je refoule, mais sinon je vais disparaître oui, en larmes et retourner à la mer ! Neptune inonde ma vie, mes rêves, emporte tout espoir d’atteindre un jour une rive, ça fuit de plus en plus, je suis trouée de toute part, je m’enfonce chaque jour imperceptiblement un peu plus.

     

    in Le livre de sensation

     

     

  • Evgenia Arbugaeva - Arctic Stories

     

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    Tremblante à l’intérieur, d’un épuisement du sens, d’un effritement de la volonté, j’ai froid et me laisse glisser tout doucement vers des abimes inexplorés. Quelque chose se détache, comme des pans entiers de banquise, je perds pied, je perds mains, je perds yeux, je perds tout. J’abandonne mes pelures, mes pelages, mes pêle-mêle, mes vanités, mes croyances, je me vide peu à peu de toute substance et je sens monter peu en peu d’une profondeur en moi inconnue, une grande mer de silence, une mer de glace, pure, vide, je lâche tout.

     

    in Le livre des sensations

     

     

     

     

  • Warren Keelan

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    Nous sommes de grands pliés, de grands replis, dans l’attente de la vague des doigts. Densité étrange de la peau, parchemin du rêve. Un jour, notre rêve aura la précision du laser. Nous taillerons la frange des anges.

     

    in Celle qui manque

     

     

     

     

  • Yvonne Späne - Big eyes

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    Je touche aux bas-fonds où rampent folies, insanités. Tunnels lugubres, lancinants. Je me creuse au-dedans pour accueillir la vie mais mes yeux ne surprennent que la mort. Mort des mouches, mort du souriceau, mort dans l’âme que je traîne d’un matin à l’autre.

     

    in Ourse (bi)polaire

     

     

  • Stephanie Law

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    Veuillez, je vous prie, me laisser procéder à ma défragmentation. Laissez-moi me rassembler, me ressembler, contempler, le temps qu’il faudra, la belle couleur orangée de cette tisane qui n’a rien coûté si ce n’est le gaz pour amener l’eau à ébullition. Il y a encore quelques sources buvables et gratuites. Il y a encore des fleurs sur des arbustes qu’on débroussaille aux tractopelles. Il y a cette incroyable faculté du monde végétal de continuer à germer, à jaillir, à grandir, à pousser sans qu’on ne le lui demande. Quelques boutons de pissenlit, quelques feuilles de mélisse et le corps jouit d’être compris, tandis que les oiseaux cherchent ce qu’il faut pour faire leurs nids.

     

    Les animaux, les arbres, les plantes partagent le même bateau-terre, le même espace et de quel droit le leur interdisons-nous ? De quel droit les détruisons-nous ?

     

     

    in Ourse (bi)polaire