Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

FUSIONS POÉTIQUES - Page 15

  • Victorien Neiro

    54_n.jpg

     

    Il faut tenir bon, s’accrocher à la barre, museler le mental, l’attacher au mât… Il faut tenir bon, océan, désert, jungle étouffante, être les héros de nos tragi-comédies, les aventuriers du néant quotidien, les chevaliers du rêve, les ninjas de nos emmerdes banales et ridicules, naufragés de la méduse en plastique, recalés de la Grande Parade. Il nous faut tenir et surtout, rester bons.

     

    in Le livre des sensations

     

     

     

  • Celia Anahin

    Celia Anahin 49_n.jpg

     

    Chaque jour, comme si cela voulait m’abattre ou me forcer à développer une nouvelle façon de percevoir tout ce que je vis qui ne me fasse plus souffrir. Un détachement si total de tout ce qui peut arriver – et il en arrive sans cesse, ça frappe et frappe encore là où c’est déjà trop sensible - que je ne vois pas ce que je pourrais être sinon un minéral. Froid, détaché, imperturbable ou alors m’abandonner à une dissolution telle que plus rien n’aurait de sens. C’est la douleur, cette foutue douleur qui fausse mes perceptions, obstrue mon accès à cette joie inconditionnelle que j’ai su trouver parfois, la douleur que je refoule, mais sinon je vais disparaître oui, en larmes et retourner à la mer ! Neptune inonde ma vie, mes rêves, emporte tout espoir d’atteindre un jour une rive, ça fuit de plus en plus, je suis trouée de toute part, je m’enfonce chaque jour imperceptiblement un peu plus.

     

    in Le livre de sensation

     

     

  • Evgenia Arbugaeva - Arctic Stories

     

    Evgenia Arbugaeva Arctic Stories 2078.jpg

    Tremblante à l’intérieur, d’un épuisement du sens, d’un effritement de la volonté, j’ai froid et me laisse glisser tout doucement vers des abimes inexplorés. Quelque chose se détache, comme des pans entiers de banquise, je perds pied, je perds mains, je perds yeux, je perds tout. J’abandonne mes pelures, mes pelages, mes pêle-mêle, mes vanités, mes croyances, je me vide peu à peu de toute substance et je sens monter peu en peu d’une profondeur en moi inconnue, une grande mer de silence, une mer de glace, pure, vide, je lâche tout.

     

    in Le livre des sensations

     

     

     

     

  • Warren Keelan

    warren keelan-01.jpg

     

    Nous sommes de grands pliés, de grands replis, dans l’attente de la vague des doigts. Densité étrange de la peau, parchemin du rêve. Un jour, notre rêve aura la précision du laser. Nous taillerons la frange des anges.

     

    in Celle qui manque

     

     

     

     

  • Yvonne Späne - Big eyes

    Yvonne Späne Big eyes.jpg

     

    Je touche aux bas-fonds où rampent fous et insanités. Tunnels lugubres, lancinants. Je me creuse au-dedans pour accueillir la vie mais mes yeux ne surprennent que la mort. Mort des mouches, mort du souriceau, mort dans l’âme que je traîne d’un matin à l’autre.

     

    in Ourse (bi)polaire

     

     

  • Stephanie Law

    Stephanie Law_n.jpg

     

    Veuillez, je vous prie, me laisser procéder à ma défragmentation. Laissez-moi me rassembler, me ressembler, contempler le temps qu’il faudra la belle couleur orangée de cette tisane qui n’a rien coûté si ce n’est le gaz pour amener l’eau à ébullition. Il y a encore quelques sources buvables et gratuites. Il y a encore des fleurs sur des arbustes qu’on débroussaille aux tractopelles. Il y a cette incroyable faculté du monde végétal de continuer à germer, à jaillir, à grandir, à pousser sans qu’on ne le lui demande. Quelques boutons de pissenlit, quelques feuilles de mélisse et le corps jouit d’être compris, tandis que les oiseaux cherchent ce qu’il faut pour faire leurs nids.

     

    Les animaux partagent le même bateau-terre, le même espace et de quel droit le leur interdisons-nous ? De quel droit les détruisons-nous ?

     

    in Ourse (bi)polaire

     

     

     

  • Tessa Horrock - Pebbles

    Tessa Horrocks  (2).jpg

     

    Le crayon est mon antenne, la peau est mon antenne, mes poumons avalent le vent, le cœur fait tambour avec le tonnerre. La bête est rusée, elle tourne, ne s’approche pas directement, elle a pissé à peine et tout reste sur sa soif. Un avion, ridicule moucheron, vient la narguer, son moteur résonne comme un chant de cathédrale, ça énerve la bête qui souffle des naseaux, gronde. Pour l’accueillir comme il se doit, avec respect, je lui offre de mon vin de gaillet et nous buvons ensemble, elle tourne plus vite, rugit sourdement mais je sais qu’elle tiendra sa grêle loin de mes plantes. Nous avons un pacte. Je laisse sa respiration s’unir à la mienne, l’air est un élément avec qui je partage de grandes affinités. La bête me répond avec force et douceur à la fois, le vin de gaillet répand sa saveur légèrement amère dans ma gorge. La bête est tout près, elle bouscule les objets, courbe les arbres, elle ne va pas tarder à mordre, mais elle est lumineuse et la voilà qui pisse sa joie sans retenue. Les gouttières recueillent : eau d’orage, le plus euphorisant des parfums. La bête me couve maintenant, tout s’est assombri, ma peau frissonne et je sens à quel point elle retient sa force pour ne rien détruire. Je reste dehors, un peu à l’abri sur la terrasse, entourée des chevaux de vents qui diffusent leurs prières. Je tiens un galet poli dans ma main, gris sombre et dense, comme si je tenais l’orage lui-même. La lumière est incroyable, la bête m’a prise à l’intérieur d’elle-même et tout est calme.

     

    in Le livre des sensation

     

     

  • Zehra Doğan

    Zehra Doğan-1.jpg

     

    un bouquet pourrissant

    dans le crépuscule de paille

    l’obsession d’une prairie

    bourgeon de tourterelle

    feuille de pommier

    le mystère ruisselle

    dans un losange de lumière

    sur les veines de l’initiée

    nous goûterons ce miel sidéral

    la sueur des calices au goût de citron

    la saveur tendre d’une pluie défenestrée

    l’encre douce de l’âme

     

     

    cette flaque à boire à la frêle cuillère

    entre l’os et l’humus

    dans les maquis du silence

    avec la sève des nuages

    et la sublime audace

    de nos chapelles ardentes

    pour se convaincre que la salive

    et le feu de nos rêves

    peuvent conjurer la sombre

    et stridente rage

    des temps de mort

     

     

     

  • Andreea Dumuta

    andreea dumuta 2811aad.jpg

     

    il y a peut-être un sens à l'insensé, atroce compris, vu de l'autre côté de ce monde qui se croit matériel. Pour savoir il faut voir, pour croire il faut toucher, pensaient les uns, disaient les autres, alors nous voyons jusqu'où peuvent aller les ténèbres humaines, nous touchons le fond des blessures les plus purulentes, nous nous enfonçons dans la matière avec une arrogance et un désespoir sans fin. Un claquement de doigt, une nano-fraction de seconde à l’échelle du temps cosmique, avant de retrouver notre intégrité véritable, atomisée d'amour

     

    in Philosovie